Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


dimanche 29 mars 2015

La Troisième Partie de la Nuit de Andrzej Zulawski (1971)



Pologne 1940. Michal voit son épouse, leur fils et sa belle-mère mourir sous ses yeux et ceux de son père sans qu'il puisse rien y faire, caché à l'orée d'une forêt. Les responsables de ce massacres sont allemands. Alors qu'il venait tout juste de revenir chez eux après avoir été guérit du typhus, Michal quitte leur propriété et arrive en ville où il est pourchassé par une police collaborant avec l'ennemi nazi. Blessé et réfugié dans un immeuble, il monte jusqu'au dernier étage avant de s'écrouler sur le sol. Il entend alors des pas puis une fusillade. Un innocent vient de faire les frais de celui que la police pourchassait.

Une jeune femme enceinte sort en hurlant de son appartement et crie à l'erreur. On vient de tuer son époux. Ramenée chez elle par l'occupant, Michal la retrouve dès que ses poursuivants ont quitté l'immeuble. Marta est désemparée et bientôt les premières contractions se font ressentir. La jeune femme accouche sur son lit, aidée par Micha qui finit par s'évanouir des suites de sa blessure à l'épaule. Lorsqu'il reprend des forces, Marta le bande. Reprenant peu à peu des forces, Michal s'engage dans la résistance sous le nom de « grizzly ». L'ancien assureur prend un emploi dans un cabinet afin de nourrir des poux infectés par le virus du typhus afin de trouver un remède.

Michal attend avec impatience que le chef de la résistance, « aveugle »', lui confie une mission. Lorsque ce jour arrive, on lui ordonne de se rendre dans un hôpital et d'en faire évader un homme qui n'est autre que l'époux de Marta qu'il croyait mort...

Tout premier long-métrage d'Andrzej Zulawski, La Troisième Partie de la Nuit se situe bien dans la lignée de sa filmographie à venir. Déjà, ses thèmes de prédilections, l'amour et la mort, transpire dans cette œuvre qui malgré quelques moments de pure violence et d'hystérie n'apporte rien de véritablement passionnant dans une carrière qui connaîtra des hauts et beaucoup de bas, surtout pour les nombreux allergiques au cinéma du polonais.
 
Filmé dans une Cracovie sinistrée, Zulawski se nourrit de ses propres doutes et de l'expérience de son père durant la seconde guerre mondiale puisqu'en effet, ce dernier à lui-même servit de cobaye afin d'endiguer le typhus qui faisait des ravages à l'époque. Le fait est que le premier long-métrage du cinéaste ne parviendra à convaincre que ses fans purs et durs. Comme cela sera très souvent le cas, les acteurs et actrices théâtralisent chacune de leurs interventions. La scène est comme très souvent chez Zulawski d'une froideur stupéfiante. Décors sombres, crasseux, marqués par une guerre impitoyable, L'austérité de La Troisième Partie de la Nuit est notamment appuyée par la partition musicale de celui qui composera la bande-son de quelques œuvres importantes du cinéaste (Possession, Mes nuits sont plus belles que vos jours).

La Troisième Partie de la Nuit divise, c'est certain. Entre ceux qui ne trouveront pas davantage matière à réfléchir sur ces litanies mystiques dont nous abreuve chaque fois les personnages d'Andrzej Zulawski et les assidus qui lui trouveront des excuses parfois peut-être justifiées, le premier film du cinéaste polonais possède déjà les éléments qui définiront son empreinte plus tard. On peut ou pas adhérer. Et même si l'on est loin d'atteindre le degré d'intensité émotionnelle de L'Important c'est d'Aimer ou du sentiment d'horreur qui nait après la vision d'un film tel que Chamanka, La Troisième Partie de la Nuit demeure une œuvre essentielle puisqu'elle a ouvert la voie à un cinéma transgressif dans lequel l'amour et la mort sont indissociables...


jeudi 26 mars 2015

Blue Velvet de David Lynch (1987)



Lamberton, petite ville américaine où les pelouses sont verdoyantes et où la quiétude semble être la première des impressions que donnent les lieux, un homme arrose son jardin avant d'avoir une attaque. A l'hôpital où il séjourne, son fils Jeffrey Beaumont lui rend visite. Après avoir quitté l’hôpital, ce dernier flâne dans la campagne avoisinante et trouve dans un coin herbeux une oreille coupée. Curieux, il décide de l'emporter avec lui et se rend au commissariat de la ville afin d'en faire part aux autorités. Après que le médecin légiste local ai constaté qu'elle a été coupée à l'aide d'une paire de ciseaux, Jeffrey emmène l'inspecteur auquel il a eu affaire à l'endroit même où il a trouvé l'oreille.

