Adaptation du manga
Homunkurusu du scénariste et dessinateur Hideo
Yamamoto, le dernier long-métrage de Takashi Shimizu à avoir vu le
jour dernièrement sur la plate-forme de streaming Netflix
comble-t-elle les attentes des otaku ? Pour connaître la
réponse à cette question, mieux vaut directement leur poser car
dans ce faste univers qu'est celui de la bande-dessinée où l'on se
perd facilement, il est très facile d'y perdre également son latin.
Jouant au yoyo comme avec nos attentes, Takashi Shimizu avait su nous
rassurer en 2019 avec le brillant Inunaki : Le Village
oublié.
Capable du meilleur comme du moins bon, le réalisateur japonais à
l'origine de la saga Ju-On
revient donc en 2021 avec un long-métrage qui s'éloigne très
sensiblement de ses thématiques habituelles même si au fond, on y
retrouve un peu de la mélancolie qui sourde de certaines de ses
œuvres les plus accomplies. Je n'évoquerai pas ici le manga à
l'origine du projet pour me concentrer uniquement sur cette
adaptation que je laisserai aux fans d'évoquer son niveau de
fidélité par rapport à l’œuvre de Hideo Yamamoto. Pas évident
que d'aborder le nouveau film de Takashi Shimizu qui nous avait
pourtant habitué à des œuvres pas forcément abordables au premier
regard. On pourrait même au fil du récit envisager l'hypothèse
selon laquelle le film fait partie des quelques déceptions dont il a
émaillé sa carrière. Complexe, lent, Homunculus
aborde divers thèmes dont celui de l’homonculus de Penfield. base
des recherches du docteur Wilder Graves Penfield durant les années
quarante et cinquante. S'il est bien connu que nous n'utilisons que
10% des capacités de notre cerveau (une affirmation qui semble
malheureusement fausse), le docteur Wilder Graves Penfield met à
jour lors de ses expériences, une zone du cerveau sur laquelle se
présente une carte sensorielle de notre corps agissant sur la
sensibilité de notre anatomie. C'est sur cette base que le docteur
Manabu Ito (interprété par l'acteur Ryô Narita) se rapproche du
SDF Susumu Nokoshi (l'acteur Gô Ayano) afin de lui proposer de
participer à une expérience sur une durée de sept jours...
D'abord
réticent mais n'attendant rien de particulier de la vie, l'homme
décide d'accepter. Si à l'origine la trépanation servait à opérer
des patients atteints de troubles tels que l'épilepsie ou certains
troubles psychiatriques, le récit évoque ici l'aspect mystique que
peut revêtir une telle pratique. Ou comment ouvrir son cerveau afin
d'accéder en outre au monde de l'invisible. Homunculus
mêle
alors les deux concepts. Celui révélé par le docteur Wilder Graves
Penfield au cours du vingtième siècle et celui, purement théorique,
voire chamanique, permettant d'accéder à un sixième sens. Pas
évident pour un réalisateur d'aborder un tel sujet, surtout lorsque
celui-ci a déjà faillit à plusieurs reprises. Sacrée
responsabilité également. Ou comment ne pas décevoir les fans tout
en permettant à ceux qui demeurent hermétiques à ce type de
bande-dessinée de se rallier à la cause du réalisateur et de son
adaptation cinématographique. En plongeant dans les affres du
cerveau humain, Takashi Shimizu s'offre l'opportunité d'apporter
cette part d'humanité essentielle à ce genre de proposition. Ayant
sans doute beaucoup plus de prédispositions pour transposer l’œuvre
de Hideo Yamamoto sur grand écran, on rêve de ce qu'aurait donné
la vision d'un Shin'ya Tsukamoto qui fut en son temps en état de
grâce au moment de réaliser A Snake of June
en 2002 et Kotoko
en 2011. Takashi Shimizu s'en sort pourtant à bon compte. Si le
rythme parfois ampoulé de la mise en scène condamne certains
spectateurs à fermer les yeux bien avant le générique de fin, les
conserver ouverts est la promesse de vivre une expérience sinon
inhabituelle, du moins riche en péripéties et en émotions...
Takashi
Shimizu ose parfois des situations que l'on n'imagine pas voir sur
une plate-forme telle que Netflix.
Un
plan que n'aurait sans doute pas renié le David Cronenberg de la
période Body
Horror
montre notamment le visage d'une femme de ''sable'' se muer en une
paire de jambes et dont la voix s'exprime à travers la vulve. Une
séquence qui poursuit le concept de voyage dans le monde de
l'invisible et celui des morts que rencontrera Susumu Nokoshi lors
de ses diverses expériences. Le chef d'un gang de yakuza, une jeune
écolière et même celle que le héros semble reconnaître comme
faisant partie de son propre passé sont l'occasion de pénétrer
l'âme humaine et d'y révéler des blessures secrètes. Digérant
chaque expérience avec la plus grande des difficultés, le héros
devra faire également face à ses propres traumas. Parsemé de
visions délirantes produites à partir d'effets-spéciaux numériques
pas toujours forcément convaincants, Homunculus
peut
s'envisager de différentes manières. Comme un salmigondis d'idées
dont l'approche parfois hermétique laissera une partie de son public
sur le carreau, comme une œuvre plus ou moins fidèle du manga de
Hideo Yamamoto, comme un film étonnant faisant la nique aux
propriétés de l'ayahuasca en passant par des réseaux plus
scientifiques que chimiques, ou plus simplement comme une œuvre
bouleversante menée sur un ton expérimental qui parlera d'abord à
celles et ceux qui vivent intensément ce genre d'exercice que l'on
ne rencontre qu'une poignée de fois chaque décennie (Altered
States
de Ken Russell en 1980 ou Enter the Void
de Gaspar Noé en 2009)...
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