Parler du cinéma grec
est ici tellement rare qu'il n'est pas anecdotique de se pencher sur
l'une de ses œuvres. Drame familial par excellence, Miss
Violence de Alexandro Avranas n'a pourtant pas tant de
différence que cela avec le nauséeux et très réussi Singapore
Sling de Nikos Nkolaïdis déjà traité ici.
Alors qu'elle fête en
famille l'anniversaire de ses onze ans, la jeune Angeliki tombe du
balcon et s'écrase plusieurs étages en contrebas de l'immeuble. La
gamine meurt et les suppositions vont bon train. Pour les services
sociaux, il s'agit sans doute d'un suicide. Pour ses parents, c'est
un accident. Les temps sont rudes. Philippos, le fils de leur fille
Eleni devient un élève agité, violent envers ses camarades. Myrto,
la jeune sœur de Eleni est une enfant perturbée qui s'automutile
parfois devant les yeux de sa mère. Eleni, elle, outre Philippos, a
une deuxième enfant, la toute jeune Alkmini. Elle attend à nouveau
un bébé dont personne ne connaît le père. Elle n'a d'ailleurs
jamais donné le nom de celui de ses deux premiers enfants. Le père
de famille élève ses enfants et ses petits-enfants dans un climat
particulièrement rude. Seul a faire rentrer de l'argent, il décide
de tout et est intransigeant. Sa femme, elle, est effacée et se
tait.
Alors qu'ils préparent
l'arrivée des services sociaux qui doivent examiner leur cas, des
événements vont venir troubler le calme apparent de cette famille
menée de main de fer par le patriarche...
Lorsque l'on se lance
dans cette aventure, on est loin, très loin même d'imaginer comment
vont évoluer les événements. On pense tout d'abord que ceux-ci
vont uniquement se situer autour de la disparition de la jeune
Angeliki qui s'est (et ce n'est pas divulguer une information
importante que de le dire) volontairement jetée dans le vide. Mais
en réalité, ce fait n'est que le point de départ d'un récit qui
va enfoncer ses personnages et les spectateur au cœur d'un fait
divers d'une ampleur horrifique à peine soupçonnable. Du moins
pendant un temps puisque l'une des très grandes force du film de
Alexandro Avranas est de parsemer au compte-gouttes son récit de
détail qui vont forger la personnalité de ses personnages.
Derrière un titre un peu
idiot et racoleur se cache un drame social terrible mené de main de
maître par le cinéaste, mais avant tout par une brochette
d'interprètes qui n'ont pas besoin d'en faire des « caisses »
pour nous convaincre. On comprend que l’œuvre ait pu choquer les
festivaliers de la Mostra de Venise en 2013, tout comme l'on comprend
pourquoi elle ait remporté le Lion d'Argent du Meilleur Réalisateur
et la Coupe Volti du meilleur acteur pour Themis Panou qui campe ici
un patriarche impressionnant de froideur et de détermination.
Si le sujet est des plus
difficile, il est livré dans des décors minimalistes qui servent
entièrement le scénario et l'interprétation. On notera la visite
des services sociaux à travers un plan-séquence très réussi de
neuf minutes qui montre une jolie prouesse en terme d'espace et de
cadrage.
La réussite tient
également au fait que les portraits soient si justes et proches de
ce à quoi nous pourrions nous attendre, confrontés à de telles
personnalités. Entre le mal incarné par l'image du père
protecteur, la (ou les) victimes, dont celle qui se réfugie dans le
silence et que l'on condamne par la même, Miss Violence est un
vibrant et monstrueux témoignage sur l'ignominie dont peuvent se
rendre coupables certains d'entre nous. Mais au delà de cette
sinistre image, il y a aussi ces être fragiles merveilleusement mis
en images, interprètes de la souffrance
qui dignement demeurent dans le silence en exprimant leur torpeur de
leur seul regard. Miss Violence est un chef-d’œuvre qui émeut et
réussit à aborder un sujet difficile et complexe sans tomber ni
dans le larmoyant ni dans le sordide gratuit...
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