Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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mardi 29 septembre 2020

La chambre des Suicidés de Jan Kamasa (2011) - ★★★★★★★★★☆

 



Fils de parents aisés, Dominik a tout pour être heureux. Plutôt charmant, attirant la convoitise de l’une de ses jolies camarades de classe et ami de l’un des étudiants les plus populaires de son école, c’est lors d’une soirée durant laquelle il accepte de relever le défi d’embrasser sur les lèvres son meilleur ami que Dominik se découvre un penchant pour les garçons. Filmés en train de s’embrasser, la vidéo des deux garçons fait le tour de la toile et amuse même Dominik qui n’y voit absolument rien de dégradant. Pourtant, lors d’une séance d’entraînement au karaté lors duquel il affronte son ami, Dominik éjacule dans son kimono, ce qui fait d’abord rire son camarade avant que l’événement ne prenne une ampleur dramatique. En effet, Dominik devient très rapidement la risée de ses camarades qui à travers les réseaux sociaux ne cessent de se moquer de l’incident survenu lors de l’entraînement et que son ami n’a pu s’empêcher de raconter à qui voulait bien l’entendre. Dès lors, c’est la descente aux enfers pour l’adolescent dont même les parents refusent d’accepter son orientation sexuelle. Il n’y a en fait que la jeune et troublante Sylwia pour comprendre et accepter Dominik tel qu’il est. Sylwia est une jeune adolescente qui depuis trois ans n’a plus mis le nez dehors et se réfugie depuis sur internet. Avec un groupe d’autres adolescents, elle a créé un monde virtuel connu sous le nom de Suicide Room. Dominik s’y invite d’abord sans y avoir été cependant convié. Accepté parmi le petit groupe par la Reine/Sylvia, il découvre un univers qui lui permet de se sentir à l’aise. Mais les apparences sont trompeuses puisqu’au final, le projet ultime de cette minuscule communauté est d’en finir avec la vie...


Dire que « La Chambre des Suicidés » est un choc révèle encore assez mal ce que l’on ressent réellement devant ce long-métrage réalisé en 2011 par le cinéaste polonais Jan Kamasa. Est-ce juste une histoire de sensibilité mal placée ou bien le ton imprimé est-il responsable de ce besoin qui pousse à la fin de la projection de prendre un bon bol d’air afin de remettre un peu d’ordre dans ses esprits ? Noir, très noir est « La Chambre des Suicidés ». Comme une longue, très longue plainte accentuée par des cris rares mais bouleversants. L’adolescence dans ce qu’elle exprime parfois de plus cruelle. Le harcèlement n’étant ici pas le point d’orgue d’un récit  tourné vers un jeune héros admirablement interprété par Jakub Gierszal, le film de Jan Kamasa est surtout critique envers certaines attitudes et certains modes de vie. Entre des parents qui plutôt que d’écouter leur enfant à un âge difficile préfèrent s’en remettre à un spécialiste qu’ils auront pris soin de choisir selon certains critères tout en s’employant à ce que ne s’ébruite surtout pas les difficultés que rencontre leur fils, et un Dominik devenu addict au monde virtuel, « La Chambre des Suicidés » est le portrait glaçant d’une adolescence à la dérive, incomprise ou réfutée. 


Le contexte semble parfois si inextricable que le film vire au cauchemar façon « L’Exorciste » sans pour autant ne jamais inclure aucun élément fantastique autre que le monde virtuel dans lequel Dominik retourne chaque fois que l’occasion se présente. Glaçant également puisque  « La Chambre des Suicidés » révèle certains fondamentaux concernant Internet et sa virtualité. Des concepts qui éclatent lors d’un dernier acte déchirant. L’œuvre du polonais se partage entre deux univers. Tout d’abord, le réel, qui peu à peu s’assombrit avant de plonger dans le sordide. Et puis, il y a ce monde imaginaire devant lequel les spectateurs mais HEUREUSEMENT surtout pas Dominik (maigre consolation pour le jeune homme) se rendront compte de la futilité et de  l’hypocrisie. Formidablement interprété par un quatuor d’interprètes principaux (Jakub Gierszal, donc, mais également Roma Gasiorowska, Agata Kulesza et Krzysztof Pieczyńsk) est pessimiste . Un hurlement de désespoir, un appel au secours sombre et réaliste. Une petite merveille dont on aurait pourtant sans doute aimé moins de séquences situées dans la fameuse chambre des suicidés justement...

Belles familles de Jean-Paul Rappeneau (2015) ) - ★★★★★★★☆☆☆

 






Si l’on met de côté le court-métrage « Chronique Provinciale » qu’il réalisa en 1958, le réalisateur français Jean-Paul Rappeneau n’aura réalisé en tout et pour tout que huit longs-métrages entre 1966 et 2015, année de sortie de « Belles Familles », son dernier film à ce jour. Ses quatre-vingt treize printemps n’ont en tout cas pas entamé sa vigueur et sa fraîcheur puisqu’au travers de cette comédie dramatique atteignant presque les deux heuresécrite en compagnie de son fils Julien et de Philippe Le Guay, Jean-Paul Rappeneau signe une œuvre brillante qui repose autant sur l’excellente écriture des trois hommes que sur la mise en scène du réalisateur qui prouve que l’âge n’est parfois qu’une donnée subjective dans l’implacable univers du septième art. Autre facteur important : l’interprétation. Et dans le genre, ce grand cinéaste notamment auteur de « Cyrano de bergerac » en 1990 et du « Hussard sur le Toit » cinq ans plus tard nous a concocté un casting aux petits oignons. A commencer par la véritable vedette de ce huitième long-métrage, Mathieu Amalric qui dans le rôle d’un expatrié vivant en Chine revient en France au moment même où la discorde règne sur la vente de la demeure familiale. Jérôme Varenne est le frère de Jean-Michel (Guillaume de Tonquédec) et le fils de Suzanne (Nicole Garcia) tandis que son père est mort après avoir vécu durant un certain nombre d’années avec une autre femme. Florence Deffe (Karin Viard) et sa fille Louise (Marine Vacth) ont vécu auprès du père de Jérôme durant ses dernières années d’existence. Mais aujourd’hui, chassées de la demeure familiale que le père Varenne semble leur avoir pourtant légué, Florence et Louise ne peuvent plus compter que sur Grégoire Piaggi (Gilles Lellouche) qui promet de racheter la demeure afin de l’offrir ensuite à la mère et à sa fille...