Le soir même Jeffrey se promène dans une rue tranquille de la ville et frappe à la porte de l'inspecteur chargé de l'enquête qui lui promet de lui donner tous les détails de l'affaire une fois qu'elle sera résolue. Dehors il rencontre la fille de ce dernier qu'il connaît depuis l'enfance et la questionne au cas ou cette dernière serait au courant de certains détails concernant l'enquête. Elle lui parle d'une certaine Dorothy Vallens qui serait mêlée à l'affaire. Elle accepte alors de le conduire jusqu'à l'appartement de celle-ci et, attisé par la curiosité, il se fait un devoir d'épier l'inconnue et découvre que l'apparente tranquillité de Lamberton n'est qu'une façade et qu'elle cache en son sein de biens étranges personnages...

Pénétrer l'univers si particulier de David Lynch n'est, pour beaucoup de monde, pas chose aisée. Il demande un effort de concentration, de patience, d'interrogation et de curiosité pour se livrer au cinéphile envieux d'en connaître d'avantage sur celui qui depuis une trentaine d'années triture les méninges de nombre de personnes en mal d'évasions cinéphiles. Depuis ses premiers courts-métrages jusqu'à son dernier film "Inland Empire", le cinéaste nous convie à l'exploration d'un univers sans cesse en expansion qu'il est intéressant de décortiquer image par image ou au contraire définitivement insupportable d'essayer d'analyser lorsque l'on ne s'y est pas préparé longtemps à l'avance et ce, avec conviction. Regarder l'un de ses rares films tortueux et labyrinthiques, c'est prendre le risque de se perdre, à l'image de ses héros, dans les méandres d'histoires alambiquées et de personnages aux destinées troubles, de celles qu'on ne rencontre que très rarement dans la vie de tous les jours.

Alors que le cinéma semble parfois se perdre définitivement dans l'irraisonnable légèreté de scénarios insipides et dans d'insolvables jeux d'acteurs zombifiés par d'indigentes répliques, David Lynch lui, nous offre une approche toute personnelle du septième art. Lorsqu'un génie jette un regard sur le monde qui l'entoure, il offre aux spectateurs conquis les plus belles images qui leur soit offertes à la contemplation. Parler de ce film et de tant d'autres est avant tout un désir de partager l'amour du septième art et pourquoi pas de faire découvrir et aimer des films qui malheureusement passent très souvent sous le nez de ceux qui arrivent à se contenter de ce qu'on leur sert sur de disgracieux plateaux d'argent et à grands renforts de publicité et de bandes annonces grasses et mensongères. 
 
Blue Velvet fait partie de cette catégorie d’œuvres inclassables même si elle demeure aujourd'hui dans sa filmographie comme l'une des plus évidente (et rare) à déchiffrer. Inutile de revenir sur l'interprétation magistrale des acteurs employés ici puisque le cinéaste continue à se fier à des interprètes majeurs du cinéma américain (Isabella Rossellini, Kyle MacLachlane, Dennis Hopper, Laura Dern, Dean Stockwell). La musique signée angelo badalamenti participe elle aussi grandement à l'élaboration de ce rêve (cauchemar?) éveillé qui plonge le commun des mortels dans un univers cérébralement et physiquement éprouvant. Une très granderéussite...

lundi 23 mars 2015

Shell de Scott Graham (2013)



Âgée de seulement dix-sept ans, la jeune Shell vit dans une station-service plantée en pleines Highlands écossaises et construite pour sa mère par son père. Mais depuis qu'elle est âgée de quatre ans, Shell vit seule avec son père Pete depuis que sa mère les a abandonné tous les deux. Entièrement dévouée à son père pour lequel elle éprouve un amour qui dépasse de loin celui de père-fille, Shell l'aide à tenir la station-service. Mis les clients sont rares, et à part Hugh qui passe une fois par mois pour retrouver ses fils que dont son ex-femme à la garde et le Adam qui travaille dans la région, peu sont ceux qui s'arrêtent dans le coin.

Pete fait de régulières crises d’épilepsie. Depuis que son épouse est partie, il arrive difficilement à faire surface. Quand à Shell, elle a appris au fil des années à remplace sa mère. Au point même de vouloir parfois prendre sa place dans le lit de son père. Mais Pete s'y refuse. Jusqu'à un soir où, victime d'une nouvelle crise d'épilepsie, il confond Shell avec sa femme...

