Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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jeudi 30 juillet 2020

Dr. Immortalizer de Joel Bender (1989) - ★★☆☆☆☆☆☆☆☆



Pour la somme de un million de dollars, de vieilles bourgeoises peuvent vivre leur rêve : retrouver une seconde jeunesse. Mais dans le cas présent, il ne s'agit pas de chirurgie esthétique. En effet, le docteur Divine (l'acteur Ron Ray) leur propose pour cette rondelette somme d'argent d'opérer une greffe de leur cerveau dans le corps tout neuf d'une jolie jeune femme. C'est ce que vont avoir le désagrément de découvrir quatre jeunes gens qui après être sortis faire la fête vont être attaqués par deux zombies. Kidnappés, les deux hommes et les deux femmes qui les accompagnent sont emmenés jusqu'à la demeure du Docteur Divine qui va utiliser ces dernières comme marchandise pour les bourgeoises impatientes de recouvrer leur jeunesse et leurs compagnons comme cobayes. Mais Gregg, l'un des deux garçons, parvient à prendre la fuite tandis que Darrell est zombifié par le docteur et ses complices.June et son amie sont attachés sur un brancard dans l'attente d'être sacrifiées. Avec l'aide inattendue d'une voisine prénommée Agnes, Gregg va tenter de sauver ses amis...

Sorti sur les écrans en 1989, Dr. Immortalizer fait partie de cette vague de longs-métrages horrifiques qui mettent en scène un savant ou un médecin fou se prenant pour Dieu. Mais loin d'atteindre les qualités esthétiques et scénaristiques du cultissime Re-Animator que Stuart Gordon réalisa quatre ans auparavant, le film de l'américain Joel Bender (le troisième après la comédie Gas Pump Girls en 1979 et l'horrifique The Returning en 1983) est un navet pur jus des années quatre-vingt avec tout ce que cela pouvait comporter de rédhibitoire. Une bande-son pop indigeste et des nappes de violons synthétiques repoussantes. Une image beaucoup trop lisse et pas assez granuleuse pour que le film fasse son petit effet du côté de l'horreur, d'autant plus qu'en matière d'effets gores ou simplement sanglants, Dr. Immortalizer fait preuve d'une très grande avarice. À part quelques maquillages ratés plaqués sur le visage de seconds-rôles bodybuildés, inutile d'espérer y voir le moindre débordement sanguinolent !

Mais alors, que retenir de ce Dr. Immortalizer ? Et bien à dire vrai, pas grand chose. L'interprétation est catastrophique et le pitoyable jeu des interprètes s'avère accentué du fait d'un doublage en français absolument désastreux. L’œuvre de Joel Bender semble hésiter entre comédie et épouvante sans jamais être, ni drôle, ni effrayant. Le scénario étant d'une platitude rare et les mises en situation d'une épuisante répétitivité, on s'ennuie ferme bien avant que le film ait atteint la moitié du récit. Autant dire que si Dr. Immortalizer n'est pas un calvaire à suivre, on n'y prend cependant aucun plaisir. Autre absence en dehors du sang : la caractérisation inexistante des personnages. Les antagonistes sont ridicules tandis que le sort du jeune Gregg incarné par Chris Crone est inexistant, le personnage étant alors si peu attachant que l'on se fiche du sort qui pourrait lui être accordé. Le bilan est donc rude pour Dr. Immortalizer. Quelle que soit la case à cocher, tout s'y avère d'un inintérêt absolu...

mercredi 29 juillet 2020

Haze de Shinya Tsukamoto (2005) - ★★★★★★★☆☆☆



Avec Haze, le cinéaste japonais Shinya Tsukamoto poursuit son exploration d'un cinéma expérimental démarré plus de quinze ans en arrière avec son film culte, le séminal Tetsuo. En 2005, il n'a pas abandonné sa manière si particulière d'aborder le septième art. Plus court que la majorité de ses films, Haze use du format moyen pour évoquer un récit aussi labyrinthique que l'univers dans lequel évolue le personnage que le réalisateur interprète lui-même. Un homme plongé dans une sorte de galeries souterraines en béton dont l'une des spécificités est d'être constituées d'un réseaux de couloirs extrêmement étriqués. L’exiguïté des lieux contraint ce personnage sans identité à évoluer avec lenteur et en le forçant parfois à se tenir sur la pointe des pieds et les mâchoires écartées par des canalisations placées à hauteur de visage. Si seulement l'horreur de la situation pouvait s'arrêter là... Malheureusement pour lui, l'homme est également contraint d'évoluer dans des couloirs jonchés de détritus, de métaux acérés et même, comme il va bientôt en être le témoin, de dizaines, voire de centaines de membres humains arrachés et en décomposition avancée...

Bien que le minimalisme du scénario écrit par Shinya Tsukamoto lui-même et des décors laissent le sentiment que Haze put être tourné avec un budget dérisoire et sur une très courte durée, ce film de commande ayant pour vocation d'expérimenter un nouveau modèle de caméra digitale fut tout de même réalisé à l'aide d'un budget à hauteur de quarante-mille euros (ce qui en soit, demeure tout de même une toute petite somme) et sur une durée de treize jours. Sur un concept empruntant en partie des idées à Saw de James Wan ou encore au plus ancien Cube de Vincenzo Natali, Shinya Tsukamoto jette son héros (celui qu'il interprète lui-même) au milieu d'artères souterraines exiguës qui créeront un véritablement sentiment d'oppression chez les spectateurs souffrant de claustrophobie. Et ce, sans qu'il n'aie conservé le moindre souvenir des circonstances qui l'ont amené à se retrouver dans une telle situation. La partition musicale du compositeur japonais Chū Ishikawa, auteur de la plupart des bandes originales des longs-métrages de Shinya Tsukamoto, participe de cette suffocation qui ne cesse de s'accentuer à mesure que le récit avance. Du moins jusqu'à ce que le héros fasse la rencontre du seul être vivant qu'il sera en mesure de croiser en chemin durant les quarante-neuf minutes que dure le moyen-métrage. Une femme, elle aussi anonyme, interprétée par Kahori Fujii, qui tout comme l'homme ignore les raisons de sa présence en ces lieux qui ne dépareilleraient sans doute pas avec la plus mortifère vision de l'Enfer...

