Difficile de définir si
Une Pure Formalité, le cinquième long-métrage du
cinéaste Italien Giuseppe Tornatore, vaut le détour ou non. Si l'on
peut le ranger dans la catégorie des bons ou des mauvais films. Tout
laisse à croire que le cinéaste a pensé son film comme une œuvre
prenant de la distance avec les classiques du genre. On est loin de
la Garde à Vue de Claude Miller. D'abord le cadre. En
un lieu qui restera difficile à définir, l'intrigue se déroule
dans un édifice doucement, mais sûrement, 'dévoré' par une
pluie nocturne incessante. C'est là que l'on retrouve Onoff, un
drôle de patronyme pour un Gérard Depardieu victimes de cauchemars
récurrents dont il faudra faire la lumière sur leur hypothétique
lien avec un meurtre dont il va très vite se retrouver soupçonné.
Face à lui, un inspecteur, campé par le réalisateur polonais Roman
Polanski. Généralement plus à l'aise derrière la caméra que
devant (celle des autres). Si le scénario est l’œuvre du cinéaste
ainsi que de l'écrivain français Pascal Quignard, le récit d'Une
Pure Formalité aurait
tout aussi bien pu sortir de l'imaginaire de celui qui hanta l'esprit
des spectateurs avec sa trilogie de l'appartement (Répulsion,
Rosemary's Baby,
Le Locataire),
mais Polanski ne fait finalement qu'y participer en tant
qu'interprète. Un rôle étrange. Ambigu. Au moins autant que celui
campé par Depardieu.
Le
spectateur curieux a tout autant intérêt à découvrir ce
long-métrage très étrange que le fan d'action à intérêt à
aller voir ailleurs. Giuseppe Tornatore n'étant pas du genre à
asséner de grandiloquents retournements de situation, le rythme
impulsé est celui d'un songe éveillé où rien ne semble
véritablement cohérent. Même cette bâtisse qui tombe en ruine n'a
pas vraiment l'air d'avoir une existence concrète. Comme si tout
n'était qu'un rêve sordide, aboutissement d'un calvaire qui s'est
soldé par la mort d'une femme, c'est au fil de ses cent huit minutes
d'un interrogatoire pour le moins étonnant que la clé de l'énigme
nous sera offerte. Perdu dans des repères qu'il ne saisit pas, le
spectateur suit le cours d'un récit alambiqué, dicté par un
cinéaste assez finaud pour que son auditoire ne prenne pas la fuite
devant une myriade d'incohérences qui trouvent leur explication en
fin de course. Quelques éléments d'apparence surnaturelle
participent à l'aura d'une œuvre dont l'intrigue ne tient
finalement pas sur grand-chose. Cinéaste de génie, Roman Polanski
semble avoir beaucoup de mal à rendre crédible ce personnage de
premier fan de l'auteur Oloff. C'est peut-être pourtant ce qui rend
son personnage si troublant. Cette hésitante manière d'aborder
l'incarnation d'un flic auquel on ne sait réellement à quoi
s'attendre. Face à un Gérard Depardieu dont le personnage est aussi
trouble que le flic qui le questionne, on a parfois l'impression que
les deux hommes sont les deux hémisphères d'une seule et même
matière grise. Une Pure Formalité
est au final une œuvre peu divertissante tout en demeurant ludique
de part son approche inédite. Un long-métrage Italo-français qui
sort des sentiers battus. Un film à la mise en scène perfectible,
mais qui étonnamment continue longtemps après la projection de
résonner dans la tête de ceux qui l'ont vu. Une
Pure Formalité est-il
pour autant un grand film... ? ❤❤❤❤❤❤💔💔💔💔
On
passe maintenant d'un petit poste de police délabré au cabinet d'un
psychiatre interprété par l'acteur Daniel Auteuil. Réalisé en
1996, Passage à l'Acte est
le treizième long-métrage du cinéaste Francis Girod qui bien avant
celui-ci réalisa notamment Le Trio Infernal en
1974, La Banquière en
1980, ou encore Descente aux Enfers
en 1986. On y retrouve les actrices Anne Parillaud, Michèle Laroque
et Marianne Denicourt, ainsi que l'humoriste Patrick Timsit dans la
peau d'un patient dont le psychiatre Antoine Rivière (Auteuil, donc)
tentera de percer le mystère : à savoir si, oui ou non,
Édouard Berg a, comme il le prétend, tué sa femme avant de faire
disparaître le corps et d'organiser le faux départ de la défunte
vers le Brésil. Inspiré de l’œuvre de l'écrivain français
Jean-Pierre Gattégno, Neutralité malveillante, Passage
à l'Acte se
veut une étude psychologique de la pathologie d'un individu dont on
ne sait pas encore s'il est un assassin ou s'il n'est qu'un mythomane
narcissique. Contrairement aux apparences et à la réputation
qu'entretient le personnage incarné par Daniel Auteuil, c'est bien,
ici, le patient qui mène la danse. Patrick Timsit s'est pour
l'occasion rasé le crâne et observe un comportement hautain auprès
de son nouvel analyste. L’œuvre de Francis Girod explore en fait
assez maladroitement le personnage de Berg, en proie à ce qui semble
être un désir de reconnaissance. Alors que les divers éléments du
puzzle prennent leur place respective lors d'un final censé éclairer
le spectateur sur les tenants et les aboutissants du récit, le
résultat est parfois si confus (et non pas complexe) qu'on se
demande où veut vraiment en venir le cinéaste.
