Fiona Gordon et Dominique
Abel, c'est l'histoire d'une rencontre qui se situe au début des
années quatre-vingt à Paris. Une fois installés à Bruxelles, ils
y fondent la maison de production Courage mon amour
à travers laquelle ils produiront pièces de théâtre, courts et
longs-métrages. Dont L'étoile filante
se présente d'ailleurs comme leur dernier projet. Bon, pour celles
et ceux qui ne les connaissent ni d'Eve ni d'Adam, le premier de ces
deux réalisateur, scénaristes, producteurs et acteurs, Dominique
Abel, c'est ce type au regard rond, malingre, sorte de panégyriste
belge et vieillissant du cinéaste français Jacques Tati. La
seconde, Fiona Gordon, canadienne originaire d'Australie, c'est cette
grande girafe, cette sauterelle chétive, véritable pendant féminin
de son ami de quarante ans et des poussières. Leur art les éloignant
de la comédie pure et simple, leur dernier long-métrage, écrit,
réalisé, produit et joué par leurs soins est atypique. Entre OFNI
(Objet
Filmique
Non
Identifié)
et OFPI (Objet
Filmique
Parfois
Indigeste).
L'un comme l'autre créant un fossé infranchissable qui empêchera
de se rejoindre, deux catégories de spectateurs. Ceux qui se
laisseront amadouer par l'étrangeté de l'univers du duo et ceux qui
resteront hermétiques à leur approche du cinéma. Une vision de la
comédie, burlesque, nonsensique, absurde qui de loin ou de près
peut être jumelée à d'autres concepts. Tel l'excellent Ni
à vendre, ni à louer
que réalisa en 2011 Pascal Rabaté. Une œuvre qui contrairement à
L'étoile filante prendra
le judicieux parti d'inscrire ses personnages dans une foule de
situations plus ou moins cocasses et sans autre réel fil conducteur
que de s'y exprimer sous forme d'onomatopées ! Concernant la
comédie de Fiona Gordon et Dominique Abel, c'est bien là que le bât
blesse. En choisissant de nous conter une histoire, avec un début,
un milieu et une fin, les deux cinéastes manquent le coche. La faute
à une œuvre qui se préoccupe moins de l'écriture du scénario que
de l'attitude à faire adopter aux interprètes et donc, aux
personnages. Le dernier long-métrage du duo nous conte les
mésaventures de Boris, le barman de l’Étoile
filante
qui donne justement son nom au titre du film. Rattrapé par son passé
de terroriste dans les années quatre-vingt lorsque Georges (Bruno Romy), l'une de
ses victimes, débarque pour le tuer, sa compagne Kayoko et le
portier du bar, Tim, n'ont d'autre solution que de mettre Boris au
vert. C'est alors que la jeune femme, incarnée à l'image par la
chorégraphe, danseuse et comédienne japonaise Kaori Ito tombe tout
à fait par hasard sur le sosie de Boris.
Dom
ressemble en effet trait pour trait au barman et Kayoko ainsi que Tim
décident d'échanger les deux hommes afin de mettre Boris à l'abri.
Le portier, lui, est incarné par Philippe Martz. Un fidèle du duo
dont il partage la vision depuis sa toute première apparition à
l'image dans le court-métrage de Fiona Gordon et Dominique Abel,
Rosita en
2000. Des traits semblables à ceux de notre Gérard Depardieu
national mais doté d'une physionomie nettement moins pantagruélique,
Philippe Martz incarne le portier, certes, mais surtout l'homme de
main de ce duo formé autour de Boris et de Kayoko. Un Boris qui tout
comme Dom, le sosie en question, est incarné par Dominique Abel.
Quant à Fiona Gordon, elle interprète le rôle d'une détective
privée avec tout ce que cela comprend de représentations du
personnage. Long imperméable, cabinet dont la porte et marquée du
sceau de son patronyme et de ses fonctions, piles de dossiers
encombrant la minuscule pièce qui lui sert de lieu de travail et de
réflexion, bureau minuscule au milieu duquel trône une vieille
machine à écrire, bref, le personnage impose une vision du récit
en forme de polar noir. Sauf que le contexte est ici ''gangrené''
par la volonté des auteurs de ne surtout pas ressembler à ce qui
existe déjà ailleurs. D'où une formule qui se répète à l'envi.
Une farandole de séquences plus iconoclastes les unes que les
autres. Où les personnages semblent souvent être emportés par un
élan créatif qui brise la matière première du récit pour ne plus
se contenter que d'offrir une succession de scènes au sein
desquelles les interprètes se lancent tantôt dans des pantomimes,
tantôt dans des danses contemporaines orchestrées, on le devine,
par Kaori Ito elle-même. Entre jubilation et parfois, admiration
(quelques plans bénéficient d'une magnifique photographie confiée
à Pascale Marin), vient s'installer une certaine frustration. Car
derrière cette comédie faussement noire mais véritablement
fragilisée par son manque de substance, un gros point noir vient
neutraliser tout ou presque de l'intérêt d'une telle approche du
cinéma. En clair, on se fait souvent chier, à attendre que les
réalisateurs et leurs interprètes déroulent enfin le récit,
quitte à mettre temporairement de côté leur vision délirante et
objectivement artistique du septième art. Malheureusement, la
plupart du temps, L'étoile filante
multiplie les tentatives de jumelage entre cinéma, danse
contemporaine, mime, théâtre et autres virtuosités tout en
oubliant l'un des points essentiels : nous conter une
histoire...
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