Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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vendredi 30 novembre 2018

Grabbers de John Wright (2012) - ★★★★★★☆☆☆☆




Second long-métrage du cinéaste irlandais John Wright après la comédie horrifique Tormented signée trois ans auparavant en 2009 et deux ans avant le film de science-fiction Robots Supremacy (sans compter une poignée de courts-métrages), Grabbers est le genre de production au synopsis intriguant mais au résultat final quel que peu décevant. Au départ, un film de monstre comme nous en a servi le septième art (et notamment les États-Unis) dès le milieu du vingtième siècle, prolongeant l'expérience jusqu'à aujourd'hui mais dans de plus éparses occasions. De vilaines créatures venues d'on ne sait où (résultant parfois des expériences de savants fous ou débarquant d'une autre galaxie). L'arrivée des dites créatures se fait ici sur un mode peu original mais le terrain ayant déjà été conquis, le spectateur ne pourra au préalable que se réjouir de l'idée répétée d'une comète s'abîmant en pleine mer et libérant une créature tentaculaire particulièrement belliqueuse. Animée en CGI, cette pieuvre assez curieuse nantie d'une bouche de lamproie (le tableau est assez effrayant, je l'avoue), est plutôt convaincante. Surtout qu'elle a la fâcheuse habitude de laisser traîner derrière elle des œufs desquels peuvent éclore des rejetons sous une forme larvaire déjà très véloces.

L'intrigue se situe dans la petite localité d'Erin Island (île apparemment fictive sans doute dérivée des Îles d'Aran) où s'est volontairement faite embaucher la policière Lisa Nolan, prise sous l'aile de Ciarán O'Shea, flic lui aussi et grand amateur de gnôle. A la suite d'événements tout aussi curieux que tragiques (disparition de pêcheurs partis en mer, baleines échouées et éventrées découverte sur une plage), ces deux là décident d'enquêter et découvrent très rapidement qu'une immonde bestiole rôde dans les parages et qu'elle tue tous ceux qui se présentent sur son chemin. Aidés par le docteur Smith, ils découvrent très rapidement que la seule solution efficace pour se débarrasser d'elle et de sa progéniture, ou du moins de se prémunir de ses attaques, c'est de boire jusqu'à l'ivresse, l'alcool agissant alors comme un véritable poison sur l'organisme de cette créature venue de l'espace...

Avec une telle idée en poche, on se demande comment le cinéaste aurait pu traiter son long-métrage autrement que sous la forme de la comédie. Oubliez toute forme de prévention contre l'alcool. John Wright fait voler en éclats tous les efforts maintenus depuis des décennies et en prône (sur le ton de l'humour, hein?) l'absorption de grandes quantités à usage préventif. L'alcool comme unique excipient aux méthodes classiques souvent inutiles, face à une créature qui, loin d'égaler celle du The Thing de John Carpenter, est capable de survivre à diverses agressions.
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Film curieux, Grabbers fait appel à un humour très particulier que l'on aura, faute de moyens de description, de nommer humour « so irish ». Une manière d'aborder la comédie avec une certaine nonchalance, un peu à la manière des scandinaves mais avec un surcroît d'émotion (toutes proportions gardées), et donc, beaucoup moins noir. Tiens en parlant de noirceur : le gros point... noir justement de ce Grabbers qui tente à son tour le mélange comédie-horreur à la manière du Edgar Wright (!!!) de Shaun of the Dead sans en avoir véritablement la saveur, c'est la redondance de l'action. Des scènes qui ne font que se répéter. En effet, après un début plutôt convaincant, le cinéaste ne fait que réemployer toujours la même recette. Les agressions se ressemblent toutes, parfois entrecoupées de scènes durant lesquelles les personnages s'enivrent afin de se prémunir d'un funeste destin. Lourd, mais sans être gras, l'humour use de ficelles un peu trop commodes pour être véritablement original. Au final, si la créature ne l'emporte pas sur les habitants d'Erin Island, l'ennui sort par contre victorieux de ce combat un brin poussif. Agréable, sans plus...

Cycle Kaijû eiga: Gojira tai Megaro de Jun Fukuda (1973) - ★★★★★★☆☆☆☆



En cette année 1973, c'est la quatrième fois que le cinéaste japonais Jun Fukuda met en scène le plus célèbre des Kaijū eiga, Godzilla. Si dans le genre il a été nettement moins productif que son compatriote Ishîro Honda, c'est pourtant lui qui donnera un fils à la créature sous l'apparence et le nom de Minilla en 1967. Ce sera d'ailleurs l'unique occasion pour lui de le mettre en scène puisque seuls Ishîro Honda (à deux occasions avec Kaijû sôshingeki en 1968, et Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki en 1969) et Ryuhei Kitamura (avec Gojira : Fainaru uôzu en 2004) le réemploieront par la suite. Sans doute très motivé à l'idée de créer une nouvelle forme de Kaijū eiga, il profite du scénario de Gojira tai Megaro pour y faire intervenir Megalon, une sorte d'immense taupe croisée avec un charançon et nanti d'une excroissance crânienne lui permettant de tirer des éclairs électriques surpuissants. Possédant deux appendices en lieu et place de bras lui procurant la possibilité de s'enfouir dans le sol, Megalon est issu de la culture ancestrale du peuple souterrain Seatopia dont il est le Dieu. Vénéré par ses habitants, Megalon est réveillé de son sommeil le jour ou l'Homme, comme à son habitude dans ce genre de production, teste la bombe atomique dont les effets se répercutent jusqu'aux fonds des océans puisque s'y s'ouvrent involontairement un certains nombres de brèches.

Témoins de ce désastre : l'inventeur Goro Ibuki (Katsuhiko Sasaki), son neveu Rokuro (Hiroyuki Kawase), ainsi que son ami Hiroshi Jinkawa (Yutaka Hayashi). Goro est notamment l'inventeur d'un robot humanoïde du nom de Jet Jaguar (dont il s'agira de l'unique apparition sur grand écran). Alors que son créateur vient tout juste d'en terminer la conception, plusieurs membres du peuple seatopiens s'en emparent afin de le contraindre à épauler Megalon dans le projet de destruction de l'humanité. Mais c'était sans compter sur la fidélité de Jet Jaguar et l'aide d'un hôte inattendu en la 'personne' de Godzilla. Destructions de masse et combats entre Kaijū eiga sont donc au programme d'un long-métrage plus ou moins réussi. L'attitude des créatures y étant effectivement plutôt curieuse, Gojira tai Megaro oscille entre fantastique et comédie, ce dernier élément semblant être étayé par une musique plutôt joviale lors des affrontements.

