Pour beaucoup, un bon
film demeure encore celui qui fait le plus d'entrée, rapporte le
plus de pognon et est adoubé par des critiques et des magasines qui
ne demeurent pourtant pas précisément des spécialistes du septième
art. Chaque fois que l'occasion se présente, je me remémore cette
intense séquence d'une ancienne émission animée par Jean-Marc
Morandini lors de laquelle l'excellent Alexandre Astier donnait son
opinion sur la télé-réalité tandis qu'une invitée botoxée
jusqu'aux bout des ongles, le cheveu sur la langue et le quotient
intellectuel en berne, lui rétorquait : '' Vous avez vu le,
le, le nombre de téléchepectateurs qui regardent ?''
Une question imparable à laquelle répondait ainsi et avec
intelligence, sans un brin d'animosité, mais tout de même un peu
d'ironie l'invité de marque : '' Mais je vous
félicite... Mais pour répondre à la question de Jean-Marc, je
trouve que c'est grave...'' Etc,
etc, etc... Bon, et alors, quel rapport avec le film dont il est
question ici ? Et bien, en dehors du fait que la valeur d'une
œuvre ne repose pas uniquement, ni dans un cas, ni dans l'autre, que
sur le nombre d'adeptes, de followers ou de billets verts qu'elle
rapporte, il devient en réalité très difficile de démêler le bon
grain de l'ivraie. Et ça n'est jamais plus plausible que lorsque
l'on prend pour exemple n'importe quel Nanar. Jamais aucun fan pur et
dur du genre n'osera avouer que le genre ne fait qu'abriter de très
mauvais films. Et pourtant, tel est bien le cas si l'on y relève
certains critères qui ailleurs et à d'autres occasions permettent à
de supposés chefs-d’œuvre, classiques ou films cultes de faire
partie de catégories nettement plus prestigieuses. Tout cela pour
évoquer Tone Deaf
du réalisateur, scénariste et producteur américain Richard Bates
Jr. qui jusque là et en quinze ans de carrière n'a tourné qu'un
court et cinq longs-métrages. Une œuvre piètrement estimée par
les amateurs d'épouvante et d'horreur, sans doute trop classique
dans sa forme et relativement vide dans le fond. Et il est vrai que
d'une certaine manière, l'auteur de Excision
ou de Trash Fire
ne s'est pas trop foulé, régurgitant ainsi l'éternel conflit qui
oppose la campagne conservatrice à cette jeunesse dorée,bobo et
arrogante pour qui traverser certains territoires est synonyme
d'expédition en des terres peuplées de culs-terreux arriérés !
Le
titre du quatrième long-métrage de Richard Bates Jr. se reporte à
l'absence d'oreille musicale de l'héroïne prénommée Olive et
interprétée par l'actrice Amanda Crew. Une jeune et jolie femme a
qui tout semble réussir jusqu'au jour où elle perd son boulot et se
sépare de son compagnon. C'est sur les conseils d'une amie et
ancienne collègue de travail qu'Olive décide de changer d'air et de
louer pour quelques jours une superbe propriété appartenant à un
certain Harvey. Un vieil homme, veuf depuis peu, victime de
cauchemars étranges mais aussi et surtout,désireux de concrétiser
un drôle de rêve avant de mourir : commettre un meurtre.
Incarné par un Robert Patrick (Terminator 2,
The Faculty)
qui en prenant de la bouteille apparaît physiquement de plus en plus
flippant, ce dernier nourrit une rancœur vis à vis de la société
en s'adressant directement à la caméra comme s'il en voulait à la
terre entière. Richard Bates Jr. développe certaines idées fort
intéressantes comme ces rares séquences de cauchemars lors
desquelles notre psychopathe en puissante et en devenir se retrouve
confronté à des individus entièrement peints en bleu ou l'étrange
relation à distance que nouent Olive et sa mère Crystal (Kim
Delaney). Peuplé de personnages secondaires qu'abandonne pourtant en
court de route le réalisateur, le film se concentre donc
essentiellement sur la jeune femme et son futur bourreau. Un type
capable de se soucier des manigances d'un client de bar vis à vis
d'Olive tout en ayant le projet de tuer celle-ci après s'être
entraîné sur d'autres individus. Robert Patrick apporte beaucoup à
ce long-métrage qui cherche autant à séduire les amateurs d'humour
noir que d'épouvante. L'acteur incarne un sociopathe froid dont la
présence à l'écran contrebalance avec la superficialité du
personnage interprété par Amanda Crew. Le réalisateur et
scénariste a beau vouloir développer cette dernière à travers la
complexe relation qu'elle entretient à distance avec sa mère où
l'évocation du suicide paternel (l'acteur Ray Wise dans le rôle de
Michael), Robert Patrick porte seul le film sur ses épaules tandis
que Richard Bates Jr. tente de cultiver un certain malaise autour de
ces seconds-rôles qui gravitent temporairement autour de l'héroïne.
Méritant nettement mieux que les critiques qui généralement
dénigrent le long-métrage, Tone Deaf
est un sympathique petit film d'horreur agrémenté de quelques
visions et scènes gore plus ou moins fulgurantes...
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