Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


lundi 30 avril 2018

Иван Васильевич меняет профессию - Ivan Vassilievitch Change de Profession de Leonid Gaïdaï (1973) - ★★★★★★☆☆☆☆



Nouveau petit détour vers l'Union Soviétique après avoir abordé quelques-uns des longs-métrages de l'immense réalisateur Andreï Tarkovski avec le très bigarré Ivan Vassilievitch Change de Profession (Иван Васильевич меняет профессию) tourné en 1973 par l'un des cinéastes russes les plus populaires de sa génération, Leonid Gaïdaï. Bigarré puisque mélangeant différents genres sans rougir, tels que le fantastique, la science-fiction, la comédie, et le film musical. Incarné par l'acteur Alexandre Demianenko, le personnage de Chourik Timofeïev travaille chez lui et dans le plus grand secret sur une machine à voyager dans les temps. Maintenant que l'engin fonctionne, il le teste en présence d'un irascible locataire qui le menace de porter plainte s'il ne cesse pas immédiatement ses recherches. Lors de l'expérience, la pièce toute entière est déplacée vers l'appartement de l'un des voisins de Chourik Timofeïev dans lequel un certain Georges Miloslavsky est surpris en train de cambrioler. Les trois hommes ainsi réunis, la machine les transporte ensuite jusqu'au seizième siècle, dans la demeure du tout premier tsar de Russie, Ivan Vassilievitch dit, Ivan le Terrible. Très vite, les trois hommes sont pris en chasse par les hommes du tsar qui les considèrent comme des démons mais alors qu'une lance atteint la machine ) voyager dans le temps, Ivan le Terrible et l'ingénieur sont propulsé au vingtième siècle tandis que le voisin et le voleurs se retrouvent coincés quatre siècles en arrière...

Étrange objet que cet Ivan Vassilievitch Change de Profession pas véritablement sérieux puisque l'on est davantage confronté à une comédie qu'à un véritable film de science-fiction prenant pour cadre une machine capable de transporter ses utilisateurs dans une autre époque. Un peu à la manière du cinéma bollywoodien, le cinéaste russe Leonid Gaïdaï parsème son long-métrage de quelques chansons typiques du folklore soviétique. Se situant donc à deux époques, nous retrouvons d'un côté le voleur et le voisin récalcitrant pourchassés par les soldats du tsar au seizième siècle, et d'un autre, ce dernier, transporté dans notre présent. Les interprètes cabotinent énormément et injectent une bonne humeur à ce long-métrage qui demeure pourtant fort anecdotique. Vu à l'époque par plus de soixante millions de spectateurs au cinéma en URSS et en Russie, Ivan Vassilievitch Change de Profession est l'un des plus gros succès de son auteur.

Bien qu'il ait pris un petit coup de vieux, cela n'empêche pas le film d'être fort sympathique même si le jeu approximatif de certains interprètes laisse à désirer. La bande musicale oscille entre musique traditionnelle et arrangements électroniques, et les décors demeurent relativement sobres pour ne pas dire minimalistes. On notera la présence de quelques effets-spéciaux plutôt sympathiques. Des animations et des effets visuels qui sont l’œuvre d'Alexandre Klimenko et d'Igor Felitsyne. Le montage lorgne parfois du côté de la célèbre émission de télé britannique The Benny Hill Show lorsque les courses-poursuite entre soldats du tsar, le voleur et le voisin sont filmées en accéléré, tout cela enrobé par une musique particulièrement énergique.
Au final, Ivan Vassilievitch Change de Profession n'a rien de transcendant mais peut se concevoir comme une alternative originale aux nombreux long-métrages concentrant leur intrigue autour du voyage dans le temps. Un film rare disponible pourtant sur le site d'hébergement de vidéos Rutube qui n'est autre qu'une alternative russe de la célèbre plateforme Youtube...

El Dia de la Bestia - Le Jour de la Bête d'Alex de la Iglesia (1995) - ★★★★★★★★☆☆



Le Jour de la Bête, deuxième long-métrage du cinéaste Alex de la Iglesia, est un authentique moment de réjouissance qui ravira les amateurs de provocations en tous genres. Pour cette seconde incartade dans l'humour noir, l'espagnol n'y va pas avec le dos de la cuillère et s'attaque, excusez du peu, à l’Église, aux imposteurs endossant le costume de prophètes, aux médias, et même aux fans de métal lors d'une séquence hautement jouissive laissant envisager que le hard rock, ça n'est en matière générale qu'un seul et même riff de guitare ! Le héros, lui, est professeur de théologie. Et c'est en parcourant attentivement L'Apocalypse de Jean que lui est révélée la date et le lieu où descendra sur Terre le Diable : le 25 décembre 1995, à Madrid, en Espagne justement. Ca n'est donc très certainement pas le fruit du hasard si ce jour là, et ceux qui le précèdent, la violence règne dans les rues. Qu'elle soit le fait des criminels ou même de la police d'ailleurs. Afin d'attirer les faveurs du malin, le père Ángel Beriartúa choisit la voie de la criminalité en dépouillant les mendiants, en volant le portefeuille d'un accidenté de la route ou encore en dérobant la valise d'une inconnue. C'est lors de sa rencontre improbable avec un fan de métal, gérant d'un magasin de disque spécialisé dans le hard rock qu'Ángel Beriartúa s'adjoint les services de José maria. Fraîchement débarqué en ville, le curé va trouver en cet étrange personnage, un compagnon de route qui l'aidera à trouver le Mal et à le détruire avant que lui-même n'aie le temps d'exterminer l'espèce humaine...

