Un noir et blanc superbe.
Des individus filmés de si près que l'image en devient floue,
imprécise, et parfois incommodante. De ces personnages dont
l'identité ne nous sera jamais dévoilée, nous n'en verrons pas les
visages, le cinéaste et scénariste serbe Momir Milošević ayant
choisi de les 'décapiter'. Un basketteur s'évertuant à
s'entraîner jusqu'à l'épuisement. Un autre tentant vainement de se
rapprocher de l'une des deux héroïnes, sans succès. La mère de
celle-ci, décrite comme fréquentant différents hommes. Le
compagnon d'une autre, violent et agressif. Des êtres que le
cinéaste considère avec si peu d'intérêt qu'ils n'en dévoile pas
grand chose devant la caméra. Un style particulier, très
esthétique, et qui finalement sublime ses deux principales
interprètes que Momir Milošević filme par contre dans leur
globalité. Les seuls visages, ou presque, que l'on découvrira
seront ceux de Jelena Puzić et Milena Đurović. L'une est brune et
la seconde est blonde. C'est cette dernière sur laquelle se
concentre surtout le récit. Sara et Alisa sont les meilleures amies
du monde. Alors qu'elles s'apprêtent à quitter les bancs d'école
pour entrer dans la vie active, Sara écrit une lettre à l'attention
d'Alisa. Un très beau témoignage d'amour pour celle qu'elle aimait
jusque là en secret. Mais dans un pays où l'on craint un manque
cruel de fertilité, avouer une attirance pour un individu de même
sexe dérange. D'ailleurs, Alisa est tellement troublée qu'elle en
réfère à une conseillère qu'elle consulte avec Sara. Pour cette
dernière, il s'agit d'une trahison. Jamais elle n'aurait pensé que
celle qu'elle aime, et avec laquelle elle partage une profonde amitié
de plusieurs années, aurait dévoilé à une autre son secret.
L'amitié entre Sara et
Alisa explose. Tandis que la seconde réfléchie sur l'avenir, la
première erre dans la nuit, à bord d'un bus, puis dans les rues de
la ville. Jusqu'au jour où Sara, un soir, reçoit un coup de
téléphone d'Alisa. La voix fébrile, celle-ci veut qu'elles se
retrouvent. Les deux jeunes femmes quittent leur quartier et traînent
en ville. Se désirant désormais l'une et l'autre, elles se
touchent, se caressent, s'embrassent et s'accouplent. Alors qu'entre
elles tout semble être rentré dans l'ordre, d'étranges événements
vont se produire au cœur de la nuit...
Et ce sont ces événements
qui justement vont donner à Otvorena (Open Wound
en anglais, ou, blessures ouvertes en français) tout ou partie de
son intérêt. Alors que l’œuvre de Momir Milošević s'employait
à décrire la souffrance d'une jeune femme trahie par celle qu'elle
aime et qui, de se fait, est séparée d'elle, le film prend ensuite
des allures de film d'horreur. Quelque part entre Eraserhead
de David Lynch et Possession d'Andrzej Zulawski. On ne
saura jamais véritablement si cette étrange créature qui apparaît
aux trois-quart du long-métrage existe vraiment ou si elle n'est que
l'expression physique d'un fantasme développé par le personnage
interprété par l'actrice Milena Đurović. Quelques détails
viennent cependant étayer cette hypothèses. Une Alisa découverte
morte, pas très loin de la cité ou Sara et elle vivent,
ensanglantée, avant que nous ne la redécouvrions bien vivante.
Flash-Back ? La chose est volontairement imprécise. Aussi floue
que certaines images. Otvorena nous
injecte son poison. Son auteur sait de quoi il parle. Le spectateur
est séduit devant ces deux personnages féminins et l'attirance
envers l'une ou l'autre et même, pourquoi pas, les deux, est
inévitable. Le film se veut charnel, d'un érotisme discret mais à
fleur de peau. Puis tout sombre dans la folie. Celle de Sara,
détruite par la trahison et le rejet de son amie. Ou bien celle
d'Alisa qui malgré ses principes se laisse prendre au jeu. La
musique composée par Zoran Radulovic imprègne totalement l’œuvre
de Momir Milošević. Une bande originale angoissante, proche des
plages ambient d'Abul Morgad. Otvorena nous
conte une histoire d'amour qui sort véritablement des sentier
battus. Une relecture très intéressante sur le sujet qui de plus,
possède une très belle photographie. Un cinéaste et deux
interprètes féminines à suivre...
Bonjour, merci pour cette chronique, la description du film et les influences Lynch/Zulawski donnent vraiment envie. Savez-vous s'il existe une édition DVD du film?
RépondreSupprimerBonjour, c'est une très bonne question. Je n'ai pas le moindre souvenir qu'il puisse exister une édition DVD du film. Il me semble qu'à l'époque je l'avais découvert en VOD...
Supprimer