Brian Sweeney Fitzgerald
dit Fitzcarraldo est passionné par l'opéra et rêve d'en construire
un au beau milieu de la forêt amazonienne. Inventeur d'un procédé
permettant la fabrication de pains de glace, son métier ne lui
rapporte malheureusement pas assez d'argent pour pouvoir mener à
bien son projet. C'est pourquoi, avec l'aide financière de sa
compagne Molly, propriétaire d'une maison close, il achète une
concession de caoutchouc longeant le fleuve Ucayali et appartenant à
Don Aquilino, ainsi qu'un bateau à vapeur en piteux état.
Après avoir formé un
équipage principalement constitué par des habitants de la région,
le bateau retapé par leurs soins, Fitzcarraldo embrasse une dernière
fois Molly et part à la conquête de la forêt amazonienne. Mais sur
la route, la proximité des indiens Jivaros, des réducteurs de
têtes, fait craindre le pire à l'équipage qui prend la fuite. A
bord du bateau ne demeurent plus que le chef cuisinier Huerequeque,
le capitaine Orinoco Paul et le machiniste Cholo Miguel. Désemparé,
Fitzcarraldo s'apprête à tout abandonner lorsque miraculeusement,
les indiens Jivaros lui barrent la route et décident de
l'accompagner dans ce rêve insensé qui consiste à bâtir un opéra
au beau milieu de l'Amazonie...
Le cinéaste Werner
Herzog et l'acteur Klaus Kinski se retrouvent ici pour la quatrième
fois pour ce qui restera sans aucun doute comme leur plus ambitieuse
collaboration. Les deux hommes se retrouvent pour la deuxième fois
confrontés à la rage d'un fleuve qu'ils commencent à bien
connaître puisqu'en 1972, soit dix ans plus tôt, ils tournèrent
ensemble Aguirre, la Colère de Dieu. Fizcarraldo
est à l'image de son réalisateur et de son principal interprète.
Un projet invraisemblable, une mise en scène à l'ambition
démesurée, et surtout, un spectacle extraordinaire mis en scène
par un artiste qui aime, et veut le faire savoir, la nature dans ce
qu'elle a de plus belle et de plus dangereuse.
Werner Herzog semble
avoir été inspiré par un voyage effectué en Bretagne. Ébahi par
le spectacle des alignements de pierres de Carnac, il se pose alors
une question : comment faire franchir à un bateau, le sommet
d'une montagne au cœur d'une nature hostile et dangereuse capable
d'anéantir les faibles comme les forts. Mais si Fizcarraldo
est
une œuvre éblouissante conquérant l'esprit des spectateurs grâce
à un visuel et par des scènes à la réalisation insensées, le
cinéaste démontre avec force que l'homme n'est jamais rien d'autre
qu'un simple mortel qui pour vivre a nécessairement besoin de rêver
à travers l'expression artistique.
Outre
la magnificence d'un décor dont Werner Herzog s'approprie le temps
d'un film quelques milliers d'hectares à la simple vision d'un homme
perché au sommet de la canopée, le cinéaste fait également
référence aux coutumes et aux légendes qui entourent les peuples
indiens qui vivent tout au long du fleuve. On y découvre l'homme
blanc exploitant à nouveau, mais ici de manière presque innocente,
des sauvages afin de mener à bien son projet. Le spectacle est alors
total et compte des scènes totalement folles. Celle où le bateau
franchit la colline demeurant sans doute comme la plus démentielle.
Au son d'un Caruso dont la voix apparaîtra comme étant des plus
émouvante même pour les plus réfractaires, Klaus Kinski interprète
un Fitzcarraldo presque schizophrénique dans son comportement. On
retrouve le Kinski halluciné mais aussi un acteur qui n'a sans doute
jamais été aussi bouleversant.
Ceux qui pensent que
l'acteur n'est que l’éternel fou génial jouant presque
exclusivement de son faciès halluciné se doivent de découvrir
Fitzcarraldo. Lors
d'une scène dans laquelle l'acteur exprime tout le
désarroi de son personnage face à la seule alternative qui lui
reste lorsque tous les hommes du bateau ou presque l'ont abandonné,
Klaus Kinsi se fait véritablement émouvant. On comprend mieux alors
les raisons qui un jour ont poussé Werner Herzog à le désirer
comme interprète principal de plusieurs de ses projets. D'un simple
regard l'immense Klaus Kinski dessine les contours d'un homme acculé
devant l'échec inévitable qui s'offre à lui. Fitzcarraldo
est
une œuvre immense récompensée par le prix de la mise en scène au
Festival de Cannes en 1982. En complément, il est plus que conseillé
aux spectateurs de voir Ennemis Intimes, un documentaire qui retrace
les différents collaborations entre Werner Herzog et Klaus Kinski.
On y apprend notamment que le tournage de Fitzcarraldo
s'avéra
parfois extrêmement difficile, et pas simplement à cause des
conditions extrêmes dues à la forêt et au fleuve, mais aussi aux perpétuels affrontements verbaux entre les deux hommes...
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