Avec un tel synopsis, difficile d'imaginer que Le Jour de la Bête puisse être autre chose qu'une énorme blague, d'autant plus que son auteur, au fil des années, a cherché à toujours aller plus loin dans la critique acerbe de nos sociétés. Alex de la Iglesia balance sans ménagement, tout en prenant le risque de subir les foudres de la censure. Pourtant, son deuxième long-métrage choque rarement. Faisant preuve d'une inventivité permanente, le film déroule son implacable scénario. Entre comédie noire et film d'horreur pastichant La Malédiction de Richard Donner, Le Jour de la Bête est une merveille. Le mauvais élève d'une classe refoulé au font de la salle et ruminant sa vengeance envers un système qui l’écœure. Mais plutôt que de se montrer réellement hostile, Alex de la Iglesia imagine un contexte totalement surréaliste d'où émergent des vérités pas toujours bonnes à dire.

Et pour cela, il peut compter sur un casting solide. Alex Angulo dans le rôle du père Ángel Beriartúa qui interprétait celui d'Alex Abadie dans Accion Mutante, Santiago Segura, acteur et réalisateur de la saga Torrente dans la peau, ici, de José Maria. Armando de Razza qui excelle dans le personnage du Professeur Cavan. N'oublions pas également l'actrice Terele Pávez, véritable égérie d'Alex de la Iglesia (elle joua effectivement dans pas moins de huit des longs-métrages du cinéaste espagnol) qui dans le rôle de la mère du fan de métal est totalement hallucinante !

Qu'il est bon d'assister ici au défoulement d'un curé qui pour s'accorder les faveurs du Diable s'autorise les plus vénales actions. A peine imaginable, et pourtant si réjouissant. Alex de la Iglesia forme un couple improbable : deux antagonistes, l'un proche de dieu et l'autre vouant une fascination pour les groupes de métal satanistes. Le Jour de la Bête, c'est du pur délire. Épuisant tant l'action ne cesse de nous en mettre plein la vue. En gourou, prêtre d'une télévision poubelle où il affiche une image stéréotypée de faux voyant mis en lumière par des effets visuels et une lumière abusivement cheap !
Le Jour de la Bête est un grand moment de cinéma et la preuve que la tâche accomplie par le curé Angel Beriartua n'a pas été vaine. Nous somme en 2018 et le Diable, depuis ce fameux réveillon de Noël 1995 durant lequel un curé, un fan de métal et un charlatan l'on empêché de mettre à bien ses projets de fin du monde, n'est plus jamais redescendu sur Terre...

dimanche 29 avril 2018

The Oxford Murders d'Alex de la Iglesia (2008) - ★★★★★★☆☆☆☆



Pour son neuvième long-métrage, le cinéaste espagnol Alex de la Iglesia s'exporte pour la seconde fois hors des frontières de son pays après le Mexique et les États-Unis de Perdida Durango, son troisième film. Cette fois-ci, l'auteur du Jour de la Bête, du Crime Farpait et des Sorcières de Zugarramurdi tourne The Oxford Murders en Angleterre, à Oxford ainsi qu'à Londres pour le final situé au Victoria and Albert Museum. Adapté du roman de l'écrivain et mathématicien argentin Guillermo Martinez, Crimines imperceptibles, cette co-production franco-britannico-espagnole intègre un casting international avec dans le rôle principal l'américain Elijah Wood (qui fut choisi après que fut d'abord pressenti l'acteur mexicain Gael García Bernal), le britannique John Hurt (qui faillit ne pas participer au tournage puisque furent d'abord évoqués pour le rôle d'Arthur Seldom, les acteurs Jeremy Irons et Michael Cain), l'espagnole Leonor Watling, et le français Dominique Pinon (grand fidèle du cinéaste Jean-Pierre Jeunet avec lequel il tourna à huit reprises).
L'une des différences fondamentales entre The Oxford Murders et le reste de la filmographie de son auteur, se situe au niveau du scénario et de la mise en scène qui diffèrent grandement des œuvres passées et à venir. Laissant de côté la comédie noire au profit du thriller, Alex de la Iglesia, tout en demeurant à l'aise, perd ici un peu du charme qui jusque là faisait partie de l'attrait de son œuvre. Un style qu'il retrouvera fort heureusement par la suite mais en attendant, il propose un spectacle fort passionnant entourant toute une série de références scientifiques et philosophiques à travers des dialogues centrant leur sujet sur des concepts liés aux mathématiques. Des plus usités (effet papillon, suite de Fibonacci), aux plus ardus (les symboles Pythagoriciens, principe d'incertitude de Heisenberg, etc...) auxquels il conviendra peut-être de se référer avant de se lancer dans l'aventure afin de ne pas passer à côté de certaines subtilités.

Toujours est-il que malgré la complexité de certaines hypothèses avancées par nos deux héros, qui sont donc incarnés par Elijah Wood et John Hurt dans les rôles respectifs de Martin, l'étudiant en mathématique d'origine américaine, et le professeur de mathématiques Arthur Seldom, certains spectateurs non-initiés ne resteront pas forcément sourds à leurs arguments, tandis que d'autres préféreront s'attarder sur l'intrigue tournant autour de meurtres perpétré par une 'intelligence' laissant derrière elle des symboles dont le professeur et l'étudiant se devront de saisir le sens s'ils veulent stopper la série d'homicides qui frappent la ville d'Oxford. Une cité magnifiquement mise en lumière dont l'architecture renvoie aux siècles passés.

Alex de la Iglesia arrive à maintenir un suspens constant même si sa présence à la mise en scène a tendance à générer de vieux réflexes parmi les fans du cinéaste qui s'attendent peut-être alors à quelques fulgurances et délires visuels qui malheureusement n'arrivent jamais. D'un point de vue esthétique, The Oxford Murders est de la bien belle ouvrage. L'interprétation est au plus juste et le film offre quelques scènes d'amour (inutile mais) fort agréables à l'oeil, grâce à la silhouette toute latine (donc plantureuse) de Leonor Watling. Toutefois, malgré le sujet abordé, la complexité de certains thèmes (les théories mathématiques, quelle prise de tête parfois), l’œuvre d'Alex de la Iglesia apparaît parfois étonnamment creuse. Ce que n'oublieront pourtant certainement pas d'apprécier les spectateurs les moins susceptibles de s'intéresser aux explications concernant les symboles parsemant le film. Au final, The Oxford Murders est un petit thriller fort sympathique, quoique l'on préférera sans doute voir Alex de la Iglesia retourner à son genre de prédilection. Une prière qui aura été très vite exaucée puisqu'il retourna deux ans plus tard dans son pays natal y tourner son long-métrage suivant, Balada Triste de Trompeta...

samedi 28 avril 2018

La Comunidad - Mes Chers Voisins d'Alex de la Iglesia (2000) - ★★★★★★★★☆☆



Un vieil article retrouvé au fin fond de mon disque dur. Fautes corrigées, mais phrases laissées telles quelles... Donc article relativement moins bien écrit que les derniers publiés. Sorry... !!! 

