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mardi 21 janvier 2025

Bertrand Blier (1939-2025)

 


 

Quand on aime l'américain David Lynch et le français Bertrand Blier et quand l'un meurt le 15 janvier 2024 et le second seulement six jours plus tard, on pourrait presque croire à une morbide machination visant à briser le moral d'un cinéphile ! Changeant rapidement de braquet après le pourtant très réussi Si j'étais un espion réalisé en 1967, le fils de l'un de nos plus illustres anciens interprètes du nom de Bernard Blier s'est fait le chantre hexagonal de la provocation. Scénariste chez les autres (Laisse aller... c'est une valse de Georges Lautner en 1971, Debout les crabes, la mer monte! de Jean-Jacques Grand-Jouan en 1983 ou encore Grosse fatigue de Michel Blanc en 1994), Bertrand Blier a toujours su se réserver la crème de ses écrits. Comme Les valseuses, adapté à l'écran deux ans après sa parution dans les librairies. Ou bien Beau-père en 1981 et Les côtelettes en 1997. Sans compter ceux qui n'eurent pas les honneurs d'une adaptation sur grand écran, comme Fragile des bronches, paru voilà deux ans. Si la carrière du réalisateur et ''fils de'' rencontra quelques malheureuses difficultés au cinéma (son dernier long-métrage Convoi exceptionnel datant de 2019 était objectivement très mauvais), Bertrand Blier aura asséné quelques uppercuts que le grand public à cependant l'habitude de réduire au seul Les Valseuses. Film pas tout à fait unique en son genre comme les prouveront certaines de ses œuvres à venir, ce fut surtout l'occasion de découvrir pour la première véritable fois un trio d'acteurs extraordinaires : Miou-Miou, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. Un souffre d'air frais, libertaire, dans un contexte social moribond fait en outre de délation. Liberté sexuelle et petite délinquance copulèrent et donnèrent ainsi naissance à l'un des grand mythes du cinéma français. Homme de théâtre, d'écriture et donc de cinéma, Bertrand Blier n'a jamais cessé de vouloir bousculer les convenances. Envisageait-il d'ailleurs ainsi consciemment cet aspect de son travail ? Toujours est-il que les féministes ruèrent dans les brancards à la sortie du jouissif Calmos en 1976. Modèle de misogynie et d'anti-féminisme assumé par le réalisateur et par ses interprètes.


À commencer par Jean-pierre Marielle et Jean Rochefort, bien entendu. Deux autres Grands Messieurs du cinéma français.Avec un Gérard Jugnot se fondant dans une peau en simili-collaborationnisme quand les femmes y décident de prendre les armes pour contre-attaquer. Mais qui donc à la place de Bertrand Blier aurait-il osé prendre soin de ses personnages en les abritant dans un vagin aux dimensions d'une grotte ? Bertrand Blier a ensuite déroulé toute une série de longs-métrages aussi indispensables que ces deux précédentes pépites. L'on songe bien entendu à Préparez vos mouchoirs dans lequel, cette fois-ci, Gérard Depardieu et Patrick Deweare rencontraient la délicieuse canadienne Carole Laure. Misogyne, Blier ? Rien n'est moins sûr. Surtout si l'on s'arrête un instant sur le regard qu'il posa sur ses héroïnes. De la frigide Marie des Valseuses à la triste incarnation de Carole Laure dans ce film sorti cette fois-ci en 1978. Sans oublier, plus tard, Isabelle Huppert/Viviane dans La femme de mon pote, Nathalie Baye qui interprèta un triple rôle dans Notre amour en 1984 ou plus loin encore lorsqu'en 1991 il offrait les deux principaux rôles à des femmes dans le sublime Merci la vie en les personnes de Charlotte Gainsbourg et... Anouk Grinberg qui à l'époque ne fut rien moins que sa compagne. Une partenaire dans la vie à laquelle il offrit encore juste après deux des principaux rôles dans Un, deux, trois soleil et Mon homme (qu'elle incarna aux côtés de Gérard Lanvin). Défiant le public en lui proposant une étonnante mise en abîme à la toute fin du siècle dernier avec Les acteurs, dans lequel une myriade d'interprètes se croisaient dans leur propre rôle. Depuis quelques temps, alors, les projets s'espacèrent. Avec plus ou moins de bonheur (Les côtelettes vaut davantage pour sa version théâtrale que son adaptation sur grand écran en 2003). Sept ans plus tard, plus cynique que jamais, il signa Le bruit des glaçons dans lequel Charles Faulque (Jean Dujardin) recevait la visite... de son cancer (Albert Dupontel).


Entre 2003 et 2010 sortait Combien tu m'aimes ?, sans doute le plus mal aimé de sa filmographie mais pourtant sans doute aussi, l'un de ses plus émouvants avec Trop belle pour toi en 1989 et dans lequel Bertrand Blier traitait avec une infinie subtilité la question de la beauté. En 1986 sortait Tenue de soirée, sans doute le film-somme d'une carrière passée et à l'époque, à venir. Tout Blier y est condensé dans une comédie noire d'une profondeur inouïe et dont l'écriture fut magistrale. Presque autant que celle de Buffet Froid qui reste sans doute le meilleur film du cinéaste français. Un immense chef-d’œuvre dont la chaleur est proportionnellement inverse à celle de ses plus beaux poèmes cinématographiques. Un film fait de béton, dans des grands ensembles et des lotissements qui enserrent leurs personnages. Un véritable monument, à l'écriture aussi incisive que puisse l'être l'interprétation générale et habité par son trio de tête, Gérard Depardieu, Bernard Blier et Jean Carmet. Chaque actrice et acteur y trouvant le terreau pour y donner le meilleur d'entre eux. C'est donc une nouvelle fois un génie du cinéma qui nous quitte en ce mois de janvier 2025. Un homme dont la reconnaissance aura dépassé les frontières de l'hexagone, jusqu'à inspirer en 2018 à John Turturro le long-métrage The Jesus Rolls, remake des Valseuses... Adieu Monsieur Blier. Je crois bien qu'en allant rejoindre votre père là-haut, vous pourrez désormais vous fendre ensemble la gueule en vous penchant sur ceux qui vous succéderont sur notre bonne vieille Terre...

 

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