L'acteur et humoriste
Patrick Timsit n'a pas toujours œuvré dans la comédie comme purent
notamment en témoigner sa participation à Elles n'oublient
jamais
de Christopher Frank en 1994, Passage à l'acte
de Francis Girod en 1996 ou bien Le cousin
d'Alain Corneau l'année suivante. Et même lorsqu'il était donné
l'occasion de le découvrir dans le Paparazzi
d'Alain Berbérian, l'on sortait de la projection le cœur pas
vraiment léger. Avec ses airs de comédie sociale à la manière de
Ma petite entreprise
de Pierre Jolivet remise au goût du jour, Tombés
du camion de
Philippe Pollet-Villard, son second long-métrage en tant que
réalisateur vingt-quatre ans après Jacqueline
dans ma vitrine,
n'est pas du genre à faire hurler de rire. C'est pourtant ce que
semblait être tout d'abord sa vocation comme le démontrait une
première bande-annonce dans laquelle lus découvrions pour la
première fois un Patrick Timsit plus fort physiquement qu'à son
habitude, le visage aussi buriné que celui d'un marin pêchant dans
le grand large et une barbe longue de plusieurs mois, voire quelques
années lui dévorer le visage. Détenteur d'un rafiot comme
principal outil de travail, celui-ci rend l'âme après des années
de bons et loyaux services et contraint Stan à trouver un nouveau
boulot s'il veut pouvoir subvenir aux besoins du couple qu'il forme
aux côtés de Françoise (Valérie Bonneton). D'abord hésitant, il
accepte de participer à une lucrative activité organisée par son
ami Robert (Karim Barras) et à laquelle participent déjà Richard
(Samir Guesmi) et Nicole (Mélanie Doutey). Alors que celle-ci se
fait passer pour une prostituée, rodant sur les airs d'autoroute
afin de prendre des chauffeurs routiers dans ses filets, une fois
l'un d'eux éperonné, Robert, Richard et donc Stan se font passer
pour des policiers afin de contraindre les victimes d'accepter de
leur abandonner une partie de leur marchandise contre le silence de
ces faux représentants de la loi. L'arnaque fonctionne à merveille
jusqu'au jour où sans le savoir, l'équipe tombe sur un transport
d'une toute autre origine. En effet, Stan, Robert et leurs complices
tombent sur deux passeurs dont le camion transporte un couple de
migrants et leur fils Bahman (Saaden Sada Balius). Se saisissant du
carton dans lequel ce dernier est enfermé, Stan le rapporte chez lui
sans se douter de ce qu'il contient... Dans ce récit très humaniste
confrontant un ancien pêcheur bougon, illettré et peu en odeur de
sainteté avec les autorités représentées ici par ses deux fils
Luc et Fabien (les acteurs Sébastien Chassagne et Jules Garreau),
Patrick Timsit incarne un personnage un peu austère mais
foncièrement humain, qui après avoir fait l'erreur involontaire de
séparer un jeune migrant de ses parents va tout faire pour les
réunir à nouveau.
Financé
à hauteur d'un peu plus de trois millions d'euros, on ne peut pas
dire que Tombés du camion soit
l’œuvre française de cette année la plus riche en terme de
moyens techniques. Non, la véritable valeur du long-métrage repose
avant tout sur l'interprétation de Patrick Timsit et de son
entourage. Si celle du tout jeune Saaden Sada Balius est forcément
limitée puisque Philippe Pollet-Villard lui fait endosser le rôle
d'un migrant qui n'a pas appris le français mais l'anglais avec pour
projet de se rendre avec ses parents jusqu'en Angleterre, le reste de
l'équipe est assez remarquable. Sans mauvais jeu de mots, Patrick
Timsit mène la barque, entouré d'interprètes et donc de
personnages fort sympathiques. On pense bien évidemment à Valérie
Bonneton, ici plutôt sobre et même parfois touchante, ou au duo que
forment Sébastien Chassagne et Jules Garreau dans les rôles de
gendarmes aux caractères très distincts. Au détour de quelques
séquences nous retrouvons Serge Riaboukine dans le rôle de Boyer,
un type au comportement assez minable mais qui va à merveille à
l'acteur qui, en s'en souvient, s'amusait à singer notre Gégé
national au début de sa carrière. Sur la base d'un scénario écrit
par Philippe Pollet-Villard lui-même ainsi que par Thibault Valetoux
et Allan Mauduit, on pourrait très facilement accuser le réalisateur
de donner dans la comédie sociale moralisatrice comme semblent
vouloir le faire certaines œuvres dans ''l'air du temps''. Mais non.
Car s'il traite bien ici du sujet des passeurs et des migrants, il ne
développe pas son sujet jusqu'à interpréter à sa manière le
phénomène de sur-immigration qui pèse sur le pays mais préfère
nous conter une histoire touchante à travers ce duo improbable entre
un vieux loup de mer et un jeune enfant d'origine immigrée. Au fil
du récit, le film gagne en profondeur. Philippe Pollet-Villard
prouve qu'avec un tout petit budget on peut faire des miracles. Et
même si Tombés du camion n'est
sans doute pas le film français de l'année, on passe un très
agréable moment en compagnie des divers interprètes. Et notamment
auprès de Patrick Timsit dont la présence sur grand écran est
malheureusement moins régulière qu'il y a dix ou vingt ans...
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