En fouillant dans le
grenier imaginaire de mon adolescence où se concentrèrent toutes
mes passions juvéniles, je tombais sur une vielle cassette VHS
poussiéreuse renfermant un trésor oublié. Un enregistrement
remontant aux calendes grecques, à la bande magnétique fatiguée,
usée, sur laquelle fut copié pour l'éternité un téléfilm au
titre évocateur. Le Masque de Satan (La Maschera
del Demonio) de Lamberto Bava. En 1960, ''papa'' signait ce
qui allait devenir l'un des classiques du cinéma transalpin avec Le
Masque du démon.
Presque trente ans plus tard, en 1989, le fiston allait tenter de lui
rendre hommage en réalisant pour la télévision un remake intitulé
Le Masque de Satan
(La Maschera del Demonio).
L'on remarquera que seul le titre français se permettait une légère
subtilité, évitant ainsi aux éventuels amateurs de ne pas
confondre l'original avec la version de Lamberto Bava. Nous ne
reviendrons pas sur la piteuse carrière de ce dernier. D'une part
pour n'influencer personne, dans un sens ou dans l'autre. Et d'autre
part parce que moyennant un certain sens de l'occupation des espaces,
le réalisateur italien est parvenu à accoucher d'une œuvre
télévisuelle qui dépasse de très loin ce qu'il a produit pour les
salles obscures. Si on lui doit notamment Macabro
en
1980 et le diptyque Démons I &
II
en 1985 et 1986, on pourrait presque envisager Le
Masque de Satan
comme une suite à ces derniers. Un troisième volet qui
abandonnerait le concept de mise en abîme du cinéma et de la
télévision pour se pencher sur un cadre historique de triste
mémoire (La chasse aux sorcières). Mais Lamberto Bava n'étant pas
Ken Russell et Le Masque de Satan
n'ayant pas l'ampleur de The Devils
que le réalisateur britannique réalisa dix-huit ans plus tôt,
c'est toutes proportions gardées qu'il faudra aborder le téléfilm...
Passons
d'emblée sur les interprètes presque tous atteints d'une tare
quasiment génétique touchant une bonne partie du cinéma italien
horrifique des années quatre-vingt et où le concept de ''jeu
d'acteur'' semblait n'être très souvent que d'un intérêt
secondaire. À propos d'intérêt, celui-ci réside ici dans la
version d'origine qu'il est expressément conseillé de dénicher.
Reconnaissons que le doublage, et concernant notamment le cinéma
d'horreur, fut souvent malmené. Coproduction
italo-franco-germano-hispano-portugaise, Le
Masque de Satan
prend toute sa dimension dans sa version originale italienne. Alors,
que Giovanni Guidelli, Debora Caprioglio, Stanko Molnar, Michele
Soavi (réalisateur, en outre, des excellents Bloody
Bird en
1987 et Dellamorte Dellamore
en 1994) soient on ne peut plus outranciers dans leur jeu d'acteur
n'a pas vraiment d'importance ici puisque la plupart des
protagonistes jouiront de cette nécessaire liberté d'en faire des
tonnes. Huit jeunes adultes parmi lesquels Davide, Sabina, Bebo,
Sergio et Alessandra effectuent une randonnée dans une montagne
enneigée lorsqu'un éboulement les fait chuter dans une crevasse.
Tandis que Davide s'active auprès de Sabina qui vient de se casser
la jambe droite, les autres tentent de trouver un moyen de remonter à
la surface. C'est alors qu'est mis à jour le cadavre d'une femme
portant sur le visage un masque que le groupe s'empresse de lui
arracher et de s'échanger dans une séquence digne d'une
échauffourée de cours d'école ! Un nouvel éboulement cause
la mort de Sergio (Stefano Molinari), lequel est empalé par un
stalactite de très bonne taille, ce dont personne ne semble tout
d'abord se soucier ou en tout cas, de s'émouvoir. Partant à la
recherche d'une issue qui leur permettrait de se dégager du gouffre
dans lequel ils sont tombés, ils découvrent un temple, puis un
village pratiquement abandonné puisque n'y survit qu'un étrange
prêtre au teint blafard interprété par le très charismatique
acteur croate Stanko Molnar. Avec une gueule pareille, le type devait
sans doute avoir ses entrées dans les soirées gothiques...
Un
regard si pénétrant que sa seule présence justifie le visionnage
du téléfilm. Celui que l'on va d'emblée considérer comme
l'antagoniste du récit s’avérera pourtant être un bienfaiteur,
avertissant le groupe des risques qu'il encoure. En effet, les
imbéciles, en ayant retiré le masque de celle qui se fera très
vite appeler Aniba (l'actrice Eva Grimaldi), verront le retour à la
vie d'une sorcière qui fut condamnée au bûcher au dix-septième
siècle. Notamment produit par Lamberto Bava lui-même et par la
société de production de cinéma et de télévision italienne
Silvio Berlusconi
Communications,
Le Masque de Satan
bénéficie de décors peu anodins et qu'il est intéressant
d'évoquer : un temple chrétien et un village perdu dans les
montagnes. Un cadre perpétuellement enneigé, bleuté, où va
principalement se jouer la survie de Davide face à une cohorte
d'(anciens)amis tous possédés par l'esprit d'Anibas. Le titre
anglais donne une idée assez précise du spectacle auquel nous
allons assister : "Sabbath" The
Mask of Satan.
En effet, c'est bien d'un sabbat dont il va s'agir ici. Des
interprètes tous voués à la cause d'un réalisateur qui va leur
demander de gémir, de rire comme des simples d'esprit, de se mouvoir
dans des postures sexuelles plus qu'explicites, les actrice féminines
gratifiant parfois le spectateur de généreuses poitrines dénudées.
Le Masque de Satan sent
le souffre et alors que l'on avait une image d'un Enfer nettement
plus ''enflammé'', c'est dans un décor recouvert d'un blanc manteau
que tout va dégénérer ! Le téléfilm de Lamberto Bava tient
pratiquement du miracle, et pour sa propre carrière, et pour la
débâcle du cinéma d'horreur transalpin de cette fin des années
quatre-vingt. Le réalisateur italien joue avec sa caméra comme le
fit en son temps un certain Sam Raimi sur le tournage du cultissime
Evil Dead.
Rasant le sol à vive allure, usant de travellings intelligents (la
découvertes des frises macabres racontant les faits survenus
trois-cent ans plus tôt dans le village), on peine parfois à croire
que Lamberto Bava fut l'auteur de ce téléfilm qui vaut très
largement une quantité non négligeable de longs-métrages ayant eu,
eux, la chance de connaître une sortie sur grand écran. Le regard
de Stanko Molnar est aussi inquiétant qu'hypnotique, le corset d'Eva
Grimaldi/Anibas (entraperçue dans son état normal lors du
flash-back) fort aguichant. L'hystérie et les décors s'avèrent
quant à eux parfaitement immersifs. Bref, Le
Masque de Satan
est un bel hommage au père Mario Bava même si la comparaison reste
difficile entre l’œuvre de 1960 et celle du fiston...
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