Lorsque l'on a découvert
l'univers du cinéaste hongrois Kornél Mundruczó à travers son
dernier long-métrage, La Lune de Jupiter,
l'envie irrépressible de découvrir ses œuvres passées se fait
très vite ressentir. White God est
le sixième long-métrage du hongrois. Loin des plans-séquences de
son dernier né qui éblouirent une partie du public, Kornél
Mundruczó imagine un récit tournant majoritairement autour d'une
gamine et de son chien. Sauf que de présenter ses personnages sous
des aspects où la quiétude prédomine, le cinéaste préfère
asséner au spectateur un uppercut qui, contrairement à l'idée qui
pourrait émerger que le film foule les territoires empruntés par
les productions Walt Disney et consorts (La Belle
et le Clochard),
préfère évoquer la monstruosité de l'homme à travers
l'allégorie. La métaphore est évidente et expose nos semblables
aux rapports qu'ils entretiennent avec les défavorisés qui
pullulent dans nos rues et dont on refuse même parfois dans certains
pays de dormir sur un banc ou d'exploiter le contenu des poubelles.
Ici, Kornél Mundruczó durcit le propos en imaginant un état (ici,
la Hongrie) dans lequel les propriétaires de chiens bâtards sont
contraints de payer une taxe.
Récupérée
pour trois mois par son père divorcé de sa mère, la jeune Lili est
la maîtresse de Hagen, l'un de ces chiens de race impure dont la
simple évocation rappelle le traitement infligé aux juifs durant la
Shoah. Rejeté par son père, le chien est abandonné dans la rue.
Tandis qu'il trouve une aide inespérée auprès d'un petit roquet,
Lili part régulièrement à sa recherche afin de le retrouver. Mais
pour Hagen, les dangers sont multiples. Tandis que Lili parcourt les
rues en placardant des affiches à l'effigie de son chien, celui-ci
va être confronté à l'homme et à son ignominie. Poursuivi par des
agents de la fourrière parquant les chiens errants qui, dans le
meilleur des cas trouveront un nouveau maître et dans le pire,
seront euthanasiés, Hagen va être enlevé, puis revendu à un homme
qui le dressera au combat.
White God
est, pour les amoureux des chiens et des animaux en général, aussi
jubilatoire qu'inconfortable. C'est après avoir été confronté au
traitement infligé à un chien enfermé dans une cage que l'idée
de tourner un film tournant autour du sujet des minorités vient à
l'esprit de Kornél Mundruczó. C'est ainsi qu'il y mêle
l'effroyable conception de l'homme dans son exploitation de la
misère. Bien qu'étant parfois totalement surréaliste dans son
approche du sujet, le cinéaste fait preuve d'une maîtrise
incroyable lorsqu'il s'agit de mettre en scène sa meute de chiens
partis se venger des hommes. Certaines séquences sont visuellement
époustouflantes (la fuite des chiens de la fourrière). Certains
aspects demeurent cependant fort déroutant. Le cinéaste abandonne
son héroïne incarnée par l'actrice Zsófia Psotta errer dans des
soirées un peu glauques parmi une faune bien plus âgée qu'elle.
Une descente aux enfers prenant une forme brouillonne et laissée en
plan. Au final, des scènes qui demeurent d'une effarante inutilité
et gâchent quelque peu le portrait
construit
autour de l'animal interprété par Luke et Body, deux chiens grâce
auxquels, Luke et Body Kornél Mundruczó remportera la 'Palme
Dog',
un prix récompensant le chien pour son interprétation dans un
long-métrage. Une récompense qui se veut parodique et qui pourtant,
ici, treize ans après sa création, laisse un goût amer. Car devant
la caméra, les deux chiens incarnent cette métaphore évoquée plus
haut avec une force extraordinaire. Lâché en pleine rue, le
cinéaste filme Hagen en travelling sur un pont, désemparé, effrayé
par les bruits de la ville, et le spectateur y croit. Kornél
Mundruczó filme ses bêtes avec un sens aiguisé du comportement
animal. C'est beau, mais aussi parfois, très cruel. On n'est pas
prêt d'oublier les scènes durant lesquelles son nouveau 'maître'
lui inflige coups et injections de stéroïdes afin de le préparer
au combat.
Le
jubilatoire, le spectateur épris de grosses bêtes poilues pourra en
bénéficier lors d'un final parfois ahurissant de surréalisme et
finalement très proche de la nouvelle trilogie de La
Planète des Singes.
L'homme face à l'animal. Une confrontation inévitable qui laissera
le spectateur pencher du côté de la bête plutôt que de son
congénère. White God
est
une pépite, réalisée par un cinéaste qui décidément à de
grandes histoires à nous raconter. A voir absolument...
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