En moins de temps qu'il n'en faut pour créer le malaise, le réalisateur japonais signe une œuvre expérimentale horrifique particulièrement convaincante. Et même si Haze demeure moins délirant et moins épileptique que Tetsuo, il n'en demeure pas moins tendu et rude. Le spectateur ressortira sans doute de la projection avec le sentiment d'avoir été trompé par un cinéaste qui l'abandonne au bord d'un chemin pavé d'incertitudes mais c'est le contrat que l'on se doit de signer avec Shinya Tsukamoto chaque fois que l'on pénètre dans son univers. Il faut au contraire se laisser porter par ses visions sans doute emplies de symboliques sans se poser trop de questions. Peut-être faudra-t-il se pencher sur le titre du film lui-même, puisque Haze est le nom couramment utilisé par les consommateurs d'herbe qui voient en cette variété, l'une des meilleures proposées sur le marché des drogues douces. C'est ainsi que l'on se demande alors si tout ce que Shinya Tsukamoto met en images n'est pas le fruit de personnages ayant consommé de l'herbe avant d'avoir perdu la tête et après avoir tenté de s’entre-tuer. Une idée florissant dans l'esprit sans pour autant être définitive. Avec Haze, le japonais démontre en tout cas que l'usage d'une caméra digitale, ici idéale dans le contexte éminemment restreint de réseaux souterrains, n'empêche pas une certaine vision ''crasse'' de l'environnement. Encore un (lourd) pavé dans la mare du cinéma japonais expérimental et une brillante réussite pour Shinya Tsukamoto...

Dogville de Lars Von Trier (2003) - ★★★★★★★★☆☆



Je n'apprendrai rien à personne en évoquant le fait que le cinéma du réalisateur danois Lars Von Trier n'a rien de commun avec tout ce que le public à l'habitude de découvrir sur grand écran. Chacun de ses treize longs-métrages, de Element of Crime en 1984 jusqu'au dernier en date, The House that Jack Built en 2018 est une expérience à part entière. Septième film et premier volet d'une trilogie qui s'est poursuivie en 2005 avec Manderlay et dont on attend toujours la conclusion, Dogville reste sans doute à ce jour comme l'une des œuvres les plus profondes du danois. Un long-métrage qui, s'il ne reproduit par tout à fait les préceptes du Dogme 95 cofondé aux côtés de Thomas Vinterberg en 1995, en récupère certaines fonctions et semble même aboutir à une épure encore plus significative du fait que le décor servant de cadre au récit ne soit constitué que de quelques éléments éparses. Quand bien même il faudra quelques minutes, et peut-être un peu plus que cela pour s'habituer à Dogville dans sa forme, le choix de Lars Von Trier de minimiser l'emploi de décors permet au contraire de maximiser l'impact de certaines situations.

Et pour comprendre, il faut sans doute d'abord se pencher sur l'histoire... Celle de Grace qui un soir débarque dans la toute petite ville de Dogville où vit à peine plus d'une trentaine d'habitants. Parmi lesquels on retrouve immédiatement après le prologue, le fils du médecin, Tom Edison, qui sans doute troublé par la beauté de la jeune femme décide spontanément de lui venir en aide. Car on comprend alors qu'elle est en fuite et tente d'échapper à des gangsters dont le grand patron est connu sous le nom de Monsieur Mulligan. Réunis à l'église, tous les villageois apprennent l'existence de Grace et des dangers qu'elle encoure. Certains hésitent à l'accepter parmi eux de peur d'en subir les conséquences. Pourtant, Tom les convainc tous d'approuver la présence de Grace pour les deux semaines à venir. Et si jamais ne serait-ce que l'un d'eux décide qu'elle doit quitter Dogville, alors la jeune femme devra plier bagages...

D'abord filmé en plongée comme le plan d'une résidence en construction, Dogville est au départ assez complexe à définir dans son infrastructure. Car à part quelques fenêtres ici et là et un tracé au sol qui délimite chaque édifice, le spectateur est invité à imaginer les façades de l'église, des habitations, ou même des vieilles mines laissées à l'abandon. Heureusement, l'espace est suffisamment restreint pour que l'on n'ait pas à retenir l'emplacement de dizaines de foyers et d'édifices commerciaux. Officiellement ou non, il se dégage de cette méthode assez particulière qui fait de Dogville une œuvre expérimentale à la frontière entre théâtre et cinéma, un sentiment d'oppression qui peu à peu fini par devenir permanent. Comme si le personnage central interprété par la magnifique et bouleversante Nicole Kidman était épié et jugé en permanence pour ses actes par les habitants qui l'on accueillie un peu plus tôt. Mais alors que l’œuvre de Lars von Trier s'ouvre et se prolonge tout d'abord sur un acte d'une grande humanité consistant en l'acceptation d'une étrangère malgré les dangers, le vice s'installe au fil du temps dans les foyers pour prendre un caractère monstrueux.

Cette monstruosité qui caractérise l'homme lorsqu'il se forme autour d'une masse populaire vindicative et qu'il sent le danger poindre le bout du nez. Bien que Dogville repose sur un scénario original écrit par le réalisateur lui-même, une étrange relation se noue entre son œuvre et celle plus ancienne de Clint Eastwood. Un certain Homme des Hautes Plaines, western crépusculaire et fantastique (du moins dans sa version originale) dans lequel l'acteur et réalisateur décrivait une ville et ses habitants corrompus par la cupidité, la jalousie, la couardise et la lâcheté...Un casting trois étoiles... Car aux côtés de la sublime australo-américaine Nicole Kidman, l'y rejoignent le suédois Stellan Skarsgård, l'américaine Lauren Bacall, le franco-américain Jean-Marc Barr, ou encore les américains James Caan et Ben Gazzara, John Hurt étant quant à lui dans la version originale, chargé de la lourde tâche de narrer ce récit en un prologue suivi de neuf chapitres. Si dans un premier temps la forme désoriente, c'est dans la qualité de la mise en scène, de l'interprétation mais aussi de l'ajout de la superbe partition musicale empruntée au compositeur et violoniste italien Antonio Vivaldi que le spectateur trouvera un point d'appui auquel se raccrocher et ainsi finalement vivre ce film-fleuve de presque trois heures dans des conditions presque optimales.

Bien que Dogville paraisse complexe, l'idée d'y avoir adjoint la voix de John Hurt permet de clarifier le propos. Car ainsi, tout semble plus simple à comprendre. Et d'abord, l'agencement de cette petite ville souvent plongée dans les ténèbres, dont les édifices sont représentés par d'épaisses lignes blanches et certains éléments par des symboles ou des mots. À titre d'exemple, si l'on entendra bien aboyer le seul chien de Dogville, il est représenté par le mot ''Dog''. Comme l'on apprendra par cette même méthode où se situent par exemple le garage de Ben, la maison de Jeremiah ou encore celle de Thom Edison. Lieu unique, le décor de Dogville est situé en Suède, à Trollhättan, et les personnages ne le quitteront jamais. Même lorsque avec un certain sens du génie, Lars Von Trier cachera son héroïne entre les caisses de pommes chargées à l'arrière du camion de Ben. Cruel, Dogville est un conte allégorique que le public américain a eu du mal à avaler en découvrant ce qui semblait être une virulente critique de sa société. On pourrait y voir également une certaine forme de novélisation de la mythique série Le Prisonnier créée par George Markstein et Patrick McGoohan au milieu des années soixante. Grace n'est-elle pas en effet le pendant féminin de l'agent secret connu sous le nom de Numéro 6, accueillie qu'elle est par des habitants tout d'abord bienveillants avant de comprendre au fil du temps qu'elle est elle-même prisonnière de leur moindre désir et de leur impitoyable comportement envers elle ? En 2003, le réalisateur danois signait sans doute l'un de ses plus grands films. Dogville est une expérience douloureuse, inconfortable, étonnante et profonde à la fois. Habité par des interprètes remarquables auxquels on peut notamment ajouter l'acteur slovéno-américain Željko Ivanek qui incarne merveilleusement bien le personnage de Ben ou l'américaine Patricia Clarkson qui interprète l'odieuse Vera, le film demeure une expérience inédite à laquelle on pense encore longtemps après la fin de la projection...

mardi 28 juillet 2020

Midnight Express d'Alan Parker (1978) - ★★★★★★★☆☆☆



Brad Davis n'aura pas vraiment eu le temps de faire une brillante carrière cinématographique puisque lorsqu'il meurt en 1991 des suites du sida alors qu'il se sait depuis un moment déjà séropositif, il aura surtout accumulé des rôles à la télévision, le grand écran n'ayant jamais dressé devant lui, le pont d'or qu'il méritait pourtant sans doute depuis son apparition dans ce qui allait devenir LE rôle de sa carrière. Pour beaucoup de cinéphiles, Midnight Express sonne comme le souvenir d'une expérience cinématographique douloureuse. Et lorsque l'on sait que le personnage qu'y interprète Brad Davis a réellement existé, on repense rétrospectivement au voyage en Enfer vécu par William Hayes, l'homme autour duquel le réalisateur et scénariste Oliver Stone s'est concentré pour écrire le script d'un long-métrage qui allait entrer dans la légende du septième art : Midnight Express d'Alan Parker. Une œuvre qui allait faire de ce jeune américain, le héros d'un film alors même qu'à l'origine, William Hayes n'était pas le plus recommandable des individus puisque victime de ses propres ambitions de petit dealer, il fut arrêté par les autorités turques alors qu'il tentait de faire passer de la drogue et ce, pour la quatrième fois. Et quatre fois, dans les circonstances que l'on va découvrir, ce sera une fois de trop. Croyant passer à travers la fouille de la douane turque, bien mal lui en prend puisque les deux kilos qu'il transporte sont découverts. C'est alors pour William Hayes, le début de cinq ans d'enfer...

A l'origine, Richard Gere devait incarner le rôle-titre. C'est en toute partialité que me vient à l'esprit l'idée que l'on a sans doute échappé au pire. Lorsque Brad Davis se présente au casting avec dans l'ombre, un Dennis Quaid séduit par le personnage, le jeune acteur alors âgé d'une trentaine d'années a débuté sa carrière huit ans auparavant mais n'a très majoritairement tourné que pour le petit écran puisque avant Midnight Express, il n'apparaîtra au cinéma que dans Eat My Dust de Charles B. Griffith sans être cependant crédité au générique. Alors que les autorités de la capitale turque Ankara refusent d'accueillir l'équipe de tournage sur leur territoire, c'est à plus de deux-mille sept-cent kilomètres de distance, sur l'île de Malte, que se déroulera finalement le tournage du film d'Alan Parker. Un long-métrage qui en regard du difficile sujet abordé sera pour le réalisateur, son équipe, mais surtout Brad Davis, une expérience physique et intellectuelle éprouvante. Des conditions de tournage délicates. Une chaleur écrasantes. Et des délais de tournage très courts. Même tourné loin du pays d'origine où se sont déroulés les faits, la mise en scène, l'interprétation et la mythique bande originale du compositeur et DJ italien Giorgio Moroder font illusion...

Quarante-deux ans après sa sortie, il est toujours intéressant de découvrir Midnight Express. Et même si depuis, nombre de cinéastes et de scénaristes ont su entretenir la dualité humanité/inhumanité en repoussant sans cesse les limites du dicible, même si l'on doit conserver une totale réserve quant à l'éventuelle ''romanisation'' de cet épisode tragique dans la vie d'un homme (les autorités turques remirent en question la crédibilité de certaines faits), l'expérience demeure toujours aussi rude. La Turquie, ça n'était déjà pas la France en ce temps là. Là-bas, pas de téléphone, de télévision ou de quelconque divertissement. Là-bas, comme va pouvoir l’expérimenter William Hayes, la prison est un cachot dans le sens le moins noble du terme. Des cellules grises, crasseuses, humides. Des gardiens brutaux, ici notamment personnifiés par l'incroyable acteur américain Paul L. Smith (Rabban de Dune de David Lynch, le dératiseur de Crimewave de Joel et Ethan Coen) dans le rôle du gardien-chef tortionnaire et sadique Hamidou. Midnight Express montre une certaine corruption de la justice avec à la clé, l'incertitude d'obtenir gain de cause malgré les largesses financières.