Bien que les nombreuses maquettes servant de défouloir au méchant du programme, Megalon, soient d'une qualité plutôt médiocre, le spectateur à, en de rares occasions, droit à quelques scènes de destructions de masse plutôt bien fichues. A titre d'exemple, celle qui confronte l'immense scarabée à un barrage rempli d'eau s'effondrant sous ses assauts. Jun Fukuda réserve une grosse partie aux combats entre Kaijū eiga lors d'un final assez long mais manquant de pêche. L’attitude des créatures, comme évoqué plus haut, est parfois insensée. Pas vraiment intelligent, Megalon se déplace en plus de manière ridicule en sautillant comme s'il avait le feu aux fesses. Quant à Godzilla, s'il paraît plus véloce que d'habitude, on le voit mettre des plombes pour traverser la distance qui le sépare du lieu où se prend une pâtée le pauvre Jet Jaguar. Débarque alors de manière tout à fait inattendue, le deuxième méchant du film, Gigan. Un cyborg qui pourtant ressemble davantage à un Kaijū eiga qu'à un robot. Ridiculement accoutré, celui-ci possède un bec, des crochets en guise de mains et une scie circulaire au niveau du ventre. Godzilla s'opposait déjà à lui l'année précédente dans Chikyû kogeki meirei: Gojira tai Gaigan du même Jun Fukuda et réapparaîtra beaucoup plus tard dans Gojira: Fainaru uôzu de Ryuhei Kitamura, en 2004. Une fois encore, Gojira tai Megaro fait appel à des images d'archives, ce qui permet à la production de coûter moins chère.
L'ancienne compagnie américaine de distribution Cinema Shares fit la promotion du film lors de sa sortie sur les écrans américains en 1976. Une campagne de publicité massive fut lancée, et des badges futent même conçus à l’effigie des quatre créatures du film...

jeudi 29 novembre 2018

Mugen no Jûnin de takashi Miike (2017) - ★★★★★★★★☆☆




A l'origine, le manga L'Habitant de l'Infini créé par l'auteur de bandes-dessinées japonaises, Hiroaki Samura. Au final, une épopée cinématographique de deux heures trente environs réalisée par l'un des cinéastes asiatiques les plus prolifiques. Parmi les plus déjantés également, penseront sans doute ceux qui découvriront l’œuvre de Takashi Miike par l'entremise de quelques-uns de ses films les plus fous. En moins de trente ans, ce cinéaste de génie, capable du meilleur comme du pire aura signé plus de cent longs-métrages, ses fans espérant très certainement qu'il en signera autant durant les trois décennies à venir. Mugen no Jûnin marque la centième réalisation du japonais et montre avec une certaine classe, que l'auteur de Bijitā Q et de Koroshiya 1 est parfois capable d'une délicatesse infinie. Sans doute moins nerveux et moins décalé qu'un Gokudô Daisensô sous perfusion de Kaiju eiga, de Yakuza eiga et de vampirisme, Mugen no Jûnin est une œuvre profonde à laquelle Takashi Miike injecte une forte dose de lyrisme, lequel transpire à travers quelques plans-séquences d'une effarante beauté. Ainsi donc, grâce aux visions d'un cinéaste capable de donner vie à des estampes japonaises, aidé par la sublime photographie de Nobuyasu Kita, Mugen no Jûnin revêt les qualités que tout amateur d’œuvre picturale recherche une fois installé devant un tableau de maître. Sauf qu'ici, Takashi Miike parfait le principe avec une précision infinie et bouleverse par sa maîtrise du cadre et de la mise en scène.

Impossible d'oublier en effet cette séquence filmée en travelling latéral opposant Manji (Takuya Kimura) et Rin Asano (Hana Sugisaki), dans un décor à la colorimétrie atténuée, vaste étendue naturelle composée d'arbres orphelins lointainement plongés sous une brume n'en laissant deviner qu'une vague silhouette. Et puis, ce mouvement de va et vient entre les deux protagonistes évoluant dans un monde de silence concentrant l'attention du spectateur sur ces images d'une beauté à peine concevable. Travail d'orfèvre pour une œuvre qui souffre malheureusement parfois de grosses baisses de régime enracinées entre deux duels magnifiquement orchestrés. De l'esprit et de la matière dont est peut-être fait l’œuvre originale (dont j'ignore malencontreusement le contenu), Mugen no Jûnin applique le principe du combat un contre un, ou bien, sans demi-mesure, de celui du un contre mille.

La mystique qui entoure chaque duel opposant Manji l'immortel et ces boss à la solde de l'ennemi juré de Rin Asano, l'ambitieux Anotsu Kagehisa incarné par l'androgyne et charismatique Sôta Fukushi, rappelle vaguement, mais avec la même force, celle qui entourait déjà l'oeuvre toute entière du chilien Alejandro Jodorowsky. Fidèle au cinéaste, le compositeur japonais Kōji Endō accorde formidablement son œuvre aux mouvements éthérés de la caméra. Le caractère parfois léthargique de certaines séquences fera sans doute passer Mugen no Jûnin pour un pensum relativement ennuyeux (surtout au regard de certaines œuvres de son auteur) tandis que les grandes batailles opposant nos héros à des centaines de guerriers samouraïs relèvent du divertissement absolu. Des séquences qui donnent le tournis. De part l'incroyable maîtrise de Takashi Miike en terme de mise en scène et de placement des figurants, mais également en terme de spectacle qui dans la durée, frise la même agonie que celle de ses personnages. Mugen no Jûnin est une œuvre dantesque. Un long-métrage que l'on rapprochera du cultissime Kozure Ōkami: Sanzu no Kawa no Ubaguruma que le cinéaste Kenji Misuma réalisa quarante-cinq ans plus tôt ou de l'immense saga constituée de vingt-six longs-métrages Zatōichi, là encore, créée à l'origine par ce même Kenji Misuma. Tiens, justement, une saga dont Takashii Miike proposa une alternative théâtrale en 2007.

Comme très souvent chez Takashii Miike, Mugen no Jûnin confronte un héros solitaire (ici, immortel et accompagné d'une jeune fille dont le père a été assassiné) à des hordes d'ennemis. Si le cinéaste propose une succession de tableaux vivants de toute beauté, il n'en oublie cependant pas d'y injecter une forte dose de sang. En tout cas, l'un des meilleurs films de Takashi Miike qui fêtait là avec brio, sa centième réalisation...

Cycle Kaijû eiga: Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki d'Ishirô Honda (1969) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Ichiro Miki vit avec ses parents dans un quartier populaire de Kawasaki au Japon. Ses parents travaillant souvent très tard, il n'est pas rare que le jeune garçon se réfugie dans le monde des rêves. Malin, il a construit une machine qui lui permet de communiquer avec Minilla, fils de Godzilla, avec lequel la jeune créature vit sur l'archipel d'Ogasawara. Tandis qu'à Kawasaki, Ichiro est victime de ses camarades de classe qui ne cessent de s'en prendre à lui, deux voleurs de banque se sont emparés d'une énorme somme d'argent qu'ils ont caché dans une vieille usine désaffectée où aime se retrouver le solitaire garçon. Dans ses rêves, Ichiro retrouve Minilla avec lequel il se promène sur l’île afin d'y être présenté à Godzilla, son idole. Mais celui-ci est régulièrement attaqué par Gabara, une créature monstrueuse évoquant un reptile recouvert d'écailles turquoises et de trois cornes sur la tête. Les attaques répétées de Gabara sont l'occasion pour Godzilla d'éduquer Minilla afin qu'il se défende contre ses ennemis...
En quinze ans d'existence au cinéma, Godzilla est apparu plus d'une dizaine de fois lorsque sort sur les écrans japonais Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki d'Ishirô Honda, celui-là même qui imagina la créature au cinéma en 1954 le premier film de la franchise sobrement intitulé Godzilla. Pour cette nouvelle aventure, le cinéaste japonais oppose deux intrigues liées par un même fil rouge. Ou comment prendre son courage à deux mains face au danger. Si la petite frappe qui s'en prend au héros incarné par le tout jeune Tomonori Yazaki porte le même prénom que le monstre s'en prenant à Minilla et Godzilla, ça n'est pas le fruit du hasard puisque en évoquant les combats que livrent les deux créatures et Gabara, il s'agit pour Ishirô Honda de créer un lien avec ce que vit au quotidien son jeune héros Ichiro.

Désormais, l'action est partagée entre deux plans. Celui, concret, dans lequel vit Ichiro, et celui que son esprit développe afin qu'il s'y réfugie. Les combats ayant lieu entre Godzilla et les différentes créatures contre lesquelles il combat (on y voit notamment un crustacé, des mantes-religieuses et une araignée, tous dans des proportions fantastiques) ayant lieu sur l'archipel d'Ogasawara. Le spectateur n'assiste plus aux destructions de masse dont sont habituellement victimes les zones urbaines, mais à des combats, il faut le reconnaître, assez décevants toutes concentrées en ce lieu unique. En réalisant Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki, le cinéaste tente visiblement de faire passer un message à l'attention des enfants. Du moins, auprès de ceux qui subissent humiliations et mauvais traitements.

Le spectacle se révèle naïf et contrairement aux longs-métrages précédents, il est clair que d'Ishirô Honda l'a avant tout réalisé à l'attention du jeune public. Les adultes auront donc beaucoup plus de mal à adhérer au sujet même si le film est sauvé par les séquences se déroulant à Kawasaki. C'est là que l'on assiste au duel opposant les deux voleurs de banque et le jeune héros ayant fait auparavant son apprentissage dans l'archipel d'Ogasawara. Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki ayant coûté une certaine somme d'argent, Ishirô Honda et la production décidèrent de réemployer des scènes de plusieurs films, tel Kaijûtô no kessen : Gojira no musuko que réalisa le cinéaste Jun Fukuda trois ans auparavant. Les combats, souvent désordonnés et manquant de punch nous livrent sur grand écran, un résultat plus que décevant. Gojira-Minira-Gabara : Oru kaijû daishingeki est donc au final un Kaijū eiga mineur, mais permattant aux fans de Kaijû eiga de rencontrer pour la première fois au cinéma, Gabara...

mercredi 28 novembre 2018

The Predator de Shane Black (2018) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Démystification. Le genre de terme qui tombe à pic lorsque l'on n'a aucune autre prétention que de déshonorer une franchise qui battait pourtant déjà, sacrément de l'aile. Déshonneur ? Trahison, oui. Et de plus, orchestrée par l'un des interprètes de l’œuvre originale. Le maître John McTiernan trahi par l'un de ses apôtres, lequel chie littéralement sur la tête des fans de la première heure en osant une relecture totalement ringarde, déjà dépassée alors même que le film n'a que quelques mois. Fallait oser. Oser s'en prendre au mythique Predator de 1987. Surtout qu'après John McTiernan, d'autres s'y étaient déjà risqués. Deux suites, dont la première réévaluée à la hausse depuis sa sortie (je me souviens qu'à l'époque beaucoup la méprisaient), et la seconde, plus fidèle au mythe que ne le sera The Predator de Shane Black en 2018. Et je ne parle même pas des deux immondes crossover sortis respectivement en 2004 pour Aliens vs. Predator et 2007 pour Aliens vs. Predator : Requiem. Si la cuvée 2018 a des allures de nanars post-eighties, c'est peut-être aussi parce que le réalisateur et scénariste Fred Dekker (Night of the Creeps) a participé à l'écriture auprès de Shane Black ? Quant à ce dernier, si l'on parcours la liste des longs-métrages qu'il a lui-même réalisé, la présence de Iron Man 3 explique sans doute pourquoi son dernier film ressemble à une œuvre bâtarde tentant d'incorporer l'une des créatures extraterrestres les plus séduisantes de l'histoire du cinéma dans un univers flirtant avec les blockbusters du plus mauvais goût. Non pas que Iron Man 3 soit un mauvais film, bien au contraire, mais certaines hybridations sont vouées à l'échec.

D'une fadeur qui confine à la supercherie, The Predator est, de tous ceux qui l'ont précédé, crossovers compris, sans doute celui qui s'éloigne le plus de la franchise. La célèbre créature aux dreadlocks n'en devient plus qu'un prétexte pour attirer les foules dans les salles obscures. Des quadra-quinquagénaires qui se bousculèrent à l'époque (en 1987) pour s'asseoir aux meilleures places, jusqu'aux nouvelles générations désirant se partager le privilège, oui, d'avoir assisté à la renaissance d'une icône de la science-fiction à l'aube des années (deux mille) vingt.

Dès l'entame, The Predator frise, d'après moi, le ridicule. Avec ces images d’Épinal fixant l’œil de la caméra sur l'espace dont le déplacement de nuages de galaxie laisse transparaître le peu d'intérêt que porte Shane Black à la science. Un détail sans importance et qui pourtant me sauta aux yeux. Le film de Shane Black est un grand fourre-tout mettant en scène le membre d'un commando des Forces Spéciales, son fils autiste, des soldats ayant commis des actes graves, ainsi qu'une spécialiste en extraterrestres et d'autres joyeusetés dont je m’abstiendrai de dresser une liste exhaustive. Mixant tout ça dans un grand shaker, il en résulte une œuvre éminemment brouillonne dont les enjeux sont parfois difficiles à cerner. Des hommes qui se battent contre d'autres hommes. Un super-predator qui s'en prend aux siens. Puis des predators qui s'attaquent à l'homme et vice versa, et au beau milieu de ce carnage apparemment chorégraphié par un logiciel informatique en fin de course, des punchlines par dizaines. Et trop de punchlines, tue les punchines. Et surtout font ressembler The Predator à une grosse blague de potache où des militaires s'amuseraient à comparer la longueur de leur [BIP!]. Aucune caractérisation. Ou si pauvre qu'on se fiche du sort des uns comme celui des autres. L’œuvre de Shane Black n'a pas la classe de l'originale signée John McTiernan. Et l'emploi de certaines compositions mythiques d'Alan Silvestri ne redore pas le blason d'un troisième opus (Predators ayant été zappé des références) rouillé après seulement deux mois de sortie dans les salles. L'existence de The Predator est donc illégitime et demeure une insulte envers le public qui voua, voue, et vouera à jamais un culte pour l’œuvre de John McTiernan... Poubelle !

Cycle Kaijû eiga: Daikaijū Gamera de Noriaki Yuasa (1965) - ★★★★★★★☆☆☆



Gamera, créature du type Kaijû eiga, naît sous l'impulsion du cinéaste japonais Noriaki Yuasa en 1965, lequel consacrera presque exclusivement son métier de réalisateur à cette tortue monstrueusement grande se nourrissant notamment de l'énergie produite par les centrales nucléaires. A l'origine, Gamera n'est pas l’antagoniste habituellement dévoilé dans ce genre de longs-métrages produits par la Toho mais bien une créature pacifiste comme en témoigne Daikaijū Gamera, premier film mettant en scène cette tortue gigantesque réveillée d'un long sommeil hivernal en Antarctique. En effet, c'est lors du survol d'une base par des avions d'origine inconnue abattus par l'armée américaine qu'une explosion nucléaire va réveiller la bête. Tout d'abord mécontente, on découvre assez vite que ses intentions initiales ne sont pas mauvaises. Bien au contraire, alors que Gamera détruit un phare, sans doute très énervé de n'avoir pas pu prolonger son sommeil, il sauve la vie d'un jeune garçon suspendu dans le vide. Pourtant face au phénomène, et contre l'avis de l'enfant passionné par les tortues, suppliant les adultes de ne pas faire de mal à Gamera, l'armée se prépare à l'offensive dans le but d'éradiquer la créature. Contrairement à leurs attentes, les hauts gradés constatent avec effroi que non seulement les armes sont inefficaces, mais que Gamera se nourrit de l'énergie qu'elles produisent. C'est en collaboration avec l'armée américaine, après avoir vainement expérimenté une arme secrète, que les japonais décident de faire appel à leurs nouveaux alliés ainsi qu'à la science, afin de produiire un plan Z qui débarrassera définitivement la planète de Gamera...

Second long-métrage de Noriaki Yuasa après un Dai gunju Nezura qui impliquait déjà des créatures gigantesques, Daikaijū Gamera est donc l'occasion d'assister à la naissance de Gamera sur grand écran. Nous sommes en pleine Ère Shōwa (Ere de paix éclairée, par opposition à l'Ère Heisei qui prendra la relève dès le 8 janvier 1989), et Gamera y est décrit comme une tortue géante et préhistorique révellée de son sommeil suite à l'explosion d'une bombe atomique tandis qu'à partir de 1995, il est issu des expériences menées par les atlantes afin d'éliminer Gyaos, un monstre ailé assoiffé de sang. S'il est le premier à mettre en vedette Gamera, Daikaijū Gamera est aussi et surtout le dernier Kaijû eiga qui sera tourné en noir et blanc et le premier à offrir un rôle important à un enfant. Le rôle de Gamera est en définitive, assez compliqué à définir réellement dans ce premier long-métrage puisque le contraste entre son comportement vis à vis de l'enfant et celui qu'il entretient d'une manière générale avec l'humanité laisse tantôt à penser qu'il est pacifiste, alors qu'il se révèle plus tard, particulièrement agressif. Beaucoup plus tard, à l'Ère Heisei, la société de production cinématographique japonaise Kadokawa Herald Pictures tranchera définitivement en faisant de Gamera une icône à l'attention du jeune public.

Pour une première aventure, Daikaijū Gamera nous offre l'habituel spectacle de destruction massive. L'équipe en charge des effets-spéciaux multiplie les maquettes avec plus (la centrale géothermique) ou moins (certains avions et bateaux) de bonheur. Le film intègre des séquences de 'stock-shots' pris dans diverses archives de guerre et incruste, là encore avec plus ou moins de bonheur, certains personnages. Gamera, quant à lui, est incarné par un acteur se fondant dans le costume plus que rigide de la créature qui par rapport à d'autres (au hasard, Godzilla), se voit affublé d'une carapace fort peu confortable. La créature, nantie d'une peau et d'une carapace résistant à toutes épreuves, possède des capacités extraordinaires lui permettant de cracher des flammes (après les avoir absorbées), et de voler dans les airs après avoir rétracté ses pattes et sa gueule à l'intérieur de sa carapace. De la résistance de Gamera découle donc une conclusion qui n'est que temporaire comme on le devine assez rapidement.
Majoritairement interprété par des acteurs japonais (Dai gunju Nezura, Harumi Kiritachi, Junichiro Yamashita, Yoshiro Uchida, etc...), il est intéressant de noter que pour le marché américain, Daikaijū Gamera a été rallongé de plusieurs séquences notamment interprétées par Albert Dekker, Brian Donlevy ou John Baragrey, tous, comme on le devine, d'origine américaine. Très gros succès au Japon, le film connaîtra une suite intitulée Daikaijū kessen: Gamera tai Barugon dès l'année suivante mais cette fois-ci réalisée par Shigeo Tanaka. Noriaki Uasa reprendra quant à lui les rennes de la franchise dès 1967 et ne la lâchera plus jusqu'à la fin de l'Ère Shōwa...

mardi 27 novembre 2018

Into The Storm de Steven Quale (2014) & The Troll Hunter de André Øvredal (2011)




Soirée spéciale Found Footage hier soir avec trois films dont le quatrième volet de l'insipide saga des Paranormal Activity et dont je parlerai sans doute une prochaine fois. Pour changer un peu dans ce registre très à la mode actuellement au cinéma, j'ai choisi, concernant l'un des deux autres, un film catastrophe datant de 2014 et signé par l'américain Steven Quale dont c'est le cinquième film après, entre autre, Darkness en 1988 (qui n'a rien à voir avec l'oeuvre homonyme signée Jaume Balagueró) ou bien le cinquième volet des Destination Finale en 2011.

Lorsque l'on découvre que le cinéaste a été crédité comme second réalisateur sur deux des plus grands succès du mondialement connu James Cameron (pour Titanic et Avatar), on est plutôt confiant. De mémoire, les amateurs de zombies reconnaîtront l'actrice Sarah Wayne Callies qui interprétait Lori Grime, l'épouse de Rick, le héros de l'excellente série The Walking Dead.
Into The Storm et donc sorti dans les salles en 2014 mais il a été réalisé deux ans plus tôt à Détroit dans le Michigan mais est censé se dérouler à Silverton dans l'Oklahoma. L'unité de temps est très courte puisque l'intrigue se déroule sur une durée de quelques heures entre les prémices d'une tempête jusqu'à l'immense tornade qui va ravager la ville toute entière. On y découvre une école, ses élèves et ses enseignants pris dans l'étau d'une catastrophe naturelle extraordinaire. Comme vont l'être également des chasseurs de tornades, deux redneck et deux étudiants coincés dans une ancienne usine effondrée.

Steven Quale imprime à son œuvre un rythme qui ne ralenti jamais, et découlant des différentes intrigues qui passent allégrement des unes aux autres afin justement d'éviter le moindre temps mort. Si l'interprétation est plutôt bonne de la part de la totalité des interprètes, ce sont surtout les effets-spéciaux qui retiennent l'attention. En mode numérique, les différentes tempêtes et tornades sont criantes de vérité. Il y a bien ça et là quelques micro-détails qui nous rappellent parfois que tout n'est que fiction mais on est littéralement plongés au cœur de la catastrophe grâce au principe choisi de la caméra à l'épaule. On pourra toujours critiquer le fait que le corps humain résiste un peu trop facilement à des vents soufflant à 300 kilomètres-heure quand tout autour voitures,camions et maisons s'envolent comme des fétus de paille mais l'essentiel est là : le spectacle est total et c'est tout ce que l'on demande à ce film...

En 2011, la Norvège elle aussi se lance dans l'aventure du found-footage. Et pourquoi pas d'ailleurs. Le genre n'étant définitivement pas l'apanage des cinémas américains et espagnols, le cinéaste norvégien André Øvredal signe un film réellement étonnant. The Troll Hunter (Trolljegeren) mèle fantastique, légende nordique et suspens avec, malheureusement, plus ou moins de bonheur. Combinant des oeuvres comme Le Projet Blair Witch à un scénario encore jamais vu, le film du norvégien a la faiblesse de tomber dans des genres un peu trop divers pour convaincre. L'humour pince sans rire qui pourtant habituellement et l'une des marques de fabrique du cinéma scandinave plombe ici le film dans sa globalité.

En réalité, ce qui retient tout d'abord le spectateur, c'est la curiosité. C'est vrai, rien que l'affiche en elle-même attise le désir de voir à quoi peut ressembler un troll dès lors que la vision qui va nous en être faite sera d'ordre réaliste. Et ça commence plutôt mal. Tout d'abord, la créature nous est offerte en pâture un peu trop rapidement. Et sans doute pour donner à rire aux spectateurs, elle est affublée d'une triple tête vraiment grotesque. Pas de quoi faire peur donc, mais que l'on se rassure, le chasseur de trolls tente de nous convaincre par l'entremise des trois gamins venus à l'origine enquêter sur l'histoire de ce bonhomme avant tout considéré par tout le monde comme un braconnier tueur d'ours, qu'il existe plusieurs espèces de troll. Et donc, pourquoi pas, de beaucoup plus dangereux et de plus effrayants d'un point de vue esthétique. Sauf que les effet-spéciaux sont un peu à la ramasse et que l'on peine à croire à ce que l'on voit même en ayant un imaginaire débridé. The Troll Hunter est donc un semi-échec qui ne ravira au mieux que les enfants et les moins exigeants...

lundi 26 novembre 2018

Bloody Birthday d'Ed Hunt (1981) - ★★★★★★☆☆☆☆



Pour le amateurs de petites productions horrifiques, Bloody Birthday de Ed Hunt sortit chez nous sous le titre français Les Tueurs de l’éclipse fait partie de ces long-métrages qui trônaient bien en vue dans les vidéoclubs d'antan. Trente-sept ans après, le film a perdu un peu de son aura, demeurant anecdotique comme une grande majorité de longs-métrages souffrant d'un scénario et d'un financement trop légers. L’œuvre de Ed Hunt nous présente trois enfants nés le même jour, le 9 juin 1970 (après recherches, deux éclipses eurent effectivement lieu cette année là, mais pas à cette date). Une fille et deux garçons nés de mères différentes. Dix ans plus tard, nous les retrouvons, unis, mains dans la mains, mais avec une prédisposition pour le mal qui les fera commettre toute une série d'homicides. À commencer par un couple d'adolescents forniquant dans un cimetière. Puis c'est au tour du père de la gamine diabolique, Debbie, le shérif de Meadwvale de perdre la vie, frappé à mort par le trio. Témoin de l'événement, le jeune voisin de Debbie, Timmy, devient la bête noir des trois enfants qui ne pensent désormais plus qu'à s'en débarrasser tandis que la grande sœur de celui-ci refuse de l'écouter lorsqu'il affirme plus tard avoir été enfermé par dans un vieux réfrigérateur placé dans une décharge par Curtis Taylor, l'un des trois enfants-tueurs. Tandis que la vie continue pour les habitants de Meadwvale, les meurtres s'accumulent sans que la police ne puisse rien y faire.

C'est le cas de le dire. Car les autorités censées se charger de l'affaire ne sont visibles à l'écran que dans de très rares cas, le cinéaste préférant occulter sa présence en éliminant le plus rapidement possible son plus fiable représentant. Vaguement inspiré par le film Village of the Damned que le cinéaste Wolf Rilla réalisa en 1960, Bloody Birthday accentue le principe et le radicalise en proposant toute une série de meurtres dont certains, ingénieux, sortent de l'esprit du personnage incarné par le jeune Billy Jane, chef d'un trio de jeunes tueurs dont on ne connaîtra jamais la vérité sur les raisons de leurs agissements même si le fait qu'ils soient nés tous les trois un jour d'éclipse semble être une raison suffisante pour Ed Hunt. Particulièrement bien choisis, le trio complété par les jeunes interprètes Andy Freeman et surtout la blonde et angélique Elizabeth Hoy à laquelle nous donnerions le bon Dieu sans confession campent plutôt efficacement ces trois têtes blondes (enfin, pour deux d'entre eux) dans un film au scénario aussi plat qu'un pneu dégonflé un jour de très grande chaleur.

L'un des atouts de Bloody Birthday est le cynisme avec lequel le réalisateur imagine toute une série d'homicides perpétrés par ses jeunes acteurs, lesquels sont opposés à un KC Martel (dans le rôle de Timmy) semblable au Mike du cultissime Phantasm du cinéaste américain Don Coscarelli. Certaines situations paraissent peu crédibles. Comme celle, par exemple, montrant la veuve d'un shérif mort tout récemment et récupérant beaucoup trop rapidement de la tragédie qui les a touchées elle et sa fille. Invraisemblable demeure également le comportement de la police qui n'agit pas un seul instant sur le terrain malgré la violence et le nombre des meurtres. Bloody Birthday ressemble dans son mode de fonctionnement à un slasher dont les trois meurtriers perpétreraient leurs méfaits à visage découvert. Le scénario, beaucoup trop convenu, finit de ruiner le propos d'un film dont le principal intérêt était justement de faire de ses tueurs, des enfants au dessus de tout soupçon. Pas le meilleur film de son auteur, mais pas le pire de celui qui signa en 1977 le navet Starship Invasion et plus tard en 1988, The Brain...A noter les présences au générique des acteurs José Ferrer et de Michael Dudikoff...

dimanche 25 novembre 2018

Les Nouvelles Aventures d'Aladin d'Arthur Benzaquen (2015) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Trois étoiles seulement ? Stock d'ancre illimité vous répondrais-je. Pas de quoi en remplir davantage. Car ce soir, la daube dont je me suis délecté méritait certainement plus d'étoiles pleines que de vides. Une macreuse tendre et goûteuse. Des carottes et échalotes fondantes. Du lard fumé explosant les papilles, et surtout, une sauce dont les subtils ingréd... Pardon ? Je ne suis pas sur Marmiton.org ? Oups ! Veuillez m'excuser. Reprenons dès le début. Je disais donc, que la daube dont je me suis délecté ce soir peut s’enorgueillir des trois étoiles que j'ai accepté de lui accorder. Jamais à défaut d'étoiles blanches dont le stock en réserve en contient suffisamment pour noter encore un bon millier de nanars, il m'est apparu que sept blanches pour trois noires (non, nous ne sommes pas non plus à un cours de musique) était un bon compromis. Les Nouvelles Aventures D'Aladin. Quid du dépaysement Made in France transposé dans la capitale irakienne et la province de Bagdad. Starring, Kev Adams, Jean-Paul Rouve et Vanessa Guide. Featuring, Eric Judor, Michel Blanc, William Lebguil et Audrey Lamy. Sketch de plus d'une heure quarante à la gloire du premier auquel les autres font des courbettes (ou des crocs en jambe, cela dépend de l'humeur de chacun), le film d'Arthur Benzaquen est une jolie coquille vide. Dont la façade et ornée de dorures mais à l'intérieur de laquelle retentit encore l'écho de ceux qui sont tombés dedans. Les Nouvelles Aventures D'Aladin est dans le fond, et dans la forme, un film contemporain, avec tout ce que cela suggère de désagréable à entendre. Une verve mineure à l'attention des générations nouvelles, auréolant un gars qui après de timides pas sur scène, est DEbarqué sur le plateau de On n'demande qu'à en rire, l'émission du jovial Laurent Ruquier avant d'être EMbarqué sur grand écran on ne sait par quel miracle.

Ou plutôt si, on sait comment. Gros succès sur la deuxième chaîne nationale, puis départ pour la sixième avec la série Soda. Puis Kev Adams débarque sur le projet cinématographique Les Profs réalisé par l'ancien Robin des Bois Pierre-François Martin-Laval. Fausse suite du cultissime P.R.O.F.S de Patrick Schulmann mais vrai plagiat du dit film et des Sous-Doués passent le Bac de Claude Zidi. Et surtout, oui, surtout, vrai nanar ! Une quinzaine de longs-métrages (Un Sac de Billes sera sans doute son meilleur fait d'arme) dont cette épine dans le pied, au beau milieu d'une carrière pas franchement glorieuse. Pour autant, Les Nouvelles Aventures D'Aladin mérite-t-il d'être régulièrement passé au pilori d'une critique acerbe et gratuitement taquine (et je reste poli) ? Oui et non... mais oui.

Parce que se foutre du public à ce point là est un manque de respect à la hauteur des nombreuses vannes sans effet qui pullulent dans le film d'Arthur Benzaquen. Une Star (mais le terme a-t-il encore un sens?) bancable, une suite princière dont on se demande encore ce qu'elle est venue foutre dans cette histoire, et un scénario qui planque sa vacuité dans des décors friqués et des effets visuels qui brillent (au sens propre) tel un soap français diffusable après les infos du vingt heures. Flippé, je m'étais juré de ne jamais voir ce film, persuadé que Jamel Debbouze, cet individu surcoté, y incarnait l'un des personnage. Absent du casting, je me suis donc révisé et ai tout de même tenu durant les cent minutes qui me séparaient du générique de fin. Preuve que Les Nouvelles Aventures D'Aladin mérite réellement ses trois étoiles. Au pays du dépaysement, des voiles, des contes des mille et une nuits, de Shéhérazade, et donc d'Aladin, résonne une douce musique orientale quand surgissent parfois, des standards brutaux qui vous ramènent un peu trop violemment à la réalité. Du rap, du R'N'B, enrobés par les compositions grandiloquentes de Michael Tordjman et Maxime Desprez. Le film d'Arthur Benzaquen a le parfum d'une série télé humoristique avec rires en fond, approvisionné en clips surgissant tels d'indésirables spots publicitaires. Les Nouvelles Aventures D'Aladin ne peut ravir en fin de compte que les plus jeunes d'entre nous, pas encore sevrés aux classiques du genres qu'ils devront, beaucoup plus tard, dénicher parmi les trésors collectés par leurs plus lointains ancêtres. La comédie française tente malheureusement à prouver jour après jour qu'elle est morte, du moins, produite sans saveur. Le cinéma français aurait-il installé ses studios à Almeria... ?

Jeder für sich und Gott gegen Alle de Werner Herzog (1974) - ★★★★★★★☆☆☆



Sujet de nombreux ouvrages, Kaspar Hauser n'est pas le personnage d'une fiction mais un individu ayant réellement existé durant la première moitié du dix-neuvième siècle. Découvert le lundi de pentecôte de l'année 1828 dans la rue de la Fosse-des-Ours à Nuremberg une lettre à la main par deux hommes sortant d'une taverne, il demeure encore aujourd'hui au centre d'une énigme. Qui est donc Kaspar Hauser. D'où vient-il ? C'est sur le cas de cet homme que le cinéaste allemand Werner Herzog tentait en cette année 1974 d'apporter un certain éclairage. Werner Herzog, l'auteur des sublimes Aguirre, der Zorn Gottes, Herz aus Glas, ou encore Fitzcarraldo. Un cinéaste à part entière, qui ose expérimenter des approches bien différentes. Lorsqu'il use par exemple d'une grande majorité d'acteurs de petite taille sur le tournage de Auch Zwerge haben klein Angefangen, son deuxième long-métrage, ou lorsqu'il insiste pour que ceux de Herz aus Glas tournent sous hypnose. Werner Herzog ou le cinéaste de la contemplation... tourné en Bavière, Jeder für sich und Gott gegen Alle est une œuvre visuellement riche. Et si le cinéaste allemand ne se préoccupe pas vraiment de la texture appliquée aux images, il possède cependant un sens aiguisé lorsqu'il s'agit d'y induire une certaine poésie. Poésie que l'on retrouve notamment dans plusieurs de ses plus grands chefs-d’œuvre.
Jeder für sich und Gott gegen Alle s'ouvre sur un Kaspar Hauser enfermé dans une grange et n'ayant que pour unique occupation, un cheval de bois. S'exprimant à peine, ne sachant ni lire, ni écrire, c'est son tuteur d'alors qui lui met entre les mains une feuille de papier et un crayon afin qu'il apprenne lui-même à y inscrire son prénom. Après une longue et épuisante épreuve consistant à marcher (Kaspar passe le plus clair de son temps assis ou allongé), c'est l'heure pour ce jeune homme de retrouver sa liberté. Ainsi donc, celui qui le recueillit il y a longtemps l'amène jusqu'à la grande place de Nuremberg, une lettre à la main, et l'y abandonne...

Après les nains, mais avant les acteurs sous hypnose, Werner Herzog tente avec Jeder für sich und Gott gegen Alle, une nouvelle expérience. Et qui mieux, pour incarner le personnage de Kaspar Hauser, que l'acteur allemand Bruno Schleinstein, interprète d'un peu moins d'une dizaine de longs-métrages dont celui-ci. A l'époque, il n'a tourné qu'un documentaire auprès de Lutz Elsholz. Bien avant cela, à l'âge de trois ans, il se retrouve enfermé dans divers instituts psychiatriques, arraché à une mère prostituée qui ne cesse de le battre. C'est en découvrant le documentaire de Lutz Elsholz que Werner Herzog décide d'en faire son principal interprète pour Jeder für sich und Gott gegen Alle. Bien que l'on aurait pu croire que le lien étrange et unique qui liait le cinéaste à Klaus Kinski aurait pu faire dire à Werner Herzog que celui-ci était le meilleur qu'il eut rencontré durant sa carrière, c'est pourtant bien Bruno Schleinstein qui bénéficia de ses éloges suite à son décès le 11 aout 2010.

Dans le long-métrage que Werner Herzog lui a consacré, Kaspar Hauser y est décrit comme un individu n'ayant connaissance que de peu de choses, enfermé qu'il fut dans une écurie, à l'abri du monde extérieur. Ce n'est qu'au contact de ses semblables qu'il va apprendre à s'exprimer et à comprendre le monde qui l'entoure. Intéressant de très près les nantis du village qui l'a recueilli et prisé des villageois, curieux de découvrir un individu qui jusque là ne s'exprimait pratiquement qu'à travers des borborygmes inintelligibles. Werner Herzog réalise une oeuvre forte, mais qui ne plaira pas à tout le monde. Encore faut-il être un adepte du style Herzog. Lent, contemplatif, hypnotique, Jeder für sich und Gott gegen Alle n'échappe pas à la règle. Quant à Bruno Schleinstein, il incarne à merveille le personnage de Kaspar Hauser. Avec sa sensibilité d'homme, lui-même abandonné dès son plus jeune âge. L'un des points cruciaux de l'univers d'Herzog, c'est la musique. Après et avant d'avoir accordé une très grande importance à la musique du groupe allemand Popol Vuh, le cinéaste nourrit certains tableaux vivants de majestueuses compositions écrites par Johann Pachelbel, Orlando di Lasso, Tomaso Albinoni et Mozart. Au final, Jeder für sich und Gott gegen Alle est une excellente surprise. Peut-être pas à la hauteur d'un Aguirre, d'un Herz aus Glas ou d'un Fitzcarraldo, mais tout de même passionnant pour qui adhère au style du cinéaste allemand...

samedi 24 novembre 2018

Le Jeu de Fred Cavayé (2018) - ★★★★★★☆☆☆☆



Après avoir vu l'admirable Perfetti Sconosciuti écrit et réalisé par le cinéaste italien Paolo Genovese, il paraissait logique de se pencher sur le remake français mis en scène par Fred Cavayé cette année. Un cinéaste qui depuis 2016 est passé du thriller à la comédie avec, tout d'abord, Radin !, puis en 2018, son tout dernier long-métrage, Le Jeu. Dont le scénario écrit par ses soins est donc inspiré de celui de Paolo Genovese, Filippo Bologna, Paolo Costella, Paola Mammini et Rolando Ravello. Bérénice Bejo, Stéphane de Groodt, Vincent Elbaz, Suzanne Clément, Roschdy Zem, Doria Tilier et Grégory Gadebois prennent le relais de l'impérial casting italien. Résultat, le film de Fred Cavayé est une grosse déception pour celui qui connaît déjà l’œuvre de Paolo Genovese. C'est sans finesse aucune que le cinéaste français choisit de dresser le portrait de sept amis qui lors d'un dîner acceptent de jouer à un jeu stupide : le téléphone portable de chaque convive est déposé au milieu de la table et chacun doit lire chaque sms, mail ou faire écouter chaque message vocal qu'il reçoit à ses amis. Si tout se passe d'abord sous les meilleurs augures, peu à peu la soirée va déraper.

L'histoire étant identique à celle de Perfetti Sconosciuti, il est malheureusement possible que le jugement soit légèrement altéré. Dur de passer derrière un long-métrage italien qui a su allier humour et émotion alors que son adaptation française manque cruellement de l'un et de l'autre. En effet, alors que les bons mots fusent régulièrement au pays de la Dolce Vita et que l'émotion y est poignante, l’œuvre de Fred Cavayé demeure étonnamment stérile en la matière. J'avoue ne pas avoir ri une seule fois. Tout juste esquissé un timide sourire à une seule occasion. Voir coup sur coup un film et son remake revêt quelque chose d'handicapant. Le souvenir trop récent d'avoir vécu un vrai grand moment de cinéma contrecarré par la vision d'un remake bas de gamme, plutôt mal écrit malgré l'implication d'interprètes que l'on a connu plus amusants ailleurs.

Certaines des séquences les plus fortes de l’œuvre originales sont ici bâclées. Ou simplement ignorées. C'est malheureux à dire mais tout bon comédien qu'il soit, Stéphane de Groodt ne possède pas le charisme de Marco Giallini et les moments clés que vit son personnage et celle qui incarne son épouse à l'écran (Bérénice Bejo) sont désastreusement plates. Toute l'intime magie du duo incarné par Marco Giallini et Kasia Smutniak est désormais évacuée d'un simple revers de la main par un duo français qui manque cruellement de crédibilité. La faute à une écriture beaucoup moins « pensée » que celle du long-métrage de Paolo Genovese. Beaucoup moins fin, le trait y est largement plus grossier et le spectateur se retrouve devant une comédie française sans véritable saveur qui du point de vue de l'écriture, ne renoue jamais avec les pointures que sont par exemple Un Air de Famille, Cuisine et Dépendances, Le Dîner de Con ou Le Prénom. Fred Cavayé dénigre le rythme apaisé que son prédécesseur avait injecté à une œuvre pourtant parcourue de moments chocs et livre en pâture des interprètes jouant parfois sur le mode de l'hystérie. Non pas que Suzanne Clément soit mauvaise, bien au contraire, mais le personnage de Charlotte qu'elle incarne devient assez rapidement irritante. Au même titre que Vincent Elbaz, très moyen, et qui ne semble pas toujours concentré sur son jeu. S'en tire avec les honneurs le toujours impeccable Roschdy Zem même si là encore, Fred Cavayé manque le coche en ne lui offrant pas un rôle à la hauteur de celui que se vit offrir Valerio Mastandrea dans Perfetti Sconosciuti. Il y a donc deux manières d'aborder Le Jeu. Soit l'on ne connaît pas l’œuvre dont le film de Fred Cavayé s'inspire, et alors, si l'on n'est pas trop regardant sur l'écriture, le film passera pour une excellente comédie française bien qu'un très large cran en dessous des quelques exemples cités au dessus, soit l'on connaît l’œuvre de Paolo Genovese. Et alors, on devrait logiquement vivre une expérience assez désagréable. Comme de revoir le même film amputé de tout ce qui en faisait le sel... Une déception...
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