Julia, travaille pour une agence immobilière Espagnole. En ce jour pluvieux, elle fait visiter à un jeune couple un appartement situé dans un vieil immeuble, charmant, mais aussi en très mauvais état. Alors qu'elle s'attend à ce que celui-ci soit en adéquation avec le reste de l'immeuble, Julia constate avec surprise qu'il n'en n'est rien et malgré le refus du couple de l'acheter après avoir pris connaissance du prix bien trop élevé à son goût, l'agent immobilière décide de passer la nuit dans cet intérieur confortable et chaleureux en compagnie de son mari Ricardo qui depuis un certain temps peine à conserver une forme sexuelle olympienne. Alors qu e le couple se retrouve dans une chambre où trône au beau milieu, un matelas d'eau, leurs ébats sont interrompus par une invasion de cafards tombant d'une fissure située au plafond ainsi que par une fuite d'eau provenant de l'appartement situé juste au dessus.de l'appartement dans lequel ils ont choisi de passer la nuit. 

 Ricardo appelle aussitôt les pompiers qui arrivent peu de temps après pour constater qu'à l'étage du dessus, le propriétaire est mort depuis un certain temps. Dans son appartement règne un désordre indescriptible. Les sols sont jonchés de sacs poubelle, de détritus, de canettes et d'un tas d'autres objets qui indiquent que l'homme devait s'être cloîtré depuis longtemps sans jamais avoir mis les pieds dehors. Alors que les pompiers s'escriment à descendre sur une civière le corps pourrissant de la victime entourés des locataires de l'immeuble interloqués, le corps laisse échapper un portefeuille que Julia s'empresse de dérober avant de s'enfermer dans l'appartement où elle a élu domicile le soir même. Elle y découvre un croquis, sorte de damier qu elle comprendra plus tard être le schéma du dallage de l'appartement dans lequel à été découvert le cadavre. Le soir même elle se rend discrètement à l'étage supérieur et aidée du croquis elle met la main sur un magot de plus de trois cent millions de pesetas. Dès lors, les locataires de l'immeuble, tous plus ignobles et intéressés les uns que les autres auront pour Julia un intérêt certain, surveillant les moindres de ses faits et gestes, jusqu' à ce que cette dernière finisse par comprendre pourquoi les voisins s'intéresse tant à elle... 

Mes chers Voisins (La Comunidad) de Alex de la Iglesia débute comme bon nombre de comédies : légère, presque insouciante, avant que ne change le ton et que la noirceur vienne peu à peu prendre le dessus. Le cynisme du propos (la rage de locataires avides de mettre la main sur une fortune) ainsi que la noirceur de certaines situations (la découverte de l'appartement délabré) donnent au film l'étrange impression de voguer dans des registres aussi variés que la comédie (légère ou noire), l'horreur (la mort dans l'ascenseur) ou le théâtral (la dernière demi-heure proprement hallucinante). Alex de la Iglesia réussit une fois encore à livrer une comédie quasi parfaite. Avec une régularité exemplaire, le cinéaste parvient depuis ses début à offrir aux amateurs d'humour noir des longs-métrages formidablement drôles et sinistres à la fois. L'espagnol respecte un cahier des charges qu'il semble s'être imposé et ce, depuis son tout premier (et cultissime) Accion Mutante

Est-ce consciemment ou s'agit-il simplement du fruit du hasard si le film rappelle tant le Delicatessen de Jeunet et Caro? Si ces derniers firent de leurs locataires de légitimes monstres affamés lancés à la poursuite d'un pauvre clown qui ne demandait pas tant attention de leur part, et ce, dans un univers post-apocalyptique (il s'agit là d'anticipation) Alex de la Iglesia lui, fait des siens, des individus proprement odieux et crapuleux, tout juste intéressés par l'appât du gain. Après avoir égratigné la société, ses dirigeants, ses marginaux, la religion (le fantastique El Dia de la Bestia), le monde du spectacle, et avant de s'attaquer à celui du cinéma, à la concurrence entre vendeurs de grands magasins, ou encore la télévision et les médias sous toutes leurs formes (La chispa de la vida), le cinéaste espagnol aborde l'avarice sous une forme particulièrement outrée. Les acteurs sont tous formidables dans leur comportement abjecte, conduits par une Carmen Maura sublime, séduisante, et attachante. Une véritable perle... noire...

vendredi 27 avril 2018

Paradies - Glaube de Ulrich Seidl (2012) - ★★★★★★★★☆☆




Paradies : Glaube est le second volet de la trilogie Paradies tournée courant 2012 par le cinéaste autrichien Ulrich Seidl. Un cinéma ascétique. Minimaliste. Austère. Mais sans doute très proche de la réalité. Celle qui entour Glaube est aussi dérangeante que fascinante. Par choix, ou par nécessité, Ulrich Seidl aborde le thème de la ferveur religieuse à travers le portrait d'Anna Maria, dont la foi pour le Seigneur Jésus Christ est telle que l'on pourra soit admirer sa dévotion, soit la rejeter en bloc jusqu'à en être troublé. L'une des particularités du film est d'opposer son héroïne a un époux dont la religion est différente. Le musulman ici incarné par l'acteur amateur Nabil Salem a ceci de très particulier qu'il endosse une personnalité bien différente de l'image que se font les ignorants en matière de religion tout en préservant tout de même certains des aspects les moins reluisants. Le spectateur assiste ainsi à l'un des traits de caractère d'un époux d'abord parti, puis revenu s'installer dans la demeure du couple, s'acharnant sur son épouse, l'insultant, la battant, alors même que l'un des engagements de l'Islam veut que l'homme demeure bienveillant à l'égard de la femme. Glaube a ainsi la fâcheuse, quoique très honnête, habitude de montrer le destin que connaissent certaines épouses, bien qu'ici, contrairement à un fait souvent relaté, celle-ci ait apparemment conservé le droit de croire en un Dieu différent.

