The Panic in Needle
Park
est le second long-métrage du réalisateur Jerry Schatzberg, de
l'actrice Kitty Winn et du célèbre Al Pacino. Tous les trois n'ont
cependant pas débuté leur carrière ensemble et la poursuivront
chacun de leur côté. Le premier réalisera une quinzaine de
longs-métrages, de téléfilms et de documentaires tandis que Kitty
Winn devra sa notoriété grâce à son interprétation du personnage
de Sharon dans le chef-d’œuvre de William Friedkin L'exorciste
en 1973. Quant à Al Pacino, inutile de le présenter puisque douze
ans après avoir incarné le rôle principal de l'héroïnomane Bobby
dans le film de Jerry Schatzberg, on le retrouvera notamment en
baron de la drogue dans l'extraordinaire Scarface
de Brian De Palma en 1983. Un film parmi tant d'autres qui
façonnèrent le profil de cet immense américain. Pour l'une de
leurs toutes premières apparitions sur grand écran, Kitty Winn et
lui incarnent un couple amoureux, qui se sont rencontrés alors
qu'elle logeait chez un ami. Ce jour là, Bobby vient livrer de la
drogue à son ami Marco (Raul Julia) tandis que Helen sombre dans le
sommeil après s'être faite avorter. Pour Bobby, c'est le coup de
foudre et il ne lâchera plus la jeune femme qui acceptera dès lors
de l'accompagner partout ou les pas de ce vantard, voleur, dealer et
consommateur d’héroïne les mèneront... The
Panic in Needle Park
est une œuvre coup de poing que l'on rangera d'emblée dans la même
catégorie que le chef-d’œuvre de Darren Aronofsky, Requiem
for a Dream.
À la seule différence que le long-métrage de Jerry Schatzberg
n'utilise aucun artifice propre au cinéma et qu'il filme ses deux
héros avec un luxe de réalisme. Ici, et malgré certaines
apparences, rien ne transpire le bonheur. Et même si la fraternité
que partagent entre eux les toxicomanes, les jeux de rue ou la bonne
humeur et la verve permanentes de Bobby laissent penser le contraire,
l'histoire d'amour que vont partager le jeune homme et sa nouvelle
petite amie va se faire dans la douleur. Derrière l'énigmatique
titre du film se cache une terrible réalité. Celle du quartier de
Sherman Square,
un parc coincé entre
Amsterdam Avenue
à Broadway
et la West 70th
Street
située dans l'Upper
West Side
qui dans les années soixante et soixante-dix fut surnommé le Needle
park
en raison de l'important trafic de drogue qui y fut en activité.
Mais le titre du long-métrage cache une autre réalité puisque la
''Panique''
en question relate l'état de manque des toxicomanes qui surviendra
à la suite d'une importante saisie de drogue de la part des
autorités, coupant ainsi les ''vivres'' aux consommateurs...
The Panic in Needle
Park,
c'est donc une œuvre belle et troublante entre deux individus qui
s'aiment mais se détruisent respectivement. Lorsque leurs aventures
commencent, lui est déjà accroc (même s'il affirme l'inverse)
alors qu'elle ne semble avoir jamais rien consommé de plus grave que
de l'herbe. Jusqu'au jour où alors que Bobby plane littéralement,
Helen décide de goûter à l'héroïne sans le consentement de son
petit ami. C'est alors le début de la descente aux enfers. Bien
qu'il ne s'aperçoive de rien dans un premier temps, Bobby remarque
ensuite que quelque chose ne va pas dans l'attitude de Helen avant de
comprendre qu'elle est devenue dépendante des mêmes drogues que
lui. La jeune femme est contrainte de trouver un boulot si elle veut
pouvoir se payer sa dose mais elle ne tient pas longtemps face à la
pression des clients d'un bistrot qui l'emploie comme serveuse. Filmé
sur le ton du documentaire, l'approche réaliste du film de Jerry
Schatzberg ne nous épargne rien du quotidien de ces deux âmes en
peine auxquelles seul l'amour ne parvient cependant pas à décider
de sortir de la drogue. Le réalisateur filme un New York crasseux,
aux ruelles et aux avenues encombrées de détritus. Un soin tout
particulier à été consacré à l'environnement sonore. Pleurs
ininterrompus d'un bébé laissé à l'abandon tandis que sa mère et
une poignée d'amis se défoncent dans un appartement, sirènes de
police et d'ambulances hurlant dans le lointain, la vie grouillante
de New York s'y exprime de jour comme de nuit, une faune en
remplaçant une autre avec toujours en point de mire, sa horde de
laissés pour compte et de toxicomanes. Le réalisme est poussé à
de telles extrémités que certaines séquences de shoot
ne se contentent pas d'être simplement évoquées mais filmées
jusqu'au point de voir les aiguilles s'enfoncer en gros plan dans les
veines et le sang remonter jusqu'aux seringues avant que la drogue ne
soit injectée dans l'organisme du consommateur. Des séances
particulièrement douloureuses et inconfortables qui rappellent dans
une certaine mesure les incroyables scènes de défonce de la
crackoïnomane Zoë (Zoë Lund) dans le chef-d’œuvre d'Abel
Ferrara, Bad Lieutenant
une vingtaine d'années plus tard...
Prostitution,
passage en prison, trahison, collaboration avec la brigade des
stupéfiants, le récit finit par concrétiser ce que quelques temps
auparavant l'un des personnages secondaires prophétisait : en
gros, que le besoin de drogue est tel que l'on abandonne tout ses
principes pour s'en procurer. La passion se délite et le caractère
de Bobby et Helen se mue en d'interminables confrontations. Malgré
la noirceur du propos, Al Pacino et Kitty Winn illuminent le récit
de leur présence et de leurs incarnations respectives. Si The
Panic in Needle Park
est à l'époque mis en chantier, ou du moins si Jerry Schatzberg
accepte de le réaliser après avoir refusé le script qu'il
considérait comme beaucoup trop sombre et violent, c'est moins grâce
à l'insistance d'Al Pacino que de sa simple adhésion au rôle de
Bobby. Le film gagne en intensité et dans son approche réaliste qui
fait fi de l'habituelle implication d'un compositeur pour la partie
musicale puisqu'ici, l'ambiance sonore n'est faite que des bruits de
fonds qu'offre la ville de New York. La cité est d'ailleurs à elle
seule, un personnage à part entière. Le film décrit très
justement l'emprise des drogues dures sur la personnalité de ceux
qui les consomment. Une séquence emblématique décrit d'ailleurs
très justement cette relation qu'entretient notamment Bobby avec
cette morphine acétylée. Alors qu'Helen l'invite à faire l'amour
pour la première fois, le jeune toxico repousse l'invitation tant
les effets de la drogue suffisent à son plaisir. Si Al Pacino
(pourtant formidablement habité) et Kitty Winn méritaient tout deux
de remporter chacun de leur côté les prix d'interprétation
masculine et féminine au festival de Cannes de l'année 1971,
l'actrice sera finalement la seule remporter le prix de la catégorie
puisque celui du prix d'interprétation masculine sera accordé à
l'acteur italien Riccardo Cucciolla pour Sacco et
Vanzetti
de Giuliano Montaldo. Notons que The Panic in
Needle Park
ne repose pas uniquement sur les épaule de son principal duo
d'interprètes mais que les seconds rôles valent tout autant le
déplacement. Une crédibilité de tous les instants qui laissent
souvent envisager l'emploi d'authentiques toxicomanes...
Inoubliable...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire