Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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vendredi 31 janvier 2020

Asphalte de Denis Amar (1981) - ★★★★★★☆☆☆☆


Les photos de cet article ont été empruntées à l'excellent blog Ciné-Bis-Art.


Étrange film que cet Asphalte réalisé en 1981 par le réalisateur français Denis Amar et qu'il ne faudra confondre ni avec celui que réalisa Joe May en 1929, ni celui datant de 1959 et réalisé par Hervé Bromberger et encore moins tourné par Samuel Benchetrit et sorti sur nos écrans début 2015. Le récit de cette version datant du début des années quatre-vingt plonge des personnages ordinaires sous un soleil écrasant au tout début des vacances d'été. Un ''rituel'' que partagent des millions de français chaque année et qui dans le contexte du long-métrage qui nous intéresse dans le cas présent se penche sur une dizaine d'individus. Ici, pas question pour Denis Amar de s'interroger sur les préoccupations estivales de nos concitoyens mais plutôt des désagréments que peuvent lier entre eux la chaleur, la vitesse et l’énervement de nombreux automobilistes. C'est donc dans un contexte passablement dramatique que se joue l'histoire de Juliette Delors, Arthur Colonna, Albert Pourrat ou encore le propriétaire de la casse, un certain Caron, ou le chirurgien Kalendarian...

Comme pourra le constater le spectateur, Asphalte semble avoir attiré bon nombre de vedettes du cinéma français. Tout d'abord, la canadienne Carole Laure à laquelle le réalisateur offre un nombre de scènes plus important que pour les autres interprètes. À ses côtés, l'acteur Jean Yanne. Elle, découvre que son amant et marié. Lui, l'aide à se sortir de la merde dans laquelle elle est plongée, privée de la voiture qu'elle croyait appartenir à celui qu'elle aime. Ailleurs, nous découvrons Jean-Pierre Marielle dans le rôle d'un vacancier qui en compagnie de sa petite famille et de quelques amis va être le témoin d'un drame qui le touchera personnellement. Étienne Chicot reçoit quant à lui les véhicule accidentés sur la route tandis que Georges Wilson, vêtu de sa combinaison de chirurgien tente de sauver des vies au bloc opératoire. Outre de nombreux seconds rôles, l’œil averti du spectateur apercevrai au détour d'une scène ou d'une autre, les presque débutants Christophe Bourseiller, Richard Anconina ou encore Christophe Lambert...

Au cœur du récit, donc, le bitume. Des automobilistes, quelques accrochages, et des accidents plus ou moins graves, victimes à l'appui, dont un carambolage assez impressionnant pour l'époque. Des scénettes qui s'enchaînent et des personnages qui se croisent et se partagent la vedette. Le fil conducteur demeure cette immense voie d'accès aux vacances, délivré tel un message préventif autoroutier (attention à la vitesse et à l'alcool au volant). On pourra critiquer la minceur extrême du scénario mais applaudir le casting hétéroclite. Au final, Asphalte est un étrange manège qui s'appréhende davantage comme une œuvre tantôt réaliste, tantôt absurde et où les sketchs s’entremêleraient sans réelle cohésion (ou si peu). Étonnant...

jeudi 30 janvier 2020

Des Vents Contraires de Jalil Lespert (2011) - ★★★★★★★★☆☆



Trente-cinq ans.... Trente-cinq ans et une maturité exceptionnelle lorsque le réalisateur et scénariste français Jalil Lespert réalise en 2011 le drame Des Vents Contraires avec Benoît Magimel. À tel point que l'on a du mal à imaginer qu'il put être l'auteur l'année dernière du navrant Le Dindon, une comédie ratée que pas même la présence du pourtant sympathique Dany Boon n'est parvenu à faire décoller. C'est à croire que son auteur est plus à l'aise dans le drame que dans l'humour comme le prouve le récit de Des Vents Contraires qui contrairement à ce que pourrait laisser supposer l'intrigue, n'est pas un thriller. Plus que le fond de l'histoire, c'est sans aucun doute sa forme qui rend si émouvant le film de Jalil Lespert. On aura beau dire que le récit n'est jamais vraiment larmoyant, il s'avère cependant difficile à certains égards de ne pas sentir sa gorge se nouer tant le cinéaste a su saisir ce moment très précis où l'émotion l'emporte sur tout le reste...

L'écrivain Paul Anderen n'a plus de nouvelles de sa femme Sarah depuis un an lorsqu'il décide de partir s'installer dans la région de Saint-Malo en compagnie de ses deux enfants Clément et Manon. Il y retrouve son frère aîné Alex qui lui propose un emploi dans son entreprise d’auto-école. C'est lors d'un cours de conduite qu'il fait la connaissance d'un certain Bréhel qui après un grave accident qui n'a pourtant pas coûté la vie ni n'a laissé la moindre séquelle au gamin qu'il a renversé a tout perdu : son permis de conduire, puis sa femme et son boulot. C'est aussi à cette occasion que Paul fait la connaissance de Justine Leblanc qui rêve de quitter ce trou perdu lorsqu'elle aura obtenu son permis et avec laquelle il débute une relation. En dehors de son emploi de moniteur d'auto-école, Paul fait également la connaissance de Samir, un ancien taulard qu'il rencontre un jour à la sortie de l'école alors que celui-ci vient chercher son fils dont son épouse a la garde exclusive. Et puis il y a Josée Combe, la flic, qui s’intéresse de très près à l'écrivain...

Comme l'indique ce court résumé qui je l'espère reflète fidèlement une partie importante de ce qui constitue Des Vents Contraires, on notera que l'essentiel du long-métrage de Jalil Lespert tient à ces rencontres qui jalonnent le parcours de notre héros. Un Paul Anderen remarquablement interprété par l'un de nos meilleurs acteurs français, Benoît Magimel, loin des polars solides auxquels il nous a habitués pour se pencher sur un rôle éminemment plus complexe à développer. Face à lui, des acteurs de valeurs et au fond, un casting plutôt hétéroclites. C'est ainsi que le personnage incarné par Benoît Magimel échange volontiers des dialogues avec la toujours pétillante Isabelle Carré, l'épatant Antoine Duléry, le surprenant Bouli Lanners et peut-être plus encore Ramzy Bedia qui sort de sa zone de confort (la comédie) pour incarner Samir, cet ancien prisonnier qui désire revoir son fils dont il a été privé durant son séjour en prison. Des Vents Contraires évoque la fragilité de son personnage face à la disparition de son épouse (l'actrice Audrey Tautou), incapable de s'en remettre tout à fait, et pourtant, ce qui touche parfois au sublime dans ce drame est d'abord l'humanité des personnages inspirés à l'origine de l'ouvrage éponyme du romancier français Olivier Adam édité deux ans auparavant en 2009. Plus de larmes que de rires dans ce récit très noir sur lequel souffle cependant un vent d'espoir. Celui de la reconstruction à travers les différentes rencontres que fera le héros mais sans doute aussi à la suite d'une réponse tante attendue dont il sera sans doute contraint d'assumer les répercussions psychologiques... Un grand film...

mercredi 29 janvier 2020

Alien Crystal Palace d'Arielle Dombasle (2019) - 👽👽👽👽👽👽👽👽👽👽



Vingt-deux ans... Oui, vingt-deux ans que j'attendais que Bernard-Henri Lévy ose renouer avec la fiction après Le Jour et la Nuit, ce long-métrage aux effets thérapeutiques intenses, bain de jouvence qui permit à tant d'individus de déverser avec plus ou moins d'objectivité leur bile sur l’œuvre et son auteur. Victime du même acharnement que celui dont fit les frais Patrick Sébastien et son pourtant très honorable T'aime trois ans plus tard en 2000, le philosophe, romancier, essayiste, etc, etc, etc, originaire de Béni Saf en Algérie, semble avoir pourtant abandonné toute velléité dans ce domaine et a laissé à son épouse Arielle Dombasle le soin de prendre la relève. Actrice, réalisatrice, scénariste et chanteuse franco-américaine qui n'a plus l'air de vieillir depuis un bon quart de siècle (ce que tentent de prouver les quelques scènes de nu auxquelles elle participe dans son dernier film), la sexagénaire n'en est pas à son premier coup d'essai puisque depuis trente-huit ans déjà, elle nous abreuve ponctuellement de visions personnelles dont le résultat s'avère souvent pompeux et surréaliste. On ne pouvait donc s'attendre à la voir débarquer avec un nouveau projet autre que dans la lignée de Opium réalisé il y a sept ans déjà. Derrière son titre boursouflé, Alien Crystal Palace cache sans doute l'un des plus grands désastres artistiques de tous les temps. Sans doute...

Mais faut-il pour autant s'acharner dessus ? N'y voir qu'un Objet Filmique Non Identifié prétentieux ? On serait tenté de répondre par l'affirmatif tant l'actrice-réalisatrice semble avoir si bien repoussé les limites de l'acceptable en matière de mise en scène et d'écriture. Quant à la direction artistique, sans doute mûrement réfléchie par Vincent Barré (qui pour le coup, porte très bien son nom), elle nous offre l'occasion de faire un bond en arrière de plusieurs décennies. La faute à un budget serré, certes, mais pas seulement. Et dire qu'Arielle Dombasle a loué les services de Florian Bernas, Jacques Fieschi et Nicolas Ker afin de déployer un scénario si dense et si confus qu'à l'écran, le résultat occasionne une incompréhension presque totale. Si ce n'est qu'au bout de deux visions (conception toute héroïque du critique qui veut apporter sa lumière sur une œuvre à ce point complexe qu'il paraît difficile d'en donner une définition exacte), le spectateur entrapercevra quelques éclaircissements quant au contenu de l'intrigue, beaucoup de choses restent encore à l'état d'embryons. Fallait-il qu'ils s'y mettent à quatre, qu'ils jettent chacun de leur côté comme cela semble être le cas, des idées, pour enfin les réunir sans former la moindre cohésion et nous servir ce plat qui aurait voulu être brûlant mais qui au final reste désespérément froid ?

On ne va pas rentrer dans les détails en matière d'histoire puisque en l'état, le scénario de Alien Crystal Palace ne veut rien dire ou presque, ou le fait-il en tout cas de la manière la plus maladroite. Si tant est qu'elle soit naïve, l’œuvre d'Arielle Dombasle est soit un immense doigt d'honneur à la profession, soit une vision aveugle du métier de réalisatrice. Peut-être même une vengeance consommée glacée pointant ceux qui vomirent l'engeance de son époux vingt-deux ans auparavant. Dès les toutes premières secondes, le film semble ''avertir'' les spectateurs du contenu qu'il s'apprête à visionner. Artistiquement dépassé et dès le départ plombé par une monumentale erreur de substantif (en employant le terme ''Androgyne'', le personnage de Hambourg incarné par l'acteur Michel Fau ne voulait-t-il pas en réalité évoquer la notion d'hermaphrodisme?), Alien Crystal Palace expose une galerie de portraits qui auraient sans doute rendu fou de jalousie l'acteur-scénariste-réalisateur Jean-Pierre Mocky de son vivant. Hambourg, ce savant/gourou, erstaz de Raël, au look improbable et aux ambitions démesurées. L'iranien Ali Mahdavi qui dans le rôle d'un producteur incarnerait presque cet idéal que recherche Hambourg. Ou encore Nicolas Ker, ''clone rachitique'' de Gainsbarre mâchant la moitié de son texte et qu'aurait peut-être eu l'idée de faire tourner un jour Andrzej Żuławski s'il était encore de ce monde.
Partageant la vedette avec celui qui en outre compose la majeure partie du score en compagnie de Nicolas Villebrun (les amateurs de Cold Wave et de musique dépressive seront aux anges), Arielle Dombasle traverse l'écran, émeut par sa naïveté, si douce et si fragile qu'on ose à peine hurler devant l'infamie. Si la musique, l'hystérie de Nicolas Ker et les quelques scènes de nu nous maintiennent éveillés, le salmigondis de plans montés à l'arrache par Coralie Rubio qui n'en est qu'à son premier coup d'essai sur format long (après deux courts-métrages en 2014 et 2015) finissent par nous achever. Alien Crystal Palace est une œuvre bordélique, trop généreux en terme d'idées, lesquelles sont excessivement mal employées. Et l'on ne parle pas là du jeu catastrophique de la majeure des interprètes dont Zoé Le Ber semble représenter le pire exemple. À noter la présence d'Asia Argento dans le rôle de Sybille, la compagne de Nicolas... Pathétique mais... culte !!!

mardi 28 janvier 2020

Parasite (기생충) de Joon-ho Bong (2019) - ★★★★★★★★★★




Alors qu'une version de six heures va bientôt voir le jour et que le film ressort en février en noir et blanc sous le titre Parasite, the Black and White Version,  que vaut réellement le long-métrage du réalisateur sud-coréen Joon-ho Bong nominé dans de nombreux festivals et notamment couronné de la Palme d'Or au festival de Cannes 2019 ? Si d'une manière générale il est possible de concevoir que l'obtention d'un prix demeure subjective, il paraît cependant difficile de dénigrer les valeurs du dernier effort de l'auteur des brillants Memories of Murder en 2003, The Host en 2006 ou de Okja en 2017 et du prix que le jury entourant le président cette année là, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu, lui ont octroyé. Surtout, l'annonce d'une version trois fois plus longue que l'original prévue prochainement n'étonnera sans doute personne au vu du colossal concept qu'a mis en place Joon-ho Bong. Déjà admirable en l'état, on imagine à quoi pourrait ressembler Parasite dans une version rallongée de plusieurs heures...
A priori, il demeure dans la traduction du titre en français et à l'internationale, l'étrange choix d'avoir opté pour un singulier plutôt qu'un pluriel de l'original coréen. Sans supposer que les distributeurs internationaux aient eu l'outrecuidance d'aiguiller les spectateurs dans une mauvaise direction en exhibant une affiche qui évoquerait vaguement un long-métrage en forme de ''Cluedo'', tout laisse d'abord supposer un jeu de massacre dont l'un des principaux intérêts tournerait autour de la découverte d'un tueur. Sauf que le film de Joon-ho Bong ne ressemble absolument pas à son affiche française qui voudrait qu'UNE erreur se cache en son sein (les plus observateurs remarqueront les pieds nus qui débordent du ''portrait de famille''.

L'un des seuls mystères qui entourent cette affiche demeure jusqu'à ce que l'on découvre le fin mot de l'histoire, l'identité des parasites en question qu'il sera donc de bon ton de mettre au pluriel et de différencier des autres. Plus qu'une comédie acide, une critique sociale acerbe ou un thriller cynique, Parasite est d'abord un formidable jeu de construction qui poussera invariablement le spectateur à se demander à quel moment la mise en scène ou le scénario va faillir. Si l'on se pose cette question, c'est que l'on ne conçoit pas encore qu'un film puisse atteindre un tel niveau de perfection. Et pourtant, le miracle a bien lieu, et même dans un contexte aussi délicat qui pousse le spectateur à s'interroger sur certaines situations demeurant fragiles (est-il crédible qu'une famille entière de désœuvrés puisse ainsi s'imposer dans une famille aisée dont le ''patiarche'' ne semble pourtant pas né de la dernière pluie?), le réalisateur sud-coréen apporte chaque fois une réponse plausible et cohérente... Si cohésion ne rime pas avec cohérence, elle est cependant elle aussi le résultat d'un travail minutieux de la part de Bong Joon-ho et de son co-scénariste Han Jin-won qui nous livrent un script parfaitement construit...

Lorsque Ki-woo Kim (Choi Woo-sik) est embauché par Yeon-gyo Park (Cho Yeo-jeong) afin de donner des cours d'anglais à sa fille Da-hye (Jung Ziso), le jeune homme est le premier à mettre le pied à l'étrier d'un improbable enchaînement de situations visant à faire employer les autres membre de sa famille. D'abord la sœur, Ki-jun (Park So-dam), qui se chargera du fils Park, le tout jeune Da-song (Jung Hyeon-jun), puis viendront ensuite le père Ki-taek (Song Kang-ho), le nouveau chauffeur de la famille, et enfin la mère Chung-sook (Jang Hye-jin), la nouvelle domestique. D'un côté, la famille Kim, au chômage et vivant dans un taudis, de l'autre, la famille Park qui vit elle dans une luxueuse demeure d'un quartier chic de la ville. Une fois la famille Kim installée, les bases du scénario sont posées. Ne reste plus alors pour Joon-ho Bong que de jouer sur différentes cordes, entre comédie et thriller. Car plus encore que ces parasites suffisamment ingénieux pour ne jamais apparaître sous leur véritable jour et vampiriser leurs hôtes, quelque chose de bien plus profond et ''souterrain'' se cache au sein du récit.

Si le cadre froid et impersonnel de celle-ci nous renvoie tout d'abord une image désolante et sinistre de la famille Park, c'est apar contre le sous-sol et les alentours où vivent à l'origine les Kim qui réfléchissent l'humanité de petites gens pourtant peu scrupuleux. On est saisit par la beauté de certains éclairages nocturnes et autant par les décors de Lee Ha-jun et les effets visuels créés par un nombre titanesque de techniciens, lesquels mettent en valeur la décrépitude du lieu où vivent les Kim. Avec Parasite, Joon-ho Bong prouve que même la laideur ou la monstruosité peuvent faire l'objet d'une attention toute particulière. L’inondation du sous-sol chez les Kim ou le bunker des Park étant représentatifs d'univers anxiogènes mis en lumière par le cinéaste. Si dans une grande majorité des cas le spectateur aura bien du mal à prendre fait et cause soit pour la famille de parasites (les Kim) soit pour les ''infestés'' (les Park), le sud-coréen s'amuse à distiller quelques menues séquences qui nous font choisir les uns avant de changer d'opinio pour se positionner du côté des autres. Jamais avare en terme de retournements de situation, Parasite vire même au cauchemar, à travers cette séquestration volontaire, ce final grand-guignolesque, ou encore cette (in)volontaire références aux J-Horror qui pour une fois aura laissé raisonner non pas des hurlements de peur mais des rires. Enfin, impossible d'évoquer l’œuvre de Joon-ho Bong sans parler de l'interprétation. Si la direction d'acteurs est irréprochable, les interprètes eux-mêmes demeurent absolument brillants. Une Palme d'or à Cannes amplement méritée...

lundi 27 janvier 2020

Le Poulain de Mathieu Sapin (2018) - ★★★★★★★☆☆☆







Employé au musée de la BD d'Angoulême, illustrateur de plusieurs mensuels pour la jeunesse et auteur de la revue Psikopat, le dessinateur français Mathieu Sapin a également conçu les effets-visuels des premiers et troisièmes opus de la saga cinématographique Arthur et les Minimoys avant de passer à la réalisation en 2014 avec le court-métrage Vengeance et Terre Battue en 2014 et le long-métrage Le Poulain quatre ans plus tard. Dans ce dernier qu'il adapte d'après un scénario qu'il a écrit lui-même en compagnie du scénariste et réalisateur Noé Debré (lequel fut entre autres à l'origine des scénarii des Gamins d'Anthony Marciano en 2013, de Problemos d'Eric Judor en 2017 et du Monde est à Toi de Romain Gavras en 2018), Mathieu Sapin met en scène Alexandra Lamy dans le rôle d'Agnès Karadzic, directrice en communication d'un homme politique (excellent Gilles Cohen) ainsi que l'acteur franco-britannique Finnegan Odlfield dans celui d'Arnaud Jaurès, poussé en avant par Daniel (Savoureux Philippe Katerine) qui le convainc de se présenter auprès d'elle afin d'intégrer l'équipe de campagne de Gilles Prenois, le politicien en question...

Féroce tout en ne versant cependant jamais dans l'humour noir, Le Poulain évoque tout d'abord les contradictions qui opposent un jeune homme qui a pris le parti de défendre auprès de sa petite amie la cause des inuits et une directrice en communication cynique et ambitieuse. Mathieu Sapin choisit de traiter son sujet sous l'angle de la comédie et nous offre une démonstration peu élogieuse du monde de la politique. Naïf, le jeune Arnaud s'y fait littéralement dévorer avant d'apprendre aux dépends d'Agnès Karadzic, les ficelles du métier, devenant lui-même aussi féroce et ambitieux qu'elle et parvenant finalement à se faire apprécier de ses collaborateurs et même du candidat Prenois lui-même...

Visionnaire à certaines entournures (le président de la république est une femme), Le Poulain tente une approche réaliste du monde de la politique en observant le comportement des principaux intéressés. Cependant, Mathieu Sapin ne se refuse pas quelques absurdes virées dans l'humour en provoquant des situations ubuesques (la mère du ''futur'' président décédant après un test d'effort à l'origine préconisé par le jeune stagiaire ou le comportement abusivement protecteur de Daniel vis à vis de celui-ci). Ce qui n'empêche pourtant pas au film de révéler une attitude parfois abjecte de la part de certains partenaires que le réalisateur s'amuse pourtant à pourfendre sur le ton de la comédie. On pense notamment au discours d'Agnès Karadzic se servant d'un texte ''volé'' à Daniel avant que l'on apprenne finalement que celui-ci s'est lui-même inspiré d'une publicité Macdonald. A cet univers froid, manipulateur, cynique et engagé, Mathieu Sapin oppose une étrange relation entre le poulain du titre et la directrice en communication. Un jeu de séduction qui étonnamment fonctionne dans ce contexte politique sacrément bien emballé lorsqu'interviennent notamment les médias lors de retransmissions télévisées proches de ce que l'on a l'habitude de voir. Le message de Mathieu Sapin est clair : tout en faisant la démonstration de cet univers implacable, le réalisateur positive en démontrant que tout n'y est pas si sombre. Maintenant, reste aux spectateurs de faire la part des choses entre réalité et fantaisie...

dimanche 26 janvier 2020

Fête de Famille de Cédric Kahn -2019) - ★★★★★★★★☆☆



Les réunions familiales ou entre amis sur grand écran, on sait généralement comment cela commence et comment cela se termine. La plupart des longs-métrages distillent les éclats de rire du début à la fin grace à des dialogues finement écrits. On s'aime, on se déteste, on rit, on pleure, mais dans la plupart des cas, tout ça finit dans une certaine bonne humeur. On pense notamment à Un Air de Famille de Cédric Klapisch ou Cuisine et Dépendances de Philippe Muyl. Et puis, il y a quelques exemples plus rares de comédies qui prennent une direction tout à fait différente. Le genre à ne ménager ni leurs personnages ni les spectateurs. Exemple: le glaçant Préjudice du réalisateur et scénariste BELGE Antoine Cuypers. Oui, comme si la Belgique était une fois encore moins frileuse que la France à prendre des chemins de traverse et diriger la Comédie vers un humour beaucoup moins confortable. Bien plus noir comme on a l'habitude de nommer le genre lorsqu'il se penche sur des sujets plus délicats tels que la mort, la maladie, les histoires de famille, etc...
Il ne faut cependant pas croire que dans notre hexagone, ne subsistent que les comédies légères de Dany Boon (Bienvenue chez les Ch'tis), Kad Merad (Brillantissime, la daube signée en 2018 par Michèle Laroque) Christian Clavier (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu et sa suite réalisées toutes deux par Philippe de Chauveron) ou Frank Dubosc (Camping 1, 2, 3, la trilogie ringarde de Fabien Onteniente, également auteur du nullissime All Inclusive). Non, certains auteurs savent mettre des mots sur... les maux, et le faire avec style ainsi qu'avec un sens certain de la mise en scène. Comme chez Antoine Cuypers, l'acteur français Cédric Kahn, lequel a le bon gout de s'offrir l'un des principaux rôles de son tout dernier long-métrage en tant que réalisateur Fête de Famille, signe une comédie qui au fil du récit s'assombrit à tel point que l'on oublie presque les sourires du début pour ne retenir que la noirceur du propos...
L'histoire est pourtant ce qu'il y a de plus classique. Aujourd'hui est une journée spéciale pour Andréa, cette septuagénaire qui pour fêter son anniversaire a réuni toute sa famille. Toute ou presque puisqu'il en manque une: sa fille Claire qui vit depuis trois ans aux Etats-Unis. Pourtant, le rêve d'Andréa se réalise puisque Claire refait justement surface ce jour là. C'est donc en compagnie de ses frères Vincent et Romain, de leur conjointe respective, des deux fils du premier mais également de la fille de Claire, Emma et de son petit ami Julien et bien sûr de son époux Jean qu'Andréa espère fêter son anniversaire. Malheureusement rien ne va se dérouler comme prévu. Alors qu'Emma et ses deux petits cousins préparent une pièce de théâtre à l'attention de leur grand-mère, alors que Romain tente de retenir sa fiancée Rosita qui ne se sent pas à sa place dans ce contexte qui peu peu à peu va se déliter et alors que Romain met la dernière patte aux préparatifs de l'anniversaire de sa mère, Claire annonce son intention d'ouvrir un gîte en Espagne avec une amie. Mais pour cela, elle a besoin de deux-cent mille euros. Une somme qu'elle a bien l'intention de récupérer de l'hypothétique vente de la maison familiale. Ce qui n'est pas au goût de tout le monde...
Cédric Kahn met en place ce qui n'aurait pu être qu'un vaudeville dans lequel s'enchaînent les quiproquos et les disputes entre membres d'une même famille sauf qu'il choisit une vue de la famille proche de la vision d'Antoine Cuypers. A tel point que Fête de Famille paraît comme une adaptation francisée d'une comédie dramatique belge particulièrement noire. Si Catherine Deneuve se pose en matriarche dépositaire d'un calme presque religieux, l'interprétation démentielle de l'extraordinaire Emmanuelle Bercot balaye absolument tout sur son passage. En admirateur et en fin connaisseur du métier d'acteur, Cédric Kahn dirige ses interprètes avec une précision et une maturité exceptionnelles. A travers Fête de Famille le réalisateur et acteur étudie les comportements d'une famille où tout ou partie semble avoir été sacrifié au mensonge. Si l'on s'amuse d'abord de certains traits de caractère (Vincent Macaigne est irresistible en vidéaste amateur irrésponsable), très rapidement, le ton change lorsque débarque le personnage de Claire. Sanguine, instable, bipolaire, Emmanuelle Bercot l'incarne avec une touchante justesse et une force telle qu'elle parvient à nous indisposer. Dans le paysage humoristique français, Fête de Famille figure presque comme une exception. En tout cas, une franche réussite, admirablement interprétée et mise en scène. Un film à voir, absolument...

Fourmi de Julien Rappeneau (2019) - ★★★★★★★☆☆☆



Fils du célèbre réalisateur français Jean-Paul Rappeneau (Les Mariés de l'an II avec Jean-Paul Belmondo en 1971, Cyrano de Bergerac avec Gérard Depardieu en 1990, Le Hussard sur le toit avec Juliette Binoche en 1995), le scénariste et réalisateur Julien Rappeneau revenait en 2019 avec son second long-métrage quatre ans après Rosalie Blum. En adaptant le roman graphique Dream Team du scénariste Mario Torrecillas et du dessinateur barcelonais Artur Laperla, Julien rappeneau réalise une œuvre touchante, mêlant à la fois une chronique familiale, la passion pour le football, la comédie et dépeint d'une certaine manière la vie d'un petite localité du nord de la France ''bousculée'' par un événement qui va lui permettre de se ''réveiller'' quelque peu. Dans une ville touchée par le chômage et dont une partie de la population s'enferme dans son unique bar pour y dépenser son salaire en alcool, le jeune Théo est l'espoir de son père Laurent, lui-même alcoolique, divorcé de Chloé (laquelle a refait sa vie) et qui le jour où il apprend que son fils a été recruté par un club de football décide de se reprendre en main. Abandonnant la boisson, décidé à prendre un appartement alors qu'il vivait jusque là chez sa grand-tante, reprenant contact avec l'assistante sociale Sarah, Laurent espère pouvoir emmener lui-même son fils jusqu'en Angleterre. Mais il y a un hic. Alors que son père est fier de Théo et qu'il partage sa joie avec ses copains du bistrot, la vérité, c'est que le jeune garçon a menti. Trop petit, il n'a pas été recruté pour jouer dans l’équipe de football d'Angleterre. Trop content de voir son père heureux, Théo s'enfonce pourtant dans le mensonge, aidé par son ami Max, Geek et agoraphobe...

On savait l'acteur belge François Damiens capable de jouer dans la comédie et dans le drame mais il tient en ce personnage de Laurent, sans doute son incarnation la plus subtile. Du moins, la plus touchante. En père alcoolique, entre le bar du village où il s'évertue à se détruire à grand renfort de pastis et les matchs de football où il se ridiculise en hurlant sur l'arbitre où sur les équipes adverses, humiliant ainsi involontairement son fils Théo, François Damiens a parfaitement su cerner son personnage. Autour de lui, un panel d'interprètes brillants. À commencer par le jeune Maleaume Paquin qui incarne Théo. Un an après avoir joué auprès de Daniel Auteuil dans Rémi sans Famille d'Antoine Blossier, Julien Rappeneau lui offre l'un des deux rôles principaux. Ce qui lui permettra de se frotter non seulement à François Damiens avec lequel son personnage entretient des relations fusionnelles particulièrement touchantes, mais lui donnera également l'occasion d'approcher André Dussolier qui incarne ici le personnage de Claude, son entraîneur, Ludivine Sagnier, qui interprète sa mère Chloé, ainsi que Laetitia Dosch, Sébastien Chassagne, l'épatante Cassiopée Mayance ou encore l'hilarant Pierre Gommé qui interprète l'irrésistible Max, l'ami agoraphobe enfermé en permanence dans sa chambre...

Fourmi est d'abord une comédie familiale plutôt convaincante. On s'amuse de voir le jeune Théo s'embourber dans son mensonge ou son père reprendre goût à la vie. Mais le film de Julien Rappeneau est sans doute beaucoup plus profond que la majorité des comédies que nous servent habituellement les auteurs français. Comédie, oui, mais aussi critique sociale d'une cité en proie au chômage et à l'alcool et où le football est un exutoire qui permet d'échapper à la réalité. C'est sans doute la raison pour laquelle le mensonge du jeune Théo va prendre une telle ampleur, touchant de près ou de loin tous les habitants du coin. François Damiens porte littéralement le film sur ses épaules, aidé en cela par des interprètes remarquables. Diverses générations d'acteurs merveilleusement dirigés par un Julien Rappeneau qui ''aime'' visiblement ses interprètes. On ne versera sans doute pas la moindre larme, l'humour revenant sans cesse nous rappeler que nous sommes d'abord devant une comédie, mais l'histoire de ce fils et de ce père demeure tout de même fort émouvante. Une jolie surprise...

vendredi 24 janvier 2020

964 Pinocchio de Shozin Fukui (1991) - ★★★★★★★★★☆



Alors que bon nombre de personnes considèrent Matrix de Lana et Lilly Wachowski comme l'une des plus grandes œuvres de science-fiction cyberpunk (encore faut-il s'accorder sur le fait que le long-métrage fasse partie du genre cyberpunk ou pas), il faut remonter beaucoup plus loin qu'en cette année 1999 pour trouver les origines du terme. Et pourtant, ce n'est que dix ans en arrière seulement qu'est né le porte-drapeau de ce courant superbement mis en abyme par le cinéaste japonais Shinya Tsukamoto, Tetsuo. chef-d’œuvre absolu du cynberpunk underground japonais qui attirera toute une tribu d'opportunistes dont un certain Shozin Fukui qui signera deux ans plus tard en 1991, l'une des plus incroyables bandes cyberpunk avec l'hallucinant 964 Pinocchio. Pourtant, le postulat de départ est pratiquement aussi classique qu'aurait pu l'imaginer un cinéaste plus frileux et désirant apporter sa pierre à l'édifice.
Le récit tourne autour de 964 Pinocchio, un androïde à l'apparence humaine, fabriqué clandestinement par une usine dont le PDG ne veut surtout pas que ses affaires s’ébruitent. L'idée part pourtant d'un bon sentiment : offrir à de vieilles dames qui n'ont plus l'opportunité d'avoir des rapports sexuels de s'offrir une machine capable de leur apporter ce qu'elles attendent d'un homme.

964 Pinocchio (tous les androïdes produits par l'usine portent le même prénom mais un numéro différent) est l'une de ces machines. Mais sa très exigeante propriétaire n'étant pas satisfaite des services proposés décide de se débarrasser de son modèle. C'est ainsi que 964 Pinocchio se retrouve à la rue, errant parmi des passants médusés. C'est là qu'il croise Himiko, une clocharde vivant dans un souterrain miteux. La jeune femme prend l'androïde sous son aile. L'emmène avec elle, et tente de lui apprendre les rudiments du langage, à commencer par le propre prénom de l'androïde...

A l'origine, 964 Pinocchio étant pratiquement impossible à dénicher, le film de Shozin Fukui s'est auréolé d'une réputation d’œuvre culte. Mais maintenant que certains petits malins ont trouvé le moyen de le partager à grande échelle (je pense notamment à l'excellent site Asia-choc.biz qui le propose en téléchargement, sous-titres français inclus), il ne reste plus qu'à faire le constat d'un film qui faisait beaucoup de bruit alors même que peu de personnes l'avaient encore découvert. Résultat : le film est une tuerie absolue. Un chef-d’œuvre du genre cyberpunk underground japonais, qui se permet, EN PLUS, de surpasser allégrement le déjà superbe Tetsuo de Shinya Tsukamoto dont il s'inspire pourtant énormément.
Chacun d'ailleurs y trouvera ses propres références. Le canadien David Cronenberg, l'amércain David Lynch, mais surtout, le polonais Andrzej Zulawski et son traumatisant Possession dont le japonais pille sans ménagement la démentielle scène durant laquelle Isabelle Adjani, hantée par son personnage, allait sans doute marquer à jamais le jury du Festival de Canne 1981 en lui accordant un très mérité prix d'Interprétation Féminine. Le décor est le même. Un métro. Sauf que celui choisi par le japonais contient un certain nombre de voyageurs qui sans doute furent très surpris de voir apparaître l'actrice Onn Chan dans un état de démence particulièrement effroyable. Alors qu'Andrzej Zulawski trouvait la juste durée d'une scène hautement éprouvante, Shozin Fukui choisit de l'étirer à l'envi. De longues minutes d'une agonie durant laquelle la frontière où jeu d'actrice et réelle hantise demeurent parfois difficile à cerner.

Le spectacle prend une allure inédite, prenant le pas sur un démarrage presque immobiliste, le cinéaste japonais exploite ensuite ses interprètes jusqu'à la rupture. On s'attend à l'anévrisme de son actrice principale, incroyable dans la peau de cette femme ambiguë qui passe du statut d'héroïne à celui de prédatrice auprès d'un Hage Suzuki-964 Pinocchio proche de certains comportements épileptiques chers à Andrzej Zulawski (L'Amour Braque). Encore lui, oui. Le récit, d'abord attentif envers les spectateurs, semble par la suite se déconnecter d'une certaine réalité pour s'enfoncer dans une vertigineuse aventure où la folie des personnages (et donc de leurs interprètes) semble se généraliser. Lors d'une scène plutôt gore dont les couleurs rappellent très sensiblement l'unique film du talentueux Jim Muro (Street Trash), l’œuvre de Shozin Fukui change de ton. Fonce à vive allure, la caméra portée à l'épaule poursuivant ses personnages dans des décors dominés par le béton et les ordures ménagères.
Visuellement, 964 Pinocchio est tout bonnement ahurissant. Un travail admirable effectué sur les mouvement de caméra accompagné par l'extraordinaire bande-son industrielle composée pour l'occasion par le musicien japonais Hiroyuki Nagashima. Si l'on devait faire ne serait-ce qu'un seul reproche au cinéaste et à son œuvre, c'est de parfois trop étirer certaines des scènes. Quelques-unes d'entre elle se révèlent effectivement trop longues et peuvent générer un sentiment de lassitude. Mais à part cela, 964 Pinocchio mérite sans conteste son statut d’œuvre culte. L'un des tout meilleurs films de science-fiction cyberpunk japonais depuis la création du genre. Rien de moins...

jeudi 23 janvier 2020

Night of the Living Dead: 30th Anniversary Edition de George Romero (1968) - ★★★★★★☆☆☆☆



J'avais d'abord prévu d'évoquer le remake de Poltergeist réalisé en 2015 par Gil Kenan, mais y ayant ressenti autant de sensations que devant un épisode des Feux de l'Amour, j'ai ensuite opté pour revenir sur la version « Extended Mall Hours » du Dawn of the Dead de George Romero. Puis, le souvenir d'un événement ayant fait grand bruit dans la presse spécialisée dans les genres que sont l'horreur, l'épouvante et la science-fiction m'est revenu à l'esprit. Je m'suis dis, pourquoi ne pas d'abord revenir sur celui qui ouvrit les vannes d'un genre désormais fort encombré dix ans plus tôt, en 1968. The Night of the Living Dead, cet immense classique qui, pour une histoire de droits mal réglés, permet encore aujourd'hui à quiconque de l'exploiter sans avoir de comptes à rendre. Je ne vais pas vous la faire longue vu que tout le monde (ou presque) connaît ce petit film en noir et blanc ayant mis les points sur les I quant aux habitudes « anthropophagiques » de ses créatures pas encore tout à fait décharnées, mais plutôt vous la faire courte.

The Night of the Living Dead sort aux États-Unis le 1er octobre 1968 et presque un an et demi plus tard en France. Le film nous narre la survie d'un groupe hétéroclite d'un point de vue racial et comportemental. Du héros noir pourfendant des macchabées sortis de leur tombe, jusqu'au blanc raciste calfeutré dans la cave d'une maison de campagne en compagnie de son épouse et de leur fille gravement blessée, en passant par le couple de jeunes, et la blonde terrorisée ayant été le témoin de l'attaque de son frère par le premier mort-vivant à apparaître à l'écran. Le cadre étriqué de cette demeure qui devient très vite trop exiguë pour que la cohésion demeure entre des individus qui, pourtant, ne diffèrent pas socialement. Romero y construit un huis clos particulièrement efficace et prouvait déjà à l'époque, que l'homme pouvait s'avérer bien plus dangereux que les créatures errantes s’agglutinant de plus en plus autour de la maison. La conclusion, tous les fans la connaissent :
Cette version réduite d'une guerre intestine allait mener le groupe à sa propre perte, les premiers mourant immolés par le feu, les autres, sous les mâchoires gourmandes des morts-vivants. George Romero profitera de l'occasion pour dresser le portrait d'une Amérique peu élogieux, entre message écologique et caractère xénophobe d'une partie de ses habitants, allant même jusqu'à tuer le plus valeureux représentant de l'espèce humaine, ici le noir, forcément, tué d'une balle dans la tête comme un vulgaire zombie. Une scène presque amusante dans sa noirceur, mais certainement pas dans ce qu'elle implique : toujours ce racisme anti-noirs qui empoisonne encore pas mal une partie de la population américaine. Humour encore lorsque Barbara, la blonde en question, si léthargique qu'on se verrait presque lui offrir une paire de gifles, (pour son bien, et peut-être par plaisir coupable également), sert de repas à son propre frère, tué au début du film, et revenu d'entre les morts pour se nourrir de chair humaine.

The Night of the Living Dead est un chef-d’œuvre intemporel qui malgré ses cinquante ans, n'a pratiquement pas pris une ride. En 1990, le roi des effets-spéciaux gore Tom Savini propose une relecture du scénario original et réalise lui-même un remake de facture relativement bonne. Tout au plus aurions-nous pu espérer davantage de gore. Une version colorisée qui donnera sans doute des idées à certains puisque débarquera également l’œuvre originale toute de couleurs revêtue. Un habillage inutile que l'on retrouvera notamment dans l'édition proposée pour les trente ans du long-métrage par le distributeur G.C.T.H.V ! Mais le plus étonnant dans toute cette histoire demeure la version proposée par l'auteur du scénario original John A. Russo (auteur également de la novélisation écrite en 1974 et disponible en français dans la collection GORE en 1985) en 1999, celle-là même qui, justement, fit parler d'elle. Mais alors, pour de bonnes ou de mauvaises raisons ?

La première chose qui saute aux yeux, ou pour être plus précis, aux oreilles, c'est la bande musicale remplaçant celle d'origine, désormais composée par un certain Scott Vladimir Licina, notamment producteur et scénariste du court-métrage The Unholy Manipulator de James Zahn en 2012. Une partition musicale qui ne présage rien de particulièrement bon, l'air rappelant ces bandes-son accompagnant de vieux films muets dépoussiérés même si elle tente de rajeunir l'accompagnement musical particulièrement vieillot de The Night of the Living Dead version 1968 . Mais passons...
Deuxième chose, les premières images ne correspondent pas du tout à celle de l’œuvre originale. Alors qu'en 1968, le film s'ouvrait sur l'arrivée dans un cimetière à bord d'une voiture de Barbara et son frère venus déposer des fleurs sur la tombe de leurs parents, la version de John Russo nous accueille avec deux types se chargeant d'installer à l'arrière d'un véhicule le cercueil d'un défunt, tout cela sous le regard d'un agent de police. L'étonnement laisse la place à l'interrogation : L'image est propre. Peut-être un peu trop d'ailleurs à côté de celle du film version 1968 qui n'est pas connue pour être d'une qualité exceptionnelle. Étonnement donc car ces images que l'on découvre alors ne sont en fait pas le fruit du travail de George Romero, mais bien un ajout assumé par John Russo lui-même. Le contraste est alors saisissant. Mais pas dans le bon sens. Le décalage entre les ajouts (car il y en aura plusieurs) est facilement détectable et si le principe est relativement discutable, certains n'y verront peut-être que du feu. Les plus fidèles au cinéaste originaire de Pittsburgh et les plus attentifs auront remarqué qu'en comparaison de la durée initiale de l’œuvre originale d'une heure trente-cinq minutes et quarante-trois secondes, la version de John Russo propose un récit s'écoulant sur une durée d'une heure, trente-deux minutes et quarante-deux seconde. Le calcul est simple : il manque trois minutes et une seconde. Et si l'on se réfère aux ajouts de John Russo, il manque à la version originale, bien davantage encore que ces cent quatre-vingt une secondes. Une trahison pour une éditions censée honorer à l'époque les trente ans du film.

Bon allez, j'retourne à mon édition « Néo Publishind » de 2002 contenue dans un double programme mettant d'abord en avant le très savoureux The Return of the Living-Dead de Dan O'Bannon, le classique de George Romero étant, lui, relégué dans la section bonus. Et même si cette édition pêche par un défaut d'une conséquente ampleur (le transfert est de très mauvaise qualité), l'éditeur aura au moins respecté les teintes originales et aura proposé le long-métrage dans sa version d'origine sous-titrée en français...

mercredi 22 janvier 2020

La Maison de la Terreur de Lamberto bava (1983) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Démarrer une collection comme ''Les films que vous ne verrez jamais à la télévision'' de René Château avec le pire des navets pouvait à l'époque tuer dans l’œuf toute envie d'approfondir le sujet. Je dis bien à l'époque car aujourd'hui la norme se dirigeant vers toujours davantage d'outrance, un tel procédé consistant à éveiller la curiosité des amateurs de films extrêmement durs n'a plus la même valeur. Pire : faire croire désormais que des œuvres sont si terribles qu'elles ne passeront jamais sur aucune chaîne peut être immédiatement assimilé à ces phrases chocs ou ces superbes jaquettes qui en d'autres temps, ornaient des cassettes vidéo tout en nous vendant de la poudre aux yeux. Terminer cette même collection avec le dit objet du délit serait forcément une déception. Surtout lorsqu'on veut du ''toujours plus loin'' ''toujours plus fort'', '''toujours plus violent'', ''toujours plus sanglant'' et que l'on nous offre en échange une purge cinématographique ! Devinette : parmi Le Crocodile de la Mort (1976), Du Sang pour Dracula (1973), Chair pour Frankenstein (1974), Inseminoïd (1981), La Maison de la Terreur (1983), Maniac (1980), La Chasse Sanglante (1974), La Marque du Diable (1970), Massacre à la Tronçonneuse (1974) et Zombie (1978), lequel est une erreur ? Ceux qui oseront citer les œuvres de Tobe Hooper, William Lustig, George Romero, Norman J. Warren, Paul Morrissey, Peter Collinson ou Michael Armstrong peuvent d'ors et déjà cesser de lire ces lignes et se refaire une santé en redécouvrant ces films dont une partie demeure mythique. Car oui, s'il y a erreur dans cette collection, c'est du côté de Lamberto Bava qu'il faut se rendre.

Si tant est qu'une huître soit en mesure d'éprouver des sentiments, seriez-vous capable de déceler chez elle la peur, la tristesse, la douleur ou la joie ? Certes, non. C'est peut-être pourquoi certains des interprètes de La Maison de la Terreur font parfois penser à un banc de mollusques accrochés à leur bout de rocher. L'acteur italien Andrea Occhipinti qui incarne dans le cas présent le personnage de Bruno est d'une ''inexpressivité'' qui confine, je vous le dis, au génie. Incapable d'exprimer tel ou tel sentiment, on le croirait presque adepte des injections de toxine botulique à force d'arborer toujours la même expression. Un type vient apparemment de détruire les bandes magnétiques renfermant ses précieux enregistrements mais non, Bruno s'en tape, le visage éternel du benêt que rien n'atteint. Et ça n'est qu'un seul exemple ! Il ne faudra donc pas compter sur Andrea Occhipinti, qui durant sa carrière sera plus habitué au petit écran qu'au grand, pour nous communiquer le moindre sentiment de malaise. On ne va pas citer les autres acteurs ni évoquer leur interprétation puisqu'elles se valent toutes. Faites un copier/coller pour chacun d'eux si ça vous chante...

Concernant la réalisation de Lamberto Bava, prenez les pires séquences de son Démons de 1985 (soit, celles situées dans les catacombes) et démultipliez-les afin d'en faire un long-métrage d'une heure trois quarts environs. Cela vous donnera une petite idée du contenu de La Maison de la Terreur mais surtout des ''talents'' de réalisateur du cinéaste italien. Incohérent, et même invraisemblable, le scénario a le culot de se permettre des libertés inenvisageables dans un film digne de ce nom. Le héros déambule dans sa demeure, travaillant inlassablement sur la même composition, celle d'un film d'horreur, laquelle finira par invariablement vous prendre la tête. Le terme ''vide artistique'' prend ici tout son sens. On a parfois l'impression que Lamberto Bava se fiche royalement de son histoire et de ses interprètes, laissant Andrea Occhipinti/Bruno vaquer à des occupations qui n'ont rien de stimulant ni pour lui, ni pour le spectateur. L'ennui s'installe rapidement pour ne plus le lâcher jusqu'au générique de fin. C'est d'autant plus dommage que lors de cet encéphalogramme plat caché sous les allures d'un long-métrage cinéma, une légère saillie permet de constater ce qu'aurait pu être La Maison de la Terreur si son auteur y avait attaché davantage d'importance tout au long de sa mise en scène. Cette séquence, la seule à valoir véritablement le détour se situe dans la salle de bain du héros et dans laquelle une femme est assassinée dans des circonstances particulièrement violentes. Une scène graphiquement très réussie mais malheureusement orpheline... Giallo du pauvre, La Maison de la Terreur est absolument indigeste, inintéressant, mal joué et ''Cocorico'', terriblement mal doublé. C'est peut-être d'ailleurs l'un des rares aspects positif du long-métrage qui devient alors parfois dans notre langue, irrésistiblement (mais involontairement) drôle. À condition d'avoir au préalable vidé quelques bouteilles d'alcool...

mardi 21 janvier 2020

Du Sang pour Dracula de Paul Morrissey (1974) - ★★★★★★★☆☆☆



Un an après sa version toute personnelle du mythe de Frankenstein (Chair pour Frankenstein), le réalisateur, scénariste et photographe Paul Morrissey se penchait en 1974 sur celui d'un autre grand nom du fantastique. Dracula, de l'écrivain britannique Bram Stoker paru en 1897 et adapté de nombreuses fois sur grand écran. Le réalisateur y retrouve trois des principaux acteurs de son précédent long-métrage, Joe Dallesandro, Udo Kier et Arno Juerging qui interprètent respectivement le jardinier Mario Balato, le Comte Dracula et le domestique de ce dernier, Anton Ginik. Un employé très particulier au demeurant puisque gérant et conseillant davantage son maître plutôt que d'obéir à ses ordres. Plus étonnant demeurent les présences à l'écran de l'acteur et réalisateur italien Vittorio De Sica qui joua notamment pour Dino Risi, Claude Autant-Lara ou Luigi Comencini et qui interprète ici le rôle du Marquis Di Fiore près de la famille duquel le Comte et Anton viennent se réfugier, et du cinéaste et interprète Roman Polanski que l'on découvre dans le rôle d'un joueur de carte dans une taverne. Côté féminin, Du Sang pour Dracula est essentiellement constitué des membres de la famille Di Fiore, lesquels sont interprétés par la française Dominique Darel, les italiennes Silvia Dionisio et Stefania Casini, la britannique Maxime McKendry et surtout, la romaine Milena Vukotic que l'on a pu notamment découvrir chez Federico Fellini (Juliette des Esprits en 1965), Luis Buñuel (Le Charme Discret de la Bourgeoisie en 1972 et Le Fantôme de la Liberté en 1974) ou chez le soviétique Andreï Tarkovski (Nostalghia en 1983).

Dès les premières notes de musique du compositeur italien Claudio Gizzi qui avait déjà ''sévit'' sur le précédent long-métrage de Paul Morrissey, Du Sang pour Dracula emporte littéralement le spectateur sur un tempo et une émotion très évocateurs. La mélancolie l'emporte sur l'air sublime du ''Theme from Blood For Dracula'' et sur le visage émacié, blafard et fantastiquement charismatique de l'acteur allemand Udo Kier qui pour le coup, personnifie à merveille le célèbre vampire roumain. Et pourtant, loin de la créature immortelle et puissante que l'on imagine, entre les mains du réalisateur américain, Dracula perd de sa superbe. Malade, chétif, affamé et se déplaçant le plus souvent en chaise roulante, c'est pourtant cette spécificité qui rendent le personnage si attachant et le film si particulier. Il faudra sans doute attendre le Martin de George Romero en 1977 et sans doute plus encore le génial The Addiction d'Aberl Ferrara en 1995 pour retrouver de si belles allégories sur la maladie. Si en 1974, en n'en est pas encore à traduire l’œuvre de Paul Morrissey comme une œuvre visionnaire se rapportant à la future arrivée du SIDA dans les années quatre-vingt, l'imagerie est pourtant parfois troublante.

Malade, donc, le Comte Dracula est contraint avec son serviteur/dominateur Anton de quitter son pays d'origine pour se rendre en Italie où les jeunes filles vierges sont réputées nombreuses, la foi envers le christianisme y étant particulièrement respectée. Si dès le départ, Paul Morrissey aiguille le spectateur sur l'hypothétique virginité de l'une ou de l'autre des sœurs Di Fiore, le spectateur peut être quelque peu dérouté par le déroulement relativement classique du récit. En effet, en dehors de quelques élans gore qui trouvent leur paroxysme lors d'un final qui peut parfois prêter à sourire (Dracula déambulant dans la nuit, les deux bras arrachés) et offrent quelques séquences maladives lors desquelles le vampire vomi le sang des impures (sur fond blanc, ce qui augmente l'impact visuel), on pourra s'étonner que Paul Morrissey ne se soit pas offert certaines fantaisies scénaristiques dont le manque d'originalité sautera peut-être aux yeux de certains spectateurs (l’impureté de certaines, la virginité des autres demeurant trop évidentes). Reste que Udo Kier impressionne toujours autant. D'une sensualité envoûtante, il contraste avec le personnage incarné par Joe Dallesandro qui une fois de plus, revêt le costume du paysan pas très finaud et dont l'un des seuls intérêts est de s'adonner aux plaisirs de la chair. Érotisme subtil, portrait de la bourgeoisie et des petites gens souvent peu élogieux (les Fiori intéressés par le parti que représente Dracula, les voici prêts à lui ''offrir'' l'une de leurs filles. La population s'amassant dans la taverne pour y ''boire leur salaire'', Mario Balato, le jardinier, obnubilé par le sexe...), quelques séquences superbement photographiées (Luigi Kuveiller) s'imposent comme des toiles de maîtres prenant vie. Notons qu'après cela, Paul Morrissey s'est penché une fois de plus sur la réappropriation de certains mythes du fantastique avec en 1974, une adaptation du Chien des Baskerville du britannique Sir Arthur Conan Doyle...
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