Visuellement et d'un point de vue strictement narratif, Shell est une œuvre forte. Puissante mais aussi relativement austère. Les Highlands écossaises servant de décor à ce drame renforcent l'aspect solitaire des protagonistes. Des personnages vivant en marge de la société et sensiblement perdus en un temps imprécis que la toute première phrase de l'actrice Chloe Pirrie vient confirmer. « On doit être vendredi » prononce-t-elle avec son charmant sourire, comme rassurée de trouver enfin quelqu'un à qui parler. L'image presque monochrome vient accentuer la sensation de froideur que dégage le cadre terriblement austère du lieu dans lequel à été tourné le film.

Les dialogues sont rares mais concis. L'histoire va droit à l'essentiel, sans chichis et seuls les regards des deux principaux suffisent à nous faire partager leurs sentiments. Comme ces visages perdus qui toisent la route au moindre bruit de moteur, comme si la mère de l'enfant et l'épouse de l'homme délaissé allait revenir après treize ans d'absence. Il y a aussi cette peur qui transpire de Pete (Joseph Mawle) à l'idée que Shell pourrait un jour décider de partir. Et ce regard un peu timide mais motivé par l'amour du jeune Adam (Iain De Caestecker) envers Shell.

Les amateurs de films d'actions qui risquent de s'endormir devant cette histoire qui paraît aussi plate que les paysages qui lui servent de décors. La mise en scène est à la hauteur du cadre : léthargique, lente et statique. Très peu d'événements viennent éveiller ce « rêve » un peu flou. La vie de ses personnages s'écoule à la même vitesse. C'est peut-être pourquoi les quelques micros anecdotes qui perturbent le quotidien finissent par avoir sur nous-même un impact parfois saisissant. Il se passe tellement peu de choses que cela laisse finalement tout le temps dont a besoin le cinéaste pour développer l psychologie de ses personnages. Et pourtant... oui, pourtant, lorsque l'histoire se termine, on a la sensation de ne pas en savoir davantage qu'au début.

Shell prouve à lui seul qu'avec un minimum de moyens et de formidables interprètes on peut donner naissance à une grande œuvre... 


dimanche 22 mars 2015

Down Terrace de Ben Wheatley (2009)



Bill et Karl sont père et fils et viennent tout juste de sortir de prison pour escroquerie. Pourtant, le retour à la liberté ne va pas se faire sans soucis pour les deux hommes. Ils le savent, quelqu'un dans leur entourage les a trahi. Et ce que Bill et Karl désirent plus que tout, c'est mettre un nom sur celui qui les a conduit en prison. La famille est désormais reconstituée. Bill retrouve son épouse Maggie, quand à Karl, il apprend avec étonnement qu'il va bientôt être père. Décidé à se marier avec Valda, jeune femme avec laquelle il a correspondu lorsqu'il était enfermé, il rêve de changer de vie, quitte à aller vivre ailleurs.

Mes ses parents ont d'autres projets pour leur fils. Bill n'aime pas la nouvelle petite amie de son fils. Il la soupçonne même de porter l'enfant d'un autre, ce que va conforter le ventripotent Garvey qui vit chez eux depuis leur passage en prison. En effet, Valda semble entretenir depuis des mois un contact avec plusieurs prisonniers. La paternité de Karl est donc mise en doute et comme ce dernier est pour l'instant le seul à être au courant des habitudes de sa future épouse, il élimine Garvey en le tuant à coups de marteaux puis demande au frère de Maggie de l'aider à se débarrasser du corps.

La disparition de Garvey ne passe pas inaperçue auprès de l'équipe de malfrats dont faisait partie Bill et Kark et un homme est envoyé de Londres pour leur faire comprendre que la vague de problèmes dont ils sont en train de se rendre coupable est plutôt mal vue. Bill promet de calmer le jeu mais les tension de plus en plus violentes qui naissent au sein de sa famille vont avoir des conséquences terribles sur lui et les siens...

Ben Wheatley n'a que trente-six ans lorsqu'il tourne son tout premier long-métrage Down Terrace. Depuis, il s'est fait connaître avec un thriller particulièrement efficace, Kill List, et une comédie noire décapante, Touristes. Down Terrace s'inscrit, lui, dans un contexte social difficile plutôt réaliste. Une caméra à l'épaule et un éclairage naturel transporte le spectateur au cœur d'un drame familial poignant qui n'empêche pas un certain humour de s'immiscer. L’œuvre montre tous les signes d'une indépendance qui sied si bien à ce genre de production. Le cadrage volontairement imprécis et la multitudes de situations qui font de ces personnages des individus qui nous ressemblent sur certains points font de Down Terrace un film presque immédiatement attachant. Presque immédiatement puisqu'au départ, avouons-le, on s'ennuie un peu sans jamais vraiment savoir au profit de quelles situations le film va tendre.

Le cinéma de Ben Weathley ressemble ici beaucoup à celui d'un autre cinéaste bien connu, lui, celui de Ken Loach. La simplicité des décors et cette manière si peu rechercher de filmer les acteurs est une manière d'amplifier ce qui fait l'essentiel de Down Terrace. En effet, l’œuvre s'appuie surtout sur des dialogues passionnants. Non pas extraordinairement écrits, mais suffisamment documentés pour faire aimer ses personnages. Julia Deadkin, Robert Hill et Robin Hill campent des anti-héros. Entre une mère alcoolique, un père obtus et un fils qui traite son comportement violent à l'aide de médicaments, on ne peut pas dire qu'ici on rêve d'une telle famille. C'est peut-être pourquoi le spectateur s'attache aussi facilement aux personnages. Parce qu'ils se révèlent sur certains points beaucoup plus réalistes et proches de nous que ces belles et beaux personnages que le cinéma américain à l'habitude de nous asséner. Le cinéma britannique de Ben Weathley a ce petit coté brut qui fascine. Un cinéma qui donne la parole à ceux de la classe moyenne. Le film possède de plus une très belle partition musicale essentiellement assurée par des artistes folks. Une première et belle réussite de la part de son auteur et qui promettait déjà de belles choses pour l'avenir...


vendredi 20 mars 2015

Adam's Apples de Anders Thomas Jensen (2005)



Adam quitte le milieu carcéral dans lequel il a été enfermé. Néo-nazi convaincu et fier de l'être, il va passer quelques temps auprès de Yvan, homme d'église à la foi inébranlable qui recueille d'anciens prisonniers afin de faciliter leur réinsertion une fois leur liberté recouvrée. Mais entre les deux hommes, la rencontre se passe mal. D'un coté il y a ce pasteur convaincu de pouvoir « sauver » l'âme du second. De l'autre, il y a ce nazi qui affiche clairement ses positions et qui va tout tenter pour briser la foi de son sauveur.
A leur côté, il y a Gunnar, un ancien tennisman déchu et Khalid, un jeune pakistanais spécialisé dans l'attaque de stations services.

Yvan propose à Adam de trouver un objectif simple qu'il devrait accomplir durant son séjour. Avec un brin d'ironie, Adam propose à son bienfaiteur de faire un gâteau aux pommes. Ce qui tombe assez bien puisque le jardin qui entoure l'église possède un pommier qui demande beaucoup d'attention. Adam devra par conséquent s'en occuper jusqu'au premier août, jour où il pourra recueillir le fruit de ses efforts et ainsi préparer une tarte aux pommes...

L’œuvre de Anders Thomas Jensen (Les Boucher Verts), contrairement aux a priori que pourrait susciter une telle histoire, n'est pas le simple film trash auquel on pourrait s'attendre. Cette histoire vieille comme le monde entre le Bien et le Mal ici personnifiés par un ex-taulard néo-nazi et un pasteur aveuglé par la foi est une petite pépite. De celles qui se font si rares que le seul fait de pouvoir en être le spectateur est un privilège. Une caractéristique propre à celle et ceux qui fouinent un peu partout pour trouver la perle rare où qui ont dans leur entourage des relations assez généreuses pour partager avec d'autres leurs découvertes.

Adam's Apples est une merveilleuse fable au cynisme peut-être maintes fois vu dans ces grands cinémas que sont ceux des pays scandinaves et qui n'en doutons pas, parviennent à se hisser tout aussi haut qu'un certain cinéma belge (Au Nom Du Fils en étant un parfait exemple) mais ô combien efficace. Anders Thomas Jensen aurait pu noyer son œuvre dans un amoncellement d'actes trash et violents et la rendre ainsi invisible mais ce qui fait en réalité la force de ce petit bijou est justement ce mélange des genres qui nous submerge. Mads Mikkelsen, décidément extraordinaire quelque soit le rôle qui lui est confié, joue ce pasteur à la foi inébranlable victime de maux qui pourtant ne parviennent pas à le faire plier (il est atteint d'un mal incurable et est le père d'un enfant handicapé physique et mental). Face à lui, Ulrich Thomsen en néo-nazi ulcéré, voire halluciné face à cette incompréhensible implication religieuse dont fait preuve son bienfaiteur. A leurs côtés, des seconds rôles épatants : Ali Kazim dans celui de Khalid et Nicolas Bro dans celui de Gunnar.

