Un an après la sortie du
film de Blaxploitation
Blacula,
version afro-américaine du Dracula de Bram Stoker réalisée par
William Crain, l'acteur, réalisateur et scénariste Bill Gunn se
penchait à son tour sur la thématique des vampires. La différence
entre les deux longs-métrages se situant au niveau du traitement de
ce légendaire suceur de sang, Ganja & Hess
est une œuvre beaucoup plus complexe à aborder. Surtout durant son
premier acte, confus, ésotérique et expérimental. L'on fait la
connaissance de l'anthropologue Hess Green qui depuis des années
mène des recherches sur les Myrthiens, habitants d'une nation
imaginaire n'ayant rien à voir avec les extraterrestres de la
planète Sy Myrth de l'univers Star Wars et
dont leur représentante Toonbuck Toora intégra la Confédération
des systèmes indépendants.
Ici, il s'agit bien d'hommes et de femmes mais dont la particularité
est de boire du sang humain. Assisté de George Meda (interprété
par le réalisateur lui-même), le docteur Hess Green tente de
convaincre son collaborateur de cesser toute idée de se suicider
mais un soir, celui-ci passe finalement à l'acte après avoir
attaqué l'anthropologue à l'aide d'une dague cérémonielle
myrthienne. Blessé mais toujours en vie, Hess développe un goût
très prononcé pour le sang qui le pousse alors à trouver des
victimes qu'il tue avant de se repaître de leur sang... Quelques
temps plus tard, Ganja Meda, l'épouse de George revient d'un voyage
à Amsterdam et compte retrouver son époux. Affirmant qu'il a
disparu, Hess n'a d'autre choix que d'accueillir la jeune femme chez
lui. Ganja & Hess prend
alors une tournure tout à fait inattendue puisque après avoir
découvert que le corps de son mari est en fait enfermé dans un
congélateur, Ganja décide d'épouser son hôte plutôt que
d'avertir la police... Drôle de film que ce Ganja
& Hess
totalement perché, en mode Blaxploitation
et doté d'une bande son peu en accord avec ce que l'on a
habituellement coutume d'entendre dans ce genre de projet. Composée
par l'acteur et musicien afro-américain Sam Waymon, la partition
musicale est une étrange formule mêlant musique ''Black''
à
des samples de voix et de rythmes tribaux africains auxquels le
compositeur ajoute une très forte dose de réverbération...
Ajoutant
au contexte déjà particulièrement porté sur l'expérimentation
narrative, un surcroît de psychédélisme qui fait du long-métrage
une œuvre atypique. Un film hors-norme et qui pourtant s'inscrit
dans une démarche que l'on peut parfois considérer de réaliste
puisque un certain nombre de séquences, filmées caméra à l'épaule
et à travers une image sale et tremblante, ont valeur de
documentaire. Mais ne nous y trompons pas. Ganja
& Hess
s'observe tout d'abord comme une étude anthropologique avant de
basculer vers le fantastique même si peu d'éléments viennent
corroborer cet état de fait. Ici, pas de dents pointues venant
percer les carotides des victimes mais une lame de rasoir qui vient
tailler les artères, provoquant des bains d'un sang trop épais et
trop orangé pour être crédibles. Avec un budget n'excédant pas
les trois-cent cinquante mille dollars, on peut malgré tout
considérer l’œuvre de Bill Gunn comme un miracle. Un long-métrage
unique en son genre, rejoignant quelques rares pellicules qui à
l'époque défiaient toute forme de discipline. Tandis que Marlene
Clark incarne Ganja Meda, le rôle du Docteur Hess Green fut confié
à l'acteur Duane Jones. Un nom qui peut paraître insignifiant,
méconnu, et qui pourtant, est rapidement entré dans la légende
puisque l'acteur n'incarna rien moins que le personnage de Ben dans
le mythique La nuit des morts-vivants
de George Romero en 1968. Désormais, le voici interprétant un
anthropologue barbu, vampirisé, buveur de sang et criminel qui
cependant viendra se repentir lors d'une saisissante et très
émouvante séquence située dans une église où le révérend
Luther Williams (alors incarné par Sam Waymon) lui permettra de se
racheter de ses péchés ! Ganja & Hess
se mérite. Alors que différentes versions semblent avoir circulé
et que le film semble tout faire pour perdre son public dans les
méandres d'un script tellement confus que l'on s'y noie rapidement,
Bill Gunn permet malgré tout de suivre les aventures de ces alter
ego du Comte Dracula qui évoluent dans un contexte sale, mortifère,
ambigu et ainsi de comprendre l'essentiel de ce qui se déroule à
l'image. Exemple typique du film auréolé du statut d’œuvre culte
s'inscrivant bien dans son époque. Bref, à découvrir de toute
urgence...
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