Après avoir été
contraint de s'éloigner du mythe de Frankenstein à la suite d'un
accident de voiture au profit de son ancien assistant Freddie
Francis, le réalisateur britannique Terence Fisher a durant la
dizaine d'années qui a suivi la sortie de The Revenge of
Frankenstein eut le temps de réaliser une quinzaine de
longs-métrages pratiquement tous dévolus aux genres fantastique,
horreur et épouvante. En 1967, il reprend les rennes du cycle
consacré à l'une des plus célèbres créatures du bestiaire
fantastique et met une nouvelle fois en scène l'acteur Peter Cushing
dans le rôle du docteur Victor Frankenstein dans Frankenstein
Created Woman.
Si les trois précédents longs-métrages avaient fait la preuve par
l'image qu'il n'est pas toujours aisé d'être créatif en terme
d'écriture et de renouveler ainsi une thématique aussi vieille que
le cinéma puisse l'être, ce quatrième film d'une série qui en
comptera sept au final est sans doute l'une des propositions les plus
intéressantes et originales d'entre toutes. L'usage du nom de
Frankenstein reposant logiquement sur le personnage du fameux docteur
et non pas sur celui de la créature comme nombre de personnes
semblent continuer de faire l'erreur, c'est avec plus ou moins de
complaisance que son nom est rattaché à telle ou telle œuvre
n'ayant plus autant d’accointances avec le matériau d'origine,
soit le roman Frankenstein
ou le Prométhée moderne écrit
au dix-neuvième siècle par la britannique Mary Shelley. Écrit par
le fidèle scénariste de Terence Fisher, Anthony Hinds, le scénario
de Frankenstein Created Woman
apporte un certain renouveau puisque la présence de la fameuse
créature accompagnant généralement le docteur Victor Frankenstein
est désormais plus ou moins évoquée à travers le personnage de
Christina Kleve, fille d'aubergiste défigurée et handicapée par
une paralysie du bras droit et par un pied bot. De quoi alimenter les
discussions de trois jeunes nantis qui viennent régulièrement se
saouler à l'auberge et harceler la jeune femme. Incarnés par Peter
Blythe, Barry Warren et Derek Fowlds, Anton, Karl et Johann vont
bientôt être au centre d'une vengeance orchestrée par une créature
d'un nouveau type...
Non
plus dotée d'un monstrueux faciès et d'une démarche de momie
(Comme cela était notamment d'usage dans le précédent long-métrage
The Evil of Frankenstein),
mais d'une beauté remarquable due à la magnifique actrice allemande
Susan Denberg. Laquelle fera une carrière au cinéma étonnamment
courte puisqu'en dehors du film de Terence Fisher et du thriller de
Robert Gist An American Dream
l'année précédente, la jeune femme ne tournera que dans une
minuscule poignée de séries télévisées dont un épisode de la
série originale Star Trek
en 1966 ! Exit donc l'horrible créature de
Frankenstein. Ce qui ne manque par contre pas dans ce nouveau récit
est la présence d'individus particulièrement veules et immoraux.
Victor Frankenstein est désormais assisté du docteur Hertz
(l'acteur Thorley Walters) avec lequel il vient de mettre au point
une expérience dans laquelle il a mis sa propre existence en jeu.
Également assisté par le jeune Hans (interprété par Robert
Morris), lequel n'a rien à voir avec le Hans des deux précédents
longs-métrages, ce dernier va se retrouver accusé du meurtre de
l'aubergiste Kleve. Le père de Christina dont il est amoureux et
qu'il avait menacé de mort lors d'un conflit entre lui, Anton et ses
deux amis. Bien entendu innocent (l'aubergiste sera en réalité
battu à mort part les trois jeunes gens), Hans sera exécuté par
décapitation (comme son père), engendrant ainsi des commentaires
selon lesquels l'hérédité criminelle du père et du fils serait
entrée en jeu. Par désespoir amoureux, Christina se jettera ensuite
dans une rivière tumultueuse pour y mourir noyée. C'est alors
qu'interviennent les docteurs Frankenstein et Hertz. Après avoir
récupéré la tête tranchée de Hans et le corps encore trempé de
Christina, les deux hommes peuvent enfin se lancer dans le projet
qu'ils ont mis au point quelques temps auparavant...
C'est donc ainsi que l'on
découvre dans ce nouvel opus que Frankenstein est moins intéressé
par l'ambition de donner vie à un être reconstitué à partir des
membres de différents individus que par l'idée de transférer
l'esprit d'un mort dans le corps d'un second. Sans le vouloir (à
moins que...), Terence Fisher et son scénariste mettent au point en
1967, ce qui demeure sans doute le tout premier cas de
transsexualité, ou plutôt de transidentité sur grand écran. En
effet, car si la créature revêt la beauté de Susan Denberg, son
crâne, lui, semble être le foyer d'une double personnalité. La
sienne, mais également celle de Hans qui à la suite de l'opération
effectuée par les deux docteurs va commander à la jeune femme le
triple meurtre de ceux qui ont causé la mort de l'aubergiste et la
condamnation du jeune assistant à l’échafaud. Frankenstein
Created Woman
est une excellente surprise. Le cadre est pratiquement identique à
ce que l'on a l'habitude de voir, entre auberge (ou le monde se
bouscule par contre beaucoup moins que dans les épisodes précédents)
et laboratoire où ont lieu les différentes expériences du docteur
Frankenstein. Le film se montre parfois très cruel et à ce titre,
deux séquences retiendront l'attention. Celle qui ouvre les
hostilités et qui montre Hans, alors tout jeune, assistant à la
décapitation de son père. Ou plus tard, lorsque dans et autour de
l'auberge, Terence Fisher multiplie les séquences d'humiliation
envers la jeune Christina qui, il est vrai, est affublée de tares
multiples. Mais c'est avant que la jeune ne s'éveille de la mort
pour arborer une beauté qui attirera dans ses griffes, les trois
vrais monstres de ce récit. Bien que changeant radicalement
d'approche, Frankenstein Created Woman reste
une très bonne surprise. Et même s'il fait des infidélités au
roman d'origine, on appréciera cette incartade plus ''cérébrale''
que ''viandarde'' qui renouvelle la thématique du mythe. Après La
Nuit de la grande chaleur
en 1967 et Les vierges de Satan
l'année suivante, Terence Fisher reviendra en 1969 avec le cinquième
opus de la saga, Frankenstein Must Be
Destroyed...
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