Du trash, si vous en voulez, il y en aura. Mais pas de ceux qui naissent dans l'unique volonté de choquer. Ici, tout est histoire de sensibilité et de finesse. C'est peut-être, avec cet aspect de l’œuvre, ce mélange des genres cité plus haut qui rend chacun d'eux d'une force exceptionnelle. Cet homme d'église qui tend l'autre joue alors qu'il vient de subir un passage à tabac en règle, plutôt que de revêtir cette agaçante image de chrétien vivant hors du temps se trouve être en réalité particulièrement attachant. Tout comme ce néo-nazi d'ailleurs qui trouve auprès des spectateurs cet attachement qui peut-être lui a manqué plus jeune et l'a poussé dans les bras d'une frange politique extrémiste.

Naît alors une relation presque fusionnelle entre deux hommes que tout sépare. Une union impensable que la caméra filme avec beaucoup d'intelligence et d'émotion. De cette dernière d'ailleurs, on retiendra qu'elle nous scotche à la fin de l’œuvre, à ce moment très précis où l'on pense que tout est fini et qui nous cueille sans crier gare.
Anders Thomas Jensen est un homme généreux, peu avare, tout comme le sont ses acteurs. On sourit, on rit même parfois très fort (le chat qui fait les frais de la chasse aux corbeaux orchestrée par Khali), on admire avec quelle fragilité certaines scènes tiennent la route (tous ces moments d'intimité vulnérable que partagent les deux principaux acteurs), bref, on passe un merveilleux moment de cinéma...

Tusk de Kevin Smith (2014)



Wallace Bryton est un célèbre podcaster américain. Surtout connu pour interviewer des hommes et des femmes en marge, le jeune homme se rend au Canada afin d'y interviewer une nouvelle personne. Malheureusement pour, lui, ce dernier s'est donné la mort deux jours plus tôt. Désemparé et sur le point de repartir pour mes États-Unis, l'attention de Wallace est attirée par un mot accroché sur le mur des toilettes publiques d'un bar. Un certain Howard Howe y raconte son désir de partager ses souvenirs. Intrigué, le podcaster téléphone au vieil homme pour convenir d'un rendez-vous. Après deux heures de route, Wallace arrive enfin dans la luxueuse demeure de Howe.

L'homme est tétraplégique et se déplace en fauteuil roulant. Aprè avoir offert du thé à Wallace, Howard commence à lui parler de son passé. Notamment de sa rencontre avec Ernest Hemingway sur un bateau, et surtout de sa passion pour les morses depuis qu'il s'est retrouvé échoué sur une ile. En effet, d'après ses dires, c'est bien grâce à l'un d'entre eux qu'il a eu la vie sauve.

Ce que ne sait pas encore Wallace, c'est que Howe déteste l'humanité. Celui-ci a mis un somnifère dans son thé et le jeune homme ne tarde pas à s'endormir. A son réveil, Wallace n'a plus de jambes. Howard Howe a déjà commencé à travailler sur son projet : transformer Wallace en morse.
N'ayant plus de nouvelles de leur ami, Allison Leon et Teddy Craft se rendent au Canada afin de le retrouver...

Avec un tel sujet, le cinéaste Kevin Smith ne pouvait donner naissance qu'à un film barré. Et dire que Tusk l'est est un euphémisme. L'homme qui tourna vingt ans plus tôt le cultissime Clerks, les employés modèles met en scène des personnages tout droit sortis de cette frange du cinéma comique américain que l'on peut ou pas apprécier. Tusk est donc un curieux mélange de comédie, de drame et d'horreur. Presque majoritairement rejeté par le public, on peut se demander pourquoi l’œuvre s'est retrouvée si malmenée. Kevin Smith endosse un temps le rôle de fils spirituel de Tom Six qui s'est rendu responsable de la crapoteuse trilogie The Human Centipede qui, rappelons-le, mettent en scène des timbrés désireux de transformer des hommes et des femmes en mille-pattes !!!