En ouvrant les hostilité entre les époux, le cinéaste Ulrich Seidl semble évoquer l'un des troubles majeurs qui minent le moral d'une partie de la population et qui veut que l'Occident connaissent des heures troubles à travers l'immigration permanente d'hommes et de femmes de confession musulmane dans leur pays. D'où l'écrasante impression d'y voir l'étranger s'installer sans intention de s'intégrer aux mœurs courantes et aux traits de caractères que reflètent la république et le christianisme. Les frontières qu'impose l'autrichien étant ici représentées par les murs que constitue la demeure. Un foyer pas si tranquille que cela malgré l'éprouvant traitement que s'inflige Anna Maria au nom de celui pour lequel elle éprouve un amour sans limites, et malgré les innombrables prières et invocations qu'elle répète inlassablement au quotidien. De quoi se poser la question : mais que fait le Seigneur pour aider sa brebis alors que le danger se fait de plus en plus tactile ?

A cette réponse, Ulrich Seidl apporte une seule et même réponse, et qui demeure celle des débuts : la ferveur, toujours la ferveur. Au mépris de l'humiliation, des hurlements, des crachats. A ce titre, l'autrichien semble prendre fait et cause pour son héroïne (l'épatante actrice autrichienne Maria Hofstätter qui jouait déjà dans le premier volet et dans un certains nombres de longs-métrages du même auteur) en l'opposant à un époux abominable, auquel personne ne se résoudra à s'attacher. De quoi se convaincre une fois de plus que les envahisseurs sont parmi nous. Glaube prend ainsi des airs de film de propagande contre les musulmans et les immigrés. Un aspect qui peut profondément déranger, tout en demeurant pourtant fascinant. Nabil figure ainsi le Malin, allant même jusqu'à hurler de douleur lorsqu'Anna Maria l'asperge d'eau bénite pour se venger de l'humiliation qu'il lui a fait subir devant des amis partageant tout comme elle, la même ferveur pour le Seigneur Jésus Christ.

Glaube est une œuvre remarquable, d'une beauté plastique minimaliste et froide. En terme de musique, le spectateur ne sera dérangé que par les quelques airs religieux interprétés par une Anna Maria acquise à la cause de son Seigneur. Les plans sont fixes et la caméra n'offre aucune sorte de travelling. L'interprétation est juste et les deux acteurs incarnent à merveille ce couple mal assemblé. Quelques scènes pourront choquer, mais dans l'ensemble, le film touche à une vérité qu'il demeure toujours aussi risquer d'aborder sur grand écran. Ulrich Seidl l'a fait, et on ne peut que le remercier pour cela...

Солярис - Solaris d'Andreï Tarkovski (1972) - ★★★★★★★★☆☆



Faisant suite à L'Enfance d'Ivan en 1962 et Andreï Roublev en 1966, Solaris est le troisième long-métrage du cinéaste russe Andreï Tarkovski qui désormais, change totalement d'univers et plonge ses interprètes dans la science-fiction en adaptant le roman éponyme de l'écrivain ukrainien Stanislas Lem. Sur une base scénaristique écrite de ses propres mains ainsi que de celles de l'écrivain et scénariste soviétique Friedrich Gorenstein, Andreï Tarkovski propose une œuvre de hard science-fiction se rapprochant davantage de 2001, l'Odyssée de l'Espace du cinéaste britannique Stanley Kubrick que de Star Wars ou encore de Star Trek. Une œuvre donc fort exigeante, longue de plus de cent cinquante minutes, ce qui peut alors expliquer le rythme léthargique auquel le spectateur est confronté. Certaines scène s'étirent à l'infini, comme le passage durant lequel le personnage de Henri Berton incarné par Valdislav Dvorjetski traverse d'innombrables tunnels à bord d'une voiture, jusqu'au coucher du soleil, sur une planète Terre se révélant fourmillant d'une vie beaucoup plus présente que celle, apparemment invisible à laquelle seront confrontés les personnages vivant à bord de la station installée sur la planète donnant son nom à cette œuvre de science-fiction difficile d'accès de par son approche.

Dès le départ, et à travers ses plans visant à montrer des végétaux balayés par les remous d'un léger courant marin, Andreï Tarkovski propose une œuvre en apesanteur. Après une longue séquence durant laquelle le spectateur assiste en noir et blanc, à une réunion évoquant la possibilité d'abandonner le projet 'Solaris', ses responsables envoient à bord de la station du même nom le psychologue Kris Kelvin (l'acteur Donatas Banionis), chargé de faire la lumière sur les propos tenus par Henri Berton, lequel affirme avoir été le témoin d'événements extraordinaires. Mais dès son arrivée sur la station, Kris est confronté à deux scientifiques apparemment très atteints psychologiquement. Le Dr Snaut (Jüri Järvet) et le Dr Sartorius (l'acteur Anatoli Solonitsyne qui interpréta le rôle-titre de l'oeuvre précédente du cinéaste russe) montrent des signes inquiétants de troubles comportementaux. Mais alors qu'il est chargé d'apporter son aide aux deux hommes (un troisième scientifique est malheureusement déjà mort lorsque Kris arrive sur la station), le psychologue semble lui-même être très rapidement atteint par ces mêmes troubles. C'est ainsi qu'il croise dans les coursives de la station, Khari, son ancienne compagne. Problème : la jeune femme est censée être morte depuis de nombreuses années.

C'est sur ce postulat qu'Andreï Tarkovski bâtit une œuvre où la science-fiction n'est presque qu'un prétexte afin d'évoquer la relation entre les personnages de Kris et de Khari, cette dernière étant incarnée par l'actrice russe Natalia Bondartchouk alors que le cinéaste avait d'abord envisagé d'offrir le rôle de la jeune femme à son ex épouse Irma Raush qui joua déjà dans les deux premiers longs-métrage d'Andreï Tarkovski. Il y serait presque question de Dieu également, car à travers Solaris, cette planète-océan recouverte par une matière protoplasmique, le psychologue et les scientifiques vont découvrir qu'elle est capable de générer ce que les trois hommes nommeront des 'Visiteurs', venus prendre contact avec eux. D'où la présence de Khera, visiteuse qui sous cette forme est certaine de retenir l'attention de Kris. S'ensuit alors une succession de séquences mettant en scène ce couple d'un genre nouveau, mêlant atomes et neutrinos (particules élémentaires instables). Andreï Tarkovski pose sa caméra devant ses deux principaux interprètes et rend ainsi hommage à l'amour tout en évoquant la possibilité d'une rencontre du troisième type. Et même, le cinéaste propose l'un des rares cas de rencontre du septième type (RR7) puisque Kris et Khari vont pousser leur relation jusqu'à avoir des rapports sexuels.
Planète-Océan, Planète-Cerveau, Solaris est le terreau d'émotions encore restées vierges. De celles dont ne sont pas encore maculés ces Visiteurs qui au contact des humains apprendront à véhiculer plusieurs d'entre elles. La technologie représentée ici étant presque réduite à sa plus simple expression, le film repose sur l'interprétation exclusive de ses interprètes. Film-fleuve de plus de deux heures-trente, Solaris pourra se révéler inconfortable, fort éloigné des standards hollywoodiens. Le cinéaste américain Steven Soderbergh réalisera trente ans plus tard un remake principalement interprété par George Clooney et Natascha McElhone. Amusant lorsque l'on sait que durant des décennies, Union Soviétique et États-Unis se livrèrent à une compétition dans le domaine de l’astronautique. Solaris est un grand film de science-fiction. D'une intelligence rare et exposant des hypothèses fort passionnantes. Il est de plus accompagné d'un travail sur la bande-son qu'il serait préjudiciable d'omettre : œuvre du composteur russe Edouard Artemiev et du preneur de son Semyon Litvinov...

jeudi 26 avril 2018

Андрей Рублёв - Andreï Roublev d'Andreï Tarkovski (1966) - ★★★★★★★★★★


Vous pouvez retrouver la plupart des longs-métrages d'Andreï Tarkovski en streaming sur Youtube et ce, en toute légalité. Les films sont proposés en HD et proposent tout un choix de sous-titres dont les français... N'hésitez donc pas à vous plonger dans l'univers de cet extraordinaire cinéaste russe...


Andreï Roublev, avant d'être le second long-métrage du cinéaste russe Andreï Tarkovski, c'est d'abord le nom d'un moine et peintre d’icônes du quinzième siècle. Si les informations concernant Andreï Roublev sont vagues et peu fournies, Andreï Tarkovski a cependant pris soin de respecter une certaine chronologie des événements. Nous retrouvons donc le peintre au tout début du quinzième siècle, au moment où lui est confiée la création d'une fresque dont le thème est le Jugement Dernier. Malgré sa répugnance à représenter l'homme face au jugement de Dieu de peur d'effrayer ses semblables, il finit cependant par s'atteler à la tâche et accomplir le travail pour lequel il a été engagé à la Cathédrale de la Dormition à Vladimir. Cette première partie d'une durée d'un peu plus d'une heure vingt apparaît comme la phase la plus complexe en matière d'écriture puisque reposant essentiellement sur des écrits empruntés aux ouvrages religieux tels que la Bible. En toute honnêteté, il se pourra qu'une partie du public abandonne le récit en cours de route. Déroutante, la mise en scène et les dialogues laissent un tel champ d'investigation que certains risquent de s'y perdre en chemin. Mais lorsque démarre la seconde partie, d'une dizaine de minutes plus longues que la première, le spectacle est total, et montre l'évolution fulgurante entre le premier long-métrage d'Andreï Tarkovski (L'Enfance d'Ivan), et celui-ci qui marque un pas de géant dans la filmographie de son auteur.

La seconde partie expose dès son ouverture l'attaque de la ville de Vladimir par le frère du Grand Prince Vassili alors que celui-ci est parti en campagne en Lituanie. Aidé par une bande de tatars (ancien peuple turco-mongol de nomades), le frère pousse ses hommes à la destruction totale de Vladimir. Durant un bon quart-d'heure, le spectateur assiste médusé à la mise à sac de la ville. Les hommes sont tués, les femmes violées avant de connaître le même sort. La plupart des villageois sont retranchés dans la cathédrale dont la porte massive ne fait pas longtemps le poids face au bélier que les tatars utilisent afin de forcer l'entrée de l'édifice. Là encore, hommes et femmes sont massacrés. Après les maisons, pillées et réduites en cendres, les soldats du frère du Grand Prince et les tatars tuent hommes, femmes, mais également, enfants et religieux. De ce massacre insoutenable filmé avec une grande maestria par le cinéaste russe, ne survivront qu'une femme muette, et Andreï Roublev que l'on retrouve désormais dans la peau d'un repentant ayant choisi de garder le silence afin de se repentir du meurtre qu'il vient d'accomplir en sauvant la femme en question.

Andreï Roubliev est comme ici parsemé de scènes clés d'une richesse visuelle époustouflante. Surtout lors de la seconde partie qui comme la première, est scindée en un certain nombre d'actes dont deux sont tellement impressionnants (le premier, résumé juste au dessus) qu'ils confineraient presque à la démence tant leur accomplissement se révèle, sur le papier, inconcevable. Mais c'était sans doute présager un peu trop vite des limites imposées par les moyens et l'époque, car le talent d'Andreï Tarkovski est si exceptionnel, qu'un acte tel que la fabrication d'une cloche toute à la gloire du Grand Prince relève pratiquement de l'acte de foi. Et que dire, alors, de son ascension au sommet d'un clocher, qui toute proportions gardées, est digne d'un titanesque chantier égyptien de l'époque de la construction des pyramides. Mais l'aboutissement de ce segment ne s'arrêtant pas là, le cinéaste russe ménage un suspens effroyable dont la conclusion sera exécutive lors de retentissement, ou non, de la cloche...

Fourmillant de symboles religieux, de foi et de renonciation, d'amour et d'actes de guerre, Andreï Roubliev est une œuvre fleuve de presque trois heures. Riche, merveilleusement mis en image dans un très beau noir et blanc (les dernières minutes en couleur exposant l’œuvre d'Andreï Roubliev étant une façon de rendre hommage au peintre), et interprété par des acteurs éblouissants de justesse, ce long-métrage fait partie de ces œuvres qui donnent leurs lettres de noblesse au septième art. Un film indispensable pour tout cinéphile qui se respecte. Un monument du cinéma...

mercredi 25 avril 2018

Иваново детство - L'Enfance d'Ivan de Andreï Tarkovski (1962) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Cinq ans après l'expérience fantastique que fut la découverte de l'extraordinaire Stalker du cinéaste russe Andreï Tarkovski, c'est la seconde fois aujourd'hui que je me penche sur son œuvre. Alors même que l'exploration de certains de ses plus fameux films m’apparaît comme une évidence (je pense notamment à Solaris et à Andreï Roublev que j'attends avec impatience de pouvoir découvrir), j'ai pourtant jeté mon dévolu sur son premier long-métrage réalisé en 1962. L'Enfance d'Ivan. Ou comment revenir aux origines d'un cinéaste toujours aussi prompt à noyer ses intrigues dans des univers accordant une large place à l'onirisme. Tiré de la nouvelle écrite par l'écrivain soviétique Vladimir Bogomolov, et adapté pour le grand écran par son auteur lui-même ainsi que par Mikhaïl Papava, l’œuvre d'Andreï Tarkovski est à ce point déroutante dans son approche qu'il demeure difficile d'en faire une analyse totalement objective.
Étrange repoussoir pour certains. Voyage fantastique aux confins de la mémoire pour d'autres. Dur de choisir son camp. Les moyens mis en œuvre paraissent parfois si pauvres que l'on a bien du mal à imaginer assister à un épisode tragique opposant l'armée soviétique à l'armée allemande. Les effets-visuels tendent parfois à la naïveté par leurs jeux de lumières et leurs feux d'artifices simulant des bombes volant au dessus de la tête de nos héros. Ce n'est que rétrospectivement, et après avoir probablement assimilé l’œuvre toute entière du cinéaste que l'on comprendra sans doute (ceci demeurant pour moi, à ce jour, une hypothèse) le message caché derrière ces effets puérils.

Car le récit de L'Enfance d'Ivan ne tourne-t-il pas autour d'un enfant, jeté non pas malgré lui mais avec une féroce et personnelle volonté dans un combat opposant deux nations ? Peut-être faut-il donc y voir la vision de cet enfant. Les yeux encore tout embués par l'imagerie enfantine qu'il ne cesse pourtant de vouloir chasser de son esprit. Et ce, afin d'être définitivement débarrassé de cette enveloppe qui lui colle à la peau et qui l'empêche de devenir l'adulte qu'il rêve d'être.

Tout débute par un rêve, qui très vite se transforme en cauchemar. Andreï Tarkovski s'adresse au spectateur par énigmes. On sent poindre l'idée d'un drame dont les conséquences furent suffisamment terribles pour qu'un gamin désire fuir sa condition d'enfant afin d'obtenir vengeance. Mais de quelle vengeance s'agit-il ? Cela, le spectateur le découvrira bien plus tard, mais avant cela, il devra subir un spectacle qui au regard de l’œuvre future de l'un des plus grands cinéastes russes de sa génération, se révèle malgré tout décevant. C'est d'autant plus rageant que le final laisse déjà entrevoir les multiples possibilités dont le cinéaste aura la bonne idée d'abuser dans son remarquable Stalker dix-sept ans plus tard. L'Enfance d'Ivan propose un spectacle peu motivant, ne laissant même pas au spectateur l'opportunité de créer son propre imaginaire à l'aide des outils visuels mis à disposition par Andreï Tarkovski. Seuls quelques rares plans demeurent en surface et font regretter que le reste ne soit que dialogues insipides et décors figés.

La fin, curieusement, peut être envisagée de manières différentes selon que l'on est prompt ou non à accepter le merveilleux dans une œuvre avant tout considérée comme un film mêlant drame et guerre. Une image, celle d'Ivan lui-même, remet alors tout en question. Les dix dernières minutes seront certainement les seules à visuellement bluffer le spectateur. En tout cas, elles me donnèrent suffisamment de raisons de regretter que le cinéaste russe n'ait pas choisi de traiter l'intégralité du long-métrage avec autant d'application que cette fin superbement onirique. Une fin qui aurait pourtant sans doute des conséquences positives pour l'avenir, du réalisateur, laissant espérer un spectacle à venir, grandiose et majestueux. Ce qu'allait fort heureusement prouver très rapidement Andreï Tarkovski...

mardi 24 avril 2018

Delta de Kornél Mundruczó (2008) - ★★★★★★★★☆☆



Lorsque l'on remonte, à l'envers, la filmographie du cinéaste hongrois Kornél Mundruczó, il est étonnant de tomber sur Delta, son quatrième long-métrage. On n'y perçoit pas encore toute l'urgence des personnages que les spectateurs accompagneront six ans plus tard à travers White God, et trois années supplémentaires avec La Lune de Jupiter. Pas encore ancré dans un milieu urbain, le cinéaste installe le récit de son film dans un coin du Delta du Danube, en Roumanie. C'est là que réapparaît après de nombreuses années Mihail, à la recherche de sa mère. Il y trouvera sa jeune sœur, qu'il ne connaît pas. Fauna, vit donc avec leur mère, et leur beau-père. Un individu aussi peu affable qu'aimable étouffant une belle-fille qui n'attendait qu'une occasion comme l'arrivée de son frère pour fuir la vieille demeure familiale. Entre Mihail et Fauna s'installe une étrange relation, mélange d'amour fraternel et d'attirance sexuelle. Une vue de l'esprit et du corps que malheureusement pour le frère et la sœur, les proches ainsi que les villageois ne sont pas prêts d'accepter...
Mihail, c'est l'acteur et accessoirement joueur de violon et de cithare, Félix Lajkó. Compositeur d'une partie de la bande musicale de Delta, son personnage débarque sur les terres de son enfance comme l'un de ces êtres étranges parcourant l’œuvre hypnotique du cinéaste allemand Werner Herzog, Herz aus Glas. Comme sous l'effet de psychotropes, son personnage réserve presque exclusivement son temps de parole à sa sœur, interprétée par la belle et frêle Orsolya Tóth. Le rapport entre le film de Kornél Mundruczó et l'univers de Werner Herzog ne s'arrêtant pas là, on retrouve tout ce qui fait le charme d'un cinéma qui se veut au plus proche de la réalité, quitte à faire fuir une partie du public peu habitué à subir un tempo aussi lent. Mais mon dieu, lorsqu'on adhère à ce type d'approche, que la surprise est belle.

Contemplatif, Delta l'est assurément. Comme une carte postale qui a force d'être admirée pendant de longues heures prendrait vie et happerait celui qui rêverait de s'y plonger. Les silences sont ici, religieux. Presque obséquieux. C'est à travers les regards plus qu'à travers les paroles que le cinéaste intéresse le public à ces personnages que l'on devinerait presque provenir d'un lointain passé s'il n'avait pas fait l'impasse en omettant de dater les événements. Kornél Mundruczó décrit ses deux principaux personnages comme des êtres d'une pureté et d'une innocence rares. A tel point que cet amour contre-nature qui les lie désormais ne peut plus être conçu comme une simple déviance mais comme un amour vrai, sincère, et pur. Un frère, une sœur, qui n'ont d'autre projet que de construire une maison à eux. Une bâtisse faite de bois, construite sur le Danube. Une représentation simple de ce que ces deux être perçoivent alors comme l'accomplissement de leur union, mais que d'autres s'acharneront à remettre en question. Tout ceci ne pourra évidemment rendre que plus dur le destin tragique qu'offrira le cinéaste hongrois à Mihail et Fauna. Déjà l'on sent percer ce désir profond d'égratigner ses semblables. Kornél Mundruczó n'y va pas avec des pincettes et c'est avec froideur et sans jamais le sacrifier aux artifices qu'il condamne le frère et la sœur. À une mort certaine. La barbarie au quotidien ne s'arrêtant pas aux frontières séparant la ville de la campagne, le spectateur assiste alors impuissant à l'inimaginable...

Côté musique, outre les compositions de Félix Lajkó, on a droit au titre On the Way que le groupe de rock alternatif allemand Popol Vuh composa pour la bande originale du film Nosferatu, Phantom der Nacht du réalisateur... Werner Herzog. Oui, une fois encore, l'ombre du cinéaste allemand plane sur l’œuvre du hongrois lors d'une scène assez stupéfiante se déroulant sur le Delta du Danube lors des obsèques d'un patriarche. On peut entendre également en forme de testament, le sublime Quatuor à cordes en ré mineur D. 810 La Jeune Fille et la Mort écrit par Franz Schubert en 1824. Au final, l’œuvre de Kornél Mundruczó est un formidable message d'amour en parallèle duquel, le cinéaste confronte la bêtise sous sa forme la plus inhumaine. Un joyau...

dimanche 22 avril 2018

White God de Kornél Mundruczó (2014) - ★★★★★★★★☆☆



Lorsque l'on a découvert l'univers du cinéaste hongrois Kornél Mundruczó à travers son dernier long-métrage, La Lune de Jupiter, l'envie irrépressible de découvrir ses œuvres passées se fait très vite ressentir. White God est le sixième long-métrage du hongrois. Loin des plans-séquences de son dernier né qui éblouirent une partie du public, Kornél Mundruczó imagine un récit tournant majoritairement autour d'une gamine et de son chien. Sauf que de présenter ses personnages sous des aspects où la quiétude prédomine, le cinéaste préfère asséner au spectateur un uppercut qui, contrairement à l'idée qui pourrait émerger que le film foule les territoires empruntés par les productions Walt Disney et consorts (La Belle et le Clochard), préfère évoquer la monstruosité de l'homme à travers l'allégorie. La métaphore est évidente et expose nos semblables aux rapports qu'ils entretiennent avec les défavorisés qui pullulent dans nos rues et dont on refuse même parfois dans certains pays de dormir sur un banc ou d'exploiter le contenu des poubelles. Ici, Kornél Mundruczó durcit le propos en imaginant un état (ici, la Hongrie) dans lequel les propriétaires de chiens bâtards sont contraints de payer une taxe.
Récupérée pour trois mois par son père divorcé de sa mère, la jeune Lili est la maîtresse de Hagen, l'un de ces chiens de race impure dont la simple évocation rappelle le traitement infligé aux juifs durant la Shoah. Rejeté par son père, le chien est abandonné dans la rue. Tandis qu'il trouve une aide inespérée auprès d'un petit roquet, Lili part régulièrement à sa recherche afin de le retrouver. Mais pour Hagen, les dangers sont multiples. Tandis que Lili parcourt les rues en placardant des affiches à l'effigie de son chien, celui-ci va être confronté à l'homme et à son ignominie. Poursuivi par des agents de la fourrière parquant les chiens errants qui, dans le meilleur des cas trouveront un nouveau maître et dans le pire, seront euthanasiés, Hagen va être enlevé, puis revendu à un homme qui le dressera au combat.

White God est, pour les amoureux des chiens et des animaux en général, aussi jubilatoire qu'inconfortable. C'est après avoir été confronté au traitement infligé à un chien enfermé dans une cage que l'idée de tourner un film tournant autour du sujet des minorités vient à l'esprit de Kornél Mundruczó. C'est ainsi qu'il y mêle l'effroyable conception de l'homme dans son exploitation de la misère. Bien qu'étant parfois totalement surréaliste dans son approche du sujet, le cinéaste fait preuve d'une maîtrise incroyable lorsqu'il s'agit de mettre en scène sa meute de chiens partis se venger des hommes. Certaines séquences sont visuellement époustouflantes (la fuite des chiens de la fourrière). Certains aspects demeurent cependant fort déroutant. Le cinéaste abandonne son héroïne incarnée par l'actrice Zsófia Psotta errer dans des soirées un peu glauques parmi une faune bien plus âgée qu'elle. Une descente aux enfers prenant une forme brouillonne et laissée en plan. Au final, des scènes qui demeurent d'une effarante inutilité et gâchent quelque peu le portrait construit autour de l'animal interprété par Luke et Body, deux chiens grâce auxquels, Luke et Body Kornél Mundruczó remportera la 'Palme Dog', un prix récompensant le chien pour son interprétation dans un long-métrage. Une récompense qui se veut parodique et qui pourtant, ici, treize ans après sa création, laisse un goût amer. Car devant la caméra, les deux chiens incarnent cette métaphore évoquée plus haut avec une force extraordinaire. Lâché en pleine rue, le cinéaste filme Hagen en travelling sur un pont, désemparé, effrayé par les bruits de la ville, et le spectateur y croit. Kornél Mundruczó filme ses bêtes avec un sens aiguisé du comportement animal. C'est beau, mais aussi parfois, très cruel. On n'est pas prêt d'oublier les scènes durant lesquelles son nouveau 'maître' lui inflige coups et injections de stéroïdes afin de le préparer au combat.

Le jubilatoire, le spectateur épris de grosses bêtes poilues pourra en bénéficier lors d'un final parfois ahurissant de surréalisme et finalement très proche de la nouvelle trilogie de La Planète des Singes. L'homme face à l'animal. Une confrontation inévitable qui laissera le spectateur pencher du côté de la bête plutôt que de son congénère. White God est une pépite, réalisée par un cinéaste qui décidément à de grandes histoires à nous raconter. A voir absolument...

Magnum Force de Ted Post (1973)



Réputé pour n'aimer personne et surtout pas ceux qu'on lui colle, le Lieutenant Callahan se voit attribué un nouveau coéquipier nommé Early Smith. Après le mexicain Chico, voilà qu'il doit accepter de travailler avec un noir. Callahan est relégué par le lieutenant Briggs au service des surveillance après qu'il ait jugé son comportement inadapté lors d'une récente intervention. Callahan s'intéresse de très près à une affaire qui secoue sans doute surtout les milieux criminels puisqu'une série de meurtres touche uniquement ces derniers. Callahan, qui n'a pas le droit de s'en mêler, parvient tout de même à s'incruster là où il n'est pas attendu, ce qui contrarie fortement son supérieur.

Les conseils de Briggs demeurant inefficaces, il aiguille Callahan sur un hypothétique coupable qui se révèle n'être en réalité qu'un leurre. Il n'y a pas UN coupable, mais quatre. Quatre motards de la police commandés par John Davis et qui écument la ville à la recherche de truands auxquels ils vont faire la peau.

Callahan soupçonne très vite le quatuor mais lorsqu'il fait part de ses soupçons au lieutenant Briggs, ce dernier nie les faits. Lorsque les quatre motards comprennent qu'ils sont dans le collimateur du Charognard, l'existence de celui-ci et de Early Smith sont mises en danger...

Second volet consacré à l'un des plus détestables flics de San Francisco, Magnum Force est réalisé cette fois-ci par Ted Post, cinéaste qui tourna déjà aux cotés de Clint Eastwood cinq ans plus tôt dans Pendez-Les Haut et Court. Cette suite au premier chapitre est du même acabit. Le personnage centrale demeure aussi attachant qu'exécrable sous certains aspects. Jugé raciste par son entourage, il n'en demeure pas moins capable de s'adapter aux coéquipiers que ses supérieurs lui imposent. Callahan est plus solitaire que xénophobe.

Clairement inspiré par les « fameux » escadrons de la mort au Brésil, Magnum Force a l'intelligence de faire passer un message sans faire dans le pompeux. Eastwood contient ses pulsions et enquête sur des hommes au demeurant insoupçonnable et doit surtout faire face à une hiérarchie inflexible dont le comportement étonne parfois jusqu'à ce que l'on comprenne pourquoi.

L'oeuvre possède quelques-un de ces fameux interludes durant lesquels notre inspecteur favoris s'occupe d'affaires différentes de celle qui sert d'intrigue principale. Ici, un détournement d'avion qui fera autant de victimes qu'il y a de preneurs d'otages. C'est évidemment Callahan qui a le dessus même si les tueurs ont toujours tendance à attendre leur tour pour tirer. On notera un concours de tir qui n'est pas anodin puisqu'il va permettre au lieutenant de mettre la main sur un important indice, corroborant ainsi ses soupçons.

Magnum Force est un film policier mâtiné d'action. A cette époque là, les cinéastes étaient encore capable de réaliser des œuvres efficace qui évitaient la surenchère. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas. Outre la mise en scène de Ted Post et l'interprétation de tous les acteurs, c'est bien celle de Clint Eastwood qui donne toute sa grandeur au film. Un excellent volet...
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...