Morsures,
le septième long-métrage du réalisateur Yu Ha depuis ses débuts
de carrière en 1993, c'est un mélange de sensations et de
sentiments. Un drôle de thriller qui, noyé au beau milieu d'une
palanquée de longs-métrages du même type et d'origines asiatiques
diverses, aurait pu passer tout à fait inaperçu s'il n'avait pas
l'originalité de faire de son chien-loup, l'un des personnages
centraux de ce récit au demeurant commun mais qui prend une ampleur
finalement inattendue. Morsures,
c'est aussi d'abord un générique comme le grand écran en voit
passer rarement d'aussi laids. Ces fondus enchaînés mélangeant un
Séoul nocturne aux vrombissement d'une grosse cylindrée à deux
roues. L'effet est vraiment très, très moche et donne à penser que
le long-métrage de Yu Ha a tout d'abord été réfléchi non pas
comme une œuvre vouée à faire sa première partie de carrière
dans les salles obscures mais plutôt sur le petit écran. Comme une
variante du sud péninsulaire de la Corée s'inspirant de la
franchise télévisée américaine Law &
Order.
La présence de l'immense Song Kang-ho dans le rôle principal de
l'inspecteur Jo Sang rassure cependant. Celui qui campa déjà neuf
ans en arrière le rôle du détective Park Doo-Man dans Memories
of Murder
de Bong Joon-ho avant de briller sept ans plus tard en 2019 dans
Parasite
du même auteur ne fait ici pas exception en terme d'interprétation.
Il déambule aux côtés de l'actrice Lee Na-young qui dans le rôle
de l'inspectrice Eun-young, une toute jeune recrue, va vivre des
débuts dans la police qui vont s'avérer difficiles...
Bourré
d'humour mais centré sur une curieuse enquête mêlant des homicides
d'un genre très particulier à un réseau de prostitution enfantine,
Morsures n'est
pas tendre avec la seule représentante de la gente féminine. Alors
que l'attitude de l'inspecteur Sang-kill le rapprocherait presque du
personnage de l'inspecteur Harry Callahan qu'incarna à cinq reprises
l'acteur américain Clint Eastwood (et notamment du troisième volet
L'inspecteur ne renonce jamais dans
lequel il se coltinait une recrue féminine en la personne de Kate
Moore/Tyne Daly), le plus dur pour sa partenaire va être de devoir
composer avec des collègues de travail machos, voire même misogynes
pour certains d'entre eux. L'acteur Lee Sung-min incarne justement
cette frange d'individus pour qui la présence d'une femme dans les
rangs de la police est inenvisageable (même si une humiliante
séquence située dans un bar-karaoké laisse envisager que son rejet
vis à vis de l'inspectrice Eun-young puisse avoir des raisons plus
profondes). Morsures
agace à trop vouloir signifier le sexisme quasi généralisé des
membres de l'équipe d'inspecteurs formés autour d'un commissaire
interprété par Shin Jung-geun. Peu de défiance de la part de la
nouvelle recrue mais un couperet qui tombe chaque fois qu'elle tente
d'imposer son opinion. Et à ses côtés, un Sang-kill orgueilleux
et ambitieux qui espère décrocher l'enquête qui lui fera enfin
grimper les échelons. Avec un tel duo lancé dans une enquête qui
démarre relativement bien malgré des rapports houleux, l'intrigue
est victime d'attaques incessantes de la part de collègues qui
entreprennent de se défier en imposant chacun son point de vue sur
l'enquête à mener...
Ce
n'est pas livrer l'une des clés fondamentales du récit que de
révéler que le tueur est un chien-loup puisque les traces de
morsures laissées derrière lui sur les cadavres de ses victimes
l'incriminent très rapidement. Tout réside au fond dans la
recherche et la découverte de celui ou celle qui l'a dressé afin
qu'il agisse ainsi. Une révélation qui provoquera sans doute
quelques sensations. Une histoire de vengeance et en arrière-plan,
un drame humain poignant. Si l'impression d'être devant un simple
téléfilm et si dans la dernière partie Yu Ha n'avait pas tant pris
de disposition pour faire de Morsures
un Hatchi
du pauvre (ce joli conte entre un homme et son chien inspiré d'une
histoire vraie réalisé par Lasse Hallström en 2010), son thriller
aurait peut-être pu laisser un souvenir tenace. Bien rythmé et
jamais ennuyeux malgré ses cent-quatorze minutes au compteur,
Morsures bénéficie
d'un récit original et de personnages parfaitement campés. Un petit
thriller plaisant à découvrir même s'il n'est pas certain que l'on
ait envie d'y replonger une seconde fois un jour ou l'autre...
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