Le soldat Franz Woyzeck
est en poste dans une garnison allemande. Père d'un enfant
illégitime qu'il a eu avec sa maîtresse, Marie, il est le plus
souvent sujet aux moqueries de ses supérieurs qui l'emploient à
divers travaux. Barbier officiel d'un capitaine, il participe
également aux travaux de recherches médicales menées par un
médecin qui lui impose des contraintes alimentaires qui, peu à peu,
dérèglent sa manière de penser. Alors qu'un tambour major tourne
autour de Marie, Franz commence à avoir des visions inquiétantes.
Persuadé que celle qu'il aime le trompe, il commence à délirer,
tente de s'en prendre physiquement au tambour major qui l'humilie et
prend la terrible décision de tuer Marie alors même qu'il l'a
invitée à le suivre près d'un étang...
Woyzeck est
la troisième collaboration entre le cinéaste Werner Herzog et
l'acteur Klaus Kinski. Alors même que les deux hommes viennent
d'achever le tournage de Nosferatu, Fantôme de la nuit,
ils n'attendent pas plus de cinq jours pour tourner à nouveau
derrière et devant la caméra, ce projet inspiré par la pièce de
théâtre du dramaturge, révolutionnaire, médecin et scientifique
allemand Georg Büchner, elle-même inspirée d'un fait divers réel
lors duquel l'ancien soldat Johann Christian Woyzeck a tué sa
maîtresse, la veuve d'un chirurgien. Le frère de Woyzeck recueille
ses écrits et les fait publier accompagnés d'une biographie de
Johann Christian Woyzeck en 1850. Woyzeck devient alors un
classique de la littérature allemande.
Werner Herzog s'attaque
donc à l’œuvre d'un homme qui considérait que la lutte entre
riches et pauvres était l'unique combat révolutionnaire au monde.
Georg Büchner est l'homme qui marquera le plus Werner Herzog dans sa
carrière de cinéaste, l'adaptation de la pièce devenant alors très
vite une évidence. Klaus Kinski campe donc un homme qui malgré la
rigueur de son statut de soldat de garnison va peu à peu sombrer
dans la folie. Et le monde qui l'entoure n'est sans doute pas
étranger à tout cela. Humiliation, mensonge et désordre
physiologique dû au traitement infligé par un médecin qui ne voit
en lui qu'un cobaye, le sujet Woyzeck perd pied, entend des voix et
commence à percevoir des phénomènes étranges. Il a beau en parler
à son seul ami et confidant Andrès, mais rien n'y fait. Woyzeck
glisse peu à peu vers le final violent qui va clore le film de
Werner Herzog.
Klaus Kinsi campe un
personnage troublé, troublant, et relativement attachant. Témoin du
désert affectif dont il est affligé et des conséquences d'un
comportement empathique qui va lui nuire le long d'une œuvre qui ne
dépasse pas les quatre-vingt minutes, le spectateur assiste au
quotidien d'un homme sans cesse harcelé par son entourage mais aussi
et surtout par ses propres pensées.
Le cinéaste allemand
dessine les contours d'un personnage qui n'a, semble-t-il, pas sa
place dans un monde dans lequel les faibles n'ont pas droit de cité
et sont irrémédiablement écrasés. L'image du bourreau étant ici
représentée par le personnage du tambour major (Josef Bierbichler),
mais aussi par celle dont aurait dû à l'origine avoir le plus
confiance notre héros, Marie (Eva Mattes), autoproclamée putain,
mais dont le quotidien peut sensiblement excuser son comportement.
Toutes les couches sociales semblent être responsable de cette
ignominie qui consiste à humilier les plus faibles d'entre nous
puisque dans Woyzeck, on peut soit être officier, soit
médecin, et se comporter comme un véritable monstre.
Si dans Nosferatu,
Fantôme de la nuit,
Klaus Kinski était tout en retenue, Dans Woyzeck,
il exprime toute l'absurdité de son personnage à travers une folie
contenue et un regard halluciné qui laisse présager le pire à
venir. Pantin au service d'un cinéaste qui décidément, possède
une manière bien à lui de mettre en scène des récits atypiques,
Klaus Kinski explose une fois de plus sur les écrans et éblouie de
sa grâce inquiétante la pellicule d'une œuvre qui demeurera comme
l'une des plus importante ce sa carrière, ainsi que celle de Werner
Herzog. Épaulé par une Eva Mattes tour à tour séductrice et
compatissante, Klaus Kinski habite littéralement cette troisième
collaboration entre Werner Herzog et lui...
On l'a regardé tout juste à la suite de "Aguirre" : ce dernier m'a bien plus fasciné que Woyzeck, qui, malgré la maîtrise de Herzog, garde son côté théa^tral... en revanche, le jeu de Kinski était impressionnant, dans cette façon de jouer une folie différente de celle d'Aguirre.
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