Il démontre également que la survie tient à des choses aussi simples et puériles que l'amitié et l'espoir. L'amitié entre le héros et ses compagnons de cellule Jimmi Booth (l'acteur Randy Quaid) et Max (formidable John Hurt). L'espoir de recouvrer un jour la liberté. Espoir, mais aussi désespoir qui mènera le héros à la folie lors de l'une des séquences les plus mémorables du film. Longtemps considéré par certains comme bourré de clichés racistes et xénophobes par des individus que l'on pourrait en contrepartie considérer de complaisants, nombre de documents ont su démontrer depuis, que le contenu de Midnight Express est parfois le reflet de la réalité. Comme on peut s'en douter, le film fut interdit en Turquie où il fut invisible jusqu'en 1993. Nominé et récompensé à de nombreuses occasions, le film d'Alan Parker obtint notamment, les Oscars du meilleur scénario et de la meilleure musique au festival de 1979 mais ne remporta pas ceux du meilleur acteur de second rôle pour John Hurt, du meilleur réalisateur et du meilleur montage...

lundi 27 juillet 2020

Tetsuo de Shinya Tsukamoto (1989) - ★★★★★★★★☆☆



On pourrait réduire la carrière du réalisateur japonais Shinya Tsukamoto à ce seul fait d'arme qu'est Tetsuo. Ce long-métrage datant de 1989 y concentrait déjà toutes les obsessions de l'auteur de Hiruko the Goblin, de Gemini ou de Tokyo Fist. Une certaine fascination pour le corps humain. Une barbarisation de la mise en scène. Une approche épileptique du montage. Une tentative expérimentale du septième art. Si après Tetsuo, tout paraîtra faussement plus limpide derrière ce film-monstre à l'écriture plus complexe que dans le futur, monument labyrinthique, anarchique, industriel et cyberpunk, c'est parce qu'avec ce film culte, Shinia Tsukamoto nous a balancé en pleine poire une œuvre cataclysmique aux conséquences aussi rudes qu'une explosion nucléaire dont les retombées agissent à l'issue d'une projection délicate. Voire étouffante et d'une manière générale, inconfortable dont les codes demeurent une énigme même lorsque l'on y revient une fois la filmo toute entière du cinéaste digérée.

Assez peu bavard (à peine soixante-dix lignes de dialogue pour un peu plus d'une heure et sept minutes de métrage), ce premier volet de ce qui deviendra avec le temps une trilogie dissémine à quelques encablures des éléments qui laissent envisager que le film n'a pas été formé autour d'un script brouillon mais qu'il a été en réalité mûrement pensé par le réalisateur japonais. Deux phrases en effet, successivement prononcées par l'actrice Nobu Kanaoka dont le personnage, comme les autres, demeurera anonyme, semblent expliquer les implications d'un scénario vouant un culte à l'hybridation de la chair et du métal. À tel point que l'on a parfois l'impression d'assister à une version déformée de l'incroyable Crash que le canadien David Cronenberg réalisera sept ans plus tard. Et pourquoi ne pas envisager Tetsuo comme une relecture du roman original du britannique J. G. Ballard, Crash !, dont certaines circonvolutions sont similaires ?

Mais revenons sur les dites phrases qui aiguillent quelque peu des spectateurs aussi perdus que le héros de Tetsuo l'est dans un amalgame de ferraille s'accumulant grâce au pouvoir électromagnétique des quelques métaux qui maintenant font partie intégrante de son organisme : ''Tu sais, depuis ce jour... je me sens très étrange.'' et ''Depuis l'accident et le délit de fuite...''. En une poignée de mots, Shinya Tsukamoto semble justifier le spectacle gorissime auquel le spectateur va assister. Surtout, il donne à réfléchir sur son contenu. Deux phrases primordiales qui aident à une certaine compréhension même si la folie latente du cinéaste fini par l'emporter et noyer le spectateur dans un tourbillon de visions qui ne cesseront jamais de l'interroger sans pour autant lui offrir la moindre explication. Son statut de film culte, Tetsuo ne l'a pas volé. Qu'il s'agisse de la mise en scène survoltée, de ses déplacements de caméra syncopés proches de ceux d'un autre phénomène cinématographique (le court-métrage Gisèle Kérozène de Jan Kounen) ''curieusement'' réalisé la même année...

Qu'il s'agisse également du montage ultra-cut, de son ahurissante interprétation ou de sa bande-son industrielle signée du compositeur Chū Ishikawa, Tetsuo est une expérience viscérale qui n'a que peu d'équivalent d'où, peut-être, sa réputation d’œuvre séminale et référentielle du cinéma cyberpunk. Que l'on aime ou non, que l'on rejette en bloc ou que l'on adhère au mystère qui entoure cette œuvre, il est difficile de lui faire des reproches concernant le travail abattu par Shinya Tsukamoto. Responsable de la plupart des fonctions sur le tournage, le réalisateur laissa tout de même à Kei Fujiwara, le soin de concevoir les costumes. Laissez-vous happer par l'univers du japonais, par ses visions outrancières, son gore en noir et blanc, sa stop-motion de folie et par ses dialogues éructés. Que l'on accepte le procédé ou non, on n'en sort pas indemne, essoré que l'on est à avoir autant apprécié que subit cette œuvre digne de trôner aux côtés du Eraserhead de David Lynch...

dimanche 26 juillet 2020

A Snake of June de Shinya Tsukamoto (2002) - ★★★★★★★★★☆



Délicieusement morbide, formidablement beau, hommage stupéfiant à la femme, à l'amour. C'est peut-être ainsi que l'on pourrait décrire A Snake of June. Cet objet filmique non identifié. Cette décadence hyper-sexuée issue de l'imaginaire de Shinya Tsukamato, l'auteur du cultissime Tetsuo et de ses deux séquelles. D'ailleurs, dans cette nouvelle proposition où se mêlent voyeurisme, fascination pour le corps de la femme, maladie, exhibition et infidélité, la représentation du sexe masculin y est proche de la mutation organico-métallique dont était victime le héros du film cyberpunk réalisé par le japonais treize ans auparavant. Comme un ersatz... ou peut-être comme la seule expression qui puisse être faite d'un mécanisme mu par le seul instinct de procréation chez l'homme et servant d'arme dans le cas présent lors d'un duel entre individus de sexe masculin. Mais Shinya Tsukamoto ne faisant rien comme les autres, aucun des personnages qui évoluent dans A Snake of June ne cherche à corrompre la relation qu'il entretient avec l'autre. C'est sans doute ce qui fait l'originalité et la force de ce long-métrage qui n'excède pas les soixante-dix sept minutes et qui condense pourtant un flot de thématiques directement liées au couple. Passionnelle et parfois ingrate, l’œuvre du japonais explore divers sentiments pouvant aller de la fascination, jusqu'au rejet, en passant par l'excitation. Car tout aussi érotique soit-il A Snake of June, aborde la sexualité sous un angle peu commun qui pourra déranger les non-initiés...

La plastique superbe de l'actrice Asuka Kurosawa, ses gémissements et ses différentes postures ne justifiant pas à eux seuls la montée de sève et de température du spectateur, la forte teneur érotique qui se dégage de la plupart des séquences sert d'alibi et peut-être même dans certains cas, d'exutoire. Ou comment légitimer cet état de fièvre dans lequel nous plonge A Snake of June alors même qu'il aborde des sujets que l'on aurait plus souvent tendance à mettre sur le compte de la perversité. Dans un noir et blanc qui n'a rien de vraiment somptueux, la jeune Rinko Tatsumi est standardiste et répond aux âmes en peine au bord du suicide. C'est en sauvant la vie de l'une d'elle, un certain Iguchi qu'interprète lui-même Shinya Tsukamoto, que ce dernier décide à son tour de venir en aide à la jeune femme. Toute la subtilité du script provient du fait que le spectateur croit d'abord assister à un jeu dont le seul intérêt est de nourrir la perversité de l'interlocuteur de Rinko. Une impression cultivée lors d'une grande partie du long-métrage par une Asuka Kurosawa habitée par son personnage et par les instructions qu'elle reçoit par courrier et par téléphone de la part de Iguchi. D'où des séquences tantôt inconfortables, tantôt... ''appétissantes''...

Sous une pluie artificielle constante accentuant le propos du film, la caméra de Shinya Tsukamoto scrute le décor comme autant de représentations du sexe féminin. Comme cette ouverture parfaitement cylindrique dans le plafond de l'appartement de l'héroïne évoquant un vagin béant et dégoulinant d'eau de pluie. Face à cette iconisation du sexe de la femme, le japonais oppose une dramatisation des relations entre le mari et son épouse. Alors que Shigehiko (l'acteur Yuji Kohtari) occupe son temps libre à nettoyer de manière obsessionnelle l'émail et les inox de leur appartement, justifiant ainsi le peu de temps qu'il a à accorder à son épouse, Rinko se découvre des plaisirs solitaires à défaut d'en avoir avec son mari. C'est là qu'intervient alors le personnage de Iguchi perçu tout d'abord comme un voyeur pervers avant que ne nous soit révélée la cruelle vérité que je tairai donc ici pour ne rien dévoiler de crucial. D'une œuvre quelque peu bestiale, A Snake of June se transforme en un drame absolument bouleversant pour se terminer en une quête de rédemption. Le dixième long-métrage de Shinya Tsukamoto véhicule un message particulièrement fort, ponctué de visions sinon délirantes (on a vu bien plus singulier chez le japonais avant cela), du moins peu communes. Une manière toute particulière de rendre hommage à la femme et à son corps. Comme souvent chez le Japonais, on sort de la projection désorienté. Un signe qui ne trompe pas et qui place immédiatement A Snake of June au panthéon du cinéma expérimental asiatique. Un must... !

samedi 25 juillet 2020

Color out of Space de Richard Stanley (2020) - ★★★★★★★☆☆☆



Reconnu comme le maître de l'indicible, c'est sans doute pour cette raison que l’œuvre de l'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft s'avère parfois si complexe à adapter sur grand écran. Car en effet, comment parvenir à explorer le thème de ce qu'il est interdit par principe d'afficher à l'écran sans perdre de vue le récit et ne pas noyer le spectateur dans des concepts trop vagues demeurant insuffisamment compréhensibles ? Une fois de plus, l'innommable est au cœur d'une histoire inspirée de la nouvelle La Couleur tombée du Ciel écrite et publiée en 1927. Presque un siècle plus tard et après trois premières tentatives en 1965 (Le Messager du Diable de Daniel Haller), 1987 (La Malédiction Céleste de Keith David) et 2010 (Die Farbe de Huan Vu), c'est au tour du réalisateur sud-africain Richard Stanley de se risquer à adapter la nouvelle de Howard Phillips Lovecraft tout en y mettant semble-t-il un point d'honneur à lui offrir un dépoussiérage en règle. Le jeune Ward Philips (hommage à peine camouflé à l'auteur de la nouvelle) débarque aux abords de la propriété des Gardner afin de faire des relevés pour une entreprise hydraulique lorsque survient la nuit suivante un événement étrange. Nimbée d'une aveuglante lumière mauve, une météorite s'écrase juste devant la demeure de Nathan et Theresa Gardner et de leurs trois enfants Lavinia, Benny et Jack. Les conséquences s'avèrent étonnantes. Alors que les médias relèguent le phénomène durant le journal télévisé, Theresa se blesse accidentellement à l'aide d'un couteau tandis qu'elle prépare le dîner. La transportant d'urgence à l’hôpital, Nathan confie à ses deux plus âgés, la garde de la maison, de leur jeune frère et des alpagas qu'il a acheté une fortune... Mais alors que Lavinia, Benny et Jack se retrouvent seuls, la faune et la flore semblent être en proie à une inquiétante mutation...

Si visuellement, la flamboyance des couleurs incriminées dans Color out of Space rappellera sans doute l'une des plus remarquables entrées en matière dans l'univers de H.P.Lovecraft (le From Beyond de Stuart Gordon en 1986), l’œuvre de Richard Stanley semble esthétiquement liée de manière indéfectible au décevant Annihilation d'Alex Garland alors même que les deux longs-métrages n'entretiennent aucune relation officielle. À tel point que le spectateur pourra éventuellement évoquer Color out of Space comme une préquelle conditionnée par une approche visuelle s'éloignant de la nouvelle originale ( Richard Stanley préférant ainsi des ton violets/mauves à la grisaille décrite en 1927) et se rapprochant davantage des couleurs presque irréelles du film sorti deux ans avant lui. Mais alors que Annihilation générait une déception causée par une écriture, une mise en scène et une interprétation d'une stérilité rare, Richard Stanley s'en sort nettement mieux et surtout, parvient à rendre visible ce qui à l'origine ne doit demeurer à l'image que suggéré. D'où l'emploi de lumières, d'un jeu subtil entre obscurité et délires visuels créant un climat oppressif laissant tout loisir au spectateur de se faire sa propre idée sur le pourquoi et les conséquences de ce qui se produit devant son regard. Mais surtout, Color out of Space est aidé par un sound-design signé Olivier Blanc et une bande originale composée par Colin Stetson qui offrent une véritable ampleur au film...

