Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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mercredi 31 juillet 2019

The Domestics de Mike P. Nelson (2018) - ★★★★☆☆☆☆☆☆



Il existe plusieurs catégories qualitatives en matière de cinéastes et au moins deux que nous retiendrons dans le cas présent : Il y a ceux qui dès leur premier long-métrage ont signé un grand film, un long-métrage culte, un chef-d’œuvre et ont continué sur la même voie (au hasard, David Lynch, Richard Kelly). D'autres qui sans véritablement réaliser une première œuvre remarquable ont su pourtant conserver leur style pour le sublimer à travers les années (David Cronenberg), et puis, il y a ceux qui ont créé, on ne sait pour quelle raison, l'événement. Comme ce fut le cas de Luc Besson dont Le Grand Bleu fut (et est sans doute demeuré) le film de toute une génération (ouais, ben en tout cas, pas la mienne) et qui depuis plus de vingt ans accumule les nanars, voire les navets avec une régularité de métronome (Le Cinquième Élément en 1997, Angel-A en 2005 ou les pires de tous en attendant d'avoir découvert son dernier long-métrage : Lucy en 2014 et Valérian et la Cité des Mille Planètes en 2017). The Domestics étant le premier long-métrage du cinéaste américain Mike P. Nelson, on ne s'avancera pas trop rapidement sur le devenir de sa carrière de réalisateur et de scénariste (il est en effet l'auteur du scénario du film ici incriminé), mais à juger par cette première tentative plutôt maladroite, il n'est pas certain que l'on entende à nouveau parler de son cinéma dans les meilleures conditions.

Ce qui, bien évidemment, ne demeure pas une certitude puisqu'avec un peu d'entraînement, voire de formation supplémentaire, peut-être Mike P. Nelson nous offrira-t-il une œuvre digne de figurer parmi les plus grandes. En attendant, The Domestics est à reléguer au rang des copies mal fagotées du genre post-apocalyptiques qui évoquent instantanément le film culte de George Miller, Mad Max et ses suites. C'est donc dans un monde dévasté par une série d'attaques chimiques orchestrées par le gouvernement américain sur ses propres concitoyens que roulent en direction du Wisconsin Nina et Mark West. Un couple au bord de la rupture qui tente de rejoindre les parents de la première qui n'ont pas donné signe de vie depuis quelques semaines. Sur la route, les dangers sont multiples et de nombreux gangs s'interposeront entre les deux époux, mettant ainsi leur existence en péril. C'est en chemin qu'ils rencontrent cependant Nathan Wood, sympathique époux et père de deux enfants, heureux de constater qu'il existe encore des gens civilisés...

Le scénario de The Domestics étant particulièrement sommaire, Mike P. Nelson ne peut compter que sur son imagination afin de confronter ses deux principaux personnages à des bandits particulièrement imaginatifs en matière d'accoutrement. Sur la route de Nina et Mark West se dressent parfois des individus à visage découvert mais en général, ces derniers sont affublés de masques et de casques qui renvoient directement aux personnages qu'affrontait Mad Max tout en revêtant désormais une attitude et une apparence plus drôles qu'effrayantes. Il n'est pas certain qu'à la rencontre de ces voyous opportunément attirés par les faibles gains de voyageurs égarés, le cinéaste ait réellement cherché à amuser le public. Au contraire. Malheureusement, et même si le spectateur ne rira jamais aux éclats à moins d'avoir un verre dans le nez, les gangs croisés en chemin par les West sont, certes, pittoresques, mais ne provoquent aucun sentiment d'angoisse. Pittoresque... et pourquoi pas, même, pathétiques ? À l'image de ce type au nœud papillon, sourire dément façon ''Joker'', que le cinéaste tente de rendre sinistre mais qui au final se révèle aussi ridicule que la majorité des ''méchants'' du film. À défaut de proposer un scénario qui tient la route, Mike P. Nelson accumule les rencontres entre nos deux héros et les gangs. Une envie d'en donner pour son argent à son public qui se solde par un semi-échec tant la facilité qu'ont Nina et Mark à se sortir de la pire des situations empêche le spectateur de ressentir le moindre sentiment de peur pour ces deux personnages. Entre Mad Max et La Route de John Hillcoat, The Domestics tente en plus de réconcilier les deux époux dans des circonstances assez discutables : alors que Nina évoque de plus en plus son indifférence pour Mark, voilà qu'à la suite d'un entraînement de tir au fusil, elle est bien décidée à renouer avec lui. Allez-y les gars. Le jour où votre femme menace de vous quitter, achetez une arme et proposez lui de faire du tir au pigeon au lieu de payer une fortune des séances de thérapie de couple...
Trop simpliste et amateur dans sa conception et ce, malgré la motivation et la générosité de Mike P. Nelson, on a du mal à croire et adhérer au concept déjà mille fois rebattu de The Domestics. Dans le genre road-movie post-apocalyptique, ce long-métrage demeure donc tout à fait anecdotique et dispensable...

Malevolent de Ólafur Jóhannesson (2018) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Directement sorti chez nous sous le titre Les Mauvais Esprits, Malevolent est le dernier long-métrage du cinéaste islandais Ólafur Jóhannesson qui jusqu'à maintenant avait partagé sa carrière entre fictions et documentaires. Pour son dernier film, il choisit de s'intéresser au thème des maisons hantées à travers le portrait de quatre jeunes adultes, Jackson, sa sœur Angela et leurs amis Beth et Elliot, qui ont monté une arnaque afin de soutirer de l'argent à de pauvres individus persuadés que leur demeure est hantée. Jackson organise chaque expédition tandis qu'Angela se fait passer pour une médium capable de capter la présence de fantômes. Elliot quant à lui est cameraman et Beth, l'assistante technicienne du groupe. Depuis quelques jours, Angela ressent réellement la présence d'esprits autour d'elle. Une sensation qui se matérialise par des saignements de nez. Alors qu'elle refuse d'aller plus loin dans les investigations et de laisser tomber les arnaques, le groupe est convié par une certaine mademoiselle Green de se rendre en sa demeure afin d'y traquer l'esprit de jeunes filles mortes dans des conditions atroces. Se refusant d'abord d'y participer, c'est sur l'insistance de Jackson que la jeune femme accepte de s'y rendre en compagnie des trois autres. Mais alors que le groupe s'apprête à faire de leur hôte la nouvelle victime de leur escroquerie, Angela commence à ressentir dès sa visite des lieux, la présence des petites filles mortes assassinées voilà des années...

Avec un tel pitch, mieux vaut être un inconditionnel du genre ''maisons hantées'' si l'on ne veut pas avoir l'effroyable sensation de vivre et revivre encore ce même récit qui depuis des décennies encombre les genres fantastique, horreur et épouvante. Malevolent est donc un long-métrage de plus à mettre sur le compte des poltergeist, fantômes, esprits, ectoplasmes et j'en passe. Si l'intérêt repose tout d'abord sur les origines islandaises du réalisateur Ólafur Jóhannesson, que le film se déroule en écosse, et que son auteur a choisi de situer l'intrigue au beau milieu des années quatre-vingt, inutile d'espérer autre chose qu'un film relativement médiocre. Pour commencer, les personnages et leurs interprètes. Si ces derniers sont passablement convaincant, la caractérisation des personnages qu'ils incarnent est très largement en dessous des exigences que pourrait avoir le spectateur pour lequel celle-ci a au moins autant d'importance que la mise en scène, le scénario ou l'interprétation. Difficile de s'intéresser à Angela, son frère Jackson ou leurs deux compagnons, la palme de l'inactivité revenant à Beth (l'actrice Georgina Bevan) que le réalisateur et le scénariste Ben Ketai semblent avoir totalement oublié.

Autre originalité : la demeure. Plutôt que le classique château, Ólafur Jóhannesson opte pour une immense demeure de style internat. Ce qui n'aura malheureusement pas de répercussion sur l'ambiance du film qui ne génère à aucun moment le moindre sentiment d'angoisse. Même l'insistance de l'islandais à vouloir faire sursauter les spectateurs à grands renforts de ''Jump Scares'' est totalement inefficace. En tentant de remédier à l'absence totale de fantaisie concernant le reste de l'intrigue, Ólafur Jóhannesson transforme son film de maison hantée en torture-porn indigeste. Mais alors que le film aurait pu prendre une forme sordide et dérangeante, le fait même que le cinéaste ne soit pas spécialement attaché à ses personnages se ressent dès lors que le spectateur demeure indifférent au sort qui est accordé à ses jeunes adultes. Et je ne parle même pas des invraisemblances qui émaillent l'intrigue comme cette séquence lors de laquelle le jeune Elliot est victime de plusieurs coups de hachette auxquelles il survit malgré tout ou l'absence de hurlements de la part d'Angela et de son frère Jackson lorsque la ''fêlée'' de l'intrigue leur coud les lèvres. Bref, même si Ólafur Jóhannesson n'en est pas à sa première réalisation, Malevolent a tout du film de débutant. Ennuyeux et inutile...

mardi 30 juillet 2019

Annihilation d'Alex Garland (2018) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Il m'aura fallut deux séances pour que me soit définitivement acquise la mauvaise impression que me fit d'abord la première projection du troisième long-métrage de l'auteur du pourtant remarquable film de science-fiction Ex Machina du réalisateur, scénariste et écrivain britannique Alex Garland. Partant d'un postulat pourtant alléchant, son second long-métrage a connu les honneurs d'une sortie sur grand écran dans son pays d'origine et au Québec tandis que les spectateurs français et britanniques ont dû se contenter d'une diffusion exclusive sur la plate-forme Netflix. Il est pourtant inutile d'être un fan inconditionnel de ''hard science-fiction'' pour juger des faibles qualités d'un long-métrage qui pourtant bénéficie d'un scénario particulièrement original. C'est dans une zone proche d'un phénomène électromagnétique que ni l'armée ni les scientifiques ne sont encore parvenus à s'expliquer que l'héroïne incarnée par l'actrice israélo-américaine Natalie Portman vient chercher des réponses sur la disparition et la réapparition soudaine de son époux. Alors qu'à l'origine Lena n'est pas prévue parmi les membres exclusivement féminins qui doivent pénétrer la zone iridescente, la jeune femme se porte volontaire. C'est donc auprès d'Anya, de Josie et de Cassie qu'elle traverse le champ électromagnétique et se retrouve en leur compagnie dans un monde où les valeurs temporelles, génétiques et magnétiques sont bouleversées. Ce qui s'apparente notamment à une traversée en canoë de quelques heures a pris en réalité plusieurs jours aux quatre jeune femmes. La végétation semble avoir muté. Tout comme la faune d'ailleurs puisqu'après avoir tué un alligator qui s'en prenait à elles, Lena et les autres constatent que la mâchoire du saurien est tout sauf semblable à celle de ses congénères. Plus le temps avance, et plus l'expédition est l'occasion de découvertes étonnantes. Pour autant, ce magnifique voyage haut en couleur n'est pas dénué de danger et les jeunes femmes vont très vite en faire l'expérience...

Ce qui très rapidement saute au yeux et peut tout aussi bien déranger qu'émerveiller dès lors que les quatre protagonistes féminines ont commencé à fouler le sol de cet étrange environnement, ce sont les décors. Ou plutôt, certains détails des dits décors. La flore par exemple. Il n'est pas rare d'y trouver des plantes aux couleurs si marquées qu'il devient difficile de croire à autre chose qu'à un décor de cinéma. Trop de couleurs appliquées sur la flore donne à l'ensemble un aspect artificiel qui ne permet pas de se plonger tout à fait dans ce récit au demeurant fort intriguant. Il y a pourtant de quoi se passionner pour cette aventure qui en dehors de ces quelques détails qui paraîtront cependant sans importance pour certains, conserve un certain mystère et offre quelques tableaux angoissants. Telle l'idée d'un secteur bouleversant le code génétique de la faune et de la flore (on imagine en frissonnant les conséquences que pourrait avoir un tel processus sur nos héroïnes si elles avaient la mauvaise idée de roder dans les parages plus que nécessaire), ou bien encore le complexe militaire abandonné et ses grandes salles anxiogènes. Et que dire de la séquence nocturne durant laquelle trois des héroïnes attachées sur une chaise font connaissance avec un ours sur le code génétique duquel l'environnement a fait son œuvre ?

Malheureusement, à part quelques bonnes intentions, Alex Garland ne réussit pas l'exploit de réitérer tout l'intérêt de son précédent long-métrage. Trop contemplatif mais ne survolant que trop superficiellement son sujet, Annihilation est une grosse déception qui cependant, offrira un cadeau appréciable à celles et ceux qui auront eu le courage d'aller jusqu'au bout. En effet, arrivée au terme de son périple, l'héroïne incarnée par Natalie Portman vivra (et fera par conséquent vivre au spectateur) une expérience pour le moins psychédélique dans des décors partiellement inspirés des oeuvres du suisse Hans Ruedi Giger. Le genre de séquence qui aurait pu faire de cet Annihilation, un vrai bon film s'il ne s'était pas majoritairement contenté de nous balader au cœur d'un scénario, au fond, plutôt stérile et linéaire. Dommage... !

Shin Godzilla de Hideaki Anno et Shinji Higuchi (2016) - ★★★★★★☆☆☆☆



Deux ans après la sortie du phénoménal Godzilla de Gareth Edwards, le pays de naissance du plus célèbre des Kaijū reprend possession de sa mythique créature et propose rien moins qu'une nouvelle histoire prenant pour cadre la baie de Tokyo. D'une durée avoisinant le précédent long-métrage, Shin Gojira a coûté à la production, quinze millions de dollars. Soit dix fois moins que son prédécesseur. La différence se voyant très clairement à l'écran, ce nouveau long-métrage réalisé par Hideaki Anno et Shinji Higuchi signe le retour d'un Godzilla version costume, mais pas seulement puisque la créature apparaît également sous la forme d'images de synthèse qui, malheureusement, ne font pas le poids face à celle de Gareth Edwards. Plutôt que de signer une suite quelconque, les deux cinéastes japonais s'accordent sur la mise en chantier d'une sorte de reboot puisque tel que se montre Godzilla à l'écran pour la première fois, celui-ci demeure encore impossible à identifier et ne porte pas de nom dans un premier temps. Mieux : il apparaît sous une forme primitive avant de disparaître et de réapparaître plus tard sous la forme qu'on lui connaît généralement.

Si dans les précédentes aventures de Godzilla ce dernier incarnait le seul espoir pour l'humanité de vaincre les deux Muto, dans Shin Gojira il a en revanche le mauvais rôle puisqu'il semble être sorti des eaux pour tout détruire sur son passage. Après des dizaines de palabres entre agents gouvernementaux, premier ministre, conseil d’État et scientifiques, le choix d'attaquer la créature au beau milieu de la ville est décidé. D'une manière générale, les effets-spéciaux sont nettement moins aboutis que dans le précédent long-métrage. Qu'il s'agisse d'un Godzilla incarné par un cascadeur ou créé à l'aide d'images de synthèse, les limites du budget, ou tout simplement celles des concepteurs en effets-spéciaux se font cruellement ressentir. Si encore, le film était rattrapé par une action trépidante. Mais là encore, l’œuvre de Hideaki Anno et Shinji Higuchi est infiniment inférieure à celle de Gareth Edwards, et si à certains égards le duo de cinéastes japonais tente de reproduire certaines séquences de Godzilla version 2014 malgré un scénario bien différent, le résultat est très loin d'être à la hauteur.

Shin Gojira est beaucoup trop bavard et les interventions de Godzilla (qui se font généralement beaucoup trop attendre) sont à l'écran, presque toujours inefficaces. On regretterait presque sa forme primitive pourtant ridicule (mon dieu, ces yeux!) qui permettait à la créature de se traîner au sol et donc de détruire absolument tout sur son passage, tandis que le Godzilla tel qu'on le connaît sous sa forme adulte fait du surplace en attendant bien sagement que les armées japonaises et américaines lui tirent dessus. Impossible pour Hideaki Anno et Shinji Higuchi de nier l'inspiration que fut sans doute le Godzilla de Gareth Edwards, surtout lors des séquences nocturnes durant lesquelles la créature est sublimée par l'apparition d'un mur de poussièr opaque qui lui donne une effrayante apparence. Pour le reste, Shin Gojira mélange décors miniatures et incrustation de Godzilla en images de synthèse dans des décors réels. Plus ou moins convaincants (et plutôt moins que plus, d'ailleurs), les effets visuels sont à mille lieues de l'adaptation américaine du mythe. C'est d'autant plus dommage que Shin Gojira réserve malgré tout quelques moments d'anthologie, telle cette séquence lors de laquelle la créature déploie son impressionnant souffle radioactif qui lui permet d'anéantir en quelques instants des quartiers entiers de Tokyo ou l'attaque finale visuellement plutôt convaincante. Shin Gojira est une nouvelle occasion d'aborder la peur du nucléaire mais pas seulement puisque sont également évoqués l'impuissance du pays face à l'hypothétique décision des Nations Unies de permettre à la puissance américaine d'envoyer sur Tokyo une bombe nucléaire, ainsi que les conséquences économiques et politiques désastreuses liées aux événements. Une œuvre moins impressionnante que le Godzilla de Gareth Edwards, molle et manquant de nervosité mais qui a au moins le mérite d'allier technologies traditionnelles et effets-spéciaux de dernière génération...

Godzilla de Gareth Edwards (2014) - ★★★★★★★★☆☆



La première fois qu'est projeté sur grand écran celui qui allait devenir la plus célèbre et la plus prolifique des créatures du genre Kaijū Eiga, nous sommes au Japon en 1954, le film s'intitule simplement Godzilla (Gojira) et c'est le réalisateur japonais Ishirô Honda qui le met en scène. L'histoire n'étant qu'une longue répétition, c'est à plus de trente cinq occasions que l'immense créature est apparue à l'écran depuis ses origines. Parfois dans le rôle du gentil défenseur de l'espèce humaine combattant d'autres Kaijū aux proportions elles aussi disproportionnées, et parfois dans celui du méchant, destructeur redoutable de villes entières qu'il parcourt de son imposante stature. Fondamentalement lié à la peur du nucléaire, il fallait bien qu'un jour l'Amérique s'empare du phénomène. Alors que dans les années quatre-vingt le réalisateur Steve Miner est approché afin de lancer le projet d'une adaptation américaine du mythe de Godzilla, il faudra cependant patienter jusqu'en 1998, année durant laquelle sort sur les écrans le médiocre long-métrage du réalisateur Roland ''tâcheron'' Emmerich, Godzilla. Après cette ''erreur de parcours'', les japonais reprendront le pouvoir et réaliseront six longs-métrages mettant en scène leur Kaijū vedette avant que les États-Unis ne reviennent à la charge en 2014 avec le Godzilla de Gareth Edwards. Un auteur qui contrairement à son homologue Emmerich possède une filmographie relativement maigre puisque n'étant constituée jusque là que d'un seul long-métrage (Monsters en 2010).

Le Godzilla de 2014 signe donc le retour des États-Unis sur le devant de la scène du genre Kaijū Eiga et le résultat est au delà de nos espérances. Même si la vision de Gareth Edwards qui de toute évidence et fort logiquement s'adapte aux progrès en matière d'effets-spéciaux (ici, pas d'acteur engoncé dans le costume de la créature mais un Godzilla entièrement créé en images de synthèse), perd ce qui faisait le charme des premiers longs-métrages sortis dans les années cinquante au Japon (le premier Godzilla date de 1954), le cinéaste redéfini à l'aide de ce seul épisode, tout ce que l'on a pu jusque là découvrir en matière de Blockbusters. En égalant, et même, en surpassant certaines des séquences emblématiques du Jurassic Park de Steven Spielberg en matière d'effets-spéciaux et de tension, Gareth Edwards assis sa nouvelle suprématie. 

On pourra toujours juger du faible scénario qui n'est une fois de plus que le combat perpétuel de l'homme contre le nature revêche et des implications du nucléaire et de la cause environnementale sur les désastres à venir, mais l'intérêt de ce Godzilla repose ailleurs et notamment sur le travail effectué sur les effets-spéciaux qui tranchent avec ce que proposent en général les blockbusters. Ici, jamais ils n'explosent de couleur et sont même parfois difficiles à déchiffrer. Gareth Edwards préfère le réalisme et plonge souvent ses créatures dans l'obscurité de la nuit, dans un épais brouillard, ou dans les millions de tonnes de poussière et de gravas que soulèvent les affrontements qui opposent non pas l'homme à l'animal, mais Godzilla à une paire de Muto, deux nouveaux Kaijū créés à l'occasion de ce nouveau Godzilla. Deux créatures immenses et terrifiantes qui plus que celles de son premier Monsters, évoquent d'abord l'effroyable créature du Cloverfield du sensationnel Matt Reeves (Let Me In, War for the Planet of the Apes). Un mâle et une femelle se nourrissant d'éléments radioactifs et cherchant à se réunir afin de procréer.

Cette cuvée 2014 n'échappe pas à l'habituelle caractérisation du héros (Aaron Taylor-Johnson) cherchant à retrouver son épouse et leur enfant, plongés en plein cœur du chaos. Mais là où Gareth Edwards maîtrise totalement la ''bête'', c'est dans sa manière d'aborder chaque segment d'une histoire à tiroirs. Confié à Bob Ducsay, le montage permet au spectateur de ne jamais se perdre entre intrigue principale et sous-intrigue. Même lorsque le calme apparent permet d'accentuer la caractérisation de tel ou tel personnage avant que le prochain événement spectaculaire ne colle le spectateur à son siège, le danger est perceptible. Filmé à hauteur d'homme, Godzilla donne une ampleur encore plus spectaculaire à ses créatures. La somme de séquences de bravoure est telle que le spectateur ne s'est pas encore remis du choc visuel précédent que le film lui assène une nouvelle vague d'effets-spéciaux en plein visage. L'extraordinaire photographie de Seamus McGarvey appuie les choix artistiques de Gareth Edwards. Tableaux vivants de destructions massives et à répétition, combats d'anthologie entre titans charismatiques... 

Gareth Edwards mêle les genre avec une spectaculaire aisance. Entre film catastrophe, Kaijū Eiga, post-apocalyptique, implications écologiques et drame humain, ce Godzilla est un aboutissement dans la grande Histoire du Kaijū Eiga en général et dans celle de Godzilla en particulier. Si les interprètes et leur personnage respectif sont tous d'une facture remarquable (Gareth Edwards nous épargne le patriotisme américain dégoulinant de Roland Emmerich), la star du film est bel et bien l'immense et célèbre dinosaure qui finalement n'apparaîtra que durant un peu moins de dix minutes. Mais à côté de cela, le spectateur aura l'occasion de voyager dans une cité japonaise fantôme et réinvestie par la nature, sur un porte-avion américain, des eaux tourmentées, ou des cités ravagées servant de ring aux trois créatures. Godzilla 2014 est une gifle monumentale et un juste retour aux origines puisque lorsque est né le tout premier Godzilla au Japon, il faut le savoir, c'est une toute autre créature qui servit d'inspiration à ses créateurs : celle du long-métrage américain The Beast from 20,000 Fathoms d'Eugène Lourié qui sortit en 1953, soit un an avant le premier Godzilla de Ishirô Honda...

El Hijo de Sebastián Schindel (2019) - ★★★★★★★☆☆☆



Si vous aviez envie de passer un mois de juillet un peu moins rude en terme de chaleur, il fallait absolument se rendre sur Netflix dès le 26 pour y découvrir un film argentin réalisé par le cinéaste Sebastián Schindel dont il s'agit du second long-métrage de fiction après El Patrón, Radiografía de un Crimen cinq ans plus tôt en 2014. Auparavant habitué des documentaires, l'argentin s'est très vite accoutumé à son nouveau format et signe en 2019, le thriller El Hijo qui n'a pas connu de diffusion au cinéma mais qui est directement passé par la case Netflix. Une petite précision qui n'a pas vraiment d'importance puisque ce thriller est aussi agréable à découvrir chez soit, devant son poste de télévision, qu'il l'aurait été dans une salle de cinéma.

Le récit tourne autour de Lorenzo et de son épouse Sigrid. Lui est peintre, et c'est lors d'une exposition consacrée à son oeuvre et organisé par son ami Renato qu'il retrouve une ancienne amie très proche de lui, la belle Julieta. Si dans un premier temps Sigrid s'avère mal à l'aise devant celle qu'elle semble juger comme une rivale possible au bonheur de son couple, l'arrivée prochaine de leur premier enfant conforte Lorenzo et son épouse dans leurs sentiments. Pourtant, tout bascule lorsque Sigrid décide contre l'avis des spécialistes d'avoir recours à une maternité alternative. En effet, la jeune femme veut accoucher chez elle, sans l'aide des médecins et uniquement épaulée par une vieille sage-femme qu'elle connaît depuis des années. Lorsque naît Enrique, tout se complique. Lorenzo est mis à l'écart. Tant et si bien que le jour où il décide enfin de sortir dehors en compagnie de son fils que Sigrid et la sage-femme gardent enfermé dans l'appartement, Lorenzo bouscule accidentellement sa femme, celle-ci se blessant en chutant. Pour autant, le père d'Enrique sort en sa compagnie mais lorsqu'ils sont de retour à la maison, la police attend Lorenzo auquel est formellement interdit de s'approcher de sa femme et de leur enfant...

De manière presque métronomique, Sebastián Schindel filme ses personnages sur deux plans temporels. Dans le présent, celui qui signifie déjà que Lorenzo est passé par un institut psychiatrique duquel il vient tout juste d'être libéré, et dans un passé pas si lointain puisqu' il ne remonte qu'à quelques mois précédant sa rupture d'avec Sigrid. Une Sigrid aux méthodes d'éducation toutes particulières puisque cette biologiste totalement obsédée par le bien-être de son enfant a choisi de l'élever dans des conditions très particulières. Lorenzo ne faisant apparemment plus partie des projets de son épouse, on assiste à la lente descente aux enfers d'un hommes plongé dans les affres de la folie. Du moins c'est ce que semblent évoquer les divers indices que laisse traîner le réalisateur. La question se pose alors : Lorenzo est-il réellement atteint de cette étrange maladie qui l'empêche de reconnaître son enfant, comme un subterfuge de Sigrid ayant remplacé Enrique par un autre pour empêcher son père d'entrer en contact avec lui ? Ou bien cet artiste bohème est-il victime d'une machination ?

Des questions qui demeurent en suspend et que Sebastián Schindel s'amuse à cultiver. Déjà, à travers le personnage ambigu incarné par l'actrice Regina Lamm, laquelle incarne une sage-femme s'exprimant dans une langue que seule Sigrid est en mesure de comprendre. Le spectateur est ainsi placé dans la même position que Lorenzo et fini par se demander dans quelles mesures ces deux là ne seraient pas déjà en train de comploter contre lui. Joaquin Furriel incarne Lorenzo Roy. Cet homme que l'on aimerait voir réagir mais qui curieusement demeure léthargique devant l'urgence de la situation. El Hijo a donc tendance à se révéler crispant devant l'inaction de son héros et devant celui d'une Sigrid (Heidi Toini) parfois volontairement très irritante. El Hijo est un très bel exemple de thriller argentin mais dont le scénario ne s'affranchit pas vraiment du reste de la production puisque plane au dessus de sa tête, l'ombre du classique de Roman Polanski, Rosemary's Baby. Très bien interprété et perclus de séquences angoissantes, le film de Sebastián Schindel est une excellente et dépaysante alternative au cinéma horrifique actuellement en vogue...

lundi 29 juillet 2019

Trilogie de la Glaciation Émotionnelle - Le Septième Continent (Der siebente Kontinent) de Michael Haneke (1989) - ★★★★★★★★★☆



Le Septième Continent (Der siebente Kontinent) est le premier long-métrage du cinéaste autrichien Michael Haneke à être sorti sur les écrans en 1989. Lui qui consacra jusque là sa carrière au petit écran (une dizaine de téléfilms entre 1974 et 1997) posait donc cette année là, la première pierre d'une filmographie hors-normes. Déjà, tout Haneke est dans Le Septième Continent. Tous les tics de l'auteur de Funny Games, de Caché, ou du dernier Happy End sont déjà là : Cette manière si particulière de filmer son prochain. Clinique, austère, maussade, avec l'enjeu de montrer de la manière la plus réaliste possible le sort qu'il accorde à quelques familles plus ou moins aisées. Pour cette première tentative qui date maintenant de trente ans, tout le génie du cinéaste transpire déjà. Cette incroyable faculté qu'a Michael Haneke de décrire la lente implosion d'un couple, emportant avec lui dans cet inexorable (et pourtant très exactement calculé) naufrage, leur propre gamine âgée d'un peu moins d'une dizaine d'années. Œuvre en trois actes qui couvrent chacun une année (entre 1987 et 1989), Le Septième Continent semble d'abord faire référence à ce long voyage que Georg et Anna s'apprêtent à entreprendre avec ou sans leur fille (la décision, le couple la prendra après avoir assisté à une cantate sous l'initiative des parents de Georg) en Australie dont une affiche particulièrement dépaysante vante les mérites avant de prendre vie. Mais l'on comprendra vraiment l'erreur soulignée par le titre qui indique un septième continent qui à l'époque n'est encore connu de personne (Michael Haneke serait-il un visionnaire?), comme étant un voyage vers l'oubli, la destruction et la mort.

Celle programmées de Georg, Anna et Eva, donc, que ses parents ont finalement choisi d'emporter avec eux. Sans l'évoquer vraiment à grands renforts de lignes explicatives, Michael Haneke sème cependant des indices qui laissent présager le pire : alors que la vie de ses trois principaux interprètes (le film est particulièrement avare en seconds rôles) est régie par des actes répétés (repas à trois, travail, école, prières avant de s'endormir, actes sexuels, etc...), l'autrichien laisse infuser un certain malaise comme il en a déjà le secret à l'époque. Souvent, il filme ses personnages dans un cadre si étriqué qu'il en ''oublierait'' presque de leur offrir une identité visuelle. Ce choix artistique étonnant ayant sans doute une signification, on pourra ou pas y voir la volonté pour Michael Haneke de montrer le quotidien de bon nombre de familles autrichiennes. Comme un livre de collage ou serait proposé à son propriétaire de remplacer les corps sans tête des personnages par celles de son choix. Ici, le spectateur est donc invité à se soustraire aux personnages afin de prendre la place de tel ou tel autre. Que faire alors lorsque les conditions sont réunies pour que ce quotidien morose qui nous est présenté n'ait d'autre alternative que celle de mettre fin à ses jours ?

Pour ce premier volet de la ''Trilogie de la Glaciation Émotionnelle'', Michael Haneke signe l'une de ses œuvres les plus fortes et les plus fondamentalement évocatrices. Chaque acte servant à décrire les différents processus menant au suicide. Si lors du premier acte Michael Haneke nous convie à découvrir la vie plus qu'austère de cette petite famille, le second met en place tout un dispositif pour préparer Georg, Anna et Eva à quitter leur existence pour ce septième continent évocateur. Le troisième, forcément le plus dramatique de tous, démontre cet acharnement des trois membres de la famille (la pauvre petite Eva étant mise à contribution) à détruire tout ce qu'ils possèdent : photos, meubles, vêtements, chaque objet, chaque pièce est méticuleusement réduit en poussière. Une action méthodique aux répercussions que l'on devine dramatique sur leurs proches mais que le cinéaste se gardera de nous montrer. Sans pouvoir agir sur le sort qu'accorde le cinéaste à ses personnages, le spectateur est le témoin troublé d'une affliction qui n'a d'explication que dans les images et non dans des dialogues qui se veulent parfois volontairement stériles. Bouleversant, Le Septième Continent est d''une efficacité redoutable mais laissera sans doute certains spectateurs aux portes de l'incompréhension. Dès son premier long-métrage, Michael Haneke imprime ce qui sera sa marque de fabrique et signe d'ors et déjà l'un de ses plus grands film. Quant à Dieter Berner, Birgit Doll et Leni Tanzer, ils incarnent à merveille les membres de cette famille autodestructrice. Un film choc !

dimanche 28 juillet 2019

Happy End de Michael Haneke (2017) - ★★★★★★★★☆☆



Ceux qui voudraient se lancer pour la première fois dans l'univers froid, tortueux et austère du cinéaste autrichien Michael Haneke risquent d'être désabusés, du moins, déboussolés devant cet exercice de style dont le but premier ne semble pas tant de vouloir divertir son auditoire que de décrire la lente implosion du cercle familial à travers cette impossibilité de communiquer entre membres d'une même famille et l'individualisation contrainte et forcée de chacun motivée par l'utilisation des technologies les plus récentes. Ça n'est donc pas un hasard si le cinéaste ouvre les hostilités en observant une femme filmée à l'aide d'un téléphone mobile et agissant visiblement sur ordre de celui qui la filme. Rien que cette mise en forme annonciatrice de l'approche future de ce Happy End indéniablement ascétique et dénué de toute notion de divertissement, est en soit une idée absolument fabuleuse si Michael Haneke avait pour autant pris la décision de la pratiquer durant les cent minutes qui suivirent. Sauf que pour le confort du spectateur, ou plus simplement pour aborder son film sous un angle visuellement moins étriqué, l'image passe de ce cadre étroit à un format plus conventionnel. Ce qui ne sera pas le cas du récit qui de son ampleur dramatique formellement sinistre, ressemblerait presque à du cinéma d'auteur façon ''pièce de théâtre'' expérimentale.

Du moins est-ce la vision que pourrait avoir le néophyte puisque l'amateur qui découvrit il y a longtemps Michael Haneke notamment à travers sa trilogie de la ''Glaciation Émotionnelle'' ou ses quelques fulgurants et traumatisants longs-métrages que sont, par exemple, le Funny Games de 1997, La Pianiste ou Caché, risque lui, de vivre cette nouvelle expérience du domaine du cercle familial bourgeois se détruisant de l'intérieur, sans doute pas sans éprouver le moindre inconfort, mais au moins, dans un bien-être relatif. Si le récit paraît parfois insignifiant et sans âme, c'est dans le détail que percevra le spectateur chanceux ces éclairs de génie où réside tout l'intérêt du dernier long-métrage du cinéaste autrichien. Filmés de près, de loin, avec ou sans le soucis de rendre perceptibles les dialogues, Michael Haneke filme tour à tour les membres d'une famille aisée qui ne semble avoir de parfaite que l'apparence. À titre d'exemple, Michael Haneke insiste parfois sur la position prise par les domestiques d'origine maghrébine travaillant au service de la famille Laurent. Manière de courber l'échine, de demeurer immobile dans l'attente des ordres attendus de la mère de famille incarnée par Isabelle Huppert... difficile de ne pas se sentir coupable devant ce couple incarné par Nabiha Akkari et Hassan Ghancy, victimes de l'indifférence d'un patriarche incarné par un Jean-Louis Trintignant amaigri et que l'on sait atteint d'un cancer. Pour autant faut-il s'émouvoir devant ce personnage peu enclin à la sympathie qu'incarne cet immense acteur ? Devant lequel on s'abaisse à arborer le visage de l'hypocrisie ? Qui dessine le portrait d'un vieil homme se sachant malade et se croyant investi du droit de mépriser les gens qu'il juge médiocres ou inférieurs ?

Et que penser de l'acteur et danseur allemand Franz Rogowski qui incarne le fils Pierre, frondeur et opposé à la hiérarchisation des classes ? Michael Haneke n'est décidément pas prêt à déposer les armes et chaque personnage est une bombe en puissance que le cinéaste ne tente même pas de désamorcer. De plus, et même si cela n'est pas forcément visible, l'autrichien fait preuve d'un cynisme effroyable jusque dans le titre même de son dernier long-métrage. À moins qu'il ne faille voir dans cette conclusion en forme de cure euthanasique, sa manière à lui de régler les problèmes intestinaux qui minent de l'intérieur sa famille de bourgeois ? Pour son dernier long-métrage, Michael Haneke signe un nouvel uppercut qui ravira les fans et laissera sans doute encore circonspects les détracteurs de son style si particulier. À voir, absolument...

samedi 27 juillet 2019

Souvenir de Bavo defurne (2016) - ★★★★★★☆☆☆☆



Meilleure actrice française de sa génération (du moins c'est mon sentiment), et même, de plusieurs générations s'étalant du milieu des années soixante-dix (Dupont Lajoie d'Yves Boisset en 1975), en passant par les années quatre-vingt et quatre-vingt dix (Coup de Torchon de Bertrand Tavernier en 1981 ou La Cérémonie de Claude Chabrol en 1995), et jusqu'aux années 2000 depuis le début desquelles, Isabelle Huppert collectionne les rôles au cinéma, convaincue par des cinéastes aussi divers que Benoît Jacquot, Michael Haneke, François Ozon, Wes Anderson ou Anne Fontaine d'être l'interprète idéale de certaines de leurs œuvres. Sans doute le fut-elle également par le réalisateur et le propre scénariste de Souvenir, le second long-métrage du cinéaste belge Bavo Defurne (après Sur le Chemin des Dunes sorti sur les écrans français fin 2012). Une œuvre qui s'éloigne drastiquement des thématiques souvent déployées autour des divers personnages qu'elle a eu et continue encore à interpréter au cinéma. Moins froide et pourtant pas encore libérée de cette impression qu'elle donne à l'image, la merveilleuse Isabelle Huppert inonde une fois de plus de sa présence ce long-métrage qui pourtant, aura bien du mal à se faire une place dans l'immense et exemplaire carrière de l'actrice découverte notamment en adolescente délurée et émancipée dans le film culte de Bertrand Blier, Les Valseuses.

On est pourtant ici bien loin de Jacqueline et de sa petite culotte découverte dans un appartement par le duo de voyous incarnés par les immenses Gérard Depardieu et Patrick Dewaere en cette année 1974. Plus de quarante ans plus tard et après des dizaines et des dizaines d'incarnations sur grand écran, Isabelle Huppert réapparaît plus éblouissante et séduisante que jamais malgré ses soixante-trois printemps. Belle mais jamais aguicheuse, elle interprète Liliane Cheverny, l'une des employées d'une usine d'emballages alimentaires reconnue par un intérimaire comme l'ex chanteuse Laura dont était fan son père. Pressé de faire sa connaissance, Jean Leloup, qui compte davantage sur sa carrière de boxeur professionnel que sur celle d'ouvrier, approche l'ancienne chanteuse et noue rapidement avec elle une relation qui dépasse de très loin le cadre de la curiosité ou celui de l'amitié. Amants malgré les réactions un peu vives de la mère de Jean (Anne Brionne, qui interprète une mère pesante et sans finesse aucune comme le démontrera la scène durant laquelle elle questionne Laura se ses anciennes relations), Jean propose à Laura une idée saugrenue : alors qu'elle désire demeurer dans l'anonymat, son amant lui propose de devenir son manager et de l'aider à remonter sur scène. Après avoir refusé cette folle proposition, Laura se laisse cependant happer par l'idée. Bientôt, alors qu'elle s'inscrit pour un concours télévisée, la chanteuse connaît de nouveau le succès, au grand dam de Jean qui persuadé d'être mis à l'écart, fini par abandonner Laura et retourne vivre chez ses parents...

On a beau reconnaître l'immense talent d'Isabelle Huppert, il ne lui est cependant pas interdit de faire parfois de tristes choix. Non pas que Souvenir soit mauvais, mais au regard des capacités de l'actrice, son personnage se résume finalement à peu de choses. Tout comme celui de Jean qu'incarne le jeune acteur français de vingt-sept ans à l'époque, Kévin Azaïs. Suranné, Souvenir l'est sans conteste. Si Bavo Defurne a volontairement choisit cette voix pour nous conter cette romance à l'eau de rose entre un jeune boxeur de trente ans et une ex-chanteuse de plus de soixante ans, son scénario manque d'une évidente épaisseur et si les débuts sont plutôt convaincants, le film s'enlise dans une approche puérile assez néfaste. Il devient alors difficile de s'attacher vraiment à cette bluette naïve et bien trop lisse pour faire rêver, si ce ne sont les quelques poncifs un peu trop faciles dont fait usage le cinéaste (la différence d'âge entre les amants, l'indifférence de certains face au boxeur autoproclamé agent de la chanteuse lorsque celle-ci connaît le succès, ou encore l'alcoolisme latent de l'artiste...). Reste une Isabelle Huppert énigmatique, sensuelle et envoûtante... A noter que la musique est l’œuvre du groupe américain Pink Martini...

Angel-A de Luc Besson (2005) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Pour son huitième long-métrage de fiction, le cinéaste français Luc Besson revient au noir et blanc vingt-deux ans après son premier film Le Dernier Combat. Un noir et blanc superbe pour une romance bancale une fois de plus scénarisée, réalisée et produite par Luc Besson lui-même. De quoi permettre à ses détracteurs de se frotter les mains d'avance à l'idée de proférer les pires idées sur le bonhomme, sa mise en scène et son écriture. Sauf que dans un premier temps, tout semble aller pour le mieux pour l'auteur des navrants Le Cinquième Élément, Lucy, ou encore Valérian et la Cité des Mille Planètes. Si le choix d'offrir le premier rôle à l'humoriste Jamel Debbouze aurait pu être un facteur important de stress pour ceux qui le considèrent encore comme un piètre interprète, le résultat à l'écran n'est pas aussi navrant que redouté. Alors qu'il persévère à mâchouiller chacun de ses mots, son habituel bégaiement disparaît fort heureusement au profit d'un débit plutôt convaincant. Face à ce personnage qu'il incarne, ce citoyen américain qui n'est en fait qu'un ''petit arabe de France'' qui a gagné son visa pour les États-Unis lors d'une loterie, Jamel Debbouze donne la réplique à la jeune, jolie, et très longiligne actrice danoise Rie Rasmussen. Celle-là même qui n'a tourné que dans une poignée de films dont Human Zoo, son premier long-métrage en tant que réalisatrice.

La rencontre entre deux êtres déchirés par la vie qui choisissent le même jour, la même heure et le même pont parisien pour se jeter dans la Seine. André (Jamel Debbouze) sauve de la noyade la belle Angela. Dès lors, elle s'offre au jeune homme qu'elle suit scrupuleusement dans chacune de ses pérégrinations. De leur rencontre naît une relation étrange, la jeune femme semblant être dotée d'atouts très particuliers...

Luc Besson abandonne un temps le style bourrin qui le caractérise généralement pour nous conter une histoire romantique née de sa seule imagination. Un long-métrage qui plus qu'une œuvre à la gloire de ses deux interprètes rend hommage à une capitale française filmée généralement de jour et parfois de nuit. Le spectateur reconnaîtra notamment le pont Alexandre-III duquel se jettent Angela et André ou plus tard La Basilique du Sacré Cœur du quartier de Montmartre. Le cinéaste rend grâce aux merveilles architecturales parisiennes jusque dans certaines toilettes publiques et autres hôtels de Paris. On respire enfin un peu, écartés pour un temps des fusillades et autres poursuites en voiture dans des rues encombrées.

Malheureusement, le film de Luc Besson montre très rapidement ses limites. Alors qu'il affirmait bien avant la sortie du long-métrage qu'il travaillait dessus depuis dix ans environs, le réalisateur montre une fois de plus ses limites en matière d'écriture. Comme un vieux cancer en rémission montrant les signes d'une rechute imminente, Angel-A expose les difficultés qu'a Luc Besson à maintenir l'intérêt pour ses personnages à travers des dialogues et des situations généralement stériles. En dehors de quelques travellings sympathiques et d'un noir et blanc parfois sublime, le long-métrage s'avère souvent statique sans pour autant n'être jamais contrebalancé par des dialogues travaillés. On peine à croire à cette histoire d'amour même si Jamel Debbouze y met toutes ses tripes et si la rage de l'actrice Rie Rasmussen explose à l'écran. Cet instant de magie que l'on rêvait presque enfin pouvoir éclore de ce récit peu banal n'est donc qu'un leurre et Angel-A se révèle finalement assez ennuyeux et sans véritable engagements... A noter les présences à l'écran de Gilbert Melki et de Serge Riaboukine. Le fidèle compositeur Eric Serra étant cette fois-ci remplacé par la chanteuse et compositrice norvégienne Anja Garbarek...

Lucy de Luc Besson (2014) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Luc Besson est de toutes les modes. Malheureusement pour lui, il ne fait que passer après les autres, tel un charognard prélevant sa part du butin sur une carcasse dont il ne reste plus grand chose à becter. Lucy surfe sur celle du cinéma d'action asiatique qui a déjà le vent en poupe lorsque sort son seizième long-métrage. Juste après le thriller franco-américain Malavita sur lequel il expérimente à son tour l'effet que peuvent avoir les changements de ton et d'humeur, entre comédie et polar, et avant l’œuvre de science-fiction Valérian et la Cité des Mille Planètes dont il profite des cinquante ans d'existence pour livrer une soupe de pixels indigeste. Lucy est très certainement l'un de ses projets les plus ambitieux et personnels puisqu'il est également le scénariste exclusif de ce long-métrage de science-fiction dont le sujet central n'est rien moins que les conséquences que pourraient avoir sur l'esprit humain, la capacité pour ce dernier de contrôler la totalité des possibilités offertes et qui jusqu'à aujourd'hui ne dépassent malheureusement pas un pourcentage infime.

Dans la peau de l'héroïne, l'actrice américaine Scarlett Johansson qui l'année suivant le troublant Under The Skin de Jonathan Glazer revenait donc à la science-fiction. Un personnage à la Nikita, victime d'un hasard malheureux qui va être en mesure de développer d'innombrables capacités psychiques après avoir été forcée d'avaler un sachet de drogue d'une nouvelle génération. Luc Besson tient là un sujet en or, et même si on connaît le bonhomme pour son peu d'aptitude à la finesse de la mise en scène, on pouvait malgré tout espérer un message relativement optimiste. Ce qui ne transparaît malheureusement pas forcément puisque comme à son habitude, le cinéaste français nous livre un film bourrin, incarné par un personnage dont la caractérisation est des plus sommaire et dont le spectateur cherchera encore longtemps l'empathie. En effet, Scarlett Johansson a beau posséder des atouts physiques indéniables, le personnage qu'elle incarne à l'écran et qui fait logiquement écho à l'australopithèque du même nom découvert en 1974 en Éthiopie est peu avenant et même assez irritant si l'on tient compte de ses extraordinaires capacités psychiques qu'elle met malheureusement à profit dans des séquences de gunfights loin d'atteindre certaines séquences prodigieuses du cinéma asiatique que Luc Besson tente de singer sans jamais vraiment atteindre son but.

Face à Scarlett Johansson, l'immense Morgan Freeman, qui pourtant se révèle sous-exploité et même insignifiant au regard de son aura exceptionnelle. Sa présence à l'écran est réduite à la part congrue, tout comme celle, d'ailleurs, de l'acteur sud-coréen Choi Min-Sik, célèbre pour avoir incarné le personnage de Oh Dae-soo dans le film culte de Park Chan-wook, Old Boy en 2003. Malgré la puissance évocatrice du scénario, Luc Besson n'accouche finalement que d'un film de science-fiction mâtiné d'action. Un long-métrage bourrin, grouillant d'invraisemblances (la marque de fabrique de l'auteur du génial Subway) et qui malgré le propos ne restera que dans la mémoire des fans du réalisateur s'il en reste encore. Toujours accompagné du fidèle compositeur Eric Serra, Luc Besson bénéficiait d'un budget de quarante millions de dollars dont une bonne partie fut sans doute investie dans les effets-spéciaux qui eux, s'avèrent parfois remarquables. L'une des quelques scènes qui auraient pu entrer dans la légende du septième art au même titre que le final psychédélique du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick 2001, l'Odyssée de l'Espace est réduite ici à néant par un Luc Besson ne pouvant se passer de monter l'une des dernières séquences en l'entrecoupant d'inserts inutiles montrant le grand méchant du film s'approcher peu à peu de la pièce dans laquelle Lucy s'est enfermée en compagnie du professeur Samuel Norman (Morgan Freeman) et de ses quelques collaborateurs. De bonnes idées, quelques visuels intéressants, le charme exagérément froid de l'actrice américaine, voilà tout ce que l'on retiendra de Lucy. Pour le reste, Luc Besson passe à côté de son sujet et aurait mieux fait de mettre son scénario entre les mains d'un vrai bon cinéaste au lieu de vouloir absolument le mettre en scène lui-même...
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