Actrice, scénariste et
réalisatrice française, on connaît surtout Anne le Ny pour ses
rôles au cinéma et peut-être un peu moins pour les films qu'elle
a elle-même mis en scène. Non pas que ces derniers soient
inintéressants, mais bon, son visage sonne sans doute plus
familièrement que la poignée de longs-métrages qu'elle a mis en
scène en quinze ans de réalisation. Seule ou accompagnée, celle
qui dans son dernier film s'offre le rôle secondaire du capitaine Da
Silva est non seulement à la réalisation mais également à
l'écriture. Pour Le torrent,
elle s'adjoint les services de l'actrice Axelle Bachman qui collabora
déjà avec elle sur On a failli être amies
en 2014. Loin de la comédie Les invités de mon
père
qu'elle tourna en 2011, Anne le Ny ouvre son dernier long-métrage
sur l'un de ces faits-divers qui noircissent régulièrement les
pages de la presse papier et font parfois la une des journaux
télévisés. La disparition d'une jeune femme (Ophélia Kolb dans le
rôle de Juliette), puis la découverte de son corps sous une coulée
de boue après qu'un torrent ait emporté son corps. D'emblée, la
réalisatrice ne fait pas mystère du décès de l'épouse
d'Alexandre (José Garcia) puisqu'à la suite d'une dispute de couple
(il découvre qu'elle l'a trompé avec un amant) et après qu'elle
ait quitté à pieds et en pleine nuit la demeure familiale, Juliette
tombe dans un fossé alors qu'Alexandre tentait de la convaincre de
monter dans sa voiture. On sait donc dès le départ que le mari et
innocent. Là où le scénario de Anne le Ny et Axelle Bachman
diffère de ce que l'on a l'habitude de découvrir sur grand écran,
c'est l'attitude même d'Alexandre, homme innocent qui pourtant a
tout du coupable. Une attitude qui le rend parfois éminemment
antipathique. Surtout lorsque pour éviter que la police ait des
soupçons contre lui, il va demander à sa fille de mentir. Comme
pour justifier par exemple les éraflures présentes sur la
carrosserie de sa voiture. Mais alors que Le
torrent
arbore les atours du thriller à la française avec tout ce que cela
comporte d'investigation de la part des autorités ainsi que la
présence de l'amant en question (Victor
Pontecorvo
dans le rôle d'Antoine), le film prend un virage nettement plus
intimiste lorsque débarquent les parents de la victime. Christiane
Millet dans le rôle de Brigitte, mais aussi et surtout André
Dussolier dans celui de Patrick...
Et
à dire vrai, plus que José Garcia, c'est le duo que forme
véritablement l'un des plus grands acteurs du cinéma français avec
la jeune et talentueuse Capucine Valmary qui incarne la fille
d'Alexandre, Lison qui donne sa force au dernier long-métrage d'Anne
le Ny. Passant ainsi du thriller ''convenu'' au drame intimiste porté
par un André Dussolier incroyablement touchant. Sobre, le regard
terriblement expressif, l'acteur adopte une attitude faussement
détachée qui cache en réalité une douleur infinie. José Garcia,
lui, incarne un père et un beau-fils froid, calculateur, manipulant
son entourage et en premier lieu sa fille Lison. L'empathie n'étant
pas l'un des critères qui le définissent, il apparaît le visage
fermé, dénué d'émotion, plus préoccupé par ce qui lui arrive
que par les conséquences de l'accident sur les parents de Juliette,
sur son jeune fils Darius (Zéphyr Elis) ou l'implication de Lison,
prête à mentir pour son père bien aimé. Tourné fin 2020 dans la
région du Grand Est, Le
torrent est
une totale réussite qu'il faut avant tout aborder sous l'angle du
drame que celui du thriller. Ici, tout est fait pour que l'intrigue
soit la plus réaliste possible, au risque d'étonner celles et ceux
qui s'attendaient à un thriller pur jus conclu par un twist. Lequel,
bien évidemment n'arrivera pas. Comme à son habitude, André
Dussolier est formidable. Tout comme l'est Capucine Valmary qui dans
le rôle de Lison est déchirée entre son amour pour son père et
l'impossibilité de vivre dans le mensonge. Anne le Ny s'offre un
rôle secondaire qui marque cependant les esprits par la rigueur
prescrite par la contrainte liée à son personnage. Tourné en plein
hiver, dans de magnifiques décors enneigés qui n'aident cependant
pas à réchauffer l'atmosphère parfois mortifère du sujet, Le
torrent
confirme s'il était besoin les talents de réalisatrice et de
scénariste d'Anne le Ny. Visible actuellement dans les salles de
cinéma...
Grosse déception que ce film, pour mon retour dans les salles obscures et mon inauguration d'un nouveau cinéma de ma ville (Marseille), avec un sujet qui tient sur un timbre-poste et un récit sans grand rebondissement (puisque "l'intrigue" est rapidement éventée). Les interprètes (qui ne sont pas sur ma "blacklist" de "grandes gueules donneuses de leçons", sinon je n'y serai pas allé) ne sont pas en cause, mention spéciale à la jeune fille. A peine digne d'un plateau-télé du dimanche soir...
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