Shin'ya Tsukamoto,
l'auteur en 1989 du parangon du cyberpunk avec le cultissime,
foutraque, punk et très bruyant Tetsuo.
Après ça, le cinéaste japonais aurait pu se reposer sur ses
lauriers, mais non. Il a fallut qu'il persévère jusqu'à offrir
deux séquelles à son bébé et surtout qu'il poursuive sa carrière
en réalisant toute une série de longs-métrages cultes parmi
lesquels on trouve Hiruko the Goblin
en 1990, Tokyo Fist
en 1995, Bullet Ballet
en 1998, Gemini
en 1999, le splendide A Snake of June en
2002 ou le court-métrage Haze
en 2005. Mais Shin'ya Tsukamoto ne s'est pas arrêté là puisque
jusqu'en 2018, année de sortie de son dernier long-métrage Killing,
il n'a eu de cesse de surprendre ses fans. Et notamment en 2004
lorsqu'il produit l'une de ses œuvres les plus étonnantes et
personnelles. Loin du bruit et de la fureur de son premier film, loin
des bizarreries qui émaillent la plupart de ses longs-métrages,
Shin'ya Tsukamoto signait une œuvre intimiste honorant le corps
humain, célébrant la passion, l'amour, la mort et donc par
extension, la vie. Nouvel objet filmique non identifié en cette
année 2004 avec ce récit tout en nuance et en pudeur qui nous conte
l'étrange relation d'un étudiant en médecine avec le corps d'une
jeune femme décédée lors d'un accident de voiture dans lequel il
était lui-même impliqué...
Quelques
parasites bruitistes persistent ça et là mais l'essentiel de ce
Vital est
à chercher ailleurs. L'émotion qui s'en dégage est déjà beaucoup
moins évidente que dans n'importe quelle autre romance filmée sur
pellicule ou au format numérique. Le cinéaste japonais qui signe
également le scénario frôle parfois les limites, surtout lorsque
son œuvre s'approche dangereusement des frontières qui l'éloignent
de la nécrophilie mais il ne les franchira cependant pas un seul
instant. On est donc encore très loin d'un Aftermath
réalisé par le cinéaste espagnol Nacho Cerda dix ans auparavant.
Et c'est tant mieux puisque Vital
nous emporte sur un terrain inattendu. Celui de la poésie. Une ode à
la passion et à l'amour, donc, qui perdurent au delà de la mort. Le
film paraît se résumer à peu de chose puisque nombre de séquences
montrent le ''héros'' Hiroshi Takagi (Tadanobu Asano) demeurant prostré au dessus du
cadavre de la jeune Ryōko Ooyama (Nami Tsukamoto) qu'il a par un hasard incroyable,
la charge de disséquer. Devenu amnésique à la suite de l'accident,
il entretient en outre une relation houleuse avec Ikumi (Toulou Kiki), elle aussi
étudiante en médecine...
Vital
s'éloigne de l’œuvre dérangeante qu'il paraît être. Shin'ya
Tsukamoto fait preuve d'une sensibilité qui déjà explosait dans le
remarquable A Snake of June
deux ans auparavant. Le japonais évoque à travers son dixième
long-métrage les relations tumultueuses et passionnées
qu'entretiennent ses deux amants ainsi que les rapports qui unissent
malgré eux le jeune étudiant en médecine avec les parents de Ryōko
Ooyama. Surtout, Shin'ya Tsukamoto ne se fait pas le réalisateur
d'une œuvre gratuitement sulfureuse et montre avec ce film un
respect immodéré pour le corps humain, qu'il s'agisse de l'exprimer
à travers la danse contemporaine ou plus objectivement à travers la
cérémonie lors de laquelle les corps ''sacrifiés'' au bénéfice
de la médecine terminent leur long chemin dans un four crématoire.
Mieux, le cinéaste impose une vision juste des rapports que peuvent
entretenir le jeune rescapé et les parents de la jeune femme qui à
travers celui qu'ils considèrent d'abord comme responsable de sa
mort, nourrissent l'image de leur fille en lui demandant d'entretenir
son souvenir. Si Shin'ya Tsukamoto n'accouche certes pas d'un nouveau
classique, Vital
ne peut laisser indifférent. Et même si son traitement apparaît
souvent hermétique, nul doute qu'il marquera les esprits de ses
fans. La passion selon Saint Shin'ya...
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