Sans doute vais-je encore me répéter mais « Belles Familles » n’est pas le film dont j’attendais grand chose malgré le pedigree de son auteur. Et pourtant, c’est parfois l’inattendu qui réserve les meilleures surprises. Le script est généreux et survole à peu près tous les cas de figure que l’on peut rencontrer lors de la vente d’une propriété au demeurant, particulièrement luxueuse. Un combat acharné entre deux familles au cœur duquel intervient également la mairie. Le récit est touffu, sans temps morts, drôle, tendre et parfois même tragique. On rit peu mais finalement, l’intérêt réside ailleurs. Dans l’extrême précision de la caractérisation de certains personnages même si d’autres sont quelque peu laissés de côté. Il faut dire qu’en à peine plus d’une heure et cinquante minutes, Jean-Paul Rappeneau nous offre un panel de situations dont le nombre s’explique en partie par la profusion d’interprètes parmi lesquels il ne faudrait surtout pas oublier la présence de l’excellent André Dussollier. Entre nostalgie, amertume, romance et comédie, « Belles Familles » cultive la bonne humeur, certaines séquences apparaissant comme ubuesques dans un contexte qui à l’origine ne s’y prête peut-être guère. On ressort de l’expérience avec le sentiment d’avoir vécu un instant de magie malgré l’apparente simplicité de l’interprétation et de la mise en scène. À quatre-vingt treize ans, Jean-Paul Rappeneau prouve en tout cas qu’il en a encore sous la semelle. Superbe interprétation générale mais une mention spéciale pour Mathieu Amalric, Gilles Lellouche et Karin Viard. Ce qui ne doit bien entendu pas faire oublier le reste du casting. Petit bémol. On regrettera un final versant dans les retrouvailles à l’eau de rose. Une séquence Envisageable mais discutable dans son traitement...



lundi 28 septembre 2020

Andy de Julien Weill (2019) - ★★★★★★★☆☆☆

 



Un titre franchement anodin et un scénario qui fleure bon la comédie légère. Un réalisateur et scénariste (Julien Weill) qui à part autant de courts-métrages qu'une main compte de doigts n'a pas fait grand chose d'autre depuis ces vingt dernières années... Ça n'est pas que cette affaire débute mal mais pour commencer, on n'en attend cependant pas grand chose. Pourtant voilà, au générique de Andy apparaît le nom de Vincent Elbaz et là, c'est une autre histoire. Celui qui fit les joies des amateurs de comédies françaises en apparaissant notamment dans le second long-métrage de Cédric Klapisch Le Péril Jeune ou plus tard dans la saga La Vérité si je Mens de Thomas Gilou incarnait l'année dernière un personnage aux antipodes du séducteur prétentieux de l'excellent Je ne suis pas un Homme Facile d’Eleonor Pourriat. Dans Andy, écrit par le réalisateur ainsi que par Grégory Boutboul, Bernard Jeanjean et l'acteur lui-même, Vincent Elbaz incarne un personnage de looser, vivant sur le dos des autres. Un parasite en somme, qui après s'être fait larguer par sa dernière compagne se retrouve à la rue. 


Par chance, il trouve le moyen de s'installer dans un foyer grâce à la bienveillance de Reda (épatant Yannig Samot) bien qu'à son arrivée, l'accueil que lui réserve Margaux (excellente Alice Taglioni) soit un peu froid. Contraint de partager la même chambre que Philippe, un ours fort attachant malgré son apparence de brute, Thomas a le devoir de faire ses preuves en cherchant du travail s'il veut pouvoir rester dormir au foyer les prochaines semaines. Mais alors que de toute son existence il n'a travaillé que deux ans dans un Mac Do il y a de nombreuses années, qu'il a toujours eu l'habitude de mendier de l'argent auprès de ses parents (interprétés par Brigitte Roüan et Jacques Weber) et que jusqu'à maintenant, il n'a fait que s'incruster chez les autres, Thomas va devoir se prendre en main. Fainéant comme pas deux, il trouve l'emploi idéal : Escort Boy. Et c'est sous le pseudonyme d'Andy que Thomas se lance dans le métier. Mais les choses vont se révéler plus compliquées qu'elles n'en ont l'air. En effet, on ne s'improvise pas Escort Boy lorsque l'on est mal à l'aise en présence de vieilles rombières ivres de connaître une seconde jeunesse auprès d'un beau et jeune ''étalon''...


Nous ne nous y attendions certainement pas mais Andy est une excellente surprise. Pourtant, ça n'était pas gagné d'avance. Car avec un tel contexte, entre un individu incapable de faire grand chose de ses mains sans se sentir mal, parasite de la société, quasi SDF, installé dans un foyer style Sonacotra (en moins glauque tout de même), avare et pas très moral, Andy aurait pu verser dans un courant social très sombre. Mais c'était sans compter sur les qualités d'un scénario qui a la faculté de mélanger les genres avec un certain brio. Comédie pas vraiment dramatique, l’œuvre de Julien Weill distille surtout un vent de fraîcheur et communique un bonheur inattendu de la part de personnages plongés dans un marasme quotidien. Une histoire d'amour bancale entre Thomas le parasite et Margaux qui travaille au sein d'un foyer pour SDF. Des situations pittoresques, nombreuses, à l'image desquelles Vincent Elbaz incarne un Escort Boy gauche et ridicule invitant Margaux à participer à une magouille qui heureusement pour eux, n'aura pas de conséquences fâcheuses. Il faut dire que le scénario offre déjà à ces deux personnages éminemment touchants, un quotidien relativement chargé. Son père à LUI est alcoolique et sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Son ancien compagnon à ELLE, un individu particulièrement violent qui la battait lorsqu'ils étaient ensemble, la poursuit où qu'elle aille.


C'est souvent léger, parfois grave, mais en général tout à fait attachant. La relation entre les deux personnages est touchante et devient même carrément émouvante lors d'une rencontre nocturne entre ces deux êtres qui sortent de l'ordinaire. Julien Weill évite le larmoyant et malgré un contexte difficile, le réalisateur et scénariste nous propose une sympathique comédie interprétée par un panel d'excellents acteurs parmi lesquels on reconnaîtra notamment le savoureux Philippe Cura de la série Caméra Café dans le rôle de Philippe, le compagnon de chambre de Thomas ou Nicolas Wanczycki dans celui de Marc, l'ancien petit ami persécuteur de Margaux. Mais pour être tout à fait irréprochable, Andy aurait sans doute mérité d'approfondir le personnage interprété par l'excellent Vincent Elbaz. Car si la froideur de Margaux est justifiée par son ancienne relation avec un homme violent, réduire l'attitude de Thomas au simple fait qu'il exploite la gentillesse des autres par simple fainéantise est peut-être un peu trop réducteur. À part cela, Andy permet de passer un très agréable moment...


dimanche 27 septembre 2020

Baby Phone d'Olivier Casas (2017) - ★★★★★★☆☆☆☆

 



Un père atteint de narcolepsie (excellent Michel Jonasz), une mère froide, rigide et très critique (savoureuse Marie-Christine Adam), une épouse quelque peu délaissée (épatante Anne Marivin), un ami d'enfance manager (génial Pascal Demolon) d'une chanteuse à succès (Barbara Schultz) ainsi qu'un addict au sexe (Lannick Gautry)... C'est autour de ses parents, de son épouse, de ses amis et d'une chanteuse qu'il rencontrera pour la première fois que Ben (Medi Sadoun) décide sans avoir d'abord consulté Charlotte, d'organiser un dîner le vendredi à venir. Parents d'un tout jeune bébé, c'est sa mère qui s'en occupe dans une grande majorité des cas puisque le père, lui, est accaparé par son ambition de devenir célèbre grâce à ses compositions musicales. Un sujet au centre de nombreux désaccords non seulement entre les époux, mais également entre Ben et sa mère Monique qui verrait bien son fils prendre la place de son père à l'usine afin de permettre à ce dernier de prendre enfin sa retraite.... Alors que tous les convives (ou presque) sont présents, les amis Simon et Nathan passent voir le bébé endormi dans sa chambre tandis que Monique, son époux Hubert, Ben et Charlotte sont dans le salon. Penchés au dessus du berceau, les deux hommes prennent un ton moqueur et se font des révélations sans savoir qu'un Baby Phone retransmet justement dans le salon tout ce qu'ils disent. Ben et ses parents apprennent notamment que Nathan a couché avec Charlotte. Dès leur retour parmi leurs hôtes, les deux hommes constatent que l'ambiance est devenue glaciale...


C'est dans ce contexte que partagent beaucoup de longs-métrages que le réalisateur et scénariste Olivier Casas (ici aidé à l'écriture du scénario par Serge Lamadie et Audrey Lanj) réalise son tout premier format long après une série de courts-métrages dont l'un, éponyme, et d'un durée de quinze minutes traitait déjà du même sujet. Ou comment un simple petit appareil censé surveiller à distance les faits et gestes d'un bébé endormi peut avoir de lourdes conséquences sur une soirée. Baby Phone réuni tout un panel d'excellents interprètes eux-même soumis à un cahier des charges plutôt réjouissant : chacun y va en effet de son hypocrisie, certains avec nuance quand d'autres y vont franchement dans la démesure. Dans le domaine de la courtoisie, c'est Michel Jonasz/Hubert qui remporte le trophée de la bienveillance. Caché derrière son personnage atteint de narcolepsie qui passe le plus clair des quatre-vingt quatre minutes que dure le film à dormir, les rares fois où l'acteur/chanteur s'exprime c'est avec prévenance et dans ces moments là, on se tait et on l'écoute. Marie-Christine Adam qui incarne son épouse est l'exact contraire de Hubert. Froide et critique, elle ne se résigne jamais à tenir son rôle de convive mais passe son temps (peut-être avec un malin plaisir d'ailleurs) à remettre en question tout ce que dit et fait sa belle-fille. Charlotte qui elle, bouillonne véritablement. Pascal Demolon, égal à lui-même, est sans doute l'une des pièces maîtresses de ce petit jeu de massacre qui souffre parfois étrangement de silences. Sans doute placés ça et là pour que le spectateur ressente la gêne au sein de ce petit groupe d'amis et de membres d'une même famille qui ont des choses à cacher et donc, autant de choses à révéler...


Pascal Demolon, donc. Dans le rôle outré du manager hypocrite rattrapé (et donc sauvé) par ses émotions lors d'un dernier quart-d'heure qui explose les certitudes concernant l'issue de cette comédie plus légère que vraiment grave tout en se concluant de manière relativement touchante. Chacun y est à sa place, et même si l'on ne vit jamais de grands moments comme cela pu être le cas devant des classiques tels que Un Air de Famille de Cédric Klapisch en 1996, Cuisine et Dépendances de Philippe Muyl en 1992, Le Prénom d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte en 2012 ou de manière plus grave comme par exemple dans le cas de Préjudices d'Antoine Cuypers en 2015, on ne s'ennuie pas un seul instant. Medi Sadoun sort un peu de ses rôles de français d'origine maghrébine un peu lourds (Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu de Philippe de Chaveron et sa séquelle) pour celui d'un individu ivre de reconnaissance (faire croire que son père est sur le point de mourir pour parvenir à convaincre Simon de participer au dîner, il fallait oser!). Sans être un chef-d’œuvre ni proposer d'étourdissants dialogues, Baby Phone est cependant divertissant et permet de réunir une brochette d'interprètes attachants. Le film d' Olivier Casas est d'abord une sympathique comédie. Simple et sans prétentions...


lundi 21 septembre 2020

L'Un dans L'Autre de Bruno Chiche (2016) - ★★★★★☆☆☆☆☆




Qu'il s'agisse d'un transfert d'âme à la suite d'un décès comme dans Si j’étais Toi de Vincent Pérez, d'un échange d'identité après l'absorption d'un sérum comme dans Mon Père c'est Moi de Rob Daniel ou le principe encore plus délirant de l'âme d'un mort après un accident s'installant dans le corps d'un autre comme dans La Personne aux deux Personnes de Nicolas et Bruno, des dizaines de longs-métrages se partagent cet étonnant concept, entre drame, fantastique et comédie. Bruno Chiche, réalisateur entre autres de Barnie et ses petites Contrariétés en 2001 tourne en 2016 ce qui demeure à ce jours son dernier long-métrage. Une comédie légère, très légère, romantico-fantastique mettant en vedette deux amants, Pénélope et Pierre, qui vont rencontrer une situation qui n'arrive bien évidemment jamais ailleurs qu'au cinéma ou dans la littérature. Ici, pas d'accident de la route. Pas de breuvage miraculeux. Pas d'intervention divine. Les choses se déroulent d'abord de manière très classiques dans L'un dans l'Autre qui, NON, n'est pas le titre d'une œuvre pornographique mais bien celui d'une comédie reposant sur un concept séduisant. Interprétés par la craquante Louise Bourgoin et le sympathique Stéphane de Groodt respectivement accompagnés par Pierre-François Martin-Laval et Aure Atika, c'est à la suite d'un nouveau rapport sexuel dans le secret d'une péniche que l'échange corporel va avoir lieu. Désormais, Pénélope vit dans le corps de Pierre et vice versa. Inutile d'espérer avoir une quelconque explication sur le phénomène ni aucun raisonnement quant à son implication réelle dans les événements à venir...

