Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


dimanche 20 novembre 2022

!!! 3000ème !!! Pisma Myortvogo Cheloveka (Lettres d'un homme mort) de Konstantin Lopouchanski (1986) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Avant de mettre en scène son tout premier long-métrage Pisma Myortvogo Cheloveka (Lettres d'un homme mort) en 1986, le réalisateur russe Konstantin Lopouchanski fit ses armes au cinéma en 1979 en tant que stagiaire sur l'immense Stalker de son compatriote Andreï Tarkovski. En cela, leurs œuvres respectives partagent ce même goût de la décrépitude, du désespoir, d'un certain mutisme verbal et d'une esthétique de vieilles cartes postales. Pisma Myortvogo Cheloveka saisit par son approche visuelle remarquable, toute de sépia, représentative du cadre post-apocalyptique durant lequel se situe l'action. Le film sort en 1986, peu de temps avant la catastrophe de Tchernobyl. Ce qui, en un sens, la rend visionnaire de ce qui aurait pu être le visage de l'Europe et pourquoi pas, de la planète toute entière, si des légions d'hommes n'avaient pas sacrifié leur propre existence pour que soit évitée une seconde explosion dans la centrale nucléaire V. I. Lénine de Pripyat. Sauf que dans le cas du long-métrage écrit et réalisé par Konstantin Lopouchanski, l'apocalypse a bien eue lieu. Le film se positionnant moins comme une œuvre fantaisiste que comme le reflet de technologies employées à mauvais escient par l'homme, le réalisateur russe questionne l'humanité sur son sort, son statut ainsi que l'espoir théorique de retrouver la vie d'avant. Avec un intelligence rare, le scénario explore la face sombre et plus que jamais d'actualité de l'homme faisant de cet être orgueilleux se prenant pour Dieu, le seul et unique responsable de sa propre destruction. Chef-d’œuvre absolu du cinéma soviétique, Pisma Myortvogo Cheloveka est non seulement comparable au cinéma d'Andreï Tarkovski mais également à celui de Piotr Szulkin (Golem, O-bi, O-ba - Koniec cywilizacji ou Ga, Ga - Chwala bohaterom), cinéaste d'origine polonaise qui de son côté redéfinissait lui aussi les contours esthétiques du cinéma slave des années soixante-dix/quatre-vingt en apposant une marque qui s'est ressentie depuis jusque chez le réalisateur danois Lars Von Trier et sa fameuse trilogie du E (Element of Crime, Epidemic et Europa)...


Pisma Myortvogo Cheloveka inverse certaines valeurs sans doute propres à l'Occident puisqu'y sont communiquées des préceptes qui nous paraîtront sans doute inhumaines : alors que se prépare l'abandon d'abris anti-nucléaires à destination d'un Bunker Central, la question des priorités se pose de façon inattendue. Les enfants ainsi que les malades étant volontairement laissés derrière, abandonnés au profit des hommes et des femmes de constitution saine. Une logique de la survie qui peut se comprendre (pourquoi s'embarrasser d'individus de toute manière condamnés à mourir prochainement de faim, de maladie ou de radiations) mais qui interroge sur certaines valeurs morales et sur la survie de l'humanité (les enfants ne sont-ils pas en revanche censés représenter l'avenir de l'Homme?). Le fait de rendre prioritaires les adultes des deux sexes au détriment de leur progéniture peut sembler injuste mais revêt ici une justification des plus logique : il ne demeure en effet dans Pisma Myortvogo Cheloveka, aucun espoir de retrouver un jour la lumière du soleil. Par conséquent, l'avenir de l'humanité y est irrémédiablement compromise. Sauver les enfants, c'est donc leur faire subir de grandes souffrances. Les abandonner est une manière, certes, un peu lâche, de leur épargner une ''trop longue'' agonie. Il en est cependant qui parmi les adultes gardent l'espoir. Le héros du récit est incarné par l'acteur soviétique Rolan Bykov. Il interprète le rôle du professeur Larssen, celui qui en compagnie de plusieurs autres adultes a choisi de rester dans son abri afin de protéger les enfants. Il faut dire que dehors, l'ambiance et l'atmosphère sont plutôt sinistres. L'air y est irrespirable, les corps jonchent le sol et la ville n'est plus qu'un amoncellement d'immeubles détruits. Si les raisons de la catastrophe demeurent sibyllines, on retiendra surtout du long-métrage de Konstantin Lopouchanski son visuel époustouflant, représentatif de cette culture du Cyberpunk né deux ans auparavant à travers le romancier William Gibson et son ouvrage Neuromancien. Le film pose les bases d'un style empruntant autant au New York 1997 de John Carpenter qu'à l'univers de son maître à penser Andreï Tarkovski. Œuvre d'art cinématographique et picturale, Pisma Myortvogo Cheloveka dépeint sans doute la fin du monde avec l'énergie d'un escargot en fin de course mais propose pour les yeux du spectateur, un spectacle continu. Ou lorsque la laideur confine au sublime, avec en arrière-plan, un vrai message écologique...

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...