

Aujourd'hui âgé de
quatre-vingt deux ans, le réalisateur français Yves Boisset semble
avoir mis un terme à sa carrière depuis plus de dix ans puisque sa
dernière mise en scène et son dernier scénario remontent à
l'année 2009 avec le téléfilm
12 balles dans la peau pour
Pierre Laval. Auteur entre autre de
Dupont Lajoie
en 1975, de Espion, lève-toi
en 1982 et du dystopique Le prix du danger
l'année suivante, il signait avec son antépénultième long-métrage
cinématographique La travestie
en 1988, une œuvre mineure dans une carrière somme toute
remarquable. Avant de se faire appeler longtemps après ses débuts
d'actrice sous son véritable patronyme Breitman, et bien qu'elle ne
soit pas juive mais ait toujours cherché à rattacher les origines
de son grand-père aux siennes, Isabelle Breitman fut tout d'abord
connu sous le pseudonyme de Zabou. C'est d'ailleurs sous ce nom
qu'elle incarne ici le personnage de Nicole Armingault dans une œuvre
profondément sombre, aussi triste que ses décors tous faits de
béton et de ciel nuageux. L'actrice y interprète une jeune femme
qui entretient des rapports avec divers hommes jusqu'au jour où elle
se fait avorter après avoir découvert qu'elle était enceinte.
Avocate, elle décide de piller le coffre de son employeur qui depuis
les cinq dernières années n'a eu de cesse que de lui accorder des
affaites sans intérêt. Au passage, Nicole en profite pour soutirer
à plusieurs de ses amants la modique somme de cinq-mille francs en
leur faisant croire qu'elle est toujours enceinte et qu'elle a besoin
de cet argent pour aller se faire avorter en Suisse. Une fois
réunis les quinze-mille francs fournis par ses amants et celui de
son employeur dérobé, Nicole disparaît dans la nature. Mais en
fait de nature, la jeune femme reste dans le quartier de Paris où
elle a ses habitudes mais se grime en homme après s'être fait
couper court sa longue tignasse...
Étrange
film que cette travestie
que l'on ne jugera pas de divertissant tant l'ambiance y est morose.
Si ce n'était le charme d'une Zabou androgyne à laquelle le cheveu
court va à ravir, il y a sans doute belle lurette que l'on aurait
oublié ce long-métrage noyé dans une filmographie exemplaire. On
parle bien entendu tout d'abord de celle d'Yves Boisset qui manque
ici quelque peu le coche de cette adaptation de l'ouvrage éponyme de
l'écrivain et philosophe français Alain Roger dont s'est chargé
lui-même le réalisateur aux côtés de Robert Geoffrion, Al James
et Alain Scoff. Pour commencer, si le choix de faire porter le
costume masculin de l'héroïne par Zabou semble tout d'abord
crédible puisque la silhouette filiforme et le visage relativement
fin de l'actrice permettent de lui offrir l'allure masculine
recherchée, dès qu'elle ouvre la bouche pour s'exprimer, on peut
douter du manque de réactivité de ceux qui s'adressent à elle et
qui n'y voient qu'un homme malgré une voix qui demeure bien celle
d'une femme. On envisagera alors plutôt Nicole comme transformée en
un jeune éphèbe timide et réservé qui peu à peu va voir son
comportement changer lors de séquences plus ou moins
vraisemblables...
Que
penser alors de cette scène qui la voit passer de la douce Nicole,
protégée de la prostituée Myriam (l'actrice Anna Galiena), à une
proxénète dure et inflexible en l'espace d'une poignée de
secondes ? Une ellipse totalement foirée, un montage bâclé.
Suivent des séquences qui apportent de l'intérêt à une intrigue
qui aimerait accorder un soin particulier à l'étude psychologique
d'une jeune femme qui à force de se grimer en homme finit par perdre
ses repères, mais n'y parvient malheureusement pas toujours.
Sexualité et moralité contrariées sont au centre d'un long-métrage
troublant, cafardeux, mais aussi parfois ridicule dans
l'hystérisation outrancière de son héroïne. Le film sera
distribué dans un peu plus d'une vingtaine de salles en France mais
ne récoltera qu'un peu plus de cinquante-mille entrées dans tout
l'hexagone. Autant dire que le film est un bide. Reste son atmosphère
générée volontairement ou non par son sujet hors du commun, loin
des thématiques familiales et des films à grands publics. Pas
vraiment le genre de long-métrage que l'on prend du plaisir à aller
voir en salle. Plutôt installé dans un confortable canapé, mais
après avoir tout de même absorbé un ou deux verres d'alcool ou un
anxiolytique afin d'éviter la sinistrose... !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire