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mercredi 27 novembre 2019

Comment Réussir Quand on est Con et Pleurnichard de Michel Audiard (1974) - ★★★★★★★☆☆☆



Avant dernier long-métrage du scénariste, dialoguiste et réalisateur français Michel Audiard, Comment Réussir Quand on est Con et Pleurnichard est de ces œuvre totalement absurdes qui reposent davantage sur l'interprétation que sur la mise en scène. Ce qui, de ce point de vue, est plutôt une très bonne nouvelle si l'on tient compte du fait que Michel Audiard n'a jamais été un très bon cinéaste. Parti de là, le spectateur se retrouve plongé dans une aventure pittoresque, pas tout à fait digne du surréaliste (et chef-d’œuvre de Bertrand Blier) Buffet Froid ou de Calmos. Certains trouveront sans doute que j’exagère et c'est pourquoi, j'arrêterai là, la comparaison. Michel Audiard fait de petits individus sans envergure, les héros d'un récit sans histoire. Ou si petite soit elle. De ces êtres qui se cherchent l'âme sœur sans jamais pouvoir réellement la trouver, à quelques rarissimes exceptions prêt. Comment Réussir Quand on est Con et Pleurnichard, c'est encore une fois pour le réalisateur, l'occasion de s'offrir un casting de choix : Jean Carmet, Evelyne Buyle, Jean-Pierre Marielle, Stéphane Audran, Jean Rochefort et Jane Birkin. Trois couples mal assortis. Comme les pièces d'un puzzle mal assemblées.

Le premier réunis Antoine Robinaud et Marie-Josée Mulot. En fait de couple, c'est parler un peu trop rapidement. Un dîner, un soir sur deux, voilà à quoi tient la relation entre ce petit vendeur de vin dégueulasse offrant une horloge pour l'achat de deux caisse de son ''vinaigre'' et une employée de l'hôtel PLM. Le second est formé autour de Gérard Malempin et son épouse Cécile. Directeur de l'hôtel PLM, lui se farcie l'employée en question tandis que Cécile se console auprès du petit vendeur de spiritueux, poète à ses heures. Quant au troisième, il est constitué de deux des plus improbables personnalités du long-métrage puisque Jane n'est attirée que par les ratés, ce que s'efforce d'être son compagnon Foisnard. Tout ce petit monde, s'échange, s'examine sous toutes les coutures (on appréciera le show érotique et la cambrure de Jane Birkin lors duquel on découvrira Jean-Claude Dreyfus en transformiste), pour finir par faire éclater les couples et en fabriquer de nouveaux.

Les dialogues ne sont pas les plus remarquables qu'ait écrit Michel Audiard, mais quand même au dessus de tous les autres, Comment Réussir Quand on est Con et Pleurnichard demeure un florilège de bons mots qu'il serait dommage d'ignorer face à la qualité plus que discutable de sa mise en scène. Jean Carmet est irrésistible, Jane Birkin et Stéphane Audran sont sexy, Jean-Pierre Marielle fidèle à ses personnages de beaufs, Jean Rochefort usé, fatigué, mal rasé, exquis, Évelyne Buyle fameuse en suicidaire qui rate chaque tentative, testant l'eau, le gaz et l'électricité. Et l'on ne compte pas les seconds rôle auxquels le réalisateur offre des dialogues aux petits oignons : Daniel Prévost et Robert Dalban en premier lieu. Comment Réussir Quand on est Con et Pleurnichard est de ces films d'une autre époque, qui a peut-être vieilli, mais qui faisait preuve d'une imagination folle et d'une liberté de ton totale. Un tout petit film culte !

Battaglie Negli Spazi Stellari d'Alfonso Brescia (1977)



La planète Gonian étant victime de la technologie de ses propres habitants, y vivre est devenu si périlleux que ses habitants, les gonianes ont choisi une solution radicale. Coloniser l'univers à la recherche d'individus leur étant semblables afin de prendre possession de leur corps. Dans la ligne de mire de cette espèce devenue par la force des choses, belliqueuse, la planète Terre. Alors qu'un système de protection à base de lances-missiles installés sur la surface de la Lune a été mis au point par le professeur Layton, l'un des deux vaisseaux gonianes se dirigeant vers notre planète parvient à passer au travers des mailles du filet.
Dès lors, notre espèce est en danger. Capables de prendre possession du corps de ceux qu'ils croisent en chemin, les gonianes commencent à envahir la Terre. Mais heureusement pour l'humanité, une autre race d'extraterrestres arrive et vient aider les scientifiques. Des êtres qui comme nous, ont connu le même triste sort. Une bataille s'engage alors entre les terriens et l'ennemi venu coloniser notre planète..

Voici en gros à quoi ressemble le synopsis de cette œuvre signée par le cinéaste italien Alfonso Brescia qui pour l'occasion a américanisé son long-métrage en changeant son nom pour celui d'Al Brady. Malheureusement, un pseudonyme ne faisant pas tout, sa Battaglie Negli Spazi Stellari demeure quoi qu'il arrive, une véritable purge cinématographique. De ces films qui ne peuvent avoir d'intérêt que pour les amateurs de science-fiction dont l'intérêt pour le genre ne se borne pas uniquement aux classiques du genre, mais à la totalité de la production mondiale.

C'est par un hasard tout à fait involontaire (tel est d'ailleurs le principe du hasard) que cette chronique fait suite à celle consacrée au The Day Mars Invaded Earth de Maury Dexter. Non pas que ce dernier soit aussi mauvais, mais quelques idées se rejoignent. En effet, il s'agit ici une fois encore de l'appropriation d'organismes humains a des fins de colonisation de la planète Terre. D'une certaine manière, l'évocation d'une telle pratique est séduisante. Cela voudrait-il dire que l'espèce humaine demeure en matière d'apparence l'un des plus séduisants spécimens humanoïdes de l'univers ? Plus sérieusement, Battaglie Negli Spazi Stellari arrivant largement après la série Les Envahisseurs, Alfonso Brescia ne peut même pas se targuer d'avoir une once d'imagination.

Contrairement à ce que certains affirment, il s'y passe des choses. Mais c'est tellement brouillon et tellement inintéressant qu'effectivement, on peu avoir envie de bailler. Et même carrément d’accélérer la bande tant ce que l'on y voit demeure d'un intérêt stérile. Les décors sont cheap, moches, l'espace n'est pas aussi noir qu'on l'a toujours imaginé mais rougeâtre (ce qui lui donne une allure assez déconcertante). La base terrestre semble avoir été construite dans un amphithéâtre redécoré pour l'occasion et les costumes sont tout plus ridicules les uns que les autres. La palme d'or revenant certainement à ce gamin tout de gris peint et vêtu.

Le plus navrant demeure les « cartouches » qui furent mises dans la traduction française du titre et ce, dans l'espoir de pouvoir vendre quelques exemplaires de la bande à l'époque de sa diffusion en VHS dans notre pays. En effet, Battaglie Negli Spazi Stellari est sorti dans notre beau pays sous le titre La Bataille des Étoiles. Et si celui-ci ne vous rappelle celui d'un célèbre long-métrage réalisé par George Lucas, c'est que vous n'êtes définitvement pas un amateur de science-fiction. Battaglie Negli Spazi Stellari est bon pour le vide-ordure...

mardi 26 novembre 2019

Bon Baisers... à Lundi de Michel Audiard (1974) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Excellent dialoguiste, Michel Audiard n'a cependant jamais été un réalisateur très convainquant. Ce que confirmait en 1974 son dernier long-métrage Bon Baisers... à Lundi. Réalisation, dialogue et scénario (adapté du roman d'Alain-Yves Beaujour, Le Principe d'Archimède), Michel Audiard se charge de trois des départements les plus importants de ce long-métrage qui réunit un casting en or autour de trois braqueurs du dimanche. Trois bras cassés qui décident un vendredi soir, veille du week-end, de se rendre chez un grand ponte du show-business afin de lui soutirer une grande somme d'argent. Ces trois individus, ce sont Henri-Pierre (Jean Carmet), Bob ((Jean-Jacques Moreau) et Dimitri (Jacques Canselier). Le roi du show-business, lui, c'est Frankie Strong (Bernard Blier), connu dans la profession sous le nom du ''Lion''. Ayant préparé bien à l'avance leur coup, Henri-Pierre s'attend à débarquer avec ses deux complices dans un appartement où est très régulièrement organisée une partouze. Sauf qu'en se trompant d'un étage, les trois hommes se retrouvent dans une situation à laquelle ils ne s'attendaient pas. Non seulement, la soirée va prendre une tournure inattendue, mais ils vont en perdre peu à peu le contrôle...

Outre les interprètes déjà cités, Bon Baisers... à Lundi est l'occasion de retrouver Maria Pacôme dans le rôle de Myrette, l'épouse de Frankie Strong, Évelyne Buyle dans celui de Zaza sur laquelle le ''Lion'' fonde tous ses espoirs de future vedette de la chanson française, et plus tard, Mario David dans la peau de Jacky Arouni, l'amant de l'ancienne star et protégée de Frankie Strong Esmeralda (interprétée par Betty Mars), Julien Guiomar dans celui de l'époux trompé, André Pousse en automobiliste très énervé et Michel Bouquet en alcoolique et ancien camarade de Henri-Pierre rencontré au détour d'un bistrot. Participant à l'écriture du scénario, on retrouve Jacques Audiard, le fils du dialoguiste et réalisateur qui débutait ici sa carrière dans le monde du cinéma avant de devenir deux décennies plus tard l'un des réalisateurs français les plus respectés (au hasard, Sur mes Lèvres en 2001, Un Prophète en 2009 ou encore Dheepan en 2015).

Bon Baisers... à Lundi n'est pas un mauvais film. Bien au contraire, on y retrouve le cynisme et l'exceptionnelle qualité des dialogues de Michel Audiard. Surtout durant la première et la dernière partie du long-métrage. Cependant, le film souffre d'une baisse de régime conséquente en son centre, à tel point que l'on est en droit de se demander dans quelles proportions le réalisateur, scénariste et dialoguiste a perdu de son inspiration. La confrontation entre les braqueurs, admirablement menés par un Jean Carmet philosophe, et Bernard Blier suivi par une ''cours des miracle'' surréaliste est absolument jubilatoire. Les répliques fusent sous forme de duels linguistiques remarquables. Du moins, jusqu'à ce que l'ensemble des personnages ne quittent l'appartement du ''Lion'', Michel Audiard les envoyant faire une virée dans un bar ouvert tard dans la nuit, transformant ainsi Bon Baisers... à Lundi en une comédie potache, franchouillarde, du plus mauvais goût (la scène de la danse espagnole). N'y aurait plus manqué que la présence de Sim, de Henri Genès, de Pierre Doris ou d'Alice Sapritch pour se croire devant un film de Philippe Clair, de Michel Gérard ou de Max Pécas !!! Heureusement, la fin rehausse sensiblement le niveau. Mais en comparaison de comédies sorties la même année, dont on retiendra surtout et forcément Les Valseuses de Bertrand Blier, fils spirituel de Michel Audiard, Bon Baisers... à Lundi peine à convaincre dans son intégralité. Une œuvre portée par son interprétation, ses dialogues, mais néanmoins gâchée par une mise en scène parfois en dessous de tout...

Frantic de Roman Polanski (1988) - ★★★★★★★★☆☆



Frantic (qui en anglais signifie frénétique), le douzième long-métrage de Roman Polanski, replonge les spectateurs au cœur d'un Paris anxiogène douze ans après l'effrayant Le Locataire dans lequel le réalisateur incarnait lui-même un petit immigré d'origine polonaise plongé dans les affres de la paranoïa. Cette fois-ci, c'est au tour d'un chirurgien originaire de San Francisco d'être confronté à un tout autre genre d'angoisse : installé depuis moins d'une heure avec son épouse Sondra dans la chambre d'un luxueux hôtel parisien, le docteur Richard Walker sort de la douche lorsqu'il constate que celle-ci a disparu. Parti à la recherche de sa femme dans un Paris nocturne et interlope, le chirurgien découvre très vite que Sondra n'a pas été enlevée par hasard. L'une des valises qu'ils ont récupérée à l'aéroport de Roissy ne leur appartient pas. Après s'être renseigné auprès de divers habitants du quartier, avoir signalé la disparition de Sondra au commissariat puis avoir demandé de l'aide à l'ambassade américaine, Paul réalise qu'il ne peut compter que sur lui seul. Arrive alors Michelle, la propriétaire de la valise. La seule qui semble pouvoir aider Paul dans ses recherches...

D'origine franco-polonaise, l'immigré Roman Polanski sait s'y prendre lorsqu'il s'agit d'inscrire certains personnages de ses films dans des contextes qui leurs sont totalement étrangers. Concernant Frantic, l'auteur de Rosemary's Baby, du Pianiste et du récent J'Accuse repoussait dans ses derniers retranchements ce même principe en plongeant l'acteur américain Harrison Ford dans un Paris particulièrement dérangeant. Sur un fond de racisme dont le héros fait les frais à travers le comportement arrogant et moqueur de certains personnages, Roman Polanski réalise un long-métrage au suspens haletant. Surtout dans sa première partie, jusqu'à ce que les tenants et les aboutissants de l'affaire soient mis à jour. La seconde partie, elle, se concentre surtout sur l'espoir du héros de retrouver son épouse, interprétée par l'actrice américaine Betty Buckley dont les plus âgés des spectateurs se souviennent sans doute de son interprétation de Sandra Sue Abbott Bradford dans la série culte Huit, ça Suffit qui fut diffusée pour la première fois en France à partir de février 1985. Ainsi que sur l'objet de son elèvement et de sa séquestration avec cette interrogation : est-elle toujours en vie ? Si la deuxième moitié de Frantic est très sensiblement moins attrayante que la première, il n'en demeure pas moins que l’œuvre de Roman Polanski est l'un des meilleurs thrillers produits en cette deuxième moitié des années 1980.

L'une des forces majeures de Frantic (outre d'avoir ignoré l'idée d'un doublage en français, ce qui renforce le dépaysement du héros) est pour le réalisateur qui adapte une nouvelle fois un scénario du fidèle Gérard Brach, d'avoir poussé à l'extrême la fragilité de son personnage. Tout d'abord désarçonné par la disparition incompréhensible de son épouse, puis dénué de tout moyen de pression. Paul Walker ne parle de surcroît pas du tout français (ou si peu). D'où la difficulté de mener son enquête dans les meilleures dispositions. De plus, et contrairement à ce qui est désormais la norme, Paul Walker n'est pas armé et n'a donc aucun moyen de se défendre. Roman Polanski pousse même la caricature en faisant de son héros un homme qui s’essouffle rapidement quand vient le moment de poursuivre à pied la seule capable de lui venir en aide. De l'union entre Roman Polanski et son actrice et épouse Emmanuelle Seigner naîtront deux enfants et plusieurs projets cinématographiques dont Frantic sera le premier. Après avoir débuté dans L'Année des Méduses de Christopher Frank en 1984 puis avoir poursuivi avec Détective de Jean-Luc Godard en 1985 et Cours Privé de Pierre Granier-Deferre en 1986, la jeune actrice incarne Michelle, rebelle et paumée, engagée dans une dangereuse affaire à laquelle seront mêlés le chirurgien et son épouse. Sexy en diable, la française n'est pas la seule interprète hexagonale à arpenter le long-métrage de son futur époux puisque l'on y découvre notamment Gérard Klein et Alain Doutey en réceptionnistes de l'hôtel où loge le couple d'américains et Dominique Pinon en SDF, témoin de l'enlèvement de Sondra Walker. Accompagné par le score du compositeur italien Ennio Morricone et financé à hauteur de vingt millions de dollars, Frantic est un thriller remarquablement bien mené...

lundi 25 novembre 2019

Quand Passent les Faisans d'Édouard Molinaro (1965) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Lorsqu'Édouard Molinaro s'accapare le scénario d'Albert Simonin et Jacques Emmanuel, finalement peu inspiré, c'est aidé du dialoguiste Michel Audiard malgré la présence des assistants réalisateurs Philippe Monnier et Patrick Saglio qu'il met en boite son dixième long-métrage (si l'on excepte sa participation au film à sketchs Les Sept Péchés capitaux). Quand Passent les Faisans est dans la grande tradition des longs-métrages ayant vu le jour dans les années 1960 : Georges Lautner, Henri Verneuil et ici Édouard Molinaro à la mise en scène et Michel Audiard à l'écriture des dialogues. Cette époque signe également la présence d'un panel d'interprètes qui émergent plus ou moins et que l'on reverra alors très régulièrement durant les décennies suivantes. Lino ventura, Francis Blanche, Claude Rich, Maurice Biraud, Mireille Darc. Dans le cas présent, aucun d'entre eux, mais Bernard Blier, Paul Meurisse, Michel Serrault et Jean Lefebvre. Le carré idéal pour une histoire d'arnaque dont l'efficience humoristique tournera malheureusement court...

En effet, est-ce la présence d'un Michel Audiard en soutient à la mise en scène, mais Quand Passent les Faisans s'avère relativement décevant. Si la première demi-heure est fort sympathique, le récit s'étiole, s'allonge dans des proportions irraisonnées et ce, sans qu'aucune séquence mémorable ne vienne relancer son intérêt. C'est pourtant avec un certain sens de la mise en scène qu'Édouard Molinaro fait évoluer ses personnages au centre d'une arnaque dont va être la victime un entrepreneur en travaux publics interprété par Michel Serrault. Si la victime c'est lui, l'équipe d'escrocs et donc quant à elle réunie autour de Bernard Blier et Jean Lefebvre qui après avoir tenté d'arnaquer le personnage incarné par Paul Meurisse, lui-même une canaille, collaborent avec ce dernier pour monter un coup fumant...

C'est avec une certaine mollesse que Quand Passent les Faisans déroule son intrigue. Non pas que l'on s'y ennuie (quoique), mais l'intérêt pour son histoire s'efface au profit de personnages qui cabotinent et de scènes parfois proprement ubuesques dont le cinéma français avait à l'époque le secret. En dehors de quelques soubresauts, trop rares pour que l’œuvre d'Édouard Molinaro et les dialogues de Michel Audiard suffisent à satisfaire les amateurs de comédies françaises, Quand Passent les Faisans est une comédie mineure, que pas même Bernard Blier, (pourtant habituellement capable d'élever le pire nanar au rang de film culte grâce à sa seule présence) ne parvient à justifier du moindre intérêt. Bien qu'aidé dans la réalisation, Édouard Molinaro signe ici l'un de ses plus faibles longs-métrages. Pas vraiment à l'aise avec le script, l'auteur de Oscar, L'Emmerdeur, Pour cent Briques, t'as plus Rien ou de Beaumarchais, l'Insolent déçoit...

Hibernatus d'Édouard Molinaro (1969) - ★★★★★★★☆☆☆



Deuxième collaboration entre l'acteur Louis de Funès et le réalisateur Édouard Molinaro, Hibernatus fait suite à Oscar qui deux ans plus tôt réunissait déjà les deux hommes et qui était déjà lui-même l'adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Claude Magnier. D'ailleurs, ces deux adaptations de pièces de théâtre ne furent pas les seules pour le réalisateur qui adapta également la pièce de Francis Veber Le Contrat en 1973 sous le titre L'Emmerdeur et réalisa La Cage aux Folles cinq ans plus tard à partir de la pièce de Jean Poiret. Pour cette seconde collaboration entre le réalisateur et Louis de Funès, Édouard Molinaro réunit à nouveau la star comique et l'actrice Claude Gensac qui interprétera régulièrement l'épouse de Louis de Funès dans un nombre important de longs-métrages. Dans le cas présent, ils incarnent respectivement Edmée de Tartas et Hubert Barrère de Tartas. Lui est le président directeur général d'une société d'emballage et elle, son épouse et actionnaire de la dite société.

Tout commence lorsqu'une expédition située dans l'extrême nord du Groenland fait la découverte d'un corps congelé depuis soixante-cinq ans. Miraculeusement, et contre toute attente, le cœur de l'homme se met à battre à nouveau. Une enquête est menée pour savoir quelles sont ses origines et l'on apprend bientôt qu'il est le grand-père d'Edmée de Tartas. Alors que le professeur Édouard Loriebat qui s'est chargé de la ''décongélation'' de celui qui se fait appeler Paul Fournier a bien l'intention de le garder dans ses services, Edmée refuse et veut récupérer son grand-père. C'est avec l'aide de son époux et du professeur Bibolini, pourtant proche collaborateur du professeur Édouard Loriebat, qu'Edma parvient à ''kidnapper'' l'hiberné et à le ramener chez eux. Mais afin qu'à son réveil, Paul Fournier ne se rende compte de rien et ne soit pas choqué par la découverte qu'il est plongé dans une autre époque que la sienne, la ville toute entière se met en quatre pour arborer l'apparence qu'elle avait au début du siècle. Les modèles de voitures récents sont remplacés par ceux des années 1900, tout comme les costumes. Chez les Tartas, tout y est transformé. Le poste de télévision y est par exemple retiré et chacun accepte de tenir un rôle différent : Edmée, qui ressemble étonnamment à sa propre grande-mère devient désormais la mère de Paul, Hubert devient son prétendant, et leur fils Didier est désormais étudiant. Mais très rapidement, l'autorité de Paul qui porte aux nues sa ''mère'' irrite Hubert qui ne supporte plus cette situation...

L'intrigue de Hibernatus prend essentiellement pour cadre la propriété des de Tartas. L'unité de lieu et de temps est donc pratiquement celle d'une pièce de théâtre. Comme toujours, Louis de Funès cabotine énormément et on peut d'ailleurs le soupçonner, comme à son habitude, d'avoir lui-même improvisé certains gags auxquels le réalisateur ne réagira pourtant malheureusement pas. Même si le long-métrage d’Édouard Molinaro n'est pas le meilleur film qu'il ait réalisé ou qu'ait interprété Louis de Funès, il demeure difficile de ne pas éprouver énormément de sympathie pour cette comédie légère et parfois survoltée, multipliant gags et quiproquos. On retrouve à l'écran le fils de la star comique, Olivier de Funès qui ne tournera que dans une poignée de longs-métrages, tous en compagnie de son père. Michael Lonsdale interprète le professeur Édouard Loriebat et l'acteur Pascal Mazzotti, le professeur Bibolini. Dans le rôle de la servante Sophie, on retrouve l'actrice Sophie Kelly et dans celui du maître d'hôtel Charles, Paul Préboist. Une comédie sympathique accompagnée de quelques moments culte comme la danse de Hubert Barrère de Tartas répétant inlassablement le prénom de son épouse...

Quand on Crie au Loup de Marilou Berry (2019) - ★★★★★☆☆☆☆☆



On a du mal à imaginer que l'actrice et réalisatrice Marilou Berry, fille de Josiane Balasko et de Philippe Berry (lui-même frère de l'acteur Richard Berry), ait pu frôler la dépression alors qu'elle était en plein tournage de son second long-métrage Quand on Crie au Loup. Une comédie légère, familiale et surtout, très originale qui échappe quelque peu au tout venant d'un genre sclérosé dans notre pays par des dizaines de films clonés sur un seul et même sujet, tournant toujours autour d'un seul et même thème. Pour autant, Marilou Berry n'a pas réalisé LA comédie de l'année. Et encore moins celle de la décennie. Tout juste propose-t-elle une bande-dessinée live imaginaire autour de son jeune héros Victor Bogomil. Avec un nom pareil, on pourrait croire qu'il sort d'une obscure BD mais il n'en est rien. Ce personnage adolescent sort de l'esprit d'une batterie de scénaristes parmi lesquels, l'actrice/réalisatrice elle-même qui s'offre le costume de la grande méchante du film.

Quand on Crie au Loup est donc l'histoire du jeune Victor Bogomil, dont les parents sont décédés et qui vit désormais auprès de son grand-père, le concierge d'un immeuble de la capitale. Malheureusement pour le vieil homme, son petit-fils a pour habitude de s'alerter pour le moindre bruit ou la plus petite présence suspecte. Si la police en a marre de se déplacer chaque fois que le gamin s'affole et que son grand-père téléphone au commissariat, les voisins indisposés ne supportent carrément plus Victor et Joseph Bogomil. Un jour, le grand-père reçoit un courrier indiquant qu'il risque de perdre son poste de concierge et donc, son appartement. C'est ce jour là que choisissent deux hommes affublés de masques de clowns et ayant braqué une bijouterie dans le quartier pour s'introduire dans l'appartement de Pauline Pividale, l'amie pédiatre de Victor. Témoin de la scène, l'adolescent averti la police qui choisit de ne pas se déplacer. C'est donc armé d'objets hétéroclites (dont un drone à l'effigie d'un pigeon) que Victor va tenter de libérer Pauline, aidé par une jeune amie et camarade de classe...

On ne s'ennuie pas. Il faut dire qu'avec sa durée plutôt serrée n'excédant pas les quatre-vingt trois minutes, Quand on Crie au Loup passe très rapidement. Pratiquement entièrement concentré dans l'immeuble où vivent Victor (Noé Wodecki) et son grand-père Joseph (Gérard Jugnot), l'intrigue s'offre quelques rares incartades en extérieures mais se joue surtout dans l'appartement de Pauline (Bérengère Krief). Survolté et bourré de scène qui s'enchaînent les unes derrière les autres, l’œuvre de Marilou Berry s'offre une ouverture qui promettait à Quand on Crie au Loup d'être le digne descendant du cultissime Delicatessen de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, dans le choix des teintes (en fait, plus proches de celles de La Cité des Enfants Perdus), du montage (la préparation du petit-déjeuner), et de la composition de certains décors. Mais très rapidement l'illusion s'évapore et Quand on Crie au Loup nous offre ensuite un visuel déjà beaucoup plus classique. Pour autant, Marilou Berry et les scénaristes qui l'accompagnent ne chôment pas (vu leur nombre, c'est encore heureux) et nous offrent un long-métrage plein de vigueur et de situations cocasses. On pense vaguement à Home Alone de Chris Columbus et d'ailleurs, Quand on Crie au Loup s'adressera tout d'abord au jeune public tout en n'écartant pas les parents. Outre Noé Wodecki, Gérard Jugnot, Bérengère Krief et Marilou Berry, on retrouve à l'écran Nicolas Wanczycki et Thomas Vandenberghe qui interprètent les deux braqueurs ou Julien Boisselier et Anne Girouard qui eux, incarnent le couple Martin. Si Quand on Crie au Loup n'atteint pas des sommets de drôlerie, on pourra se surprendre à sourire et même rire à certaines occasions. Une œuvre ''bédéesque'' qui a tout de même le bon ton de se vouloir originale tout en évitant d'être aussi misérable que le pathétique Les Aventures de Spirou et Fantasio d'Alexandre Coffre sorti l'an passé...

dimanche 24 novembre 2019

Prisonniers du Temps de Richard Donner (2003) - ★★★★☆☆☆☆☆☆



Et dire que Richard Donner est l'auteur de cette horreur. L'homme de La Malédiction, de Superman, des Goonies, de Ladyhawke, la Femme de la Nuit ou encore de la tétralogie L'Arme Fatale vieillit mal et en 2003 ne semble plus être capable que de filmer une œuvre qui possède les atours d'un téléfilm du dimanche après-midi. Prisonniers du Temps est un anachronisme qui mériterait davantage d'avoir sa place au beau milieu d'une anthologie du style Au-Delà du Réel, l'Aventure Continue que de s'être perdu en ce début de vingt et unième siècle. Il est d'autant plus dommage d'assister à un tel spectacle que le scénario de Jeff Maguire et George Nolfi est l'adaptation du roman éponyme de Michael Crichton, notamment auteur The Andromeda Strain, de Sphere et de Jurassic Park...

Dès les premières secondes on réalise que quelque chose ne va pas. Esthétiquement à la ramasse et interprété comme une comédie involontaire, Prisonniers du Temps a tout du nanar empli d'incohérences. Et l'on ne parle pas ici du voyage dans le temps qui est au cœur d'un récit qui malheureusement n'exploite pas suffisamment son sujet. Ou du moins, en écarte toute la richesse que recèle le contraste entre un groupe d'archéologues du présent et une armée de soldats anglais du quatorzième siècle. Alors que l'on pouvait espérer une sorte de Visiteurs inversés (le présent s'invitant dans le passé), rien ne distingue vraiment nos archéologues de la population de cette année 1357. Richard Donner ne joue donc jamais sur cet élément qui faisait par exemple l'une des richesses des deux premiers volets de la trilogie de Jean-Marie poiré.

Concernant les incohérences évoquées plus haut, elles interviennent très rapidement. Déjà inconsistante, la mise en scène de Richard Donner ignore l'évolution du langage qui en plus de six siècles n'a ici pas évolué. Pire : alors que nos héros sont à peu près tous américains (anglais?), la prise de contact avec la jeune Dame Claire (Anna Friel) se fait tout naturellement bien que les français (l'action se déroule en France en Dordogne au château de Castelgard) soient en conflit avec les anglais. La jeune femme n'éprouve bizarrement aucune inquiétude en entendant ces étrangers s'exprimer dans la langue de Shakespeare. Ensuite, Richard Donner fait intervenir parmi le groupe d'archéologues, deux marines qui seront les premiers à périr sous les assauts des anglais. Les seuls à pouvoir éventuellement protéger le groupe. Les membres de ce dernier s'adonnant alors aux joies du meurtre puisque les uns après les autres, les voilà qu'il empilent les cadavres sans une once de remords...

Conçus par une batterie de décorateurs, les environnements furent construits au Canada alors même que le budget, d'une hauteur de quatre-vingt millions de dollars, aurait dû permettre à Richard Donner, son équipe technique et le casting de faire le voyage jusqu'en France. Tout sonne faux. Des décors jusqu'à l'interprétation, on a du mal à croire à cette guerre de cent ans engagée entre anglais et français. Sans vouloir dénigrer la série télévisée française créée par Alexandre Astier, Alain Kappauf et Jean-Yves Robin Kaamelott, Prisonnier du Temps ressemble davantage à cette série humoristique qu'à un long-métrage évoquant sérieusement le voyage dans le temps. Une purge dans laquelle est notamment venu se perdre notre Lambert Wilson national...

In the Line of Fire de Wolfgang Petersen (1993) - ★★★★★★★☆☆☆



Auteur de Das Boot, de L'Histoire sans Fin, de Troie ou de Poséidon, le cinéaste allemand Wolfgang Petersen réalisait pour la seule et unique fois de sa carrière un long-métrage en collaboration avec la star américaine Clint Eastwood. In the Line of Fire (Dans la Ligne de Mire) est un thriller sur fond de politique absolument remarquable dans ce sens ou il fait moins appel à l'action qu'à la psychologie de ses personnages. Dans son éternel apparat de flic, Clint Eastwood est cependant relativement loin du personnage de Harry Callahan qu'il façonna tout au long des huit longs-métrages qui consacrèrent ce personnage considéré de raciste et de misogyne. Un flic comme n'oserait sans doute plus en proposer le septième art dans un monde de plus en plus ''politiquement correct''. Face à l'inspecteur Franck Horrigan, le scénario de Jeff Maguire (Prisonniers du Temps de Richard Donner en 2003) impose l'ancien agent de la CIA transformé en tueur incontrôlable Mitch Leary personnifié par l'excellent John Malkovitch.

Clint Eastwood y incarne un flic vieillissant qui vit toujours avec en mémoire ce fameux jour où le président Kennedy est mort alors qu'il devait assurer sa sécurité. Suivie de près par Mitch Leary, sa carrière de policier n'a plus aucun secret pour cet individu suave et faussement sympathique qui semble avoir trouvé en Franck Horrigan son alter ego. Convaincu que les deux hommes se ressemblent, Mitch Leary est bien décidé à tuer le nouveau président, sachant que l'inspecteur prendra la décision d'assurer sa sécurité afin de racheter ses ''fautes'' passées. Le flic et le tueur entretiennent alors une correspondance téléphonique surveillée de très près par l'agence des Services Secrets et notamment l'agent Lilly Raines (interprétée par l'actrice Rene Russo), lesquels tentent de mettre la main sur ce très dangereux criminel qui a déjà fait plusieurs victimes. L'inspecteur Horrigan n'a donc désormais plus que deux objectifs. S'assurer de la sécurité du président et mettre hors de nuire Mitch Leary...

In the Line of Fire est de ces films policiers qui se comptent par dizaine en ces années quatre-vingt dix. Clint Eastwood en flic beaucoup plus posé et donc beaucoup plus nuancé que par le passé incarne un Franck Horrigan glissant sur une pente descendante. C'est du moins ce que semblent penser certains responsables qui ne le ménagent absolument pas malgré sa longue carrière dans les services de police (Gary Cole excelle dans le rôle de l'arrogant agent Bill Watts) et rêvent de le voir prendre la porte de sortie. Afin d'incarner le rôle, la star américaine ne ménage pas son image. On le découvre au détour d'une séquence soufflant, épuisé de courir aux côtés de la voiture présidentielle. Clint Eastwood se veut également parfois très émouvant lorsqu'il évoque son douloureux passé et capable de séduire celle qu'interprète la séduisante Rene Russo. Wolfgang Petersen, au delà du simple thriller psychologique qui oppose Clint Eastwood au formidable John Malkovitch, se pose les questions suivantes : faut-il ranger au placard ce vieux flic et a-t-il encore les moyens d'assurer son rôle de protecteur? Plus important encore : peut-on racheter ses erreurs passées ? L'action se situant surtout dans le dernier quart-d'heure, In the Line of Fire offre de superbes ''duels'' téléphoniques (on notera l'excellent doublage de John Malkovitch assuré par Gérard Rinaldi qui offre au timbre du tueur une très grande suavité) et quelques très beaux moments d'intimité partagés entre Clint Eastwood et Rene Russo... A noter que le score est signé du compositeur italien Ennio Morricone...

Rambo : Last Blood d'Adrian Grunberg (2019) - ★★★★★★☆☆☆☆



Franchement ! Que peut-on attendre aujourd'hui d'un film comme Rambo 5 à part un énième film se déroulant au Vietnam (Rambo 2 : la Mission de George Pan Cosmatos en 1985), en Afghanistan (Rambo 3 de Peter MacDonald en 1988), en Birmanie (John Rambo de Sylvester Stallone en 2008) ou dans un tout autre pays en proie à la guerre ? Alors qu'il y a un peu plus de dix ans Sylvester Stallone, l'acteur, le réalisateur et scénariste, inventait le film de ''guorre'' (John Rambo dépassant allégrement tout ce que le cinéma de guerre avait pu proposer jusque là en matière d'horreur), il était inimaginable qu'il puisse repousser les limites de la barbarie avec un nouveau chapitre. Et pourtant, alors que le quatrième volet de la saga se clôturait de manière très émouvante sur le célèbre et magnifique thème It's A Long Road composé par Jerry Goldsmith, voilà que onze ans plus tard débarque à nouveau l'un des personnages de cinéma les plus iconiques. Vu l'âge de son interprète, on aurait presque logiquement pu s'attendre à découvrir Rambo en maison de retraite et se déplaçant en déambulateur et pourtant...

Rambo : Last Blood sonne comme une promesse. D'abord à travers son titre. Lequel semble désormais promettre une fin définitive à cette immense saga débutée de manière admirable trente-sept ans plus tôt avec le meilleur d'entre tous, Rambo de Ted Kotcheff. Ce cinquième volet tente également de prouver s'il en était besoin, que même loin de n'importe quelle forêt d'extrême ou du Moyen-Orient, John Rambo demeure encore capable de soubresauts artistiques. Alors bien sûr, on pourra toujours relativiser sur l'utilité d'une nouvelle séquelle qui sort totalement des sentiers battus et rabattus puisque l'action se déroule désormais sur le continent américain (ce qui d'ailleurs, était déjà le cas du premier Rambo), mais de jungle, il s'agit encore une fois pour notre héros de traverser. Désormais, elle est urbaine et pourtant, pas moins dangereuse et oppressante que les précédentes. L'épaisseur de la végétation a laissé cette fois-ci la place aux ruelles mal famées des quartiers mexicains dont ont le monopole trafiquants de drogues et proxénètes.

Le dernier long-métrage mettant en scène John Rambo aurait tout aussi bien pu porter n'importe quel autre titre et Sylvester Stallone aurait pu y être l'incarnation de n'importe quel autre personnage. Car en effet, à part ce traumatisme de la guerre qui continue à le hanter et le pousse notamment à creuser des galeries souterraines sous sa propriété afin de prévenir une éventuelle attaque ennemie, Rambo, le personnage, est désormais plus proche d'un Bryan Mills (Liam Neeson dans Taken de Pierre Morel) que du légendaire béret vert. A tel point que certaines séquences (dont la recherche de sa fille Gabrielle dans le bâtiment renfermant les prostituées) miment carrément le film de Pierre Morel. Ce qui en devient presque gênant. Mais Sylvester Stallone n'ayant sans doute pas la souplesse de Liam Neeson et Rambo ne possédant pas les mêmes techniques de combat que Bryan Mills, la comparaison s'arrêtera au scénario. Ici, l'acteur/réalisateur inverse certaines valeurs. Si dans Taken le but ultime était de retrouver la fille du héros, dans Rambo : Last Blood, cette étape survient aux deux tiers du film et le reste n'est alors plus qu'une histoire de vengeance.

Au regard des opus précédents, Rambo : Last Blood s'avère finalement inutile et profite surtout de la légende qui entoure son personnage pour faire un peu plus de blé. Plus film d'action que de guerre et peut-être moins excessif en matière de gore (quoique) mais tout aussi brutal que l'épisode précédent, Sylvester Stallone en confie cette fois-ci la réalisation à Adrian Grunberg qui fut notamment premier assistant réalisateur sur l'incroyable Apocalypto que réalisa Mel Gibson en 2006. Le visage buriné, façonné par des décennie d'interprétation, Sylvester Stallone arbore durant un dernier quart-d'heure d'une violence outrée, le faciès d'un bogeyman plus flippant que la majeure partie des plus célèbres d'entre eux. Vue la légèreté du scénario, ce qu'attend alors forcément le spectateur, c'est ce moment de pure jouissance qui montre un Rambo massacrant à tour de bras les membres du cartel mexicain. Et à ce titre, on peut dire que le film lui en offre pour son argent question violence. Au mieux, Rambo : Last Blood est donc un sympathique film d'action. Au pire, sans doute le moins intéressant des cinq volets et une conclusion en demi-teinte...

The Crazies de George Romero (1973) - ★★★★★★☆☆☆☆



Quel curieux titre que La Nuit des Fous Vivants... Et pourtant, cette traduction s'explique sans doute autant que le choix du distributeur français qui à l'époque de la sortie dans l'hexagone de Eraserhead de David Lynch choisit de le retitrer Labyrinth Man en référence à son second long-métrage Elephant Man. C'est donc sans aucune ambiguïté que The Crazies, le troisième long-métrage de George Romero est devenu chez nous, La Nuit des Fous Vivants. Lui-même en référence à La Nuit des Morts-Vivants, son premier film. Longtemps considéré comme le brouillon du futur Dawn of the Dead (cette position vis à vis du film sera laissée à l'appréciation du spectateur). George Romero y abandonne ses zombies pour un temps mais ne s'éloigne finalement pas tant que cela du propos de son premier long-métrage puisque des morts revenus à la vie, il passe aux victimes d'une arme biologique planquée sous couvert d'être un vaccin pour transformer les habitants d'une petit ville américaine en infectés dignes des enragés du Rabid que réalisera David Cronenberg quatre ans plus tard et de tous les infectés qui suivront les décennies suivantes.