Si Daniel Auteuil est relativement convaincant dans la peau du
psychiatre, Patrick Timsit, lui, eut égard à son talent, se révèle
parfois ridicule. La faute en incombant très certainement à une
direction d'acteurs navrante. Le sujet, au demeurant passionnant, est
ici gâché par une succession d'événements dont le ridicule
l'emporte sur la crédibilité. A titre d'exemple, la relation entre
deux des patients du docteur Rivière semble à ce point si peu
vraisemblable qu'on a un mal fou à se retenir de pouffer de rire. Le
style français, certainement... Anne Parillaud joue son éternel
numéro de séduction, Michèle Laroque comble naïvement les vides
laissés par le scénario bancal écrit par le cinéaste lui-même,
aidé en cela par l'agaçant psychanaliste-chroniqueur Gérard Miller
et le romancier, scénariste et journaliste Michel Grisolia. Seule
parvient à tirer son épingle du jeu la séduisante Marianne
Denicourt, ou encore l'acteur Jean-Michel Noirey dans le rôle du
commissaire Guérin.
Passage à l'Acte
se révèle donc au départ une excellente idée, confrontant deux
solides interprètes entourés d'une poignée d'actrices et d'acteurs
habituellement convaincants. Si quelques passages génèrent une
certaine anxiété (Berg tournant autour des proches du psychiatre),
le résultat final est décevant. Loin des promesses de son synopsis
alléchant... ❤❤❤❤❤❤💔💔💔💔
Pour
finir, on termine avec Le Cousin
d'Alain Corneau. Un cinéaste qui s'est souvent illustré dans le
polar avec des œuvres fort convaincantes. Police
Python 357,
La Menace,
Le Choix des Armes,
ou encore le redoutable Série Noire
avec l’irremplaçable Patrick Dewaere. Pour le long-métrage qui
nous intéresse ici, Alain Corneau a fait appel à un duo plutôt
étonnant puisque Patrick Timsit et Alain Chabat étaient jusque là,
surtout connus pour verser dans l'humour et non pas dans le polar
comme c'est le cas ici. Le cinéaste fait donc à l'époque le pari
risqué de confier le rôle d'un flic à celui auquel il offrit un
minuscule rôle de figurant dans Série Noire
en 1979 (l'un des Hell's Angels du bar, c'est Alain Chabat), et celui d'un
indicateur à celui qui incarnera sous la houlette de ce même
réalisateur, l'un des personnages principaux du Prince
du Pacifique
trois ans plus tard. Alain Corneau traite son sujet sous un angle
particulièrement sombre même si la présence de ses deux principaux
interprètes désamorce quelque peu certaines situations. Car à
l'époque, sans doute davantage qu'aujourd'hui, l'étiquette que
portent les deux hommes est difficile à séparer de cette nouvelle
approche de leur métier d''acteurs désirant sans doute s'offrir une
certaine forme de respectabilité, ou du moins, de reconnaissance en
se jetant corps et âme dans un film policier tendu où l'humour n'a
pas vraiment droit de cité.
Alain
Chabat y incarne donc Gérard Delvaux, flic à la criminelle prenant
'sous son aile' un
certain Nounours, incarné, lui, par Patrick Timsit, lequel était
indicateur à la solde de Philippe, flic lui aussi et qui, inquiété
par la police, s'est suicidé récemment. Balance, Indicateur, ou
comme ici, Cousin. Rien ne différencie ici ces patronymes alloués à
des criminels de petites envergures travaillant dans l'ombre pour les
services de police. Dans leur propre intérêt également puisque en
fournissant des informations aux flics, c'est avec impunité qu'ils
peuvent continuer à mener leur propre trafic. Le personnage incarné
par Patrick Timsit est à ce titre un petit trafiquant de drogue qui
profite de son statut de balance pour récupérer dix pour cent du
butin que les policiers récupèrent lors des perquisitions menées
sur des lieux de trafics indiqués par Nounours. L’œuvre d'Alain
Corneau s'attarde sur les liens qui unissent deux hommes qui ont
pourtant choisi d'emprunter des chemins différents. Il démontre
également que parfois, la frontière entre légalité et criminalité
est ténue. Même si le personnage campé par Alain Chabat conserve
son intégrité, Le Cousin démontre
que certains peuvent se laisser griser par l'argent facile. Autour du
duo, le cinéaste intègre un casting solide à la tête duquel on
retrouve un Samuel Le Bihan qui aurait sans doute mérité plus
encore que le pourtant très bon Alain Chabat, le rôle principal de
Gérard Delvaux. Plus naturellement charismatique dans la peau du
flic incorruptible, il sert la soupe à un interprète qui
heureusement, s'en sort plutôt bien. Comme s'en sort également très
largement Patrick Timsit en indic instable et parfois violent, mais
dont le charisme a été revu à la baisse (il faut le voir se
dandiner lorsqu'il se déplace à vive allure). Outre Le Bihan, Alain
Corneau confie deux des principaux rôles féminins aux actrices
Marie Trintignant (malheureusement pas assez exploitée dans le rôle
du juge Lambert) et à Agnès Jaoui, dans celui de Claudine, l'épouse
(timidement) alcoolique de Gérard Delvaux. Au final, Le
Cousin
est un petit polar sympathique qui demeure pourtant loin, très loin
d'égaler le meilleur du genre. Et l'on ne parle pas ici de
l'internationale mais simplement des tentatives françaises qui dans
le domaine ont, fort heureusement, fait beaucoup de progrès depuis
un certain nombre d'années. A voir pour Alain Chabat et Patrick
Timsit dans leur premier vrai rôle dramatique... ❤❤❤❤❤❤💔💔💔💔
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire