Relativement bien
représenté au cinéma, le meilleur ami de l'homme est mis en valeur
d'une manière toute particulière en 1989 avec ce premier
long-métrage signé du cinéaste français Jérôme Boivin.
Cataloguée œuvre fantastique, Baxter est surtout une
étude des mœurs humaines glaçante vue à travers le regard d'un
chien, un bull terrier qu'un jour, Florence offre à sa mère, Madame
Deville, une vieille dame qui vit seule et qui n'est pas
particulièrement chaude à l'idée d’héberger un animal chez
elle. Contre mauvaise fortune bon cœur, elle accepte finalement la
présence de Baxter, qui au départ doit se contenter d'un territoire
assez limité. Mais Baxter n'est pas un chien comme les autres. Il
pense. Peut-être d'ailleurs est-ce une habitude chez cette curieuse
espèce, mais c'est en tout cas la première fois (ou presque puisque
le cinéaste Lou Breslow aborda de manière sensiblement similaire la
même thématique en 1951 avec You never can tell) que
l'on ose « violer » l'intimité d'un chien en
révélant ses pensées sur grand écran.
Au grès du vent, Baxter
passe de main en main. De la vieille femme qu'il finira par tuer en
provoquant sa chute dans les escaliers, en passant par le jeune
couple parent d'un bébé qu'il tentera de noyer, jusqu'au saisissant
portrait d'enfant fasciné par la liaison entre Adolf Hitler et Eva
Braun, le film dresse un constat navrant. La musique composée par
Marc Hillman et Patrick Roffé participant parfois au climat étrange
lorsque c'est de la gueule même, ou plutôt de l'esprit même de
Baxter, que nous sont révélés les traumas de ses maîtres. A le
redécouvrir aujourd'hui, Baxter a étonnamment conservé toute sa
force. Bien que l'approche soit originale, on ne peut rester de
marbre devant ce portrait clinique d'un gamin, fou d'un récit
tragique qui emporta des millions d'individus lors de la seconde
guerre mondiale.
Baxter, ce petit chien
dont l'âme n'est pas aussi lisse que sa silhouette, tente à
plusieurs reprises de faire plier ses maîtres à sa bonne volonté.
Allant même jusqu'à commettre des meurtres. Usant de son instinct,
c'est pourtant ce dernier qui le mènera à sa perte. Croire qu'il
s'agit ici d'une œuvre à l'attention de nos chères têtes blondes
serait une erreur. Nous ne sommes pas chez Walt Disney. Pas de
Guimauve, pas de sucreries, par de bons sentiments. Baxter
arbore parfois l'aspect clinique du cinéma autrichien de Michael
Haneke. Jérôme Boivin parvient à refroidir son public, accentuant
à chaque « passage de témoin », l'horreur de
l'âme humaine.
La partie consacrée aux
rapports qu'entretient le jeune Charles avec l'image du couple formé
par Hitler et Braun atteint un degré d'horreur particulièrement
bien mené. On sent tout le pouvoir maléfique de cet enfant lâché
dans la nature et dont les pulsions de morts laissent présager pires
conséquences encore que le « simple » fait de
tuer une portée de chiots. Selon Jérôme Boivin, tout n'est
qu'instinct chez Baxter. Même lorsqu'il s'agit de défendre la
portée ou bien de se défendre ou de laisser faire face à la barre
qui s'abat sur lui.
Œuvre atypique, Baxter
a remporté une mention spéciale au festival d'Avoriaz en 1989.
Jérôme Boivin donne pour la première fois la parole au meilleur
ami de l'homme. Toute la sincérité non calculée de cet animal qui
ne juge jamais sans arrière pensée les actes de ses maîtres. On
tient là presque un chef-d’œuvre du cinéma fantastique français.
En tout les cas, celui qui fut et demeure l'un des meilleurs
représentants du genre sur notre territoire...
Déjà vu, mais c'est un peu confus dans ma tête : à l'époque, on passait souvent des films "animaliers" d'horreur : Link (avec un chimpanzé), Baxter, Dressé pour tuer (de Samuel Fuller, dont j'ai découvert Shock Corridor grâce à toi)...
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