On peut donc considérer The Crazies comme l’œuvre ayant ouvert la voie à toutes ces œuvres horrifiques qui désormais pullulent, même si à côté de 24 Jours plus tard et consorts, le film de George Romero a souvent bien du mal à soutenir la comparaison. Car si l'on retrouve certains aspects de La Nuit des Morts-Vivants et du futur Zombie, The Crazies souffre de trop nombreuses longueurs et d'incessantes répétitions qui l'empêchent d'obtenir son statut d’œuvre culte. Nanti d'un budget réduit s'élevant à 273 000 dollars, George Romero filme The Crazies dans la région de Pittsburgh et bénéficie de la participation des habitants de Evans City où se déroule l'action. Gonflant le chiffre de ses habitants qui à l'époque était d'environ deux mille-cent, ceux-ci dépassent les trois-mille dans le film. Sans doute est-ce alors pour ne pas heurter ces derniers, le millier de victimes recensé vers la fin de The Crazies se portant alors virtuellement sur la différence entre le nombre réel d'habitants et l'ajout supplémentaire.

George Romero bénéficie également d'un fait authentique concernant l'incendie lors duquel les pompiers de Evans City sont réellement intervenus et ont accepté que le réalisateur et son équipe en profitent pour tourner les séquences que l'on aperçoit au début du long-métrage. Parmi les très nombreux figurants et seconds rôles, on notera la présence de l'acteur Richard France qui incarnera une fois encore le rôle d'un scientifique dans Zombie en 1978 ou apparaîtra beaucoup plus tard dans Graveyard Shift de Ralph S. Singleton. Parmi les personnages principaux, on reconnaîtra surtout l'actrice Lynn Carroll qui fit notamment une apparition très remarquée dans Shivers de David Cronenberg en 1975 et poursuivra sa carrière jusqu'à maintenant. Comme lors de son premier long-métrage, George Romero s'attaque à l'armée et évoque également les problèmes environnementaux. Dans le cas présent, le contrôle de Evans City par l'armée dégénère et le contexte déjà très violent du fait de l'épidémie devient très rapidement incontrôlable. L'une des spécificité de The Crazies est son aspect parfois documentaire qui, s'il prenait pour cadre le petit poste de télévision dans La Nuit des Fous Vivants, prend désormais une ampleur beaucoup plus importante. The Crazies ouvre surtout des possibilités futures dont George Romero se servira cinq ans plus tard pour son plus grand film, Zombie...

samedi 23 novembre 2019

Season of the Witch de George Romero (1972) - ★★★★★★★☆☆☆



Beaucoup moins connu que la plupart de ses longs-métrages, le troisième film du cinéaste originaire de Pittsburgh George Romero Season of the Witch s'éloigne très largement des habitudes de l'auteur de la saga ''zombiesque'' initiée en 1968 avec La Nuit des Morts-Vivants pour s'intéresser au cas de Joan Mitchell dont l'époux quitte souvent le domicile pour son travail et dont la fille a décidé de voler de ses propres ailes. Victime de très violents cauchemars dans lesquels elle est attaquée par un individu affublé d'un masque terrifiant, Joan se sent seule et témoigne auprès de ses amies avoir déjà pensé à vivre une aventure auprès d'un autre homme que le sien. Si jusqu'à maintenant elle n'a jamais osé dépasser ce simple statut de fantasme, c'est en rencontrant le dernier petit ami de sa fille Nikki, l'arrogant Gregg Williamson, que Joan va franchir ce cap. Mais en parallèle, cette mère de famille que la peur de vieillir effraie s'intéresse de très près à la sorcellerie à laquelle s'adonne l'une de ses amies qu'elle rejoint régulièrement autour d'une tasse de thé. Après avoir lu l'ouvrage To be a Witch, Joan décide qu'elle aussi sera une sorcière. Elle se rend dans une boutique, achète divers ingrédients et de retour chez elle, pratique des incantations. Convaincue de la réalité de telles pratiques, elle invoque un démon et lui demande de faire venir chez elle Gregg Williamson pour lui faire l'amour...

Plus que le simple téléfilm qu'il paraît être, Season of the Witch joue sur un certain nombre d’ambiguïtés parfaitement intégrées par George Romero qui sort ici de ce qui deviendra bientôt sa thématique récurrente. Incarné par l'actrice américaine Jan White dont cette œuvre sera l'un des deux seuls faits d'arme au cinéma (avec Touch Me Not de Douglas Fithian en 1974) et par Raymond Laine dont la petite carrière d'acteur sera surtout nourrie d'apparitions télévisuelles (on le découvrira cependant pour la toute première fois dans le précédent long-métrage de George Romero, la comédie There's Always Vanilla), Season of the Witch évoque donc plusieurs thèmes. Comme la peur de vieillir ou de finir sa vie seul. Les violences conjugales sont également au centre du récit et leurs effets se propagent au delà des coups reçus puisque les visions cauchemardesques de l'héroïne ne sont que les conséquences des coups portés par son époux.

Quant à la thématique entourant la sorcellerie, George Romero a le bon goût de ne pas apporter de solution définitive ni de point de vue inattaquable puisque jusqu'au bout, et plutôt que de nous offrir une vision littéralement ''fantastique'', le spectateur émettra un doute sur la réalité de ce que ressent Joan, prise d'une volonté farouche de croire en cette pratique démoniaque. Le réalisateur parsème son œuvre d'éléments qui vont dans le sens contraire des croyances de l'héroïne, confortant sans doute le cartésianisme dont George Romero est peut-être un fervent défenseur. En effet, et à titre d'exemple, lorsque Joan invoque la présence de Gregg chez elle, ce n'est qu'après avoir attendu durant des heures et après lui avoir téléphoné pour lui demander de la rejoindre que celui-ci débarque finalement chez elle. En ce sens, Season of the Witch est beaucoup plus profond que ne le laisse supposer son côté vieillot et télévisuel. Outre l'intelligence du propos, George Romero saupoudre son œuvre d'éléments réellement troublants que le score de Steve Gorn et la beauté froide et envoûtante de Jan White intensifient très nettement. Peu ou pas connu, Season of the Witch mérite donc d'être découvert, ne serait-ce que parce que son auteur fut l'un des plus grands réalisateurs de films d'horreur de tous les temps...
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