N'en déplaise à celles
et ceux qui ont apprécié Nanny
de la réalisatrice afro-américaine (d'origine sierra-léonaise)
Nikyatu Jusu, il lui manque malgré tout un élément essentiel à
son premier long-métrage pour être totalement convainquant. À
savoir son incapacité à préserver le secret qui entoure l'héroïne
interprétée par l'actrice américaine d'origine sénégalaise Anna
Diop (Us de
Jordan Peele) et son fils pour lequel elle a accepté de quitter sa
terre natale afin de gagner sa vie à New York et ainsi subvenir à
ses besoins en lui envoyant le fruit de son labeur. Le cruel dilemme
de cette œuvre pourtant très réussie est justement de demeurer
incapable de maintenir ce mystère que la mise en scène de Nikyatu
Jusu met maladroitement en scène et dont on devine après seulement
quelques minutes les contours. Maintenant, que dire au sujet des
nombreux avis plus que mitigés qui enrobent cet étonnant premier
long-métrage ? La déception semble tout d'abord provenir de
l'absence réelle de sensations fortes. Voire, horrifiques Car c'est
bien ainsi que nous était vendu Nanny.
Un film d'horreur. N'en déplaise cette fois-ci à ses détracteurs,
Nikyatu Jusu réussit pourtant à livrer une œuvre anxiogène, qui,
certes, ne nous fait pas sursauter jusqu'au plafond d'effroi mais qui
propose du contenu fort intéressant. L'horreur, la vraie, s'inscrit
davantage dans le contexte que dans la forme. L'on rapprochera
sensiblement Nanny
de l'excellent His House
de Remi Weekes qui en 2020 conviait déjà un couple d'immigrés
d'origine africaine à vivre une histoire des plus
''sensationnelle''. Dans le cas qui nous intéresse ici, et même si
certains éléments semblent être le fruit d'événements
fantastiques, la jeune Aisha est l'héroïne d'un naufrage
psychologique qui se fond lentement au cœur d'un récit
ultra-balisé. Encore un récit autour d'une nounou, de l'enfant
qu'elle a la charge de surveiller et de ses deux employeurs. Mais
dans le cas présent, pas de manifestation démoniaque ou de troubles
d'ordre psychiatrique prompts à faire de l'héroïne une créature
mettant en danger son entourage.
Moyennant
quelques subterfuges de mauvais goût mais bien dans l'air du temps
(le père de la jeune Rose revient après avoir été manifester à
Lilles contre les violences policières tandis que la caractéristique
principale des hommes ici représentés semble être l'infidélité),
Nanny
traite du déracinement et de mythologie. Concernant cette dernière,
le film évoque une légende provenant d'Afrique de l'ouest et
centrale connue sous le nom de Mami
Wata.
Selon les régions, elle prend différents noms. Le long-métrage la
reprend telle qu'elle est souvent décrite sous la forme d'une sirène
tentatrice et corruptrice. C'est ainsi que la réalisatrice qui en
outre est responsable du script décrit les éléments
fantasmagoriques qui ponctuent un récit languissant. Un autre
reproche que lui feront d'ailleurs ses détracteurs en soulignant
cette vérité incontestable : que le film est parfois trop
lent. D'une durée avoisinant les cent minutes, Nanny
aurait
sans doute mérité d'être expurgé d'un certains nombre de plans
fort inutiles. Comme ces repas répétés entre l'héroïne et la
gamine (Rose Decker). D'une autre manière, Nikyatu Jusu met de côté
certains personnages qui deviennent ainsi secondaires. À l'image du
père adultérin interprété par Morgan Spector (le trait est très
largement souligné pour n'en point douter) mais aussi et surtout de
la mère Amy qu'interprète la superbe Michelle Monaghan. Une femme
dont les névroses s'expriment elles aussi inutilement puisque la
réalisatrice et scénariste ne va pas au bout du concept. Si ce
n'était la présence d'Anna Diop dans le rôle principal, le film
manquerait singulièrement d'exotisme. En effet, le long-métrage de
Nikyatu Jusu aurait sans doute gagné en intérêt s'il avait
conjugué l'angoisse d'une vie loin, très loin de chez soit à une
iconographie de tradition africaine largement plus engagée. Il
n'empêche que le film remporta l'année dernière Le
Grand prix du Jury dans la catégorie compétition dramatique du
Festival de
Sundance. Preuve que ceux qui l'ont élu ont su relever ses
indéniables qualités.
Pour ma part, ce seront son ambiance, sa photographie, l'angoissante
partition composée par Bartek Gliniak et de Tanerélle ainsi que
l'interprétation d'Anna Diop...
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