Généralement descendu par la presse qui n'y voit qu'une toute petite comédie pas vraiment amusante et sans relief, il faut reconnaître que Bruno Chiche se contente d'une mise en scène et d'une direction d'acteurs pépères. À partir de là, les interprètes n'ont plus qu'à suivre les indications du réalisateur. Le principe de l'échange de corps étant ce qu'il est, le spectateur se retrouve d'abord face à un concept déstabilisant. Tout comme le test des couleurs appelé ''Effets Stroop'', il faut d'abord s'habituer à voir en Louise Bourgoin le personnage de Pierre et en Stéphane de Groodt celui de Pénélope. Ensuite, les quiproquos s'enchaînent et avec eux, les gaffes. Le principe n'ayant parfois que de très légères répercussions sur l'entourage, Bruno Chiche et les scénaristes Nicolas Mercier et Fabrice Roger-Lacan manquent le coche en ne repoussant pas le concept dans ses derniers retranchements. Reste que L'un dans l'Autre se regarde avec une relative bonne humeur...

Pas de reliefs concerne ici l'absence de véritables enjeux. C'est de la pure comédie sans réelle émotion. L'ancien Robin des Bois Pierre-François Martin-Laval a beau être un acteur attachant, il demeure dans son jeu une faiblesse d'interprétation qui sied assez mal au personnage d'Eric qu'il interprète. Un peu gauche et donc peu convainquant. Aure Atika s'en sort, elle, beaucoup mieux. Personnage beaucoup plus nuancé et discret, Aimée intervient rarement mais sait se faire entendre et surtout, son interprète trouve le ton juste dans le regard. La bande-original de Philippe Rombi (fidèle compositeur pour François Ozon) est par contre tout à fait anecdotique et s'appuie sur des bases similaires aux compositions d'une œuvre telle que La Maison du Bonheur dont il était déjà lui-même l'auteur. Petite comédie sans prétentions, sans autres ambitions que de proposer un divertissement relativement frais à défaut de faire rire, L'un dans l'Autre est le genre de petit film qui s'oublie malheureusement très rapidement...

dimanche 20 septembre 2020

Effacer l'Historique de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2020) - ★★★★★★★★☆☆





Samedi 19 Septembre 2020, Cinéma des Corbières à Sigean. Cinq spectateurs, pas un de plus pour découvrir le dernier long-métrage de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Est-ce le mauvais temps qui a découragé les gens à venir en masse ? Ou bien le port du masque obligatoire même si dans un si petit cinéma, les gérants y sont plutôt cool ? Peut-être est-ce plus simplement le manque de communication sur la toile car peu d'informations, voire aucunes, n'a filtré sur sa diffusion dans cette charmante petite ville qu'est Sigean. Il fallait pour le savoir, être passé devant le cinéma ou avoir été mis au courant par une personne au courant de l'événement. Effacer l'Historique est le neuvième long-métrage du duo formé par Gustave Kervern et Benoît Delépine qui se sont d'abord fait connaître sur la chaîne Canal+ avant de débuter leur carrière cinématographique en 2004 avec leur premier long-métrage Aaltra (Benoît Delépine ayant en réalité fait ses premières armes aux côtés de Christophe Smith huit ans auparavant avec le court-métrage À l'Arrachée). Seize ans plus tard, rien n'a vraiment changé. Ou plutôt, si. Car si le fond est toujours le même, la forme a pris une ampleur incroyable dans la maîtrise de ces deux maîtres es cynisme. Avec une rigueur ''militaire'' (une expression qui devrait forcément leur déplaire), Gustave Kervern et Benoît Delépine démontent les maux de notre société avec aujourd'hui en toile de fond, la technologie dans son ensemble, et plus précisément certains outils comme les téléphones portables et les réseaux sociaux. En matière de social, justement, les deux hommes en profitent notamment pour s'attaquer également de front à l'administration...





Toujours aussi mordants et cyniques, Gustave Kervern et Benoît Delépine plongent le spectateur dans un univers comparable à ceux proposés par les cinq saisons de la série britannique Black Mirror. Mais plutôt que de projeter leurs personnages dans un futur proche, les deux réalisateurs et scénaristes envisagent leur film sous un paysage actuel dans lequel la technologie a pris une place si importante qu'elle emprisonne ceux qui la consomment. C'est dans ce contexte (sur)réaliste qu'interviennent les trois anciens gilets jaunes Marie, Christine et Bertrand, trois amis respectivement interprétés par Blanche Gardin, Corrine Masiero et Denis Podalydès. Trois individus qui vont régler leurs comptes avec cette put.... de technologie dont ils sont malgré eux devenus esclaves. En effet, après une soirée trop arrosée dans un bar lors de laquelle elle a couché avec un ''Saxetapeur'' (excellent Vincent Lacoste) qui a filmé leur rapport, elle est menacé par le jeune homme de mettre en ligne la vidéo si elle refuse de lui donner dix-milles euros. Bertrand, père d'une adolescente harcelée et filmée par certains de ses camarades à l'école fait tout ce qu'il peut pour faire retirer la vidéo de facebook. Mais après des dizaines de relances par courrier, il n'a toujours obtenu aucune réponse. Quant à Christine, chauffeur VTC, elle se désespère de ne recevoir de ses clients que des mauvaises appréciations. En guerre contre ceux qui minent leur existence, les trois amis se lancent à leur assaut...


Gustave Kervern et Benoît Delépine signent sans doute leur film le plus abouti. Bien que la plupart des sujets abordés soient à l'origine d'une comédie particulièrement amère, on s'étonne de rire aux éclats à certains moments clés du long-métrage. L'interprétation du trio de tête y est évidemment pour beaucoup mais le script lui-même également. Totalement absurde mais reflétant l'inquiétante dictature des réseaux sociaux et leur monopole sur les données personnelles, en un peu plus de cent-cinq minutes seulement Effacer l'Historique propose un catalogue effarant de situations aussi glaçantes que réalistes même si elles sont en général enrobées sous des dehors de comédie bouffonne. Effacer l'Historique est non seulement l'occasion de découvrir un trio d'interprètes étonnants mais également des seconds rôles savoureux. Vincent Lacoste donc, mais aussi Benoît Poelvoorde en livreur ''Alimazone'', Bouli Lanners dans le rôle de ''Dieu'', un hacker vivant au sommet d'une éolienne, Philippe Rebbot dans le rôle de l'individu ayant toutes les clés pour profiter du système ou encore l'écrivain Michel Houellebecq pour un passage en forme de clin d’œil dans lequel il incarne un homme suicidaire. Humour noir, cynisme, bourré d'idées géniales et de répliques déjà cultes, l’œuvre de Gustave Kervern et Benoît Delépine n'oublie cependant pas de faire passer un message d'espoir et s'autorise, après la dérision, le désespoir et la noirceur, une jolie touche de poésie. LE chef-d’œuvre du duo ? Et pourquoi pas, tiens...

