Lorsque sort sur les
écrans de cinéma En Duva satt på en Gren och Funderade på
Tillvaron (Un
pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence),
le réalisateur suédois Roy Andersson a déjà derrière lui une
solide carrière émaillée de courts et de moyens métrages, mais
aussi de longs, et notamment d'un Giliap
dont le naufrage condamna presque son auteur au silence. Du moins,
durant un quart de siècle lors duquel le gothembourgeois ne tournera
que des courts-métrages. Mais alors que Giliap
n'avait pas rencontré le succès escompté, lorsque Roy Andersson
remonte sur la scène cinématographique, c'est pour y proposer une
vision encore plus décomplexée que celle qui déjà semblait
vouloir percer vingt-cinq ans plus tôt. Vouant désormais son art à
la lenteur, à cette apesanteur qui fait de l’œuvre du cinéaste
toute sa singularité, lequel n'abandonnera alors plus jamais cette
approche toute particulière faisant de ses films, une accumulation
d’œuvres picturales à peine perturbées par la respiration et les
quelques phrases prononcées par ses interprètes. Tout commence
vraiment avec Sånger från andra Våningen,
alors que l'ancien monde s'éteint et qu'un nouveau va bientôt
éclore. Celui des réseaux sociaux auxquels le cinéma de Roy
Andersson échappe encore fort heureusement. Puis lui succède en
2007 Du Levande,
et avant son tout dernier long-métrage Om det
oändliga,
le très poétique En Duva satt på en Gren och
Funderade på Tillvaron que
je vais me charger d'évoquer ici...
Cinquième
long-métrage du suédois mais à vrai dire, troisième de ce qui
demeure peut-être jusqu'à ce jour une tétralogie remarquable de
cohérence et d'homogénéité tout en étant indépendant de ce qui
a précédé, En Duva satt på en Gren och
Funderade på Tillvaron
reprend les affaires là où le réalisateur les a laissées sept ans
plus tôt. Nous sommes en 2014 et Roy Andersson est resté fidèle à
sa vision. À ses obsessions dirons-nous. Un travail d'orfèvre qui
transpire dans chaque recoin du cadre. Des tableaux vivants qui ont
toujours cette même particularité d'être constitués de plans
fixes uniquement animés par les interprètes. Un discours lent, des
gestes lents. Des personnages blafards encrés dans des décors où
chaque interprète et le moindre objet est placé selon une formule
dont seul Roy Andersson a le secret. Constitué de dizaines de
scénettes qui n'ont apparemment aucun lien entre elles, son
cinquième long-métrage met pourtant en avant deux personnages. Deux
vendeurs de farces et attrapes qui justement lient les différentes
séquences entre elles. Le suédois épure une fois encore chaque
plan en lui autant tout le superflu. S'en dégage alors une drôle de
sensation de vide alors même que dans chaque séquence s'y déroule
une foule d'événements aussi bien au premier qu'en arrière-plan.
Fasciné par le travail du réalisateur tchèque Milos Forman et
appréciant notamment l'humour grinçant qu'il injecte parfois dans
son œuvre, Roy Andersson ne s'interdit jamais d'inclure à la sienne
un brin de fantaisie, de tendresse et de cruauté...
Source
d'inspiration renouvelée une fois encore avec En
Duva satt på en Gren och Funderade på Tillvaro,
les visages pâles des interprètes proviennent directement du
théâtre Nô japonais. Alors qu'il pourrait se satisfaire des mêmes
techniciens que ceux employés par le passé, Roy Andersson se passe
désormais de Gustav Danielson engagé en tant que responsable de la
photographie sur De Levande
ou de Jesper Klevenås sur Sånger från andra
Våningen
au profit de Gergely Pálos et de István Borbás, ce dernier ayant
tout de même déjà participé au précédent. Une attitude et un
changement majeur qui auraient pu avoir des conséquences néfastes
mais qui démontrent d'autant plus le contrôle de l'auteur sur son
œuvre puisque l'illusion est parfaite et les choix artistiques
identiques aux deux précédents longs-métrages du suédois. Côté
bande son, là encore il y a du changement. Ce sont désormais les
compositeurs Hani Jazzar et Gorm Sundberg qui sont chargés
d'habiller En Duva satt på en Gren och Funderade
på Tillvaro.
Face à l'épure de l'image et d'un scénario écrit par Roy
Andersson, on pourrait prétendre que ce génie de l'image ne fait
que tourner en rond , refaire sans cesse la même chose. Car une fois
que les interprètes sont en place, les décors et la colorimétrie
sélectionnés, que reste-t-il de En Duva satt på
en Gren och Funderade på Tillvaro ?
Sans doute ce même spectacle qui séduit déjà depuis des années
celles et ceux qui apprécient le minutieux travail de Roy Andersson
et agace les impatients. Beau à mourir, le cinquième long-métrage
du suédois est notamment parcouru de quelques plans-séquences plus
ambitieux encore que les autres : voir celui qui se déroule
dans un bar où l'armée de Charles II fait la rencontre de badauds
du temps présent. Un exemple de ce qu'est capable d'accomplir le
réalisateur suédois et qui devrait faire taire ceux qui lui
reprocheraient son approche par trop minimaliste. Entre autres
sélections et nominations, En Duva satt på en
Gren och Funderade på Tillvaro a
notamment remporté le lion d'or à la Mostra de Venise en 2014 ainsi
que le prix du cinéma européen 2015 dans la catégorie ''meilleure
comédie''...
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