Du côté des interprètes, on retrouve un Nicolas Cage en général lymphatique auquel Richard Stanley offre l'occasion de ressusciter une bonne fois pour toute à l'écran. Mais comme ce qui est à l'intérieur est aussi à l'extérieur, exemple de ce que tente de décrire le personnage incarné par l'acteur Tommy Chong ici en mode hippie, Nicolas Cage place le film de l'américain sous deux plans temporels qui changent selon qu'il soit à l'écran ou non. Car alors que Color out of Space semble bien dans l'air du temps, lorsqu'apparaît à l'image Nicolas Cage, c'est à un bond dans le temps, vers le passé, que semble nous convier l'acteur qui joue comme s'il débutait sa carrière d'interprète. Il faut dire que, pauvres français que nous sommes et pauvre Nicolas Cage qu'il soit dans ce genre de situation, son doublage est affolant de médiocrité et l'empêche quasi systématiquement d'imprégner le film de sa présence. Exit l'aura de cet ancien interprète de génie. Au point que l'on aimerait que son personnage reste coincé sur la route lorsqu'il transporte son épouse aux urgences pour que Richard Stanley n'ait plus à consacrer son film qu'à ses trois jeunes interprètes et aux événements étranges auxquels ils sont confrontés...

Mais ne soyons pas trop dur avec Nicolas qui lorsque son personnage perd la tête gagne en consistance. Alors que chacun vit son existence de manière individualiste (la mère fait tout ce qu'elle peut pour conserver ses clients, le père consacre son temps à ses alpagas, la fille pratique la magie blanche, l'un de ses frères s'enferme dans la grange pour y fumer de l'herbe tandis que le plus jeune contemple le paysage), on s'amuse puis l'on s'effraie devant ce père incapable d'assumer ses responsabilités face à l'horreur de la situation. Un cadre dont le réalisateur accentue la noirceur au point de franchir dangereusement la frontière qui sépare son intrigue de l'inévitable nihilisme vers lequel tend le sujet. Et puis, Color out of Space n'arrive jamais vraiment à s'écarter de certaines influences. On pense un très court instant à David Cronenberg et son ancienne ''passion'' pour les corruptions organiques mais davantage à John Carpenter lorsqu'intervient dans le noir paysage, cette immonde créature enfermée dans la grange et qui ne peut qu'éveiller de vieux souvenirs chez ceux qui découvrirent à l'époque de sa sortie, l'excellent The Thing. Sans doute faudra-t-il se pencher davantage sur la version originale de Color out of Space pour adhérer de manière idéale à son concept.En tout cas, malgré les défauts de la version française qui souffre d'un doublage parfois approximatif, le film de Richard Stanley demeure une expérience forte, visuellement surprenante et émotionnellement dense...à voir...

The Silence of the Lambs de Jonathan Demme (1991) - ★★★★★★★★★☆



Alors qu'elle suit une formation au Bureau Fédéral d'Investigation de Quantico en Virginie, la jeune Clarice Starling se voit confier par son supérieur Jack Crawford la délicate mission d'aller interroger le docteur Hannibal Lecter qui pour avoir commis des crimes monstrueux est enfermé dans le quartier de haute sécurité de l’hôpital psychiatrique de Baltimore. Parce que le FBI ne parvient pas à mettre la main sur un tueur en série surnommé Buffalo Bill, Jack Crawford espère que Clarice parviendra à soutirer des informations à Lecter. Lors de l'entretien, la jeune femme est confrontée à un individu d'une intelligence exceptionnelle, charismatique mais aussi et surtout manipulateur. Bien que leur premier échange semble se solder par un échec, l'ancien psychiatre aiguille la jeune stagiaire et la dirige vers un hangar où elle découvre une tête décapitée enfermée dans un bocal qui se révèle être celle de la première victime du tueur que traque le FBI. Mais alors que Clarice persévère dans ses recherches, le tueur frappe de nouveau. En employant une méthode qui jusque là a déjà fait ses preuves, Buffalo Bill enlève la fille d'un sénateur. Clarice n'a que quelques jours pour résoudre l'enquête si elle veut pouvoir sauver la jeune femme des griffes du serial killer...

Il est sans doute vain de revenir sur The Silence of the Lambs (Le Silence des Agneaux) de Jonathan Demme puisque tout a déjà été dit sur le sujet. Mais lorsque l'on est cinéphile et amateur de criminologie, il devient difficile de passer à côté de ce monument en feignant de l'ignorer. Adaptation du roman culte et éponyme de Thomas Harris, The Silence of the Lambs est de ces films qui ont popularisé sur grand écran le mythe du grand méchant loup. Et l'on ne parle pas ici de ce personnage de conte notamment rencontré chez les frères Grimm ou chez Ésope mais de ces individus qui prennent une certaine forme de plaisir à tuer leurs semblables avec une régularité, une détermination et des rites qui en font des êtres absolument terrifiants tout en provoquant chez le commun des mortels, une véritable fascination. Cela, Thomas Harris l'avait sans doute bien compris à l'époque de l'écriture du roman en 1988 et après lui, le réalisateur Jonathan Demme qui débuta ''presque'' (mais pas tout à fait) sa carrière de réalisateur à la télévision en réalisant l'épisode Meurtre à la Carte de l'excellente série policière Columbo en 1978. Il est avant toute chose important de préciser que le long-métrage est l'adaptation d'une séquelle littéraire puisque The Silence of the Lambs est la suite de Dragon Rouge écrit lui-même par Thomas Harris en 1981 et adapté lui aussi une première fois en 1986 par le réalisateur Michael Mann à travers le chef-d’œuvre et sans aucun doute, meilleur épisode non officiel de la saga, Manhunter. Une œuvre incroyablement glaçante dont on retiendra moins l'interprétation de Brian Cox dans le rôle du docteur Hannibal Lecktor (!!!) que celles de William L. Petersen dans celui de l'agent William Graham et de Tom Noonan dans celui, inquiétant, du tueur Francis Dollarhyde...

Jonathan Demme confie le rôle de Clarice Starling à l'épatante Jodie Foster dont le talent n'est plus à vendre, laquelle incarne avec subtilité, la fragilité d'une jeune stagiaire hantée par un passé douloureux mêlé à la volonté d'en découdre avec cette affaire qui la touche personnellement (toutes les victimes sont effectivement des femmes) et qui est essentiellement constitué d'individus de sexe masculin (voir le machisme dont font preuve un certain nombre de représentants mâles lors de l'autopsie à venir sur l'une des victimes de Buffalo Bill). Face à elle, l'immense acteur et comédien britannique Anthony Hopkins qui a l'époque est beaucoup plus prolifique sur la scène du théâtre que sur grand écran. Du moins jusqu'à ce que soit révélée au monde entier son incroyable aura. Celle qu'il dégage dans le rôle de Hannibal Lecter. Intelligent, sournois, pervers... L'un des plus remarquables personnages qu'aient enfanté la littérature et le cinéma. Troisième personnage important, bien évidemment, c'est celui qu'incarne l'acteur Ted Levine qui, ironiquement ou non, incarnera la décennie suivante le capitaine Leland Stottlemeyer de la mythique série Monk. Mais d'ici là, il incarne à son tour, un Jame Gumb surnommé Buffalo Bill terrifiant. Modèle du tueur en série comme le relèguent les médias. D'ailleurs, ses agissements ne sont pas à l'origine le simple fruit d'une réflexion de la part de Thomas Harris mais bien de la combinaison de plusieurs célèbres tueurs en série ayant réellement défrayé la chronique américaine au siècle dernier...

Concernant la ''méthode'' employée par le tueur évoquée plus haut et qui consiste à mettre en confiance ses futures victimes avant de les enlever, elle renvoie directement à celle qu'utilisait le célèbre Theodore Robert Cowell plus connu sous le nom de Ted Bundy. En effet, celui qui commit de nombreux meurtres sur des femmes entre 1972 et 1978 usa d'un stratagème particulièrement efficace consistant à se faire aider par de jeunes et jolies femmes lors du chargement de matériel dans son véhicule alors qu'il portait un faux plâtre a l'un de ses bras. Autre célèbre meurtrier, sans doute moins prolifique mais dont les actes furent sans doute encore plus dérangeants, Edward Theodore Gein, dit Ed Gein, et qui dans les années cinquante se rendit coupable, entre autre, de deux meurtres avant que les autorités ne trouvent chez lui, les preuves d'actes contre-nature absolument monstrueux. À l’écran, Ted Levine crée un personnage à la sexualité ambiguë et dont les racines de l'acte homicide ne sont pas clairement établies.

The Silence of the Lambs est un modèle de construction et de mise en scène. Porté par une musique composée par Howard Shore (le compositeur attitré de David Cronenberg), le film est non seulement un excellent thriller policier, mais explore efficacement des sous-genres tels que l'épouvante et l'horreur. Si l’œuvre de Jonathan Demme n'est jamais aussi glaçante que celle de Michael Mann, le spectateur est tout de même confronté à une œuvre absolument remarquable, formidablement interprétée. Le succès aidant, Thomas Harris écrira les troisième et quatrième volets consacrés à la tétralogie Hannibal Lecter en 1999 (Hannibal) et 2006 (Hannibal Rising). Quant au cinéma, il se penchera à nouveau sur ce passionnant personnage à travers plusieurs adaptations. Ridley Scott adaptera Hannibal en 2001 avec un long-métrage éponyme tandis qu'en 2002, Brett Ratner offrira aux cinéphiles, une deuxième adaptation du premier roman Dragon Rouge. Quant à Peter Webber, il réalisera en 2007 le film Hannibal Lecter : Les Origines du mal adapté du quatrième roman de la tétralogie. Enfin, la télévision elle-même s'intéressera au mythe puisqu'en 2013 sera produite la série Hannibal dans laquelle l'acteur danois Mads Mikkelsen interprétera le célèbre psychiatre...

Grand Isle : Piège Mortel de Stephen S. Campanelli (2020) - ★★★★☆☆☆☆☆☆



Alors que Buddy répare la clôture de Walter, Fancy, l'épouse de ce dernier, convie le jeune homme à venir se protéger de l'ouragan qui s'approche dangereusement de la région en l'installant dans leur très belle demeure. C'est alors le début d'un curieux récit qui mènera Buddy jusqu'à la salle d'interrogatoire d'un commissariat où il sera soupçonné d'avoir commis le meurtre d'un adolescent disparu depuis quatre jours... S'il n'a jamais cessé de tourner pour le cinéma, l'acteur Nicolas Cage connaît surtout un regain d'intérêt auprès des cinéastes depuis le milieu des années 2010 et même encore davantage depuis ces trois ou quatre dernières années puisqu'entre 2017 et 2019, il a aligné pas moins de dix-huit longs-métrages à son compteur d'interprète. Mais à en juger par les critiques, la majeure partie d'entre eux demeurent anecdotiques, voire même pathétiques au regard de celui qui interpréta le personnage principal du remarquable Leaving Las Vegas de Mike Figgis en 1996. Dernièrement sortait directement en VOD le très particulier Grand Isle : Piège Mortel (veuillez barrer la mention inutile), troisième long-métrage du réalisateur Stephen S. Campanelli. Une œuvre sans doute un peu trop bancale pour convaincre de ses bienfaits. Surtout si l'on tient compte du fait que dans le genre, tout semble avoir déjà été dit et dans des conditions bien plus glorieuses que dans le cas présent...

Anti-héros par excellence, Nicolas Cage interprète donc Walter, cet ancien soldat blessé avant même d'avoir pu partir au combat et hanté par le souvenir de compagnons d'armes décimés lors d'une intervention à laquelle il ne put participer. Marié à Fancy qu'interprète l’envoûtante KaDee Strickland que l'on pu notamment découvrir dans l'excellent The Grudge de Takashi Shimizu en 2004, il a toutes les apparences du redneck au cheveu sale et à la gueule abîmée par de trop nombreuses années d'alcoolisme. Sur ce point là, Nicolas Cage reste encore convainquant. Certaines de ses mimiques rappellent qu'il fut capable d'interpréter le rôle de sa vie dans le film de Mike Figgis avec une grâce filant le vertige et semant le trouble. C'est même avec un certain regret que les plus compatissants envers cet interprète dont la réputation actuelle est parfois aussi peu envieuses que celle (pas toujours justifiée) de Christophe Lambert et celle (méritée) de John Travolta, regretteront de n'avoir pas découvert Grand Isle : Piège Mortel dans sa version originale. Surtout, Nicolas Cage ne mérite certainement pas la volée de bois vert qu'il se prend chaque fois qu'il a la mauvaise idée de figurer dans un film indigne de sa stature passée...

Car le plus gros défaut de Grand Isle : Piège Mortel ne provient certainement pas de son interprétation qui jusque là, s'avère sinon convaincante, du moins pas plus ridicule que dans n'importe quel autre film d'horreur formé autour de couples barrés piégeant leur(s) convive(s). Si le long-métrage de Stephen S. Campanelli commence sous des augures plutôt positives, le film fini par s'engluer dans une mise en scène brouillonne et surtout, vérolée par d'innombrables incohérences. À dire vrai, plus que Nicolas Cage, c'est sans doute la performance de l'actrice KaDee Strickland que retiendra le spectateur. Sensuelle, troublante et même parfois, déstabilisante, elle incarne une Fancy que l'on devine totalement perchée et jouant un jeu pervers avec un Buddy (Luke Benward) à la nature étonnamment innocente. Reste que Grand Isle : Piège Mortel manque de rythme. Ce qui en soit n'aurait pas été un problème si le réalisateur avait sur maintenir une tension permanente. Ce qui ne semble pas le cas tant l'invraisemblance de certaines situations décrédibilise l'ensemble du scénario. Je pourrais égrainer là toutes les grossières ficelles de l'intrigue mais je préfère encore laisser à celles et ceux qui fondent encore tous leurs espoirs sur Nicolas Cage, le choix de découvrir ce petit film dramatico-horrifique au final, assez mal fagoté...

vendredi 24 juillet 2020

Campeones de Javier Fesser (2018) - ★★★★★★★★★☆



Les films réunissant des équipes sportives formées de joueurs hors du commun voient le jour depuis quelques années sur les écrans de cinéma. En France, qui n'a pas entendu parler en 2018 du Grand Bain de Gilles Lellouche dont les médias n'ont eu de cesse de nous rabattre les oreilles tandis que l'année suivante allait sortir sans tapage médiatique le formidable Les Crevettes Pailletées de Cédric le Gallo et Maxime Govare ? Bien moins reluisant mais pourtant sympathique allait suivre ensuite en début d'année 2020 Une Belle Équipe de Mohamed Hamidi. Rapport entre ces trois longs-métrages ? Leur propension à faire évoluer des personnages dans un contexte sportif (d)étonnant. Dans le premier, une équipe de natation synchronisée masculine, dans le second une équipe de Water Polo homosexuelle, et dans le troisième, une équipe de football uniquement constituée de femmes (pour ce dernier, rien d'incroyable à dire vrai). Mais alors que ces trois là ont rencontré des fortunes diverses, c'est peut-être sans doute du côté de l'Espagne qu'il fallait se tourner lorsque la ''contagion'' a commencé à se propager. Sorti chez nous quatre mois seulement avant Le Grand Bain, Campeones (Champions) du réalisateur espagnol Javier Fesser conte cette fois-ci l'histoire de l'entraîneur de basket Marco Montes qui pour avoir provoqué une bagarre à l'issue d'une rencontre est licencié puis envoyé devant une juge après avoir provoqué un accident de voiture alors qu'il était en état d'ébriété. Condamné par la justice, il a le choix entre faire deux ans de prison ou entraîner durant trois mois une équipe de joueurs de basket déficients mentaux. Marco Montes choisit alors cette seconde option. Un choix qui va bouleverser sa vie...

ainsi que celle des spectateurs, ou du moins, durant les quelque deux heures environ que dure cette comédie dramatique heureusement plus drôle que larmoyante même si à leur simple évocation, le souvenir de certaines séquences réellement touchantes demeure encore vif. Interprété par un Javier Gutiérrez Álvarez absolument divin, Marco Montes change du tout au tout. De l'arrogant personnage qui en font tout d'abord un antagoniste épouvantable, son implication forcée à l'entraînement d'une équipe entièrement constituée de handicapés mentaux va le changer pour en faire un homme bon et surtout, beaucoup moins matérialiste, opportuniste et orgueilleux qu'au départ. À l'origine, Campeones s'inspire vaguement d'un fait divers incroyable ayant secoué les Jeux Paralympiques de Sydney en 2000 et dont le réalisateur français Vianney Lebasque s'inspirera pour son très réussi Chacun pour Tous sorti un an auparavant en 2017. En effet, lors de ces jeux, il fut révélé que dix des douze joueurs de l'équipe de basket espagnole n'étaient pas de véritables handicapés. Un scandale qu'évoque en arrière-plan le film de Javier fesser avec toute la subtilité nécessaire eu égard aux acteurs interprétant les joueurs de l'équipe de basket qui pour le coup sont eux, de véritables handicapés mentaux. Cela pourrait paraître pour certains anodin et pourtant, c'est sans doute grâce à ce ''détail'' que Campeones se démarque de la concurrence et fait toute la différence...

Inutile de préciser qu'ici, le voyeurisme n'a absolument pas sa place. Et même si la curiosité génère au départ un certain intérêt, on est très vite happé par l'incroyable présence de ces interprètes qui plutôt que de créer un climat de malaise se révèlent immédiatement attachants. Qu'il s'agisse de Jesús Lago, de Fran Fuentes, de Stefan López ou encore de Jesús Vidal ou de José de Luna, il demeure difficile de rester insensible devant cette équipe hors du commun dont les ''faiblesses intellectuelles'' ne l'empêche pas de révéler une grande humanité et surtout, une extraordinaire sincérité. Surtout, Campeones ne cherche jamais l’apitoiement du spectateur. Ces êtres pas tout à fait comme le commun des mortels se révèlent au final aussi attachants que n'importe quel acteur dit normal. Et même, sans jamais s'apitoyer sur cette infirmité qui ne semble à l'écran, jamais être véritablement un handicap pour chacun d'entre eux, l’œuvre de l'espagnol se permet d'utiliser ses interprètes lors de séquences irrésistiblement drôles sans qu'à aucun moment le spectateur ne puisse évoquer une quelconque forme de ridiculisation de ses interprètes et de leur infirmité. Divertissant, drôle et émouvant, Campeones est une grande leçon d'humanité. Preuve que le film est une totale réussite : Comme pour le ''héros'' interprété par Javier Gutiérrez Álvarez, c'est avec beaucoup de difficulté que l'on accepte de dire au revoir à ces merveilleux personnages lorsque le générique de fin met un terme à cette jolie histoire...
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