jeudi 17 septembre 2020

Ma Part du Gâteau de Cédric Klapisch (2011) - ★★★★★★☆☆☆☆




L'auteur en 1992 de Riens du Tout rouvre dix-neuf ans plus tard les plaies des conflits sociaux qui peuvent opposer patrons et employés. Cette fois-ci, pourtant, Cédric Klapisch (Le Péril Jeune, Un Air de Famille, L'Auberge Espagnole) œuvre à une toute petite échelle et confronte deux individus qui n'ont à priori rien en commun. Et si Ma Part du Gâteau laisse planer l'espoir que même chez l'individu le plus cynique, égocentrique et amoral qui soit, le contact avec une certaine réalité sociale peut le rendre un peu plus... ''humain'', il ne faut pas toujours se fier aux apparences. Drôle de rencontre que celle de Karin Viard et Gilles Lellouche. ELLE, interprète le rôle de France, mère de trois filles, habitant Dunkerque, et qui comme les mille deux-cents employés d'une usine vient d'être mise au chômage. LUI, incarne Stéphane, un trader divorcé, père d'un jeune Alban dont il n'a pas le temps de s'occuper. Le boss de son entreprise lui confie un important poste à Paris. C'est là-bas que décide d'aller chercher du travail France sur les conseils d'un ancien collègue qui lui confie que son père forme des femmes de ménage. C'est ainsi donc que la jeune femme et le trader vont faire connaissance. Elle cherche du boulot, lui a besoin d'une femme qui s'occupera de tenir en ordre son luxueux appartement, et plus encore lorsque débarque Alban et sa mère qui confie son enfant à Stéphane pour les trente jours à venir...

Ma Part du Gâteau est le dixième long-métrage de Cédric Klapisch. Une œuvre sur fond de social où les ''grands'' dévorent les ''petits'' sans que cela ne les émeuve jamais. Le réalisateur et scénariste évoque la vie mouvementée d'un trader mais aussi les failles de son existence personnelle. Cet homme qui brasse des millions, auquel son PDG lui offre un poste important avec à la clé l'espoir de prendre la direction est pourtant désespérément seul. Divorcé, incapable de s'occuper seul de son fils, sans amis véritables, il est hautain, dédaigneux, égocentrique et cynique. Face à une France/Karin Viard mère de trois enfants, employée de ménage d'abord, et garde-d'enfant ensuite, Cédric Klapisch évoque la possibilité pour cet homme particulièrement froid et amer de devenir un peu plus humain à son contact. C'est presque tout l'enjeu de Ma Part du Gâteau qui démarre assez ''foutraquement'' avec d'un côté, France et sa smala et de l'autre Stéphane plongé au cœur des négociations financières. Et puis, vient la rencontre entre celle que l'on considérera comme la protagoniste de cette histoire tandis que lui incarne une certaine forme d'antagonisme. Petit à petit, la relation patron-employé s'étoffe et semble se diriger vers cette voie que partagent beaucoup d’œuvres. On est pourtant encore très du formidable Quelques Jours avec Moi de Claude Sautet. La formidable relation qu'entretenaient les personnages incarnés par Sandrine Bonnaire et Daniel Auteuil vingt-trois ans plus tôt est ici viciée par le naturel d'un individu ''hors-norme' qui revient à la charge dès que l'occasion se présente...

Gilles Lellouche et Karin Viard portent littéralement le film vers un message d'espoir. Du moins, jusqu'à ce que ce petit malin de Cédric Klapisch n'explose les certitudes du spectateur en évoquant un fait qui va en partie tout remettre en question. Ma Part du Gâteau prend alors une tournure très étrange qui à réfléchir à posteriori, cadre de manière inappropriée dans un contexte où le jeu de séduction a su se faire une place entre deux individus que rien ne r approche. Le réalisateur et scénariste précipite alors les événements jusqu'à un final révolté et un arrêt sur image déstabilisant. Critiquable pour son parti-pris parfois mal dégrossi et caricatural (Gilles Lellouche/Stéphane est parfois vraiment immonde), Ma Part du Gâteau a cependant l'honnêteté de proposer une dernière partie qui évite l'écueil des comédies dramatiques qui se terminent toutes de la même manière. Parfois risible dans sa construction, glaçant dans sa galerie de portraits, émouvant dans la relation qu'entretiennent les deux héros du récit, Cédric Klapisch signe avec ce dixième long-métrage une œuvre plus cynique qu'elle n'en a l'air. Au final, on est pourtant très loin du meilleur de sa filmographie. Cependant, le couple Karin Viard/ Gilles Lellouche fonctionne bien et derrière le message social, on est séduit par les rapports qu'entretiennent leurs personnages respectifs. A noter les présences de Zinedine Soualem, d'Audrey Lamy ou encore d'Alex Lutz

mercredi 16 septembre 2020

Volontaire d'Hélène Fillières (2017) - ★★★★★★★★☆☆




La réalisatrice et scénariste française Hélène Fillières a d'abord débuté par une carrière d'actrice dès la fin des années quatre-vingt. Elle incarne d'ailleurs dans Volontaire le rôle de la capitaine de corvette Weber, celle-là même qui accueille celle qui deviendra l'héroïne de ce récit passionnant se déroulant dans un contexte inhabituel pour ce genre d'histoire. En effet, pour la jeune actrice française Diane Rouxel qui débutait sa carrière seulement trois ans en arrière en 2014 tout en ayant déjà fait ses preuves dans une poignées de longs-métrages tout sauf anecdotiques (Les Garçons Sauvages de Bertrand Mandico), c'est l'occasion de revêtir l'uniforme de la marine. Et notamment celui de l'aspirante Laure Baer qui comme le titre l'annonce, se porte volontaire pour être officier à l'école des fusiliers marins de Lorient. Avec cette mode stupide qui injecte le terme ''féministe'' à toutes les sauces dès lors qu'une œuvre est mise en scène ou principalement interprétée par une femme, on aurait pu croire que Volontaire allait opposer une jeune femme à une hiérarchie masculine machiste et intolérante envers elle. Pourtant, Hélène Fillières parvient justement à éviter ce genre d'écueil pour se concentrer sur deux points essentiels. La volonté pour cette jeune femme de faire ses preuves auprès du capitaine de frégate Yann Rivière, directeur des études de l'école des fusiliers, et y évoluer jusqu'à parvenir à intégrer une formation de combat...

Là où il ne serait pas tout à fait juste de dire que Volontaire élude dans son entièreté le thème du sexisme ou de la misogynie dans le contexte qui est celui du long-métrage, c'est lorsque justement l'héroïne doit faire face au jugement du colonel Yann Rivière qui lui refuse l'accès à la dite formation. Naît de cette attitude de la part de son supérieur direct, une certaine ambiguïté que cultive le récit à travers les regards que se lancent ces deux personnages admirablement interprétés par la talentueuse Diane Rouxel, mais également par Lambert Wilson qui comme à son habitude incarne impeccablement le rôle de l'officier Yann Rivière. Parmi les seconds rôles, on retiendra celui qu'interprète Corentin Fila. Dans la peau de l'enseigne de vaisseau Loïc Dumont, son homosexualité démontre qu'une certaine ouverture d'esprit cohabite entre son orientation sexuelle et la rigueur toute militaire de l'école où il suit lui-même une formation. Être un homme et... aimer les hommes n'empêche pas de vouloir et de pouvoir rendre service à la Nation. De ce côté là, Volontaire fait preuve d'une réjouissante ouverture d'esprit...

