Plus qu'un excellent
acteur, Clint Eastwood est certainement l'un des plus grands
cinéastes américains de son temps. Auteur de plus de quarante
longs-métrages en tant que réalisateur, rares sont les fois où il
échoua à convaincre. À seuls titres d'exemples, nous citerons
Au-delà en
2010 et surtout Le 15h17 pour Paris en
2018, deux actes manqués dont le second s'avère carrément indigne
de l'auteur de L'homme des Hautes Plaines
en 1973, de Impitoyable
en 1992, de Sur la route de Madison
en 1995 ou de Million Dollar Baby en
2004. Cinéaste fascinant, capable d'adapter et de s'accaparer sur
grand écran tous types de situations et de personnages, Clint
Eastwood fit l'erreur de vouloir traiter le sujet du terrorisme en
2018 sous un angle qui ne lui ressemble absolument pas. Verdict :
Le 15h17 pour Paris
demeure sans doute son plus mauvais film. Malgré cette authentique
catastrophe artistique qui à l'échelle mondiale ne rapporta même
pas le double de son financement de départ de trente millions de
dollars, Clint Eastwood choisit l'année suivante de revenir à la
charge en évoquant un second acte de terrorisme bien antérieur à
celui que réussirent à déjouer trois touristes américains sur le
sol français. Nous sommes désormais en 1996, dans la nuit du 26 au
27 juillet 1996 lorsque l'agent de sécurité Richard Jewell découvre
placé sous un banc du parc du Centenaire situé à Atlanta, un sac à
dos qu'il suppose très rapidement contenir une bombe. Après en
avoir référé à la police, il lui est demandé de prévenir les
techniciens chargés d'organiser le concert qui a lieu cette nuit-là
d'évacuer la tour qui domine le public ainsi que les spectateurs
situés près du suspicieux sac à dos. Cependant, malgré les
dispositions prises à la suite de l'alerte, le sac explose avant que
les démineurs n'aient pu intervenir et plus de cent-trente personnes
sont blessées tandis que deux autres y perdent la vie. Érigé en
véritable héros, médiatisé, approché par un éditeur qui déjà
pense à écrire son histoire, Richard est la fierté de sa mère
Barbara (formidable Kathy Bates). Et pourtant, celui que tout le
monde considère comme un héros est désormais dans le viseur de
deux agents du FBI.
Du
héros adulé, Richard Jewell devient très rapidement le suspect
numéro un. Les journalistes campent devant la demeure qui les abrite
sa mère et lui tandis que les agents du FBI
Tom Shaw (Jon Hamm) et Dan Bennett (Ian Gomez) mettent tout en œuvre
pour prouver la culpabilité de l'agent de sécurité. Clint Eastwood
se montre une nouvelle fois implacable dans sa recherche de vérité.
Tout
en conservant une certaine sobriété, le réalisateur, aux côtés
du scénariste Billy Ray, s'inspire dans le cas présent de
l'histoire authentique de Richard Jewell qui vécu un véritable
acharnement de la part des médias et du FBI.
Heureusement, l'agent de sécurité peut compter sur le soutien de sa
mère, ainsi que sur celui de son avocat Watson Bryant (excellent
Sam Rockwell) et de sa secrétaire Nadya (Nina Arianda). D'autres se
positionnent du côté des contradicteurs, comme la journaliste Kathy
Scruggs (Olivia Wilde), laquelle vient de déclencher, sans mauvais
jeu de mots, une véritable bombe en produisant un article à charge
contre Richard Jewell. Clint Eastwood met donc à mal la presse dans
son ensemble qui ne vaut, au fond, pas mieux que les paparazzis. Et
comme l'exprime à sa manière Richard Jewell qu'interprète l'acteur
Paul Walter Hauser, l'image du FBI
est ici égratignée à travers les personnages de Tom Shaw et Dan
Bennett et s'avère bien loin de celle que donnent généralement ces
représentants de la loi triés sur le volet. Harcèlement,
manipulation, vie privée souillée, Le cas
Richard Jewell
met sous tension le spectateur durant plus de deux heures. Si la
première partie se consacre tout d'abord à l'événement qui se
produisit dans la nuit du 26 au 27 juillet 1996 (avec, à la clé,
une explosion visuellement ratée), la seconde se destine à être
avant tout comme un plaidoyer contre les idées préconçues (le
passé du suspect est examiné à la loupe et utilisé à charge
contre Richard Jewell), une certaine corruption des représentants de
l'ordre (Shaw et Bennett mettant tout en œuvre afin de démontrer la
culpabilité de leur suspect bien que n'ayant pas la moindre preuve
contre lui) ou encore la main-mise de la presse sur l'opinion
publique. Clint Eastwood offre avec Le cas
Richard Jewell,
une très grande réussite, laquelle s'attarde finalement moins sur
l'enquête du FBI
que sur le personnage central du récit. Un Richard Jewell d'abord
crispant, entre autisme et rigueur professinnelle, puis finalement
touchant. Notons la prestation de Kathy Bates, formidable dans le
rôle de la mère et bouleversante lors de la réunion autour de la
presse et de celle de Sam Rockwell dans celui de l'avocat dont le
comportement désinvolte inquiète tout d'abord mais qui fut sans
doute l'un des éléments fondateurs dans la réhabilitation de son
client. Superbe...
Très intéressante critique, j'en partage la vision globale. Le plus mauvais Eastwood (en tant que réalisateur) restera à mes yeux Cry Macho. Même dans 15.17 to Paris on reconnaît la patte du réalisateur. Les premières minutes du visionnage de Cry Macho m'ont donné le sentiment qu'il était trop vieux pour... diriger une équipe de tournage, et que celle-ci prenait des libertés dans son dos. Toute l'œuvre d'Eastwood est intrinsèquement liée à trois directeurs de la photo (dont un, Surtees, totalement génial) qui ont fait 90% de ses films. Sur Cry Macho, on est loin, même de Green ou Stern.
RépondreSupprimerRichard Jewell est quand-même un film mineur, il me semble... Très bon, mais comme dit dans l'article, il doit se frotter à un nombre impressionnant de chefs-d'œuvre (Bird, Unforgiven, Eiger Sanction, Madison County, Million Dollar Baby, High Plains Drifter, Josey Wales)
Mechanix