Là ou Tom Six donnait dans le franchement glauque, Kevin Smith lui, injecte suffisamment d'humour pour désamorcer l'horreur de la situation. Peut-être cela en a-t-il gêné certains, toujours est-il que la mayonnaise prend plutôt bien. Autre reproche formulé : l'abondance des dialogues. Ben ouais, ça parle, et même beaucoup. Mais alors que les conversations (lorsqu'il ne s'agit pas des monologues du dingue de service) prennent en otages ceux qui auraient aimé un peu plus d'action et moins de bavardage, l'écriture nous épargne tout de même de devoir nous assoupir. Le personnage de Howerd Howe campé par Michael Parks est suffisamment barré pour que la moindre de ses interventions nous interpelle. Tusk est aussi marquant pour ses ruptures de ton. On passe de la comédie adolescente et boutonneuse à l'horreur pure d'une salle d'opération qui voit le héros Wallace (Justin Long) se faire charcuter par un type un peu trop amoureux des animaux. La créature est presque grotesque dans sa conception et fait plus rire que pleurer.

On remarquera la présence de l'excellent Johnny Deep qui une fois de plus endosse un rôle des plus original. Ce qui donne une fois encore l'occasion au cinéaste de créer une rupture. Si l'apparition de l'acteur semble en avoir incommodé certains, il faut reconnaître que sa présence donne quand même un sacré coup de main à une œuvre qui connaît très vite des limites et que seul Johnny Deep parvient à masquer. Tusk demeure une œuvre atypique, pas vraiment drôle pour celui qui n'aime déjà pas particulièrement l'humour post-adolescent venus des States, pas du tout effrayante non plus, et encore moins compatissante envers son héros martyrisé. Et pourtant, quelque chose fait que l'on s'y attache un peu. Comme ces films faits de bouts de ficelle, avec juste ce qu'il faut d'amour pour que la recette fonctionne...


Coup De Tête de Jean-Jacques Annaud (1979)




"Coup de tête" est le type même de film qui n'a aucune chance de voir les pro-football se réconcilier avec ceux pour lesquels le simple fait d'en parler provoque chez eux une poussée d'urticaire. Et même s'il l'on est loin du portrait parfois proposé d'un milieu où l'argent et le pouvoir sont mis en avant de manière scabreuse, même si l'on est plus proche de la comédie que du drame, il arrive parfois d'éprouver un malaise devant le comportement abjecte de certains lorsqu'il s'agit de mettre en avant les intérêts d'un sport quitte à mettre en péril l'existence de gens qui n'en demandaient pas tant plutôt que d'y voir l'aspect passionné et fantasmé d'un sport qui pousse des millions de personnes au portes des stades et derrière leur petit écran de télévision. 
 
On s'effraie à la seule pensée que ce que va vivre François Perrin puisse un jour être vécu par un homme au delà de la fiction. Joueur de football dans l'équipe de Trincamp, il va un jour avoir le malheur d'être pris à parti par le leader de l'équipe, Berthier. Homme d'une suffisance et d'une prétention absolument remarquables, ce dernier, lors d'un entraînement de foot va simplement réclamer que Perrin soit viré du stade après que celui-ci l'ai bousculé involontairement et l'ai fait ainsi chuté sur la pelouse. Évidemment, Berthier étant le meneur de l'équipe, c'est avec empressement que les responsables signifient à Perrin qu'il est préférable pour lui de quitter le terrain. Pire. Il va se retrouver viré de l'équipe, et même de l'usine où il travaille, cette dernière appartenant au président du club.

Après un court passage par le bar où l'équipe de football à ses habitudes et lors duquel il se fait proprement insulter par les supporters ainsi que par l'équipe de foot de Trincamp, Perrin décide de tout plaquer et d'aller voir ailleurs si l'air est meilleur à respirer. Toutefois, avant d'avoir pu quitter la ville, il est arrêté par la police, accusé d'un viol dont il est innocent et qui en réalité a été perpétré par Berthier. Mais comme le club compte sur ce dernier pour le championnat de France qui se prépare, on préfère faire porter le chapeau à Perrin qui de ce fait se retrouve très vite en prison. 
 
Quelques temps plus tard, un car doit mener l'équipe de Trincamp vers un match qui doit se dérouler à l'extérieur et alors que les supporters qui accompagnent les joueurs dans un autre car chantent et boivent plus que de mesure, l'un d'eux provoque un accident et le leader de l'équipe se blesse ne pouvant par conséquent plus assurer son rôle sur le terrain. Alors que Perrin croupi toujours en prison et que les dirigeants du club se demandent qui pourrait bien remplacer les quelques joueurs blessés au pied levé, l'un d'entre eux émet une bien drôle d'idée : Faire sortir Perrin de prison et lui demander de participer au match... 
 
