Réalisé en 1999, Rien
sur Robert
est le second long-métrage du cinéaste français Pascal Bonitzer et
fait partie du club très fermé des films qui titillent autant la
curiosité qu'ils dérangeant par leur approche peu commune de
l'affectif. Récit d'une et de plusieurs rencontres. Entre le
critique Didier Temple, engoncé dans une relation tumultueuse avec
l'insatisfaite Juliette Sauvage, et la jeune Aurélie Coquille, une
gamine un peu perdue, 'séquestrée'
par un beau-père qu'elle déteste. Pascal Bonitzer laisse déjà
entrapercevoir l'état d'esprit de ses principaux protagonistes à
travers leur patronyme respectif. Exemple : Juliette, qui, oui,
est sauvage. Jusque dans l'absolu liberté des mots qu'elle choisit
consciencieusement de proférer lorsqu'elle fait état auprès de
l'homme qu'elle aime, des rapports sexuels qu'elle entretient avec
son amant rencontré un jour dans un parc et qui depuis lui ouvre les
portes d'un plaisir que Didier lui a toujours refusé. Sandrine
Kiberlain, lumineuse, tantôt insatiable, tantôt aigrie, éprouvant
autant de plaisir à se faire... 'enculer'
par son nouvel amant que de décrire avec un luxe de détails ses
rapports sexuels à un Didier aussi médusé que contrit.
Didier,
justement. Abordons ce personnage, l'individu central d'un récit
kafkaïen dans lequel s'invitent les personnages d'un roman déjanté.
Lors de sa rencontre avec le Lord Ariel Chatwick-West admirablement
interprété par l'immense Michel Piccoli, ce dernier semble avoir
avant tout le monde, saisi cet homme s'octroyant le droit de
critiquer une œuvre sans l'avoir vue. En somme, l'apogée du
narcissisme pour un critique habituellement salué et dénudé lors
d'un dîner particulièrement glaçant se terminant dans la chambre
de la jeune et jolie Aurélie, laquelle servira d'exutoire à un
Didier en mal d'amour et de reconnaissance.
Rien sur Robert
bat
régulièrement le froid tout en refusant sa place à la chaleur.
Point d'émotion à l'horizon, mais une écriture des plus efficace
servie sur un plateau au bénéfice d'un casting en or : Fabrice
Luchini et Sandrine Kiberlain en tête de gondole, suivis de près
par une Valentina Cervi troublante et magnifique. À ses côtés,
Michel Piccoli, posant en empereur de la connaissance contre lequel,
aucun disciple n'ose s'insurger des propos parfois démesurés. Denis
Podalydès est convié à la fête dans un rôle malheureusement
ténu. Laurent Lucas a lui, par contre, beaucoup plus de chance et
offre aux spectateurs la douceur de son timbre, doublé d'un charme
excentrique.
L’œuvre
de Pascal Bonitzer convie le spectateur à s'enfoncer dans l'univers
opaque des arts représentés à diverses occasions. Cinéma,
télévision, peinture et littérature sont l'occasion de traverser
un miroir renvoyant une image peu flatteuse, parcourue d'ombres
humaines inquiétantes. Plus dramatique que comique, Rien
sur Robert
charme sous certains aspects (les relations ambiguës qu'entretient
Didier avec sa compagne Juliette et avec la jeune Aurélie), trouble
à diverses occasions (le dîner et l'étrange demeure du Lord Ariel
Chatwick-West), et ne laisse jamais le spectateur sur la paille
lorsqu'il s'agit de lui asséner des coups de poing à l'âme.
Étrange sensation d'attirance envers une œuvre parfois profondément
dépressive, mais dont l'admirable écriture de Pascal Bonitzer
permet la digestion facile de certaines séquences sinistres. Seule
faiblesse au tableau. La petite baisse de régime durant la seconde
moitié du film qui abandonne alors quelque peu le côté surréaliste
du récit pour développer une suite plus classique. Il n'empêche
que Rien sur Robert
est une excellente surprise. A voir, absolument...
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