Alors qu'une version de
six heures va bientôt voir le jour et que le film ressort en février
en noir et blanc sous le titre Parasite, the Black and White
Version,
que vaut réellement le long-métrage du réalisateur sud-coréen
Joon-ho Bong nominé dans de nombreux festivals et notamment couronné
de la Palme d'Or au festival de Cannes 2019 ? Si d'une manière
générale il est possible de concevoir que l'obtention d'un prix
demeure subjective, il paraît cependant difficile de dénigrer les
valeurs du dernier effort de l'auteur des brillants Memories
of Murder
en 2003, The Host
en 2006 ou de Okja
en 2017 et du prix que le jury entourant le président cette année
là, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu, lui ont
octroyé. Surtout, l'annonce d'une version trois fois plus longue que
l'original prévue prochainement n'étonnera sans doute personne au
vu du colossal concept qu'a mis en place Joon-ho Bong. Déjà
admirable en l'état, on imagine à quoi pourrait ressembler Parasite
dans
une version rallongée de plusieurs heures...
A
priori, il demeure dans la traduction du titre en français et à
l'internationale, l'étrange choix d'avoir opté pour un singulier
plutôt qu'un pluriel de l'original coréen. Sans supposer que les
distributeurs internationaux aient eu l'outrecuidance d'aiguiller les
spectateurs dans une mauvaise direction en exhibant une affiche qui
évoquerait vaguement un long-métrage en forme de ''Cluedo'',
tout laisse d'abord supposer un jeu de massacre dont l'un des
principaux intérêts tournerait autour de la découverte d'un tueur.
Sauf que le film de Joon-ho Bong ne ressemble absolument pas à son
affiche française qui voudrait qu'UNE erreur se cache en son sein
(les plus observateurs remarqueront les pieds nus qui débordent du
''portrait de famille''.
L'un
des seuls mystères qui entourent cette affiche demeure jusqu'à ce
que l'on découvre le fin mot de l'histoire, l'identité des
parasites en question qu'il sera donc de bon ton de mettre au pluriel
et de différencier des autres. Plus qu'une comédie acide, une
critique sociale acerbe ou un thriller cynique, Parasite
est d'abord un formidable jeu de construction qui poussera
invariablement le spectateur à se demander à quel moment la mise en
scène ou le scénario va faillir. Si l'on se pose cette question,
c'est que l'on ne conçoit pas encore qu'un film puisse atteindre un
tel niveau de perfection. Et pourtant, le miracle a bien lieu, et
même dans un contexte aussi délicat qui pousse le spectateur à
s'interroger sur certaines situations demeurant fragiles (est-il
crédible qu'une famille entière de désœuvrés puisse ainsi
s'imposer dans une famille aisée dont le ''patiarche'' ne semble
pourtant pas né de la dernière pluie?), le réalisateur sud-coréen
apporte chaque fois une réponse plausible et cohérente... Si
cohésion ne rime pas avec cohérence, elle est cependant elle aussi
le résultat d'un travail minutieux de la part de Bong Joon-ho et de
son co-scénariste Han Jin-won qui nous livrent un script
parfaitement construit...
Lorsque
Ki-woo Kim (Choi Woo-sik) est embauché par Yeon-gyo Park (Cho
Yeo-jeong) afin de donner des cours d'anglais à sa fille Da-hye
(Jung Ziso), le jeune homme est le premier à mettre le pied à
l'étrier d'un improbable enchaînement de situations visant à faire
employer les autres membre de sa famille. D'abord la sœur, Ki-jun
(Park So-dam), qui se chargera du fils Park, le tout jeune Da-song
(Jung Hyeon-jun), puis viendront ensuite le père Ki-taek (Song
Kang-ho), le nouveau chauffeur de la famille, et enfin la mère
Chung-sook (Jang Hye-jin), la nouvelle domestique. D'un côté, la
famille Kim, au chômage et vivant dans un taudis, de l'autre, la
famille Park qui vit elle dans une luxueuse demeure d'un quartier
chic de la ville. Une fois la famille Kim installée, les bases du
scénario sont posées. Ne reste plus alors pour Joon-ho Bong que de
jouer sur différentes cordes, entre comédie et thriller. Car plus
encore que ces parasites suffisamment ingénieux pour ne jamais
apparaître sous leur véritable jour et vampiriser leurs hôtes,
quelque chose de bien plus profond et ''souterrain'' se cache au sein
du récit.
Si
le cadre froid et impersonnel de celle-ci nous renvoie tout d'abord
une image désolante et sinistre de la famille Park, c'est apar
contre le sous-sol et les alentours où vivent à l'origine les Kim
qui réfléchissent l'humanité de petites gens pourtant peu
scrupuleux. On est saisit par la beauté de certains éclairages
nocturnes et autant par les décors de Lee Ha-jun et les effets
visuels créés par un nombre titanesque de techniciens, lesquels
mettent en valeur la décrépitude du lieu où vivent les Kim. Avec
Parasite,
Joon-ho Bong prouve que même la laideur ou la monstruosité peuvent
faire l'objet d'une attention toute particulière. L’inondation du
sous-sol chez les Kim ou le bunker des Park étant représentatifs
d'univers anxiogènes mis en lumière par le cinéaste. Si dans une
grande majorité des cas le spectateur aura bien du mal à prendre
fait et cause soit pour la famille de parasites (les Kim) soit pour
les ''infestés'' (les Park), le sud-coréen s'amuse à distiller
quelques menues séquences qui nous font choisir les uns avant de
changer d'opinio pour se positionner du côté des autres. Jamais
avare en terme de retournements de situation, Parasite
vire même au cauchemar, à travers cette séquestration volontaire,
ce final grand-guignolesque, ou encore cette (in)volontaire
références aux J-Horror qui pour une fois aura laissé raisonner
non pas des hurlements de peur mais des rires. Enfin, impossible
d'évoquer l’œuvre de Joon-ho Bong sans parler de
l'interprétation. Si la direction d'acteurs est irréprochable, les
interprètes eux-mêmes demeurent absolument brillants. Une Palme
d'or à Cannes amplement méritée...
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