All is Lost
de J.C.Chandlor. Le titre du second long-métrage du réalisateur et
scénariste américain résonne comme l'abandon d'un homme face à
l'adversité. Face à la fatalité, celle qui s'acharne tant et si
bien sur lui qu'il finit par baisser les bras. Par se laisse aller.
S'enfoncer sous les eaux, du moins jusqu'à ce qu'une main (peut-être
celle de Dieu tendue à Adam au centre de La
Création d'Adam,
que peint Michel-Ange entre 1508 et 1512 sur demande du Pape Jules
II) ne lui vienne en aide et mette un terme aux événements auxquels
le spectateur vient d'assister. Il y a des décennies, l'acteur
Robert Redford fut l'une des grandes figures du cinéma américain.
Et même mondial. Aux côtés de Steeve McQueen ou de Paul Newman, il
fit briller sa profession en interprétant des dizaines d’œuvres
dont certaines devinrent d'authentiques classiques du septième art.
Alors qu'il a soixante-dix sept ans en 2013 et qu'il n'a bien
évidemment plus rien à prouver, Robert Redford accepte d'être
l'unique interprète de All is Lost
après que son auteur lui ait proposé d'incarner le rôle d'un
aventurier qui ne bénéficiera d'ailleurs d'aucun patronyme. C'est
donc à la suite de leur rencontre tandis que J.C. Chandlor fait la
promotion de son tout premier long-métrage Margin
Call deux
ans auparavant qu'il
pense à proposer le rôle unique à la star américaine. Le sujet
est on ne peut plus simple puisqu'il s'agit de mettre en scène un
navigateur qui à son réveil s'aperçoit que son voilier a percuté
un container dérivant en plein océan indien. Mais si l'embarcation
prend l'eau, l'homme parvient à réduire les dégâts en pompant
toute celle qui s'est infiltrée à l'intérieur après avoir colmaté
la brèche à l'aide de bandes de fibres de polyester collées les
unes aux autres. Tout est redevenu apaisé. Le navigateur fait sécher
ses affaires au soleil, l'océan est calme et notre homme examine sa
position à l'aide d'une carte et d'un sextant. Mais ce qui se
profile au loin est inquiétant. À l'horizon, le ciel gronde et
d'épais nuages noirs semblent se rapprocher de l'embarcation...
C'est là que va véritablement débuter le cauchemar pour notre
héros. Confronté à une violente tempête, son monocoque va tanguer
et même, se renverser, plongeant son propriétaire sous des eaux
glaciales. Une séquence dont la durée et la puissance plongent
littéralement le spectateur au cœur de l'action.
Les
éléments se déchaînent avec une telle violence que l'on ne donne
pas cher de la peau du personnages interprété par Robert Redford.
Un homme d'ailleurs fascinant si l'on mesure son degré de
stoïcisme. Économe en paroles, les dialogues doivent se compter sur
les doigts des deux mains. Notre héros aura l'occasion de hurler son
désespoir à une ou deux occasions mais le reste du temps, la peur
et le doute ne se liront que sur son visage. J.C.Chandlor crée un
personnage à échelle humaine et non pas l'un de ces héros rompus à
tous les exercices de survie. En témoigne par exemple ce petit
manuel qu'il consulte avant d'utiliser son Sextant. Ou plus tard,
lorsqu'il met un temps fou avant de pouvoir utiliser les fumigènes
et les fusées de détresse. Pour autant, l'homme n'est pas stupide
quoique l'on puisse penser à l'idée de partir en plein océan sans
même avoir révisé à la lettre toutes les méthodes de survie.
Comme le prouve son ingénieuse idée de transformer un bidon, un
sachet de plastique transparent et une boite de conserve en
récupérateur d'eau potable ! Avec réalisme et opiniâtreté,
le réalisateur et scénariste s'accorde à rendre réaliste le
moindre élément du récit. Et ce, même si l'on peut se demander
comment le héros a pu colmater la fuite du canot pneumatique de
secours à bord duquel il est installé une fois son voilier
abandonné. Admirablement incarné par Robert Redford, le personnage
de cette histoire s'avère parfois bouleversant. Face à son
embarcation qui s'enfonce dans les eaux de l'océan indien avant de
disparaître totalement. Ou lorsque à force d'avoir connu des
désagréments, il décide finalement de s'abandonner aux
tumultueuses eaux de l'océan. Et que dire de ce plan final,
magnifique et empli de symboles... Le scénario étant évidemment
minimaliste, ce n'est que sur l'exploit de Robert Redford ou bien sur
l'utilisation de trois voiliers qui subirent les pires outrages que
All is Lost
repose. De tout ce qui passe à l'image, des superbes plans
sous-marins (la nuée de requins) jusqu'au différents éléments qui
se déchaînent ou en passant par la troublante et obsédante musique
d'Alexandre Ebert, l'on retiendra forcément l'interprétation de la
star américaine. À l'âge de soixante-dix sept ans, la voilà qui
plonge sous l'eau, monte tout en haut d'un mât, est bousculée dans
tous les sens et cela, sans jamais être doublée par un cascadeur.
L'on espère au moins que Robert Redford a ensuite pu se reposer de
cet éprouvant tournage en dégustant des cocktails sur une île
privée des Caraïbes. Bref, un véritable prodige pour un résultat
à l'écran sans appel. L'immersion est totale...
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