Réalisé par le grand Jean-Jacques Annaud, "Coup de tête" n'est pas le petit film sans prétention qu'il semble être. C'est d'une critique féroce dont il s'agit ici. On se demande si l'argent et le pouvoir permettent à ceux qui en détiennent les clés de manipuler à leur aise l'ordre établit et on ne peut que constater avec désœuvrement que malheureusement c'est très souvent le cas. Le choix des acteurs est plus que judicieux. Tout d'abord Patrick Deweare campe Perrin de façon magistrale et crédible. Vient ensuite un vivier d'acteurs qui ont tous la gueule de l'emploi. Ils jouent avec justesse leur rôle de flic ou de dirigeant de club plus véreux les uns que les autres. On y croit sans hésitation et c'est peut-être la raison principale pour laquelle un sentiment d'injustice nous assaille lorsque l'on assiste à la chute vertigineuse de Perrin. Mais c'était sans compter sur le revirement scénaristique tout à fait jubilatoire du film puisque ce dernier va mener finalement l'équipe de Trincamp à la victoire. Et c'est alors qu'on lui déroule le tapis rouge. Mais loin d'être stupide, Perrin n'a pas oublié le traitement qui lui a été infligé peu de temps auparavant et c'est en secret qu'il va préparer une vengeance à la hauteur de ce qu'il à subit...

Un pur régal.

mardi 17 mars 2015

Fanny de Daniel Auteuil (2012)



Fanny apprend qu'elle attend un enfant de l'homme qu'elle aime. Mais Marius, lui, est déjà loin, parti pour l'archipel des îles Sous-le-Vent. Voilà presque deux mois que le fils de César a quitté le vieux port de Marseille. Chaque jour, le propriétaire du bar de La Marine fait les cents pas dans l'espoir de recevoir une lettre de son fils. Niant l'évidence, c'est alors qu'il désespère d'en recevoir une que fanny lui remet le courrier que lui a mis entre les mains le facteur.

Lorsque Honorine apprend que sa fille est enceinte, c'est le drame. Marius parti, voilà Fanny dans une position plus qu'inconfortable. Il lui faut absolument préserver l'avenir de son futur enfant et laver le déshonneur qui risque de s'abattre sur sa famille lorsque dans le village, les gens apprendront que le bébé à venir n'a pas de père. C'est pourquoi Fanny et sa mère finissent par accepter la demande en mariage d'Honoré Panisse. Le vieil homme espère ainsi pouvoir être père, assurant de pouvoir s'occuper du futur enfant de la jeune femme...

Deux années passent lorsque Marius refait surface. Après être passé voir César, il part retrouver Fanny, celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Mais les retrouvailles vont être douloureuses, le jeune homme apprenant que l'enfant du couple n'est autre que son propre fils...

Suite directe de Marius, Fanny est toujours réalisé par Daniel Auteuil. Inspiré lui aussi de l’œuvre éponyme de Marcel Pagnol, le film s'ouvre sur la scène qui vit se clore la première partie. Si Marius donnait surtout la part belle à Daniel Auteuil, Raphaël Personnaz et Marie-Anne Chazel, Fanny offre une opportunité plus grande à Victoire Bélézy et Jean-Pierre Darroussin de s'exprimer. Et dire que le duo s'en donne à cœur joie pour donner à l'écran le meilleur d'eux-même est une vaine expression tant leur talent explose à l'image. Victoire Bélézy est magnifique. Belle dans la tristesse qu'exprime son personnage, elle est une Fanny extraordinairement convaincante.

Jean-Pierre Darroussin est quand à lui un Honoré Panisse encore plus épatant que dans un premier volet où même son interprétation semblait parfois hésitante. Ici, son verbe ne faillit pas et l'on est chaviré par les implications personnelles et la morale de son personnage. Celui que l'on ne découvrait peut-être que comme un homme très intéressé à l'idée d'épouser une femme beaucoup plus jeune que lui est désormais ce "vieillard" qui dans l'urgence nous fait comprendre la nécessité d'épouser Fanny et d'endosser le rôle du père d'un enfant qui n'est pourtant pas de lui.