Concernant l'étrange et émouvante relation qu'entretiennent les deux principaux personnages, Diane Rouxel et Lambert Wilson leur insufflent suffisamment de force et d'émotion pour que l'on croit sans douter un seul instant à cette histoire d'amour irrésolue, insolvable, entre une jeune recrue faussement insolente et un militaire de carrière froid et rigide. Aussi fascinante que puisse être l'évolution de Laure Baer ou que puissent l'être également son entraînement et ses rapports avec d'autres recrues du même sexe au fond, beaucoup plus rudes envers elle que n'importe quel gradé de sexe masculin, c'est bien cette relation qui fait du long-métrage d'Hélène Fillières une œuvre réellement passionnante. Ne s'abandonnant pas à la facilité, la réalisatrice laisse planer le doute quant à ce qui lie véritablement ces deux êtres et ce, jusqu'au dénouement. Et même par delà les non-dits, on peut encore se demander ce qui a pu rapprocher ces deux-là une fois arrivé le générique de fin. Accompagné par la discrète mais envoûtante musique de Bruno Coulais, Volontaire offre également l'occasion de voir apparaître ponctuellement à l'écran Josiane Balasko, André Marcon ou encore l'humoriste Marc Fraize sans la courte présence duquel, nous n'aurions peut-être pas découvert ce petit bijou qu'est le film d'Hélène Fillières...

mardi 15 septembre 2020

Tous les Dieux du Ciel de Quarxx (2018) - ★★★★★★★★★☆




Dans un monde où tous les cinéphiles seraient tous d'accord pour dire que le cinéma de genre français a sa place dans le septième art, Quarxx tiendrait sans doute une place importante dans leur cœur. Malheureusement, il existe un noyau dur de réfractaires qui stoppés par la seule évocation d'une comédie réalisée par Dany Boon ou interprétée par Kad Merad ou Gad Elmaleh en font des généralités et considèrent que ces quelques exemples ne diffèrent pas du reste de la production hexagonale. Combien de fois ai-je pu entendre et dû subir des remarques inappropriées alors que l'on a tout de même la chance dans notre pays d'avoir des Gustave Kervern, des Benoit Delépine, des Quentin Dupieux, des Gaspar Noé ou comme dans le cas présent, des Quarxx. Combien de fois ai-je eu à me renfrogner, prendre sur moi ou même carrément exposer ma boue dédaigneuse face à une nuée d'indifférents restés de marbre face à notre cinéma national ? Peut-être que la réponse qu'attendent ces incultes à leur hypothétique question s'inscrit-elle dans l'une des incroyables expériences auxquelles nous convient en général les réalisateurs cités ci-dessus et notamment certains longs-métrages comme Tous les Dieux du Ciel qui, pour le coup, n'est pas vraiment un film de genre mais plutôt Transgenres. Le type de long-métrage qu'il est assez facile de résumer sous l'appellation OFNI. Une catégorie qui permet de ranger dans un même sac tout ce qui sort des sentiers battus...

Pourtant, ce premier long-métrage signé de Quarxx, pseudonyme étrange sous lequel se cache le réalisateur français Alexandre Claudin, n'est pas vraiment un Objet Filmique Non Identifié. Il est plutôt la somme de plusieurs idées qui mises bout à bout, ou plutôt mélangées, offrent une expérience de cinéma qui ne ressemble pas vraiment à ce que l'on a l'habitude de découvrir sur grand écran même si le concept pousse forcément à référencer toutes les sources d'inspiration dont semble s'être abreuvé le réalisateur. Concernant les genres abordés dans Tous les Dieux du Ciel, le spectateur pourra tout autant être tétanisé par l'ambiance lourde du propos, par ce drame terrible qui touche un frère et surtout sa sœur victime lorsqu'elle était toute petite du jeu de la roulette russe. Par cette hallucinante galerie de portraits, entre rednecks et gueules cassées à la suite de suicides ratés. Par cet environnement rural et souvent hostile qui rappelle les heures les plus marquantes du Survival. Par cette administration employant des protocoles inhumains, sourdes aux suppliques. Mais aussi, par la poésie que dégage le long-métrage à travers les espoirs d'un frère rongé par la culpabilité depuis plus de vingt ans et qui pour résister à la tentation de mettre un terme aux souffrances de sa sœur dont il a été le témoin ''coupable'' de l'accident alors qu'ils n'étaient tout deux que des enfants, se réfugie dans un monde de fantasmes où des extraterrestres pourraient bien débarquer un jour pour leur venir en aide à tous les deux...

Tous les Dieux du Ciel, c'est un peu tout cela et encore beaucoup d'autres choses. Entre les sujets abordés par Quarxx et les impressions qui s'en dégagent, le spectateur considérera la somme de données à ingérer au moins double, si ce n'est le triple, des quelques exemples cités dans le paragraphe ci-dessus. Sa vedette, Quarxx va la chercher en Belgique en la personne de Jean-Luc Couchard qui en matière d’œuvres déviantes n'en est pas à ses débuts puisqu'on le découvrit notamment quatorze ans plus tôt dans l'excellent Calvaire de son compatriote Fabrice du Welz. N'ayant cessé de tourner depuis, on le vit également dans l'excellente comédie d'Olivier Van Hoofstadt, Dikkenek l'année suivante ou dans Mon Pire Cauchemar d'Anne Fontaine auprès de Benoît Poelvoorde en 2011. Interprète principal du court-métrage de Quarxx Un Ciel Bleu Presque Parfait dans lequel il interprétait déjà le rôle de Simon aux côté de l'actrice et mannequin hors norme Mélanie Gaydos qui elle, interprète pour la seconde fois le rôle de la sœur Estelle, Jean-Pierre Couchard porte sur ses épaules le poids d'une œuvres lourde de sens. Si Tous les Dieux du Ciel épouse les contours d'un scénario convoquant aussi bien l'épouvante que le drame, la science-fiction que la critique sociale, ce n'est que pour mieux décrire la lente dérive psychologique d'un individu se sentant responsable du drame qui a rendue infirme et défigurée sa jeune sœur.

