Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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lundi 30 novembre 2020

Sympathy for Mr. Vengeance de Park Chan-Wook (2002) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Le saviez-vous ? Old Boy (올드보이) que le sud-coréen Park Chan-Wook réalisa en 2003 est en fait le second volet d'une trilogie à laquelle le cinéaste mit un terme en 2005 avec Lady Vengeance (친절한 금자씨 ) mais qu'il inaugura trois ans plus tôt en 2002 avec Sympathy for Mr. Vengeance (복수는 나의 것 ). Une entrée en matière que l'on pourra traduire plus sérieusement sous le titre La Vengeance m'appartient comme semblent l'évoquer les événements. Si d'aucun s'est mis d'accord pour dire que le second volet de la trilogie est le meilleur des trois, il n'en demeure pas moins qu'en 2002 Park Chan-Wook signait déjà un très, très grand long-métrage. De ces thrillers qui ne doivent à personne d'autre que leur auteur. À part peut-être également ses interprètes. On pourra toujours arguer des influences dont a pu se nourrir le sud-coréen pour ensuite rétorquer que l'élève a surpassé ses maîtres en la matière. Quatrième long-métrage d'une carrière brillante,  Sympathy for Mr. Vengeance est de ces films qui montrent l'amour de leur auteur pour le septième art. Le soin apporté au projet est tel que l'on ne peut que rester pantois devant ses qualités narratives et visuelles...


Sympathy for Mr. Vengeance est une véritable machine de guerre qui oscille entre de longues séquences de ''plénitude'' et des scènes d'une violence parfois inouïe. Puzzle dont chaque pièce est judicieusement placée, l’œuvre de Park Chan-Wook peut se targuer de nous offrir un récit à la fois clair et concis tout en étant monté de manière à ne jamais offrir au spectateur l'occasion de pouvoir se reposer sur ses acquis. Comprendre par là que le déroulement de l'intrigue n'est pas aussi classique qu'il en a l'air et qu'il demandera au spectateur un peu de jugeote et d'attention s'il n'en veut pas perdre le fil. Travelling latéraux, plans fixes, rapprochés, vues d'ensemble aériennes, Park Chan-Wook joue avec les espaces et tel le jeu de cubes, s'amuse à faire se succéder des plans à géométrie variable. Derrière le sordide, le beau. L'art pictural en mouvement, comme une balade offerte dans une galerie d'art d'un genre quelque peu transgressif...


Au menu, la vengeance de ce mystérieux MR. Vengeance. Une pirouette propre à la traduction internationale du titre qui cache un double récit dont l'un colle à la peau du second comme un sanguinolent bout de sparadrap. L'un d'eux met en scène Ryu, jeune sourd-muet aux cheveux verts dont la sœur, très gravement malade, nécessite une greffe de rein. Incompatible et tout récemment licencié de l'usine de métallurgie où il travaillait jusque là, il compte sur ses indemnités de licenciement pour se procurer illégalement le rein qui permettra à sa sœur de vivre. Malheureusement, rien ne va se dérouler comme prévu. Pris à la gorge, Ryu décide de s'attaquer à son ancien patron. Celui-là même qui l'a fait renvoyer il y a quelques jours seulement...


Outre la réalisation, Park Chan-Wook s'est attelé à l'écriture du scénario en compagnie de Lee Jae-sun, Lee Mu-yeong et Lee Yong-jong. Reste à trouver le casting de rêve. Parmi les interprètes, on retiendra bien évidemment Shin Ha-Kyun qui interprète un sourd-muet plus vrai que nature, ainsi que Bae Doona et Lim Ji-Eun qui interprète respectivement l'amie et la sœur de Ryu. Mais le spectateur occidental retiendra surtout l'acteur Song Kang-Ho qui interprète Park Dong-Jin et qui depuis a fait une carrière très remarquée dans son pays puisqu'outre quelques-autres passages dans l’œuvre de Park Chan-Wook, on a pu également le voir dans The Host et Snowpiercer de Bong Joon-Ho en 2006 et 2013, Le Bon, la Brute et le Cinglé de Kim Jee-woo, et plus récemment dans Parasite, lui-même réalisé par Bong Joon-Ho. Excellente interprétation des principaux acteur(trice)s. Une retenue qui parfois verse dans la sauvagerie, voire la barbarie. Une œuvre qui sent le souffre, pessimiste, noire et rouge sang, mais qui ne se refuse pas parfois à quelques éclats de rire. Peut-être très légèrement en deçà de Old Boy (quoique) mais tout le savoir-faire du réalisateur sud-coréen est déjà présent. Sympathy fot Mr. Vengeance a remporté divers prix dont celui du meilleur film asiatique au festival FanTasia 2003. Un pur régal...

 

dimanche 29 novembre 2020

Terrible Jungle de Hugo Benamozig et David Caviglioli (2020) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

L'anthropologue Elliot De Bellabre a tout quitté pour étudier les Otopis, un peuple d'Amazonie que peu d'hommes (voire pas du tout) ont eu la chance de rencontrer. Accompagné dans la brousse par Humbolt et Yaguati qui cherchent en réalité lui dérober son argent dès que l'occasion se présentera, Elliot a non seulement quitté son pays pour rencontrer les Otopis mais également pour échapper à son encombrante mère Chantal, elle-même célèbre anthropologue qui, n'ayant pas de nouvelles de son fils, décide de partir à sa recherche. Dès son arrivée dans la région où vivent les indigènes, elle entre en contact avec le Lieutenant-Colonel François-Yves Raspaillès qu'elle espère convaincre de l'aider à retrouver Elliot. Pendant ce temps, ce dernier est parvenu à croiser la route d'Albertine (!?!), la cheffe des Otopis. En suivant la jeune femme jusqu'au village des siens, Elliot découvre une tribu dont le mode de vie est loin de celui qu'il avait imaginé...


Il y a plusieurs manières d'envisager Terrible Jungle réalisé et écrit en duo parHugo Benamozig et David Caviglioli. Sachant qu'il n'a que peu de rapport avec l'univers d'un Kad Merad, d'un Dany Boon ou d'un Gad Elmaleh. Ou si peu. Ici, on est plus proche du loufoque univers de Family Business, cette excellente série proposées par le service de vidéos en ligne Netflix. Le principal atout de cette comédie burlesque est évidemment la présence de Catherine Deneuve qui après une longue carrière d'actrice ayant joué à peu dans tous les genres peut aujourd'hui se permettre d'apparaître dans une œuvre comme celle-ci sans avoir l'air ridicule. Le casting est en général plutôt séduisant puisque auprès de Catherine Deneuve, on retrouve dans le rôle principal l'acteur Vincent Dedienne. Dans celui d'Albertine la cheffe des Otopis, on retrouve une Alice Belaïdi pas forcément à son avantage. Dans le rôle du chimiste, le chanteur et acteur Esteban, mais surtout Jonathan Cohen dans celui du Lieutenant-Colonel de la Gendarmerie française, François-Yves Raspaillès. LE boulet du film. LA caricature...


Concernant le récit, imaginez une sorte de Amazonia, la Jungle Blanche sans cannibales et sans femmes à poil décapitées. Hugo Benamozig et David Caviglioli en auraient conservé le cadre et ses trafiquants de drogue tout en injectant à l'histoire, une bonne grosse dose de gags plus ou moins hilarants. Catherine Deneuve ne se dépareillant pas de son stoïcisme, c'est donc à Vincent Dedienne et Jonathan Cohen qu'est confiée la lourde tâche de faire rire. Pas facile lorsque les répliques sont aussi inégales. Heureusement que certaines d'entre elles font mouche. Terrible Jungle se moque d'à peu près tous les sujets qu'il aborde, et c'est tant mieux puisque l'on n'est pas venu entendre ses auteurs sermonner ses personnages sur telle ou telle attitude à adopter envers la drogue ou plus généralement, l'exploitation des indigènes d'Amazonie. On rapprochera d'une certaine manière le film de Hugo Benamozig et David Caviglioli de l'univers totalement décalé de Quentin Dupieux mais en moins ''autiste'' malgré tout. Terrible Jungle peu également s'envisager comme un ersatz des comédies signées par Benoît Delépine et Gustave Kervern comme si ces derniers avaient pour une fois décidé d'abandonner le bitume pour s'aventurer dans l'épaisse forêt amazonienne. En résulte une comédie déglinguée, plus ou moins fine, relativement bien écrite et interprétée par de généreux interprètes.

 

Vital (ヴィタール) de Shin'ya Tsukamoto (2004) - ★★★★★★★☆☆☆



Shin'ya Tsukamoto, l'auteur en 1989 du parangon du cyberpunk avec le cultissime, foutraque, punk et très bruyant Tetsuo. Après ça, le cinéaste japonais aurait pu se reposer sur ses lauriers, mais non. Il a fallut qu'il persévère jusqu'à offrir deux séquelles à son bébé et surtout qu'il poursuive sa carrière en réalisant toute une série de longs-métrages cultes parmi lesquels on trouve Hiruko the Goblin en 1990, Tokyo Fist en 1995, Bullet Ballet en 1998, Gemini en 1999, le splendide A Snake of June en 2002 ou le court-métrage Haze en 2005. Mais Shin'ya Tsukamoto ne s'est pas arrêté là puisque jusqu'en 2018, année de sortie de son dernier long-métrage Killing, il n'a eu de cesse de surprendre ses fans. Et notamment en 2004 lorsqu'il produit l'une de ses œuvres les plus étonnantes et personnelles. Loin du bruit et de la fureur de son premier film, loin des bizarreries qui émaillent la plupart de ses longs-métrages, Shin'ya Tsukamoto signait une œuvre intimiste honorant le corps humain, célébrant la passion, l'amour, la mort et donc par extension, la vie. Nouvel objet filmique non identifié en cette année 2004 avec ce récit tout en nuance et en pudeur qui nous conte l'étrange relation d'un étudiant en médecine avec le corps d'une jeune femme décédée lors d'un accident de voiture dans lequel il était lui-même impliqué...


Quelques parasites bruitistes persistent ça et là mais l'essentiel de ce Vital est à chercher ailleurs. L'émotion qui s'en dégage est déjà beaucoup moins évidente que dans n'importe quelle autre romance filmée sur pellicule ou au format numérique. Le cinéaste japonais qui signe également le scénario frôle parfois les limites, surtout lorsque son œuvre s'approche dangereusement des frontières qui l'éloignent de la nécrophilie mais il ne les franchira cependant pas un seul instant. On est donc encore très loin d'un Aftermath réalisé par le cinéaste espagnol Nacho Cerda dix ans auparavant. Et c'est tant mieux puisque Vital nous emporte sur un terrain inattendu. Celui de la poésie. Une ode à la passion et à l'amour, donc, qui perdurent au delà de la mort. Le film paraît se résumer à peu de chose puisque nombre de séquences montrent le ''héros'' Hiroshi Takagi (Tadanobu Asano) demeurant prostré au dessus du cadavre de la jeune Ryōko Ooyama (Nami Tsukamoto) qu'il a par un hasard incroyable, la charge de disséquer. Devenu amnésique à la suite de l'accident, il entretient en outre une relation houleuse avec Ikumi (Toulou Kiki), elle aussi étudiante en médecine...


Vital s'éloigne de l’œuvre dérangeante qu'il paraît être. Shin'ya Tsukamoto fait preuve d'une sensibilité qui déjà explosait dans le remarquable A Snake of June deux ans auparavant. Le japonais évoque à travers son dixième long-métrage les relations tumultueuses et passionnées qu'entretiennent ses deux amants ainsi que les rapports qui unissent malgré eux le jeune étudiant en médecine avec les parents de Ryōko Ooyama. Surtout, Shin'ya Tsukamoto ne se fait pas le réalisateur d'une œuvre gratuitement sulfureuse et montre avec ce film un respect immodéré pour le corps humain, qu'il s'agisse de l'exprimer à travers la danse contemporaine ou plus objectivement à travers la cérémonie lors de laquelle les corps ''sacrifiés'' au bénéfice de la médecine terminent leur long chemin dans un four crématoire. Mieux, le cinéaste impose une vision juste des rapports que peuvent entretenir le jeune rescapé et les parents de la jeune femme qui à travers celui qu'ils considèrent d'abord comme responsable de sa mort, nourrissent l'image de leur fille en lui demandant d'entretenir son souvenir. Si Shin'ya Tsukamoto n'accouche certes pas d'un nouveau classique, Vital ne peut laisser indifférent. Et même si son traitement apparaît souvent hermétique, nul doute qu'il marquera les esprits de ses fans. La passion selon Saint Shin'ya...

 

samedi 28 novembre 2020

Sadako de Hideo Nakata (2019) - ★★★★★★★☆☆☆



 

La saga Ringu est maintenant vieille d'un peu plus de deux décennies. Plus de vingt années qu'est née la légende de Sadako, cette gamine aux pouvoirs médiumniques si puissants que son père, effrayé, décida de la jeter au fond d'un puits d'où elle revint afin de jeter un sort sur celles et ceux qui entrent en contact physique avec elle. Il faut savoir que cette version de la légende qui selon les divers longs-métrages la mettant en scène peut varier est issue d'une autre légende qui date de l'époque Edo. En effet, Sadako semble être inspirée d'une histoire de fantômes japonais connue sous le nom de Banchō Sarayashiki dans laquelle une femme fut jetée dans un puits par un samouraï après avoir été assassinée. Environ deux siècles après apparaissait sur les écrans du monde entier le premier volet de la saga Ringu lui-même inspiré du roman éponyme écrit en 1991 par le japonais Kōji Suzuki. Depuis, nombre de volets ont vu le jour. Si le premier sorti en 1998 et réalisé par Hideo Nakata demeure évidemment le meilleur d'entre tous, il ne faut pas pour autant ignorer certaines des séquelles ou des remakes qui furent tournés par la suite. À commencer par les deux épisodes qui avec le premier forment la trilogie originale (Ringu 2 de Hideo Nakata et Ringu 0 de Norio Tsuruta) et le reboot américain qui n'est en fait qu'un remake plutôt bien fichu et réalisé par Gore Verbinski en 2002. Après une séquelle américaine elle aussi réalisée trois ans plus tard, le mythe est reparti ''vivre'' dans son pays d'origine pour renaître sous la forme d'un diptyque titré Sadako 3D 1 et 2. Réalisés en 2012 et 2013 par Tsutomu Hanabusa, on aurait pu penser que la saga allait prendre fin une bonne fois pour toute...


Mais c'était sans compter sur le retour du créateur originel Hideo Nakata qui l'année dernière en 2019, eut la bonne idée de se fendre d'un onzième opus (si on ajoute à ceux cités plus haut ainsi qu'à celui-ci tous ceux qui furent produits entre 1998 et 2005). Une bonne idée puisque contre toute attente, cette lassitude que l'on pouvait prétendre ressentir à force de redondance s'avère en fait totalement absente de ce nouveau projet. Mieux, pour les petits nouveaux qui seraient nés trop tard, ce Sadako cuvée 2019 peut se savourer sans que découvrir l’œuvre originale ne soit nécessaire. Ce qui serait tout de même dommage si l'on tient compte de ses qualités intrinsèques. L'intrigue de ce onzième opus se déroule majoritairement entre les murs d'un établissement hospitalier où sont traités les troubles mentaux. C'est là que travaille la psychologue Mayu Akikawa (délicieuse Elaiza Ikeda), chargée de s'occuper de l'une des plus anciennes patiente de l'établissement et d'une mystérieuse gamine (la jeune actrice Himeka Himejima) dont la mère s'est officiellement suicidée par le feu (causant ainsi la mort de quatre autres personnes vivant dans le même immeuble qu'elle et sa fille). Kazuma (l'acteur Hiroya Shimizu), le frère de Mayu est youtubeur. Mais alors que ses dernières vidéos attirent moins de monde, il décide de se rendre dans la demeure où a eu lieu l'incendie afin d'y tourner sa prochaine vidéo. Depuis qu'il a pénétré l'appartement sans autorisation, sa sœur n'a plus aucune nouvelle de lui. Alors que d'étranges événements liés à la petite fille dont elle a la charge a l’hôpital se manifestent, Mayu décide d'enquêter afin de retrouver son frère disparu...


Si une grande majorité du long-métrage (environ les deux tiers) se situe dans l'établissement hospitalier, la dernière demi-heure se consacre à la recherche de Kazuma et au sujet principal qui n'est autre que Sadako, la diabolique enfant qui donne son nom au titre. Vingt et un ans après le premier Ringu, Hideo Nakata prouve qu'il n'a pas perdu son sens de la mise en scène et nous offre un lot de scènes effrayantes relativement raisonnable. Sadako est presque... miraculeux puisqu'il atteint largement ses objectifs. Le réalisateur multiplie les séquences d'angoisse, aidé en cela par une partition musicale et un sound design qui font leur petit effet à de nombreuses reprises. Quelques visions fugaces ou nettement plus marquées demeurent fort convaincantes. Elaiza Ikeda, Hiroya Shimizu et les autres interprètes jouent le jeu à fond pour le bonheur des amateurs de fantômes japonais. Peut-être pas la claque à laquelle on aurait aimé assister mais une très bonne surprise tout de même, n'en déplaise à ceux qui ne jurent que par l'original...



Freies Land de Christian Alvart (2019) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 


Climat apathique, rythme léthargique, ambiance lourde... Le réalisateur allemand originaire de Francfort Christian Alvart signait l'année dernière un thriller glauque qui n'a pas grand chose à envier aux longs-métrages les plus sombres du genre. Comme parfois dans ce genre de production, Freies Land convoque deux flics qui n'ont pas grand chose en commun. Dans le cas présent, il s'agit des inspecteurs Patrick Stein et Markus Bach. Le premier est jeune, propre sur lui et respectueux de la loi. Quant au second, il a de la bouteille, est rustre et mène ses enquêtes à sa manière. Deux modes de pensées et deux manières d'aborder l'affaire qui est en cours qui vont provoquer quelques frictions entre les deux hommes. Alors que le mur de Berlin s'est effondré et que l'Allemagne est réunifiée depuis peu, Stein et Bach sont chargés d'enquêter sur la disparition de deux jeunes filles dont les cadavres seront malheureusement rapidement retrouvés. Torturées, violées puis assassinée, les deux flics vont unir leur tempérament pour retrouver celui ou ceux qui se sont rendus responsables des atrocités commises sur les deux gamines...


L'action se situe dans un coin perdu de l'Allemagne et dans un contexte difficile dont la chute du mur de Berlin n'est pas forcément signe de progrès social pour tout le monde. Tension nerveuse et atmosphère suintante sont les valeurs ajoutées à ce long-métrage qui prend son temps pour dénouer les nœuds de cette affaire complexe menée sur le même tempo qu'un épisode de la série allemande Derrick. Remake germanique du thriller espagnol La Isla Minima, Freies Land plonge littéralement le spectateur dans les affres d'une enquête dont on ne soupçonnera que très tardivement l'identité du tueur. Entre station d'épuration, campagne allemande, ferme désaffectée, bars et pavillon de chasse, l’œuvre de Christian Alvart semble tout d'abord décrire une enquête poussive, s'étirant sur deux trop longues heures, la présence de certaines séquences pouvant se révéler discutables, voire exagérées dans leur durée, mais qui au fond participent de l'élaboration scrupuleuse d'un scénario écrit par le réalisateur lui-même ainsi que par Siegfried Kamml et qui n’omet par la caractérisation de ses deux principaux personnages...


Entre le jeune flic imperturbable, marié et futur père d'un enfant à venir et l'inspecteur bedonnant, buveur invétéré de bière et de vodka, le long-métrage hésite entre en faire les deux seuls héros capables de résoudre cette monstrueuse affaire ou en faire deux antagonistes peu sympathiques. Ce qui est certain, c'est que les acteurs Trystan Pütter et surtout Felix Kramer campent à merveille ces deux personnages antinomiques mais qui, chacun à leur façon, veulent en découdre avec le tueur. Le cadre dans lequel est tourné Freies Land renforce le sentiment de pessimisme qui se dégage de l’œuvre de Christian Alvart. Plutôt que de faire de ses deux flics des supers héros à l'américaine à qui toute entreprise réussi, le réalisateur allemand les désigne au fond comme des individus tout à fait communs. D'un côté la rigueur, de l'autre ''l'instinct''. À chacun maintenant de choisir son camp. Presque caricatural dans son approche désespérée du sujet abordé, Freies Land enfonce encore davantage le clou en convoquant le compositeur Christoph Schauer qui à travers sa partition musicale fini de glacer les sangs du spectateur, la photographie de Christian Alvart (encore lui!) n'étant elle non plus, pas étrangère au sentiment d'angoisse que dégage le long-métrage. Est-ce la durée ? La noirceur du propos ? La mise en scène cathartique ? Toujours est-il que l'on ressort quelque peu épuisé de cette expérience moite, léthargique, fangeuse et diablement accrocheuse...

 

vendredi 27 novembre 2020

Gutterbug d'Andrew Gibson (2019) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Premier long-métrage pour le réalisateur Andrew Gibson, l'acteur Justin Pietropaolo et pour l'actrice Hannah Mosqueda mais septième pour Andrew Yackel, la véritable vedette de ce film qui ne laissera pas grand monde indifférent. Les errances d'un trio de sans domiciles fixes. La dure réalité d'une vie entre bitume, manche, concerts clandestins et défonce. Trois amis qui partagent les bons et les mauvais côtés de leur existence. Pour ce premier long-métrage, Andrew Gibson frappe un grand coup et délivre une œuvre pleine de bruit et de fureur qui ne se refuse cependant pas à une certaine réflexion. Dans la peau de ce jeune homme qui atteindra ses vingt et un ans avant le générique de fin, Andrew Yackel arbore l'apparence d'un hybride, entre Johnny Deep et Brad Pitt. Un ''clone'' qui n'hésite pas à salir sa belle gueule, revêtir des fringues crasseuses, se laisser jaunir les dents et arborer une chevelure poisseuse. Littéralement habité par le personnage de Steven Bugsby surnommé ''Bug'' par ses amis de galère, Andrew Yackel tient là une performance que l'on n'est pas prêt d'oublier...


Après un drame survenu entre le jeune homme et son père trois ans plus tôt, 'Bug'' n'a eu d'autre choix que de quitter les siens pour vivre dans la rue. Alcool, drogues, concerts, il n'a pas d'autre choix que de faire appel à son imagination pour pouvoir survivre dans un monde qui ne fait de cadeau à personne. Alors qu'il vient d'être sauvé de justesse à la suite d'un accident qui a failli lui sauver la vie, GutterBug remonte le fil d'une partie de son existence. Ça n'est cependant que bien plus tard que le spectateur fera la connaissance des parents de Bug, interprétés par Mary Hronicek et Paul Kandarian. Jusque là, c'est la rencontre avec ce jeune homme plutôt beau gosse mais auquel les dents gâtées, l'alcool, les drogues et le froid ont offert une apparence relativement repoussante. Le genre d'individu qu'il nous arrive de croiser dans la rue mais qui dans le cas présent ne laisse pas indifférent. Car sous toute cette crasse se cache un jeune homme qui réfléchi, veut s'en sortir, et pourquoi pas retourner chez lui retrouver ses parents. C'est un peu le message que délivre ce premier film d'Andrew Gibson qui témoigne de la possibilité de s'en sortir même lorsque l'on a touché le fond et que le premier reflex est celui de vouloir en finir avec la vie...


Parfois stupéfiant dans sa description d'une Amérique à l'abandon où survivre passe par la récolte des bouteilles en plastique, GutterBug souffle cependant un véritable vent d'air frais où l'espoir est encore permis. Hannah Mosqueda, Justin Pietropaolo et Andrew Yackel sont absolument formidables tandis que les seconds rôles demeurent eux aussi particulièrement convaincants. Drame humaniste non dénué d'un certain humour brisant l'ambiance sinistre de certaines situations, l’œuvre d'Andrew Gibson accompagne ses personnages non seulement dans leur errance mais se penche également sur leur personnalité en faisant notamment de Bug un individu plus réfléchi qu'il n'en a tout d'abord l'air. Il faudra au réalisateur une centaine de minutes pour conclure une œuvre qui apporte son lot de réponses aux questions que pose les divers sujets abordés. GutterBug est de ces petits miracles qu'il est heureux d'avoir la chance de découvrir...

 

Dead Dicks de Chris Bavota et Lee Paula Springer (2019) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Tout commence par le suicide d'un type dans sa cuisine. Pourquoi ? Ben justement, allez savoir pourquoi. Parce que la cuisine en question est déprimante ? Ou bien parce qu'il ne supporte plus de porter sur le dos une veste trouée au coude et tachée dans le dos ? Plus sérieusement, Dead Dicks a l'air d'être l'une de ces palanquées de longs-métrages indépendants que le cinéma outre-atlantique nous sert depuis des années par l'entremise du festival de Sundance. Sauf que voilà, cette œuvre signée de Chris Bavota et Lee Paula Springer qui ont également conçu son scénario ne nous vient pas des États-Unis mais du Canada. Ce qui, au fond, ne change pas grand chose si ce n'est que le long-métrage aura peut-être une saveur particulière. Dépaysante. Exotique, pourquoi pas. De plus, le sujet est suffisamment intriguant pour attirer les spectateurs avides d'intrigues aussi excitantes que celle du chef-d’œuvre de Philip Kaufman L'invasion des Profanateurs, ou du tout aussi réussi Enemy de Denis Villeneuve qui, par un hasard tout à fait incroyable, est lui aussi canadien...


L'intrigue tourne autour de Rebecca qu'interprète l'actrice Jillian Harris dont la carrière a débuté six ans plus tôt à travers quelques courts-métrages et épisodes de séries télévisées avant qu'elle ne prenne justement son envol en 2019 avec Dead Dicks. Étudiante en neurosciences, elle n'a pas de nouvelles de son frangin Richie (l'acteur Heston Horwin pour qui la carrière télévisée s'avère beaucoup plus importante), le garçon que l'on voit se suicider en début de film. À noter qu'il est mécaniquement impossible de mourir dans de telles conditions comme pourront le constater les spectateurs. Mais passons. Rebecca est sur le point de partir pour l'étranger lorsqu'elle se rend chez Richie pour lui annoncer la nouvelle. Un voyage qu'elle doit lui annoncer avec un luxe de précaution puisque le jeune homme est psychologiquement fragile comme là aussi, les spectateurs auront eu l'occasion de le découvrir. La jeune femme tombe sur un message vocal inquiétant laissé par son frère et se rend chez lui afin de vérifier que tout va bien. Malheureusement, lorsque Rebecca pénètre l'appartement de Richie, elle découvre son cadavre enfermé dans un placard...


Et là, tout commence à devenir intéressant. D'ailleurs, si les spectateurs qui ont assisté au suicide du jeune homme s'en souviennent, ils doivent avoir aperçu la silhouette d'un individu passant sans broncher devant le cadavre du jeune homme. Un comportement étrange tout d'abord difficile à expliquer. Et puis, comment rendre crédible la présence du corps dans un placard lorsque Rebecca le découvre alors que Richie s'est suicidé dans sa cuisine ? Je n'en dis pas plus. À part que... le jeu de l'actrice principale semble quelque peu limité. En effet, le personnage qu'interprète Jillian Harris délivre assez mal ses émotions. Un soucis que l'on ne pourra reprocher qu'à l'actrice elle-même alors que la direction d'acteurs, et la sienne en particulier, est quant à elle à mettre sur le dos des deux réalisateurs qui auraient pu se montrer beaucoup plus exigeants. À moins que l'approche sensiblement humoristique de certaines situations explique cela. Le concept, fort intéressant au demeurant, fourmille de bonnes idées. Comme cette tâche vraiment suspecte qui orne l'un des murs de la chambre de Richie et dont on comprendra malheureusement bien avant l'héroïne les raisons de sa présence. Chris Bavota et Lee Paula Springer usent d'une pirouette à travers le personnage de Richie qui s'avère être un artiste. D'où le comportement léger de sa sœur lorsqu'elle réalise que tout ne tourne pas vraiment rond dans l'appartement de son frère...


Dead Dicks se limite majoritairement aux contours de l'appartement de Richie. Les réalisateurs et leurs interprètes doivent donc composer avec l’exiguïté des lieux et s'en sortent relativement bien. L’œuvre dépasse le simple cadre du fantastique et convoque thriller et comédie. Si le film a d'abord l'air de tourner en rond et de n'avoir pas grand chose à exprimer, l'intervention d'un troisième personnage interprété par l'acteur Matt Keyes relève la sauce et fini par convaincre que Dead Dicks a du potentiel. Par contre, oubliez la comparaison avec les œuvres de Philip Kaufman et Denis Villeneuve. On n'est très clairement pas dans la même catégorie. Petit film sans prétentions, amusant et agrémenté de quelques pistes sonores progressives vraiment sympas, le long-métrage de Chris Bavota et Lee Paula Springer se dégustera un jour de pluie, lorsque l'on n'a rien de mieux à faire...

 

jeudi 26 novembre 2020

Only God Forgives de Nicolas Winding Refn (2013) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Première approche du maître danois Nicolas Winding Refn, il y a sept ou huit ans avec son incroyable trilogie Pusher sur les conseils d'un ami que je cataloguerai de clairvoyant. Trois polars sombres, nerveux, avec un pic émotionnel en deuxième acte (exceptionnel Mads Mikkelsen). Puis quelques mois plus tard, découverte du tout aussi frappant Bleeder réalisé trois ans après le premier volet de sa trilogie, soit en 1999. Fin de siècle déprimante avec un Kim Bodnia formidable. Bronson faisant suite, petite déception très rapidement effacée lors d'une seconde projection. Valhalla Rising, seconde déception qui contrairement au film précédent sorti un an auparavant en 2008 persiste encore aujourd'hui. Puis Drive que je bouderai durant cinq ans, pensant à une relecture moins acnéique de la saga Fast and Furious dont je n'ai de toute manière jamais vu aucun des longs-métrages. Fausse route mais très belle surprise. Non, le cinéma du danois n'est pas mort. Pourtant, Only God Forgives viendra fausser mes impressions. À tel point que je me refuserai d'aller jusqu'au bout de l'expérience. Mais alors que Neon Demon se profile dans mon agenda alors qu'il est pourtant sorti depuis quatre ans, il fallait que je me replonge dans le récit de ce neuvième long-métrage.


Et à dire vrai, il aurait été dommage de ne pas justement replonger dans ce qui demeure en fait comme un long-métra ge majeur dans la carrière de son auteur. C'en est même tétanisant. Là où Valhalla Rising péchait sans doute par excès de silences quatre ans plus tôt, Only God Forgives gagne ses gallons d’œuvre envoûtante justement parce qu'il sait tempérer entre ces instants de grande violence qui l'émaillent et la grande fragilité, poésie ou beauté qui se dégage de certaines séquences. Une contemplation nimbée d'une esthétique de plaques chauffantes qui donne au spectateur l'impression d'avoir le visage à proximité d'un brasier alimenté en permanence. Ryan Gosling dans la peau de Julian Hopkins, spectateur d'une vengeance implacable que l'on aurait cru le voir brandir d'une main armée mais qui sera celle de Chang, l'ange de la vengeance. Cette effigie à peine masquée d'une police dépassant le cadre de sa profession en s'arrogeant le droit de tuer et ce, en toute impunité. Glaçant est l'acteur thaïlandais Vithaya Pansringarm qui dans ce rôle porte le sabre comme un membre supplémentaire et se déplace tel un félin, tout en finesse, dans des décors d'une richesse visuelle époustouflante...


Si le scénario de Nicolas Winding Refn est des plus sommaire, on ne lui reprochera cependant pas d'avoir fait le choix de Russel Barnes pour les décors, de Larry Smith pour la photographie ou de Beth Mickle pour la direction artistique. Un tout petit budget n'atteignant même pas les cinq millions de dollars pour un résultat réellement bluffant. Des œuvres de cette ampleur, évidemment, on en redemande. Même si certaines clés de ce récit demeurent encore dans le flou après le déroulement du générique de fin. Sans doute avec moins de force que le chef-d’œuvre de Gaspar Noé Enter the Void tout en demeurant dans une certaine mesure dans un contexte similaire, on ressort de l'expérience repu d'avoir vécu quelque chose de formidablement viscéral. Aidé par les incarnations des deux acteurs évoqués plus haut mais aussi celle de la toute aussi éblouissante Krstin Scott Thomas, Only God Forgives est davantage encore que le merveilleux exercice de style qu'il semble être au départ. Sans doute imprégné de l'univers de l'italien Dario Argento, des couleurs criardes jusqu'à certains martellements orchestrés de main de maître par le compositeur Cliff Martinez, on retrouve ici certaines thématiques du réalisateur transalpin. Comme les traumas de l'enfance. Parfois boudé, cet avant-dernier long-métrage de l'auteur de la trilogie Pusher demeura sans doute l'aboutissement de sa carrière de réalisateur. Mais Neon Demon me dira bientôt si j'ai tort ou bien raison...

 

dimanche 22 novembre 2020

San Andreas de Brad Peyton (2015) & Maximum Overdrive de Stephen King (1986)



Nouvelle soirée spéciale mais cette fois-ci consacrée à une œuvre catastrophe et une autre catastrophique. Bien que la première aurait pu être la seconde, elle parvient tout de même à remplir son principal objectif, celui de divertir. Car oui, San Andreas est avant tout autre chose, un spectacle visuellement ahurissant. Bien entendu, pour ce qui est du réalisme, il faudra aller chercher ailleurs et notamment du côté de Earthquake de Mark Robson qui demeure même quarante ans après sa sortie comme le meilleur film sur le sujet des tremblements de terre et l'un des tout meilleurs films catastrophes de l'histoire du cinéma.

Le cinéaste canadien Brad Peyton n'est pas un parfait inconnu puisque ce réalisateur, scénariste et producteur de trente-six a débuté sa carrière à l'âge de vingt-deux ans avec Full. Depuis, il a tourné plus d'une dizaine de films dont Voyage au Centre de la Terre 2 : L'Île Mystérieuse. Son dernier film, lui, est un spectacle numérique permanent comptant quelques faux plans-séquences particulièrement réussis. Si l'introduction du film est grotesque et totalement surréaliste (il faut voir la jeune femme victime d'un improbable accident survivre à une chute dans un gouffre de plusieurs dizaines de mètres), les scènes d'apocalypse vont se succéder à un rythme endiablé.
Prenant la voie de la surenchère au même titre que le 2012 de Roland Emmerich, le film de Peyton lui est pourtant très supérieur. En tout cas, moins agaçant et plus plaisant à suivre.

Dwayne Jonhson campe le rôle d'un secouriste qui aux commandes de son hélicoptères aide son prochain. La tâche à laquelle il va devoir s'atteler sera cette fois-ci un peu particulière puisqu'il s'agira d'abord de sauver celle censée devenir bientôt son ex-épouse (l'actrice Carla Gugino récemment vue dans la série produite par M. Night Shyamalan, Wayward Pines), puis ensuite, de venir en aide à leur fille Blake (Alexandra Daddario) heureusement épaulée par deux frangins (Hugo Johnstone-Burt et Art Parkinson).

Très franchement, si le film en met plein la vue en matière d'effets-spéciaux et si le récit, parfois abracadabrant, tient le spectateur en haleine, il faudra laisser ses neurones au vestiaire. On a droit au sempiternel divorce, à l'amant d'abord charmant et qui va se révéler un parfait poltron, à l'amourette entre adolescent et au petit frère débrouillard. Sauf qu'ici, et contrairement à une grande majorité de films catastrophes, le sujet ne développe pas l'aspect humanitaire qui pousse généralement l'homme à aider son prochain quoi qu'il arrive. San Andreas se borne à suivre le sauvetage d'une gamine par ses parents avec en toile de fond un aspect scientifique balayé un peu trop rapidement pour être convaincant. Toujours est-il que malgré son physique de catcheur (qu'il est d'ailleurs), l'acteur Dwayne Johnson parvient tout de même à interpréter le rôle relativement émouvant de ce sauveteur qui quelques années auparavant a perdu l'une de ses filles dans un accident de rafting sans parvenir à la sauver. Par contre, tout réussis qu'ils sont, les effets-spéciaux sont tellement nombreux à l'image qu'ils finissent par nuire au visuel de l'ensemble. Si dans leur globalité ils demeurent impressionnants, on ne sait parfois pas où donner du regard et cela gâche un peu le plaisir. C'est d'ailleurs durant les passages les moins engorgés en la matière que le film se révèle le meilleur. Malgré la crainte du début, San Andreas se trouve être finalement un très agréable divertissement qui ne peut que ravir la famille...

La suite fait un peu plus mal à la rétine. Stephen King, écrivain que l'on ne présente plus et qui est le plus adapté au cinéma et à la télévision décide un jour d'endosser le rôle de réalisateur. Pour cela, il adapte une nouvelle écrite de sa propre main, Poids Lourds, extraite de son recueil Danse Macabre. L'idée est pourtant au départ des plus séduisante. Imaginez donc vos objets électriques se mettant à agir indépendamment de votre volonté au point de tout faire pour vous faire passer de vie à trépas.

On imagine tout d'abord que signé du maître de l'épouvante, Maximum Overdrive ne pourra qu'exceller dans le domaine de l'horreur. Pourtant, on déchante assez vite. La faute à un rythme d'une lenteur stupéfiante. Et même la présence de Emilio Estevez n'y changera rien. Le film est d'un mortel ennui. Et le pire pour un auteur d'épouvante est que le spectateur ne ressente pas la peur devant son œuvre. C'est malheureusement le cas avec ce Maximum Overdrive qui, au contraire des classiques du nanar que l'on prend un immense plaisir à partager entre amis, ne vaut absolument pas la peine que l'on perde plus d'une heure trente à le regarder. Un ratage complet !

mercredi 18 novembre 2020

The Night Comes For Us de Timo Tjahjanto (2018) - ★★★★★☆☆☆☆☆



The Night Comes For Us n'est qu'un plaisir coupable. Le genre de long-métrage basant l'essentiel de son intérêt sur l'action ultra-violente et l'horreur la plus débridée (ce qui est un comble pour une œuvre provenant directement d'Asie). Le long-métrage du cinéaste indonésien Timo Tjahjanto n'est pas qu'une histoire d'hommes. Pourtant couillue, les femmes y sont cependant conviées au même titre que leur homologues masculins même si pour cela, elles seront bien moins représentées. Moins nombreuses, mais néanmoins toute aussi capables qu'eux de montrer leurs talents de combattantes face à un groupe réduit à sa portion congrue en moitié de métrage. Un homme seul face à une armada de soldats, hommes de main d'une triade qui s'est jurée de leur faire la peau à lui, ainsi qu'à la gamine qu'il a sauvé alors qu'elle devait mourir au même titre que tous les habitants d'un village ayant détourné une grosse quantité de drogue. Un individu reconverti un peu trop tard en bon samaritain qui fera le ménage autour de lui lors de nombreux et très sanglants combats à mains nues, armé d'objet contondants (couteaux, pic à glace, verre brisé, etc...) ou d'armes à feu. Pour un résultat vraiment gore.

L'attitude hyper-maniérée de certains protagonistes et les combats parfois stylisés raviront ceux qui évitent à tout pris les duels brouillons, mais laissent parfois un sale goût en bouche. Car en effet, comment accepter l'invraisemblance de certains combats dont l'incohérence est forcément justifiée par le fait qu'un type contre vingt ou trente n'aurait pas la moindre chance de s'en sortir en d'autres circonstances ? C'est ainsi donc que pour qu'il ne meure pas au bout d'un quart-d'heure, Timo Tjahjanto imagine pour son héros des situations hautement improbables qui gâchent quelque peu la tension par leur teneur en ridicule. A titre d'exemple, évoquons simplement la séquence au cour de laquelle, les proches du héros Ito, incarné par Joe Taslim, encore vivants, sont pris d'assaut par un nombre important de membres de la triade passant tous par une seule et unique porte. Si l'architecture de l'appartement rend crédible cette seule source de pénétration des lieux, on a du mal à comprendre comment ces derniers se retrouvent bloqués au point qu'ils viennent se faire écharper l'un après l'autre comme si un mur invisible les contraignait à affronter nos héros individuellement. Surtout que la caméra laisse entrevoir l'attitude grotesque des interprètes simulant un embouteillage alors même que le passage leur ouvre grands les bras. Un détail ? Oui, sans doute, mais quand même...

Sans doute le genre le veut-il ainsi, mais concernant encore les combats, s'ils demeurent généralement très bien orchestrés, certains se révèlent défectueux. Toujours cet énervant attentisme lors de séquences durant lesquelles les membres de la triades attendent bien sagement leur tour pour s'en prendre à Ito. Aucune chance de s'attacher aux personnages et surtout de s'inquiéter sur leur sort tant ils semblent insensibles aux nombreux coups qu'il subissent durant les deux heures (ou presque) que dure The Night Comes For Us. La liste serait trop longue à énumérer mais le seul exemple du combat opposant deux individus de sexe féminins se terminant presque par le doigt coupé de l'une et l'éventration de l'autre sans qu'aucune ne ressente la moindre douleur est assez édifiant. Nous sommes donc plus proche du manga live que du polar pur. Quant au scénario, aucune chance de se perdre dans les méandres du script de Gareth Evans et du cinéaste lui-même.

L'intérêt principal, et d'ailleurs unique, de The Night Comes For Us, repose donc sur les combats. Violents, saignants à souhait (têtes écrabouillées, éventrations, égorgements et autres joyeusetés) et plutôt bien fichus. Faire l'impasse sur les trop nombreuses incohérences, c'est la certitude de passer un agréable moment. Pour le reste...

samedi 14 novembre 2020

Juste Avant La Nuit de Claude Chabrol (1971)



Charles Masson est marié à Hélène. Ils sont parents de deux enfants, sont heureux, et pourtant, le père de famille trompe sa femme avec Laura, sa maîtresse, et épouse de François Tellier, son meilleur ami. Un jour, alors que Charles et Laura se retrouvent dans leur « cachette », la jeune femme demande à son amant de l'étrangler. En effet, le couple a l'habitude de jouer à des jeux érotiques pervers. Laura demande à Charles de n'arrêter de l'étrangler que lorsqu'elle fermera les yeux. Sauf que lorsque Charles relâche la pression, il est déjà trop tard.
Troublé, Charles quitte l'appartement et croise par hasard son ami François dans un bar. Ce dernier reçoit un appel d'urgence. Laura semble avoir été la victime d'un accident. Mais lorsqu'il arrive dans l'appartement où se trouve son épouse, il apprend qu'elle est décédée.

Charles est désormais obligé de vivre avec le poids du meurtre dont il est coupable. A l'enterrement de Laura, il fait la connaissance de la meilleure amie de la morte, présentée par François. Plus tard, la jeune femme avoue à François qu'elle a déjà vue Laura en compagnie de cet homme qu'elle ne connaît pas, soupçonnant même qu'il ont peut-être été amants. Mais François, très vieil ami de Charles n'arrive pas à y croire et affirme à la jeune femme qu'elle se trompe...