Si Fanny se révèle peut-être un peu moins passionnant dans une très grosse partie de l’œuvre, la dernière demi-heure rattrape aisément ce petit retard. En effet, le spectacle que nous offrent les quatre principaux acteurs de cette suite est simplement magnifique. L'interprétation, les dialogues et le cadre, tout concours à faire de cette dernière partie un moment inoubliable. Fanny, tout comme Marius, respire la générosité. Entre les acteurs, aucune compétition. Chacun s'offre avec générosité, sans arrière pensée, faisant de son personnage un être qui nous est immédiatement attachant. Daniel Auteuil réalise avec cette Fanny une suite à la hauteur du premier volet et surtout un bel hommage au cinéma et au théâtre de Marcel Pagnol.

C'est dire si l'on attend avec impatience le troisième et dernier volet de cette Trilogie Marseillaise que Daniel Auteuil lui-même devrait réaliser...

samedi 14 mars 2015

Marius de Daniel Auteuil (2012)



César est le propriétaire du Bar de La Marine qu'il tient aux cotés de son fils Marius. Ce dernier rêve de prendre un bateau et de partir pour l'archipel des îles Sous-le-Vent depuis qu'un soir, un voilier s'est amarré emportant du bois des Antilles. En causant avec les membres de l'équipage, ceux-ci ont donné à Marius l'envie de découvrir leur pays.
Mais en secret, le jeune homme est amoureux de la belle Fanny qu'il connaît depuis qu'ils sont tout petits. Elle aussi d'ailleurs est amoureuse. Pourtant, leur amour semble impossible. Marius se refuse à elle car qu'il espère chaque soir prendre le large pour l'archipel tant rêvé. Fanny, elle, est promise à Honoré Panisse, un vieil ami de César. Riche, le cinquantenaire et Honorine, la mère de Fanny se sont mis d'accord pour que le vieil homme et la jeune femme se marient.

Mais Marius se refuse à l'idée de voir Fanny épouser Honoré Panisse. C'est pourquoi il décide de ne plus partir malgré l'opportunité qui s'offre à lui de prendre un bateau. Heureuse et désemparée à la fois, Fanny est incertaine de vouloir retenir Marius et le voir vivre à ses cotés, plein de regrets de n'avoir pas pu vivre son rêve...

Second long-métrage de Daniel Auteuil en tant que réalisateur après La Fille Du Puisatier, Marius est l'occasion une nouvelle fois pour lui de pénétrer le merveilleux univers de Marcel Pagnol. Bien qu'il ait eu une solide carrière derrière lui, c'est véritablement grâce à Claude Berri et à son adaptation du diptyque Jean De FloretteManon Des Sources que l'acteur a pu étaler pour la première fois au grand jour l'immensité de son talent. C'est ainsi que plus de vingt-cinq ans plus tard il tourne sa propre vision de la trilogie marseillaise du célèbre auteur aubagnais. On retrouve tout ce qui fait le charme des œuvres de son auteur original. Marius, avant d'être un formidable remake joué par de non moins fantastiques interprètes fut une pièce de théâtre en trois actes de Marcel Pagnol achevée en 1928 et présentée l'année suivante. Une adaptation cinématographique est tournée trois ans plus tard par Alexandre Korda lui-même. D'autres cinéastes s’empareront à leur tour de cette tragique histoire d'amour jusqu'en 2013, année durant laquelle Daniel Auteuil en donne une version particulièrement réussie.

A ses cotés, Daniel Auteuil s'arme d'une ribambelle d'actrices et d'acteurs talentueux, et non des moindres : Marie-Anne Chazel, méconnaissable dans le rôle d'Honorine Cabanès, Jean-Pierre Darroussin dans celui d'Honoré Panisse, Rufus en Piquoiseau ou encore Daniel Russo en Capitaine de bateau Félix Escartefigue. Marius n'a rien de véritablement réel à se reprocher. Raphaël Personnaz et Victoire Bélézy (respectivement Marius et Fanny dans le film) campent deux jeunes amoureux que l'émotion et l'amour trahissent avec beaucoup de justesse. On partage avec eux leurs sentiments et la détresse de ce qui pourrait mettre en péril leur amour.

Daniel Auteuil offre une reconstitution fidèle de l'époque. Les décors son magnifiques bien que trop peu exploités, l'essentiel de l’œuvre étant filmée à l'intérieur du fameux bar de La Marine. On notera avec quelle justesse le réalisateur parvient à moderniser un récit vieux de plus de quatre-vingt ans. Mais les histoires d'amour ne sont-elles pas toutes éternelles ?

Frais, léger, plein d'un humour Pagnolesque, d'une certaines tendresse et d'une émotion très marquée, Marius est un petit bijou qui fait honneur à celui qui en écrivit l'histoire quatre-vingt trois ans plus tôt...


Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...