Sujet de nombreux
ouvrages, Kaspar Hauser n'est pas le personnage d'une fiction mais un
individu ayant réellement existé durant la première moitié du
dix-neuvième siècle. Découvert le lundi de pentecôte de l'année
1828 dans la rue de la Fosse-des-Ours à Nuremberg une lettre à la
main par deux hommes sortant d'une taverne, il demeure encore
aujourd'hui au centre d'une énigme. Qui est donc Kaspar Hauser. D'où
vient-il ? C'est sur le cas de cet homme que le cinéaste
allemand Werner Herzog tentait en cette année 1974 d'apporter un
certain éclairage. Werner Herzog, l'auteur des sublimes Aguirre,
der Zorn Gottes,
Herz aus Glas,
ou encore Fitzcarraldo.
Un cinéaste à part entière, qui ose expérimenter des approches
bien différentes. Lorsqu'il use par exemple d'une grande majorité
d'acteurs de petite taille sur le tournage de Auch
Zwerge haben klein Angefangen,
son deuxième long-métrage, ou lorsqu'il insiste pour que ceux de
Herz aus Glas
tournent sous hypnose. Werner Herzog ou le cinéaste de la
contemplation... tourné en Bavière, Jeder
für sich und Gott gegen Alle
est une œuvre visuellement riche. Et si le cinéaste allemand ne se
préoccupe pas vraiment de la texture appliquée aux images, il
possède cependant un sens aiguisé lorsqu'il s'agit d'y induire une
certaine poésie. Poésie que l'on retrouve notamment dans plusieurs
de ses plus grands chefs-d’œuvre.
Jeder
für sich und Gott gegen Alle
s'ouvre sur un Kaspar Hauser enfermé dans une grange et n'ayant que
pour unique occupation, un cheval de bois. S'exprimant à peine, ne
sachant ni lire, ni écrire, c'est son tuteur d'alors qui lui met
entre les mains une feuille de papier et un crayon afin qu'il
apprenne lui-même à y inscrire son prénom. Après une longue et
épuisante épreuve consistant à marcher (Kaspar passe le plus clair
de son temps assis ou allongé), c'est l'heure pour ce jeune homme de
retrouver sa liberté. Ainsi donc, celui qui le recueillit il y a
longtemps l'amène jusqu'à la grande place de Nuremberg, une lettre
à la main, et l'y abandonne...
Après
les nains, mais avant les acteurs sous hypnose, Werner Herzog tente
avec Jeder für sich und Gott
gegen Alle,
une nouvelle expérience. Et qui mieux, pour incarner le personnage
de Kaspar Hauser, que l'acteur allemand Bruno Schleinstein,
interprète d'un peu moins d'une dizaine de longs-métrages dont
celui-ci. A l'époque, il n'a tourné qu'un documentaire auprès de
Lutz Elsholz. Bien avant cela, à l'âge de trois ans, il se retrouve
enfermé dans divers instituts psychiatriques, arraché à une mère
prostituée qui ne cesse de le battre. C'est en découvrant le
documentaire de Lutz Elsholz que Werner Herzog décide d'en faire son
principal interprète pour Jeder
für sich und Gott gegen Alle.
Bien que l'on aurait pu croire que le lien étrange et unique qui
liait le cinéaste à Klaus Kinski aurait pu faire dire à Werner
Herzog que celui-ci était le meilleur qu'il eut rencontré durant sa
carrière, c'est pourtant bien Bruno Schleinstein qui bénéficia de
ses éloges suite à son décès le 11 aout 2010.
Dans
le long-métrage que Werner Herzog lui a consacré, Kaspar Hauser y
est décrit comme un individu n'ayant connaissance que de peu de
choses, enfermé qu'il fut dans une écurie, à l'abri du monde
extérieur. Ce n'est qu'au contact de ses semblables qu'il va
apprendre à s'exprimer et à comprendre le monde qui l'entoure.
Intéressant de très près les nantis du village qui l'a recueilli
et prisé des villageois, curieux de découvrir un individu qui
jusque là ne s'exprimait pratiquement qu'à travers des borborygmes
inintelligibles. Werner Herzog réalise une oeuvre forte, mais qui ne
plaira pas à tout le monde. Encore faut-il être un adepte du style
Herzog. Lent, contemplatif, hypnotique, Jeder
für sich und Gott gegen Alle
n'échappe pas à la règle. Quant à Bruno Schleinstein, il incarne
à merveille le personnage de Kaspar Hauser. Avec sa sensibilité
d'homme, lui-même abandonné dès son plus jeune âge. L'un des
points cruciaux de l'univers d'Herzog, c'est la musique. Après et
avant d'avoir accordé une très grande importance à la musique du
groupe allemand Popol Vuh, le cinéaste nourrit certains tableaux
vivants de majestueuses compositions écrites par Johann Pachelbel,
Orlando di Lasso, Tomaso Albinoni et Mozart. Au final, Jeder
für sich und Gott gegen Alle est
une excellente surprise. Peut-être pas à la hauteur d'un Aguirre,
d'un Herz aus Glas
ou d'un Fitzcarraldo,
mais tout de même passionnant pour qui adhère au style du cinéaste
allemand...
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