Une fois encore, Claude Chabrol égratigne la bourgeoisie à travers le portrait d'un couple adultère s'adonnant au sado-masochisme avant que l'un d'eux ne perde la vie entre les mains de l'autre. En niant la responsabilité de son ami, François (François Périer) devient le complice d'un homme au dessus de tout soupçon, bon père de famille et sous tous rapports qui ne peut être coupable d'un drame aussi atroce. Michel Bouquet interprète ce personnage ambigu, au masque aussi opaque et fermé que peut l'être une nuit sans Lune. Chabrol dresse un personnage froid qui pourtant espère être reconnu pour ce qu'il est : un meurtrier. Périer, lui, va jusqu'à sacrifier le deuil auquel il aspire en tant que mari de la victime, préférant nier ce qui est désormais une évidence.

Pas de surenchère chez Claude Chabrol. Des personnages justes, à l'image de Stéphane Audran qui campe ici celui de Hélène Masson, l'épouse de Charles. L'actrice a d'ailleurs reçu le BAFTA Awards de la meilleure actrice en 1971. L'ordre établi voudrait qu'après le crime commis soient mis en place l'état de culpabilité (celle que ressent le coupable, bien réelle ici, et celle mise en place par la justice elle-même), la responsabilité devant cet acte atroce, ainsi que la punition. Sauf que le cinéaste s'y refuse,faisant de l'impeccable François Périer l'homme qui pardonne au meurtrier de sa femme, et Stéphane Audran, l''épouse protectrice. Juste Avant La Nuit demeure encore aujourd'hui comme une belle réussite dans l’œuvre immense du spécialiste du suspens à la française Claude Chabrol...

mardi 10 novembre 2020

Bécassine de Bruno Podalydès (2018) - ★★★★★★★☆☆☆




Nous n'attendions pas vraiment le dernier long-métrage de Bruno Podalydès au tournant, lui qui ne nous a jamais déçu jusqu'ici. De son avant dernier film Comme un Avion sorti trois ans auparavant, nous avions conservé un excellent souvenir. Une œuvre fantaisiste brillant par sa simplicité, qui avait su nous charmer. Affirmer que nous n'avons pas ressenti la moindre appréhension devant le titre de son dernier bébé serait mentir. Bécassine, cette bande dessinée créée par l'écrivain(e) Jacqueline Rivière et le dessinateur Émile-Joseph-Porphyre Pinchon il y a plus d'un siècle avait de quoi nous interloquer. Son physique ingrat, et son importante niaiserie font donc de ce personnage un peu vieillot, le sujet du nouveau film de Bruno Podalydès qui une fois encore, confie l'un des rôles à son frère Denis. Le personnage de Bécassine est quant à lui confié à l'actrice Émeline Bayart dont la carrière au cinéma compte une quinzaine de longs-métrages. Davantage habituée des planches de théâtre où elle officie très régulièrement depuis le début du siècle, l'actrice incarne donc ce personnage haut en couleur immédiatement identifiable grâce au costume qu'elle porte en permanence : une robe verte, ainsi qu'un tablier et une coiffe de couleur blanche.
Le récit débute alors que Bécassine n'est qu'une très jeune enfant. Vivant avec père et mère dans une ferme bretonne, elle s'ennuie très vite. Elle peut malgré tout compter sur la gentillesse de son seul véritable « ami », l'oncle Corentin (Michel Vuillermoz). Le rêve de Bécassine est de monter sur Paris. C'est lorsqu'elle atteint l'âge adulte qu'elle décide de prendre son baluchon et de monter vers la capitale. Mais en chemin, elle croise la route de la Marquise de Grand-Air et de son prétendant Adelbert Proey-Minans. Alors qu'ils viennent de congédier la nourrisse de leur petite Loulotte (qui sera interprétée plus tard par la jeune Maya Compagnie), la jeune (rebelle et garçon manqué) Marie Quillouch (Vimala Pons qui incarnait déjà un rôle important dans le précédent long-métrage de Bruno Podalydès), la marquise propose à Bécassine de les accompagner jusqu'au Château et de s'occuper de la petite...

Voici donc comment débute à peu de chose près l'aventure de l'héroïne de bande dessinée, et ce qui frappe tout d'abord, c'est le soin apporté aux décors. Œuvre du décorateur français Wouter Zoon, lequel a travaillé pour des cinéastes aussi divers que François Ozon, Pascal Bonitzer et Ari Kaurismäki, le travail accompli est remarquable. Il n'est pas rare que l'on ressente l'impression d'être placé devant des œuvres picturales auxquelles aurait donné vie Wouter Zoon par on ne sait quel miracle. Ensuite, plus que l'humour (qui ne génère finalement que des rires très sporadiques), c'est la poésie qui se dégage de l’œuvre de Bruno Podalydès qui maintient un certain intérêt. Sans elle, il est à craindre que le film n'aurait sans doute pas eu le même charme. C'est même avec un certain dédain que l'on assiste aux premières scènes d'un film dont on se demande pour l'instant où il veut en venir. Ça n'est d'ailleurs pas du côté du scénario qu'il faudra rechercher l'intérêt de Bécassine ! mais plutôt de celui de ces quelques moments de magie dont Bruno Podalydès parsème son long-métrage. Chaque personnage a droit à son portrait haut en couleur et caricatural. D'un côté, les bourgeois campés par Denis Podalydès et Karin Viard, de l'autre, les domestiques incarnés par Josiane Balasko, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté et Philippe Uchan. Entre eux, une Émeline Bayart qui au sortir de son personnage passablement stupide, révèle son talent de comédienne, ainsi qu'un Bruno Podalydès s'offrant le rôle de Rastaquoueros, ce marchand de rêve ambigu dont l'acteur-réalisateur préfère ne pas définitivement ranger au rayon des escrocs.

Un visuel enchanteur et des moments de grâce qui font oublier la maigreur du scénario, et une interprétation touchante, notamment de la part de Émeline Bayart qui auprès de la jeune Maya Compagnie campe une Bécassine proche de la jeune Loulotte. Bécassine ! est typiquement le,genre de long-métrage à l'attention des familles. Il comblera les parents ainsi que les enfants. Si Bruno Podalydès ne réalise pas là, son meilleur film, il aura au moins réussi à s'approprier l'univers de Jacqueline Rivière et de Émile-Joseph-Porphyre Pinchon pour en faire une sympathique adaptation. A noter l'excellente partition musicale notamment constituée d'oeuvres signées de Max Richter, Mozart, Bach, Chopin ou encore Stavros Xarhakos...

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