Aussi sombre et désespéré soit-il, le long-métrage de Quarxx n'en est pas moins parcouru de quelques séquences optimistes telles que l'amitié entre Estelle et la jeune Zoé Debart (l'actrice Zélie Rixhon). Des scènes pourtant très rares, noyées dans un contexte de fin du monde imminente comme le laissent en partie présager les propos de Simon. Quarxx maîtrise son œuvre de bout en bout. Tous les Dieux du Ciel évite le piège du ridicule qui consiste à brasser plusieurs genres à la fois pour un résultat navrant. Le réalisateur ET scénariste nous convie durant plus d'une heure trente aux confins du désespoir et laisse ce sentiment étrange qui ne perdure généralement plus lorsque l'ingestion de cinéma d'épouvante est devenue monnaie courante : Tous les Dieux du Ciel offre ce remarquable frisson qui laisse présager après son visionnage que la nuit à venir sera peut-être agitée par d'intenses cauchemars... à noter la présence (trop courte) de l'excellent Thierry Frémont...

lundi 14 septembre 2020

Jamais le Premier Soir de Melissa Drigeard (2013) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Julie vient de se faire plaquer. Pire, son ancien compagnon l'a quittée en faisant lâchement intervenir un coursier. Pour la trentenaire, c'est la tuile et bientôt le célibat. Mais heureusement pour elle, Julie peut compter sur sa mère, et surtout sur ses deux meilleures amies Louise et Rose. Mais c'est en réalité grâce à l'ouvrage Le Bonheur, ça s'apprend du très populaire écrivain Viktor Bells que la jeune femme va s'épanouir dans un registre différent de celui qu'elle a connu jusqu'à maintenant. Grâce à ce livre qui se vend comme des petits pains, elle va s'attacher à suivre les préceptes qui y sont érigés au grand dam de Louise et Rose qui pensent un instant que leur amie a perdu la tête. Julie fera notamment la connaissance Charles, d'Ange et même de Marc, propriétaire d'une librairie dont elle dévore le rayon consacré à l'épanouissement personnel. Tandis que ses deux amies tentent de faire bonne figure face au nouveau mode de vie de Julie, celle-ci les convie à un séjour très particulier lors duquel elles devront elle-même se révéler...

Jamais le Premier Soir est le premier long-métrage de la réalisatrice française Melissa Drigeard. Un film réalisé par une femme, avec en vedette, des femmes, et privilégiant sans aucun doute avant tout un public féminin. C'est à peu près ce que doit ressentir le public masculin qui dès les premières secondes assiste à la scrupuleuse démolition de l'appartement du conjoint de l'une des trois héroïnes interprétées par Alexandra Lamy, Mélanie Doutey et Julie Ferrier. Trois amies pour trois visions différentes des rapports entre hommes et femmes. Alexandra Lamy incarne celle qui tente à avoir une relation amoureuse des plus stable et des plus conventionnelle même si pour cela, elle doit passer par des aventures sans lendemains. Mélanie Doutey incarne une Louise qui couche avec son boss (excellent Pascal Demolon) et n'a pas froid aux yeux lorsqu'il s'agit de faire de nouvelles rencontres. La relation la plus délicate est celle que porte sur les épaules Rose qu'interprète Julie Ferrier. Avec son compagnon, il y a bien longtemps qu'ils n'ont plus eu de rapports sexuels. Ce qui la pousse à se demander si elle l'aime encore...

Face aux trois interprètes féminines, la réalisatrice leur oppose tout un panel de spécimens du sexe opposé eux aussi, ayant des comportements qui divergent les uns des autres. Avec son look de baroudeur, sa barbe de trois jours et sa philosophie qui colle parfaitement avec celle de Julie, Grégory Fitoussi incarne un Ange séduisant mais cachant bien son jeu. Julien Boisselier interprète le rôle de Charles, l'un des hommes que rencontrera Julie à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il dévoile son véritable visage. C'est peut-être en fin de compte Jean-Paul Rouve/Marc qui saura trouver le ton juste pour séduire une Julie dont il n'est cependant pas forcément le genre d'homme. Sans être irrésistiblement drôle, Jamais le Premier Soir se laisse regarder comme une comédie tendre et fraîche sur les relations entre les hommes et les femmes. Pour autant, le film de Melissa Drigeard n'atteint pas vraiment, voire pas du tout ses objectifs. À moins qu'il ne s'agisse de ceux des producteurs ou du distributeur qui promettaient à travers l'accroche ''Attention, ce film rend heureux'' une séance qui aurait dû donner la pêche au spectateur. Pourtant, c'est sans être totalement conquis par le résultat qu'on la quitte, persuadé d'avoir passé un moment agréable en compagnie de personnages et d'interprètes attachants sans que l'expérience fut pour autant inoubliable. Une comédie légère mais dispensable donc...

jeudi 10 septembre 2020

Une Affaire de Goût de Bernard Rapp (1999) - ★★★★★★★☆☆☆



Lors d'un déjeuner dans un grand restaurant en compagnie de Flavert, l'un de ses employés, le chef d'une grande entreprise Frédéric Delamont fait la connaissance de Nicolas Rivière. Serveur depuis très peu de temps, il goûte sur demande de Frédéric le plat qu'il vient de lui servir. Dès lors, le chef d'entreprise lui propose un emploi richement rémunéré : Nicolas accepte de devenir le goûteur de Frédéric. Mais ce qui ne devait devenir qu'une relation professionnelle entre un homme et son employeur va se muer peu à peu en une relation malsaine ayant des conséquences désastreuses pour Nicolas dont le couple qu'il forme avec la libraire Béatrice va très rapidement battre de l'aile. Avili et manipulé, Nicolas n'est plus seulement le goûteur de Frédéric mais se plie à la moindre de ses exigences. Au fil des jours et des semaines, la distinction entre les deux hommes et de plus en plus ténue. Se ressemblant presque comme deux gouttes d'eau, ils se rapprochent de plus en plus, s'installent ensemble dans la luxueuse demeure de Frédéric, et pourtant... Ce dernier continue à mener la danse auprès d'un Nicolas dont il ne cesse de dévorer le cerveau. Une Affaire de Goût, le second long-métrage de l'ancien journaliste et écrivain français Bernard Rapp après le sympathique Tiré à Part réalisé trois ans auparavant et adapté du roman de Jean-Jacques Fiechter, gagne en profondeur et en maîtrise.

Adaptant désormais le roman Goûter n'est pas Jouer de Philippe Balland en compagnie du scénariste et écrivain Gilles Taurand, Bernard Rapp signe un second film prenant. Un thriller intimiste redoutablement efficace et porté par la superbe interprétation du duo formé par Bernard Giraudeau et Jean-Pierre Lorit. Une Affaire de Goût remonte le court du temps. De la rencontre entre les deux principaux personnages (auxquels il ne faudra pas oublier d'ajouter la participation de l'excellente Florence Thomassin dans le rôle de Béatrice) jusqu'au drame que tentent d'expliquer alors les protagonistes lors de témoignages effectués auprès d'un magistrat (Jean-Pierre Léaud) et d'une juge d'instruction. Parmi les divers interprètes, nous retrouvons également dans le rôle du cuisinier René Rousset, l'acteur Charles Berling, Artus de Penguern dans celui de Flavert, Laurent Spielvogel dans la peau du docteur Rossignon ou encore Patrick Zimmermann dans celle du chauffeur de Frédéric. Véritablement porté par un Bernard Giraudeau aussi bien ''monstrueux'' dans son attitude envers Nicolas Rivière que dans sa performance, l’œuvre de Bernard Rapp monte peu à peu en puissance pour ne jamais relâcher son emprise et ce, jusqu'à ce dernier regard lancé par un Jean-Pierre Lorit impérial. Un regard empli de tristesse mais aussi de relâchement qui exprime sans doute à la fois l'apaisement et la torpeur...

Le spectateur vit littéralement avec effroi l'expérience vécue par un Nicolas Rivière sous influence, vampirisé par un Frédéric Delamont dont les phobies multiples l'empêchent de vivre sereinement. Mais comme un enfant qui ne peut assumer seul son désarroi, il lui faut trouver un bouc émissaire. Celui qui partagera sa douleur de vivre quitte à en faire un pantin vers lequel évacuer sa souffrance. Bernard Giraudeau incarne un individu rarement émouvant. Plutôt monstrueux à vrai dire. Son jeu subtile navigue entre cruauté et ambiguïté. Quant à Jean-Pierre Lorit, son personnage agit comme un pantin. Comme la victime d'une addiction très particulière dont il aura bien du mal à se défaire. Florence Thomassin joue très justement la compagne de Nicolas. Une Béatrice témoin de la dérive psychologique de son compagnon. Sous une forme intimiste, voire épurée Une Affaire de Goût évoque l'emprise d'un gourou sur l'un de ses adeptes. Difficile de rester insensible à ce phénomène même si le long-métrage souffre de quelques défauts, ici heureusement rarement rédhibitoires et qui consistent en une image trop léchée et une partition musicale manquant parfois d'intensité. Reste que Une Affaire de Goût démontre que Bernard Rapp fut capable de s'améliorer et parvint à gravir une marche supplémentaire dans le métier de réalisateur... Une réussite...

mercredi 9 septembre 2020

Alive de Cho Il-hyeong (2020) - ★★★★★★☆☆☆☆



Titré Alive sur notre territoire, #살아있다 du sud coréen Cho Il-hyeong aurait tout aussi bien pu s'intituler Dernier hélicoptère pour Eunsol. Non pas qu'il soit raisonnable de le comparer au bijou de Sang-Ho Yeon Dernier Train pour Busan, mais quitte à choisir un long-métrage réalisé sur le même territoire et proposant peu ou prou le même genre de récit, pourquoi pas. Ici, c'est pourtant l'isolement qui prévaut dans un quartier cerné par des immeubles de cinq ou six étages environ. C'est là que vit Joon-Woo, adolescent peroxydé qui passe le plus clair de son temps devant son ordinateur sur lequel il joue en ligne à des jeux de tir et fait partie d'une communauté de geeks qui passent leur temps à faire évoluer leur avatar respectif dans un monde ouvert mais entièrement virtuel. Tellement accro lui-même que l'invasion d'infectés qui s'est emparé du quartier ne l'empêche pas de retourner à ses addictions. Les membres de sa famille n'ont plus donné de nouvelles depuis le début de l'épidémie. Seul, sans rien à manger, Joon-Woo survit. Mais sans nourriture, il risque de ne pas tenir très longtemps. C'est alors que dans l'immeuble d'en face se manifeste la jeune Yoo-Bin au moment même où désespéré, l'adolescent a choisi de se suicider. Joon-Woo change finalement d'avis et Yoo-Bin et lui communiquent à distance. Parviendront-ils à se sortir de cette périlleuse situation ? C'est la réponse que tente d'apporter Alive, nouveau spécimen de film d'infectés qu'il serait enfin raisonnable de différencier des zombies avec lesquels ils n'entretiennent en réalité que peu de rapports...

Pour son premier long-métrage, le réalisateur Cho Il-hyeong fait preuve d'une certaine vigueur en ce qui concerne la mise en scène.................. Voilà, c'est à peu près tout ce que l'on peut évoquer de positif concernant cet Alive qui débarque trop tard mais qui pourra tout du moins faire patienter ceux qui bavent d'impatience à l'idée de se rendre dans les salles le 21 octobre prochain afin d'assister à la projection du nouveau long-métrage de Sang-Ho Yeon intitulé Peninsula qui n'est autre que la suite de Dernier Train pour Busan qui lui-même, était la séquelle de l'anime Seoul Station. L'un des défauts majeurs de Alive réside dans le peu d'ambition concernant la caractérisation de ses deux principaux personnages (les seconds rôles se comptant sur les doigts d'une seule main). Et notamment celle de Joon-Woo qu'interprète Yoo Ah-In puisque au vu du contexte minimaliste dû au cadre étriqué que revêt son appartement, le réalisateur avait tout loisir d'évoquer la personnalité de ce geek quelque peu écervelé, confronté plus tard dans l'aventure à une Yoo-Bin (l'actrice Park Shin-Hye) beaucoup plus mûre...

Résulte de ce choix qui sur une échelle de dix ne dépasse pas deux ou trois concernant l'inquiétude du spectateur vis à vis d'un Joon-Woo face au danger, le film déroule sa petite intrigue avec rythme mais sans enjeux véritables. On devine par avance les projets de ces deux adolescents qui feront tout pour se rejoindre et l'issue d'un long-métrage dont le parti-pris n'est très certainement pas celui de prendre des risques. À dire vrai, Alive a les allures d'un drama flirtant avec l'horreur. Les effets-spéciaux se résument à pas grand-chose. Un pas grand-chose qui d'ailleurs survient non pas dès le début mais après un moment seulement. Je m'explique : alors que le quartier de Eunsol est envahi par des infectés après quelques minutes seulement, ceux-ci arborent un visage tout à fait normal et dénué du moindre maquillage. Détail qui évolue fort heureusement par la suite à travers des effets-spéciaux dans la moyenne de ce que peut proposer ce type de long-métrage au budget sans doute pas tout à fait confortable. Arrivant avec un train, une longueur ou plusieurs heures de retard (au spectateur de choisir la formule qui lui sied), Alive se regarde sans déplaisir mais sans qu'à aucun moment l'on ait l'impression d'avoir touché du doigt, le génie. D'abord sorti en salle dans son pays d'origine le 24 juin dernier, il a ensuite été mis à disposition du reste de la population mondiale sur la plate-forme Netflix dès le 8 septembre...
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